Septentrion. Jaargang 15
(1986)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdKarel Jonckheere, octogénaire éclectique sereinLe 9 avril 1986, le poète flamand Karel Jonckheere, qui doit sa vocation poétique principalement au grand élégiaque Karel van de Woestijne, a fêté ses 80 ans. Son oeuvre poétiqueGa naar eind(1) se présente comme un témoignage autobiographique sous forme de confession lyrique, conçue essentiellement comme un complément à la vie dans le contexte d'une incessante quête de soi. La mer - il est né à Ostende -, la nature, les liens familiaux - plus particulièrement avec la mère -, la perte de la foi, la solitude, le mariage demeurant stérile, le désir de la continuité, en constituent les thèmes majeurs. La forme est généralement traditionnelle. Méfiant à l'égard de la sensibilité romantique, le poète cherche à contrôler ses sentiments et émotions par la sobriété dans l'expression de l'imperfection et de l'insatisfaction humaine, tout en préservant la tension poétique. Cette première période culmine dans le recueil De hondenwacht (1951 - Le quart de minuit), où le poète approfondit sa thématique, formule sa mélancolie essentielle et s'interroge sur son art. En 1946, Jonckheere quitte l'enseignement, devient inspecteur des bibliothèques publiques - il a toujours beaucoup oeuvré en faveur de la promotion du livre en Flandre. Nommé conseiller littéraire à l'Administration des arts et des lettres au département de l'Education nationale en 1958, il est chargé, en 1964, de la promotion de la traduction de la littérature flamande à l'étranger. A cet égard, en dépit des critiques que son action a pu susciter, il a fait oeuvre d'innovateur et préfiguré les relations culturelles internationales qui se sont développées et officialisées depuis. Vers 1950, Jonckheere refait sa vie. En 1951 naît un fils, frappé de cécité, auquel il se consacrera pleinement. Le poète aussi revit et se libère sur le plan formel: vers libres, associations de mots et d'images. Sa poésie se fait plus parlante. Cherchant à établir une harmonie entre individu et univers, le langage se fait plus concret et ciselé - les sens, les yeux surtout, jouent un rôle important - pour nommer et appréhender la réalité. La Roumanie fait office de symbole de tous les ailleurs. Au fond mélancolique fait contrepoids une ironie relativisante, qui permet de supporter une tristesse virile. La poésie l'aidant à abolir le temps, le poète adhère progressivement à la vie, qu'il se résigne à accepter positivement dans une sérénité patiemment acquise.Ga naar eind(2) Ayant débuté par une pièce de théâtre, Jonckheere est l'auteur de nouvelles et de récits de voyage, a été très actif comme critique et essayiste, a composé plusieurs anthologies. Il a consacré plusieurs ouvrages aux relations linguistico-culturelles flamandonéerlandaises, domaine dans lequel il a développé une activité intense. Il a réalisé de nombreuses traductions et, en les réécrivant, rendu accessibles au grand public nombre d'anciens chefs-d'oeuvre de la littérature flamande. Esprit caustique friand de paradoxes, il pratique volontiers l'aphorisme. Six volumes de mémoires et d'innombrables articles épars font, enfin, de ce maître de l'anecdote
Karel Jonckheere (o1906).
un éminent chroniqueur de la vie culturelle flamande. Personnage énigmatique, espiègle, déconcertant, curieux de tout et doué d'une mémoire d'ordinateur, polyglotte habitant littéralement sa langue maternelle, qu'il manie de manière très ludique, improvisateur talentueux et causeur intarissable, mélancolique hyperactif d'une grande mobilité physique aussi bien que spirituelle, cet anticonformiste toujours sincère mais masqué a souvent provoqué les malentendus et controverses qui l'entourent. Flamand au flamingantisme discret mais opiniâtre, il a toujours, comme en se jouant, cherché à franchir des barrières et des frontières tant pour lui-même qu'en vue du développement culturel de son peuple. L'écrivain occupe une place quelque peu marginale, et le poète n'est certes pas toujours apprécié à sa juste valeur, mais cela aussi, Jonckheere l'aura relativisé depuis longtemps déjà, de sorte qu'il puisse dire: ‘Je préfère vivre mes vers que de devoir les écrire’. Willy Devos | |
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Karel Jonckheere. Traduit et préfacé par Henry Fagne, éditeur (Poètes néerlandais), Bruxelles, 1967. |
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