‘La poésie francophone de Belgique 1804-1884’
Les auteurs de cette anthologie estiment qu'à chaque génération le bilan d'une poésie nationale a besoin d'être refait. Les sensibilités ont changé, qui font surgir des poèmes inaperçus autrefois, qui font sombrer des poèmes dont la renommée nous semble surfaite.
Pour ce premier volume, Liliane Wouters, poétesse et dramaturge, et Alain Bosquet, poète et romancier, se sont limités aux auteurs nés entre 1804 et 1884, soit à un corpus d'environ deux cents recueils. L'originalité de leur choix réside dans le désir d'exhaustivité: ils prétendent donner, pour la période délimitée, à peu près tous les poèmes qui méritent d'être lus! Résistent à ce tri sévère seize poètes, dont deux doivent se contenter de deux textes. Sur les seize retenus, la moitié peut être dite, avec plus ou moins de raison, d'origine flamande. Et sur l'ensemble de cette anthologie de 350 pages, ces poètes flamands remplissent à peu près les deux tiers. Les choix n'ont rien de surprenant: on y rencontre entre autres Emile Verhaeren (pp. 13-78), Georges Rodenbach (pp. 79-122), Max Elskamp (pp. 145-204), Maurice Maeterlinck (pp. 205-223) et Franz Hellens (pp. 309-321). De chaque poète est brossé un rapide portrait, le présentant honnêtement, avec ses qualités et ses défauts. Signalons que ces notices ne font jamais état de l'ascendance flamande ou wallonne des poètes traités: c'est que les auteurs ont estimé à juste titre que dans une anthologie qui se veut éclectique seule la valeur esthétique doit intervenir. Une considération analogue explique sans doute pourquoi l'on a opté pour la version définitive des poèmes et non pour l'originale: dans un florilège, l'évolution éventuelle des poèmes n'est pas pertinente. En revanche, les auteurs ont respecté grosso modo l'ordre chronologique de la parution des poèmes, de sorte que, pour Verhaeren par exemple, le lecteur peut suivre les pérégrinations du
poète à travers ses diverses thématiques et esthétiques.
Outre ces seize poètes auxquels nous venons de faire allusion, on en trouve encore une douzaine cités pour mémoire (pp. 329-345). Ces poètes, tels un Emile van Arenbergh ou une Marie Gevers, sont représentés par un seul poème qui a pu jouer un rôle anecdotique.
On pourra toujours estimer que tel poème y figure à tort et que tel autre aurait dû être retenu (tel le fameux Aux Flamandes de Verhaeren). Mais c'est une considération bien vaine, chaque amateur de poésie faisant évidemment sa propre anthologie. Le seul regret, mineur, que nous ayons, c'est que les auteurs ont négligé de mentionner les recueils où ils ont cueilli leurs poèmes. Si un amateur de poésie tombe en arrêt devant tel ou tel poème, n'essayera-t-il pas de retrouver le recueil, d'y situer le poème en question, d'en voir les prolongements dans d'autres? C'est peutêtre là une lacune à combler dans les volumes à venir?
Vic Nachtergaele
La poésie francophone de Belgique 1804-1884, anthologie réalisée par Liliane Wouters et Alain Bosquet, Editions Traces, Bruxelles, 1985, 359 p.