sut, toutefois, rester en marge de la collaboration - connurent des difficultés avec leur association professionnelle, qui refusait d'accepter que des ‘journalistes’ travaillassent pour ce ‘journal incivique’. Par contre, quand, vers le milieu des années soixante-dix, De Standaard fut menacé de disparition, l'affaire eut des répercussions jusqu'au niveau gouvernemental! Il était inconcevable que De Standaard disparût: privée de son ‘moniteur’ - comme on l'appelle parfois avec un sourire moqueur -, que deviendrait l'intelligentsia flamande? Aujourd'hui, De Standaard est toujours bien vivant..., vraiment un quotidien pas comme les autres.
Parce qu'il aime bien connaître ses collègues, savoir pourquoi ils sont tels qu'ils sont et pas autrement, et quelle a été leur évolution, Gaston Durnez s'est proposé d'écrire la biographie de son journal. Lui-même a commencé sa carrière journalistique au Standaard il y a quarante ans. Ce qui était initialement conçu comme un livre de poche de deux cents pages a pris l'ampleur d'un volumineux ouvrage soigneusement édité de plus de cinq cents pages. Il est d'une richesse d'information incroyable, tout en se passant admirablement de notes en bas de page. Et encore, il ne s'agit que d'un premier tome, portant sur la période de 1918-1948. Il y aura une suite. Ce premier volume a demandé à Durnez quelque dix années de recherches.
Pourquoi partir de 1918?
De Standaard, en effet, aurait dû paraître au cours de l'été 1914, mais par suite des circonstances de guerre, le premier numéro ne vit le jour que le 4 décembre 1918. Précédemment, il y avait déjà eu des tentatives avortées de lancer un journal catholique flamand à Bruxelles:
De Standaard, lui, réussirait à s'imposer. D'un vieux registre que Durnez retrouva plutôt par hasard, il ressort que les premiers abonnés se recrutaient surtout parmi les prêtres, les professeurs, les petits bourgeois, représentants de ce
Gaston Durnez, auteur de l'ouvrage sur le journal ‘De Standaard’.
que l'on définit parfois comme ‘le Mouvement flamand’ de l'époque. L'élite financière de la Flandre, en ces années-là, abreuvait sa soif d'information - et continuerait à le faire longtemps encore - à l'aide des journaux de langue française. Peut-on parler d'une véritable percée? Incontestablement, sans qu'il fût question pour autant de grand succès commercial immédiat. En ces premières années, le tirage ne dépasserait pas les douze mille exemplaires. La catholique Flandre n'était pas encore adulte à ce point-là...
Faire le récit du quotidien De Standaard, c'est dresser le bilan de trente ans de Mouvement flamand, c'est esquisser le tableau de trente ans de vie politique belge, c'est évoquer aussi trente ans de vie culturelle, spirituelle, sociale et sportive bien de chez nous, au même titre que d'autres quotidiens sont habilités à se proclamer partie intégrante de l'histoire du mouvement ouvrier ou du socialisme. Il est passionnant de lire comment De Standaard sut d'emblée attirer des personnalités appelées à jouer un rôle de premier plan dans tous les secteurs de la vie sociale catholique, que ce soit sur le terrain ou par l'intermédiaire de leur plume. Le mérite particulier de Gaston Durnez réside dans le fait qu'il ne s'est pas limité à retracer l'historique de la société anonyme éditrice du journal, mais que son attention va tout autant, sinon surtout, à tout ce microcosme de journalistes et d'imprimeurs, d'administrateurs et de commentateurs, de dessinateurs et de comptables grâce aux efforts desquels De Standaard, entre 1918 et 1948, effectivement, ne fut pas un quotidien tout à fait comme les autres.
Marc Platel
(Tr. W. Devos)
gaston durnez, De Standaard. Het levensverhaal van een Vlaamse krant, 1918-1948 (Biographie d'un quotidien flamand), Lannoo, Tielt, 1985, 560 p.