Septentrion. Jaargang 15
(1986)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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SociétéAvis aux bruxellologuesA la suite d'une francisation active sous la domination française (1794-1815), qui s'accentua encore après l'indépendance de la Belgique, Bruxelles, ville historiquement flamande, devint l'émanation et le symbole de la bourgeoisie francophone politiquement prédominante. Capitale officiellement bilingue depuis 1932, Bruxelles est aujourd'hui l'épicentre du conflit opposant les deux communautés linguistiques qui constituent l'Etat belge - incapables de se mettre d'accord sur le statut institutionnel à lui conférer - et sert d'enjeu à un combat politique intense. Cette lutte pour le pouvoir a tendance à se focaliser sur des schémas simplificateurs qui couvrent cependant une réalité extrêmement complexe aux multiples aspects sociaux, économiques, démographiques, politiques, psychologiques et linguistiques. C'est à l'étude du processus de francisation de Bruxelles à la lumière de ces différents facteurs que s'attache, depuis 1978, le Centre interdisciplinaire pour l'étude des problèmes linguistiques bruxelloisGa naar eind(1), issu d'un projet de recherche mis sur pied en 1977 par le groupe d'histoire contemporaine de la section flamande de l'Université libre de Bruxelles, devenue autonome en 1970, et qui se transforma vite en un travail d'équipe multidisciplinaire. Le centre créa sa publication propreGa naar eind(2) et organisa en 1981 un colloque qui a stimulé la collaboration avec d'autres universités et instituts de recherche. En mai 1983, il participa à un colloqueGa naar eind(3) organisé par le Centre international de recherches sur le bilinguisme de l'université Laval, au Québec (Canada). Les contributions belges ont été reprises dans un volume distinctGa naar eind(4). Els Witte évoque l'historique du centre, dont elle est le directeur, ainsi que les problèmes méthodologiques auxquels se heurtent ses travaux et esquisse une mini-synthèse provisoire. Machteld de Metsenaere analyse les mouvements migratoires et leurs aspects socio-géographiques et socio-démographiques qui influencent le processus de francisation dans l'expansion de l'agglomération. Fred Louckx traite de la pression sociologique de la majorité francophone au niveau des relations et de l'infrastructure scolaire, médicale et socio-culturelle néerlandaise. Dans le cadre d'une analyse sociologique, il examine la signification que les habitants de la capitale donnent à des concepts tels que ‘Flamand’ ou ‘francophone’ et le comportement ethnolinguistique quotidien d'immigrants néerlandophones. Pete van de Craen expose les options méthodologiques et interdisciplinaires pour ce qui est de la sociolinguistique et, à partir des notions de réseaux sociaux, d'interactions individuelles et de marché linguistique, observe les changements linguistiques et variations de langue dans une société multilingue. S'appuyant sur une enquête sur la qualité du français à l'époque actuelle à Bruxelles, Hugo Baetens Beardsmore procède à une approche intégrée du phénomène de bilinguisme résiduel. Sera de Vriendt établit un tableau diachronique très instructif et souligne des aspects intéressants du bilinguisme en Flandre et à Bruxelles ainsi que de l'enseignement des langues vivantes. Roland Willemyns, enfin, compare les situations flamande et québécoise pour ce qui regarde la standardisation linguistique en dehors des centres de gravité de la langue. ‘Ce serait si simple si tout le monde parlait français’, entendon souvent dire à l'étranger, s'agissant de la Belgique, et c'était là aussi jusqu'il y a peu le voeu secret ou avoué de nombre de Bruxellois. Les informations concrètes - provisoirement encore très partielles mais pleines d'enseignement - et l'analyse des multiples mécanismes sociaux qui sous-tendent le phénomène de la francisation de Bruxelles démontrent l'intérêt de ces travaux et de ces approches diversifiées d'une réalité complexe souvent simplifiée et abusivement réduite aux dites ‘obsessions linguistiques’ fréquemment fustigées par certaine presse bruxellofrançaise, qui confirmait ses lecteurs dans leur prédominance et suffisance en faussant et en occultant - délibérément ou non - la réalité historique et quotidienne. Une autre publicationGa naar eind(5) encore attire notre attention sur la situation actuelle de Bruxelles, telle que la perçoivent les francophones, sous l'angle du devenir des espaces urbains et des devenirs économique, institutionnel et européen. Les différentes analyses, options et propositions - parfois contradictoires - débouchent toutes sur l'institutionnel. Sur le plan linguistique, Bruxelles serait ‘le plus grand échec du mouvement flamand’ (François Martou) à la suite des lois linguistiques de 1963, qui à leur tour ont provoqué la réforme des institutions. Mais la régionalisation envisagée en 1970 est bloquée depuis 1980 pour l'agglomération bruxelloise, ce qui confère un ton largement pessimiste à cette discussion. ‘Bruxelles n'est plus ni wallonne, ni flamande, ni même belge, si ce n'est au travers des institutions publiques - durant les heures de travail...’ (Michel Quévit). Crise d'identité à tous égards, apparemment, qui demande une solution urgente: territoire d'Etat, région à part entière, ville-état, ville-région, ville-agglomération ou ville européenne? Aussi bien pour les dossiers plus concrets que pour les options institutionnelles plus abstraites, le consensus entre partis et groupes d'intérêt francophones ne semble pas encore se dégager. Aura-t-il l'occasion de mûrir dans un proche avenir, quand ce vaste débat avec la Flandre devrait normalement s'engager? Certaines interprétations du fait flamand - notamment au sujet de la réalité et du rôle des ‘communes à facili- | |
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tés’ de la célèbre ‘périphérie’ - appellent pour le moins des nuances et des précisions. Avis, donc, aux aspirants bruxellologues, auxquels ces deux dossiers apportent, en tout état de cause, une abondante information et matière à réflexion. Willy Devos |
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