Gerrit Kouwenaar
lauréat du Prix des Lettres Néerlandaises
Fin 1989, le roi Baudouin remettra au poète Gerrit Kouwenaar le trisannuel Prix des Lettres Néerlandaises, la plus importante distinction littéraire de Flandre et des Pays-Bas.
Né en 1923 à Amsterdam, le jeune poète Gerrit Kouwenaar, rejoignit le Groupe Expérimental (Experimentele Groep) hollandais, qui adhéra vers 1949 au mouvement international COBRA. Le Mouvement des Années Cinquante (Beweging van Vijftig) comme on appellerait plus tard la génération de Kouwenaar, féru d'expérimentation, a profondément modifié l'aspect de la poésie néerlandaise. On pourrait parler d'une manoeuvre de rattrapage. Pour la première fois depuis des poètes comme Paul van Ostaijen et Theo van Doesburg, la poésie néerlandaise, qui, entre les deux guerres mondiales, semblait à quelques exceptions près s'être enfermée dans sa province, cherchait à rejoindre la poésie internationale et y parvenait effectivement, les acquis du surréalisme notamment se voyant offrir de sérieuses chances sur le sol néerlandais. Gerrit Kouwenaar ne s'est pas contenté de démontrer l'intérêt d'une ‘autre’ poésie dans ses créations personnelles, il est aussi avec le poète et essayiste Paul Rodenko quasiment le seul poète qui se soit livré à une approche également théorique de la nature, de la fonction et des possibilités d'une nouvelle poésie.
Dans les années après 1960, il est apparu de plus en plus clairement que Gerrit Kouwenaar, tout comme les écrivains de sa génération Lucebert, Jan G. Elburg, Hugo Claus, Bert Schierbeek et Remco Campert, après avoir constitué un groupe politico-littéraire, souhaitaient suivre leur propre voie. L'oeuvre de Kouwenaar s'orienta vers une forme de lyrisme apparemment objectif, qui préfère parler de ‘on’ que de ‘je’, mais dont la froideur et la réserve sont à mon sens fortement exagérées dans la critique littéraire. Toujours est-il que Gerrit Kouwenaar, qu'on peut comparer dans la poésie anglaise à quelqu'un comme Wallace Stevens et dans le lyrisme français peut-être à un poète comme André du Bouchet, n'a cessé de se concentrer sur le matériau avec lequel le poète travaille: le poème est au premier chef constitué de mots. La poésie crée une nouvelle réalité, ouvre de nouvelles perspectives, suscite de nouvelles émotions. La langue permet une ‘métaphysique terrestre’, elle donne sens et signification à la réalité, en dehors d'elle il n'est pas possible de donner un sens. C'est la raison pour laquelle la langue dans les poèmes de Kouwenaar est toujours explorée jusqu'en ses limites et testée dans ses capacités d'élargissement.
Aux grands thèmes de cette poésie appartient l'illusion que le poème, tout comme la photographie, est capable de maintenir l'espace d'un instant hors de combat le temps qui efface et engloutit tout. Le temps semble alors se figer dans un ‘éternel présent’. La rythmique très personnelle et très reconnaissable de la langue de Kouwenaar rend prodigieusement audible et sensible le tic-tac incessant du temps et la tentative poétique de le ralentir et de l'arrêter tout à fait.
Je vois dans la poésie de Kouwenaar une expression aussi vigoureuse que mélancolique d'acceptation de la vie et d'aspiration à l'éternité. Ce qui n'exclut pas l'humour:
‘Qui ne gargote pas est poli
Voilà déjà bien longtemps que Gerrit Kouwenaar passe une partie de l'année dans l'Hérault avec son épouse Paula. Le paysage du sud de la France est assez largement entré dans la poésie de Kouwenaar, ce qui confère parfois, si l'on peut dire, comme une lettre majuscule à