Société
La législation néerlandaise en matière d'euthanasie.
Les Néerlandais acceptent difficilement que loi et pratique ne coïncident pas. Dans les pays latins, la loi est souvent considérée comme un noble objectif que la société doit se proposer, mais tel n'est pas le cas aux Pays-Bas. Il convient de ne pas perdre de vue cet élément au moment où les Pays-Bas s'efforcent de consigner dans une loi le problème on ne peut plus délicat du droit à une mort digne. Une commission d'Etat néerlandaise, instituée en 1982, a présenté son rapport au mois d'août 1985. Elle avait pour mission d'émettre un avis sur la future politique à mener par les pouvoirs publics, notamment sur le plan législatif, en matière d'euthanasie et d'assistance à qui souhaite abréger ses jours. La commission a eu besoin de 550 pages pour constater: que, dans certaines circonstances et si certaines conditions sont remplies, l'euthanasie doit pouvoir être dépénalisée; que l'euthanasie doit être pratiquée par un médecin; que des garanties doivent être prévues pour ce qui est des actes médicaux appropriés ainsi que des possibilités de contrôle a posteriori; que l'impunité ne peut être acquise qu'à la stricte condition que le patient se trouve vraiment dans une situation désespérée et sans issue.
A ce dernier point, quelques membres de la commission ont ajouté: ‘et que son décès soit inéluctable et imminent’. Ce n'est pas le seul point sur lequel la commission n'a pu aboutir à un avis unanime. Deux membres - dont un professeur de l'Ecole supérieure de théologie catholique d'Amsterdam, institution par ailleurs notoirement progressiste - ont adopté un point de vue négatif. Ils estiment, en substance, que l'euthanasie doit demeurer sous le coup de la loi mais que celle-ci doit inclure des dérogations à ce principe.
Le parallélisme avec les positions lors de la discussion sur la législation relative à l'avortement, en 1981, est frappant: il y avait les partisans de la formulation ‘l'avortement est autorisé à condition que...’ et ceux de la formulation ‘l'avortement est pénalisé, sauf dans les cas...’
Par ailleurs, la commission se demande dans quelle mesure la dépénalisation de l'euthanasie est conciliable avec l'article 2 du Traité européen des droits de l'homme, qui prévoit que ‘le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi’.
D'un point de vue strictement juridique, la commission estime qu'un écrit par lequel le patient demande de ne pas prolonger son existence doit être considéré comme une indication concernant la volonté du patient à cet égard, mais qu'aussi longtemps que le patient est à même d'exprimer sa volonté, seule l'expression orale de cette volonté est valable. Si la personne n'est pas à même de faire connaître sa volonté, le médecin doit constater que ‘selon les conceptions médicales en vigueur, le patient a sombré dans un coma dépassé, et ce après que le traitement a été arrêté comme étant dépourvu de sens. Dans un cas de ce genre, la consultation d'un autre médecin est requise.’ L'ordre des médecins formule des objections contre ce dernier point, faisant valoir qu' ‘il est extrêmement difficile de constater le caractère irréversible d'une situation de coma’.
Un certain nombre de décisions judiciaires marquantes ont contribué à faire progresser la discussion sur la législation en matière d'euthanasie aux Pays-Bas. En 1981, l'officier de justice de Rotterdam déclarait que ‘l'assistance en vue d'une mort digne fait partie de la déontologie médicale’. En mai 1983, le juge d'Alk-