A l'automne 1980, Europalia, festival bisannuel bruxellois destiné à faire connaître la culture d'un pays européen, était consacré à la Belgique même, à l'occasion du cent cinquantenaire du royaume. C'est dans ce cadre que De Keersmaeker s'est fait connaître avec Asch, ‘un projet de théâtre dans lequel le jeu d'une danseuse et d'un acteur s'entrecroisent à partir d'une unité non narrative’. Avec Jean-Luc Breuer, elle y exprimait ‘l'étonnement assourdi d'une petite fille têtue et d'un grand aviateur blessé’. Dans Asch, expliquait un texte d'accompagnement, ‘on trébuche avec la plus grande précision possible’. L'oeuvre avait été conçue en fonction de l'espace du Nieuwe Workshop d'alors. Le spectacle n'a connu que quatre ou cinq représentations. La presse ainsi que le public se sentaient un peu dépaysés, mais l'essentiel, c'est qu'on avait entendu un nouveau son de cloche.
L'année d'après, Anne Teresa a franchi plusieurs fois l'océan. Elle est allée suivre des cours à la School of Arts de la New York University et a figuré dans Jelly Bean Red, White and Blue de Mel Wong ainsi que dans la reconstruction de The Magnificent Cuckold de Meyerhold au musée Guggenheim. A New York, elle a rencontré des musiciens de Steve Reich, compositeur de musique minimale et répétitive. S'inspirant de compositions antérieures de cet artiste, elle a conçu Fase, four mouvements on the music of Steve Reich. En 1981, elle créa un de ces mouvements, un solo sur Violin Phase, dans la métropole américaine.
C'est en collaboration avec Michèle Anne de Mey, également ancienne élève de Mudra, qu'Anne Teresa de Keersmaeker danse l'oeuvre complète au cours de l'année 1982 en Belgique, aux Pays-Bas, en France et au festival international
Dance Umbrella à Londres. Au dire de John Perceval,
Fase y a fait sensation. L'oeuvre de la jeune Flamande était considérée comme meilleure production du festival. Les quatre parties sont
Piano Phase (1967),
Come Out (1966),
Violin Phase (1967) et
Clapping Music (1972). Les dates entre parenthèses renvoient aux années où Reich a composé ces pièces, respectivement pour piano, synthétiseur, violon et battements des mains. Dans sa chorégraphie, De Keersmaeker a suivi la ‘Phase Shifting’, le
‘Fase, four mouvements on the music of Steve Reich’. Chorégraphie d'Anne Teresa de Keersmaeker. Avec Michèle Anne de Mey et Anne Teresa de Keersmaeker (Photo Jean Luc Tanghe).
‘Rosas danst Rosas’. Chorégraphie d'Anne Teresa de Keersmaeker. Avec Fumiyo Ikeda, Nadine Ganase, Roxane Huilmand et Anne Teresa de Keersmaeker (Photo Jean Luc Tanghe).
‘Rosas danst Rosas’. Chorégraphie d'Anne Teresa de Keersmaeker. Sur la photo: Michèle Anne de Mey (Photo Jean Luc Tanghe).