lequel elles s'intégraient. La statue Miet, par exemple, au visage resté inachevé, les cheveux en désordre, la pèlerine de plomb à moitié arrachée dénudant le torse, aurait pu être prise pour un monument funéraire surréaliste plutôt bizarre. Au cours des années soixante-dix, Paul Van Rafelghem a porté à un haut degré de perfection l'utilisation de ce mélange de matériaux auquel, ultérieurement, il a ajouté le marbre. Depuis lors, il y est resté fidèle.
Il serait impossible de présenter et de commenter en détail l'ensemble de l'oeuvre produite jusqu'à ce jour. Celle-ci est trop étendue et, sur le plan du contenu, d'une densité telle qu'il faudrait de très longs développements pour en faire convenablement le tour.
En revanche, il nous paraît important d'analyser la façon dont l'artiste réagit contre les influences exercées en Flandre par le pop'art et par l'hyperréalisme qui en constitue en quelque sorte le prolongement. Ces deux courants prônaient, en vertu de principes divergents, une reproduction rigoureusement exacte du monde observable. Tout comme Jean Ipoustéguy et Edward Kienholz, Van Rafelghem a délesté la sculpture de ces certitudes trompeuses. Ce faisant, il a arraché les objets à leur rôle de reproduction photographique, voulant prouver par là qu'en fait ils méritent mieux que cela. Agir de la sorte, c'est plus que contester. L'imaginaire et les motifs de Van Rafelghem illustrent un sens aigu de la précarité des choses, du rôle éminent qu'elles assument dans la trajectoire qui mène de la naissance à la mort, et de leur nécessité sacrale. On peut d'ailleurs y rattacher les traces de sensibilité écologique qui surgissent régulièrement dans son oeuvre. Un jour, il a fait un Tapis du Temps destiné à être mis sur une pelouse. Quelques jours plus tard, on a déplacé la pièce, faisant apparaître du même coup la végétation déjà desséchée. On n'est donc pas très éloigné d'une certaine contestation écologique, bien que celle-ci ne soit guère plus qu'une voix, ténue et solitaire, clamant dans le désert. Le dit tapis fut exposé à Breda, enlevé par la police, remis... et finit par être volé.
Terminons ce rapide exposé consacré à l'art de Van Rafelghem par un exemple frappant. Il
Paul Van Rafelghem, ‘Livre en plomb avec contenu de terre’, 1982, détail.
illustre comment le concours d'un certain nombre de circonstances permet de mieux éclairer le non-conformisme de l'artiste, sa créativité ludique et l'ambivalence, disons même la plurivalence, de son oeuvre. Il s'agit de la composition
Un nouveau pape (1981) dont le concept remonte à 1979. L'on connaît les faits: le pape Paul VI étant décédé, Jean-Paul I
er lui avait succédé, pour mourir, lui aussi, peu de temps après. Il fallait donc de nouveau élire un nouveau pape, le troisième en l'espace d'un an. Indépendamment de cet événement, une autre image aux contours assez flous, datant, cellelà, de 1976, hantait l'esprit de l'artiste. A cette époque-là, Van Rafelghem avait pris plusieurs moulages de sa femme enceinte, attendant son cinquième enfant. Ce qui se passait à Rome ressemblait en quelque sorte à une naissance. Alors, pourquoi ne pas rassembler 1976 et 1979 en une seule statue?
Le résultat sculptural découlant d'un tel raisonnement se situe dans le prolongement de l'oeuvre antérieure. Les rondeurs de la fécondité, les courbes renfermant la vie nouvelle, s'apparentent aux formes enflées d'autrefois, à la pomme de terre immangeable datant de 1970. Mais, déjà, elles annoncent la composition oviforme que le sculpteur a exposée à la Kunstmesse