Arts plastiques
Chambres d'amis
Que la ville de Gand ait coutume de chouchouter les artistes, voilà ce qu'Albrecht Dürer avait déjà pu constater, à son profit, en 1520. Partant de l'idée: ‘A Gand, il y a toujours une chambre de libre pour Albrecht Dürer’, Jan Hoet, conservateur du Musée d'Art Contemporain à Gand, conçut le dessein d'inviter cinquante artistes de réputation internationale à créer une oeuvre d'art dans autant de maisons gantoises, gracieusement mises à leur disposition par les habitants. L'ensemble du projet fut baptisé Chambres d'amis.
Sans chercher à faire fi des fonctions spécifiques du Musée d'Art Contemporain, les organisateurs de
Chambres d'amis se sont attachés à montrer que l'art actuel peut également fonctionner dans une ambiance et un espace privés. Dans le même temps, la collaboration enthousiaste entre le musée et les habitants précités a largement contribué à légitimer la vocation particulière d'un musée d'art contemporain érigé dans l'enceinte d'une ville historique telle que Gand. Le musée assure la continuité historique d'une tradition artistique englobant aussi bien les Primitifs flamands que les expressionnistes de l'école de Lathem. Cette même continuité historique se reflète peut-être le plus fidèlement dans l'architecture et l'évolution urbanistique d'une ville qu'à l'occasion de
Chambres d'amis les visiteurs ont la faculté
Joseph Kosuth: Chambre Vereecke, Coupure 90.
d'apprendre à mieux connaître. Les propriétaires accueillants n'habitent pas tous les maisons cossues alignées le long de la Coupure. Certains occupent des logements ouvriers situés dans les quartiers plus industrialisés du port. Le visiteur peut ainsi s'initier aux divers aspects de telle ou telle forme d'habitat.
Que la nature même de l'exposition ait profondément marqué les créations des artistes participants, quoi de plus positif? Toutefois, il n'y a pas que le choix de ses espaces d'accueil qui confère à l'exposition son caractère exceptionnel. Celui-ci est dû avant tout au fait que les habitants eux-mêmes furent témoins d'un processus artistiques auquel, involontairement et sans s'en rendre compte, ils avaient été en quelque sorte associés.
Tout cela a résulté dans une exposition de très haut niveau dont l'accessibilité plus large qu'à l'accoutumée n'a causé aucun préjudice à la qualité des oeuvres présentées. Afin de mettre en relief la fonction spécifique d'un musée, en rupture totale avec le caractère privé du logement individuel, le Musée d'Art Contemporain expose sa propre collection qui comprend également des oeuvres d'artistes participant à Chambres d'amis. Au total, le visiteur se voit offrir un excellent aperçu des divers courants artistiques, tels qu'ils se sont manifestés au cours des dernières décennies. Vu le caractère spécifique de l'exposition, on a surtout fait appel à des artistes tridimensionnels, au grand dam de l'énorme production picturale de ces dernières années, presque complètement éclipsée. A part l'arte povera, la mythologie individuelle, l'art conceptuel et le minimal art (principaux piliers sur lesquels s'est édi-