L'art en Belgique depuis 45.
Du 5 mai au 17 juin 1945, le Palais des beaux-arts à Bruxelles accueillit un groupe de peintres français réunis sous le nom de La Jeune Peinture Française, représentatifs des tendances les plus récentes de la peinture française. Moins d'un mois après se constitua dans la même ville le groupe La Jeune Peinture Belge. Le parallélisme entre ces deux événements illustre l'esprit d'ouverture qui, à l'instar de ce qui s'était passé au lendemain de la première guerre mondiale, se mit, cette fois encore, en quête de jeunes talents en vue de promouvoir le renouveau. Le nouveau groupe belge ne vécut que quelques années. Il éclata à la suite de déchirements internes causés notamment par l'opposition manifestée par d'aucuns à l'encontre de certaines préférences françaises. Dans lesannées qui suivirent, des expositions et des contacts personnels continuèrent à favoriser des échanges d'information de part et d'autre. Les répercussions de tout ceci sur l'art et sur le goût du public sont, on s'en doute, difficilement mesurables. Elles furent d'ailleurs déterminées par nombre d'autres facteurs tels que l'évolution individuelle des artistes peintres et, dans une mesure de plus en plus importante, par les courants internationaux parmi lesquels on peut citer le pop'art et l'art conceptuel. Ceux qui cherchent à mieux comprendre cette période complexe de l'art en Belgique, trouveront une sélection critique des événements dans la deuxième partie du livre
L'art en Belgique depuis 45, édité par le
Octave Landuyt, ‘Son ours’, huile sur toile, 89×73 cm, 1952.
Fonds Mercator sous la rédaction de K.J. Geirlandt et autres. Sous le titre
Annales 1945-80, on y relate les principaux événements artistiques survenus soit en Belgique (ayant eu des incidences sur l'art national), soit à l'étranger (pour autant qu'ils aient revêtu quelque importance pour l'art international en général ou pour l'art belge en particulier). Certains sont brièvement évoqués. Des textes datant de l'époque sont cités. Des illustrations, notamment des reproductions d'oeuvres significatives et des photos de valeur plus documentaire, complètent les aperçus chronologiques. A l'intention des amateurs à venir, ces annales réunissent des trésors d'informations sur ce qui semble important aux yeux des auteurs de l'ouvrage. On y relève également des données qui intéressent plus spécifiquement l'art français.
Dans la première partie, quatre auteurs traitent de l'ensemble des 35 ans en question. Dans l'Introduction, Karel J. Geirlandt, longtemps promoteur de l'art moderne à Gand, actuellement attaché au Palais des beaux-arts à Bruxelles, parle longuement des composants artistiques de la période concernée. Il s'intéresse évidemment aux événements qui ont contribué à l'éclosion et au développement des tendances les plus récentes, laissant de côté ce qu'il considère comme dépassé. Il s'agit d'un essai nettement ‘engagé’ où l'auteur ne cache pas son irritation face aux lacunes - structurelles et autres - dont continue à faire preuve l'art belge.
Phil Mertens traite des quinze premières années de la période envisagée. Parmi les phénomènes importants figure alors la prédominance de plus en plus nette des courants abstraits et du mouvement multinational Cobra, fondé à Paris. Un autre témoin de la première heure, Jean Dypréau, étudie la deuxième période qu'il est convenu d'appeler maintenant les golden sixties. A son tour, celle-ci fut caractérisée par de nouvelles conceptions, entre autres par le pop'art qui, surtout en Flandre, a favorisé le renouveau de l'art figuratif. Les illusions de la figuration, déjà dénoncées par le critique français Pierre Restany, n'allaient pas tarder à se voir sinon dissipées du moins sérieusement ébranlées par la montée de l'art conceptuel. A quelles interprétations cette aliénation par rapport aux moyens d'expression classiques a donné lieu dans la suite, voilà ce qu'expose Wim van Mulders qui examine dans le détail et avec précision la période 1970-1980. Le seul reproche qu'on puisse adresser à ce compilateur zélé et averti est de prendre trop au sérieux certains farceurs de l'époque. L'art en Belgique depuis 45 a déjà attristé quantité d'artistes, qui se croient, à tort ou à raison, mésestimés. S'il ne fait aucun doute que ce livre ne saurait remplacer le Bénézit, il constitue néanmoins un véritable monument superbement illustré, privilégiant les courants picturaux actuels et ne cachant pas des pré-