Couverture du livre sur la ‘Volksunie’ publié à l'occasion de sa trentième anniversaire.
van der Elst ne siégerait au Parlement que quatre ans plus tard; solitaire, il devrait y lutter avec acharnement contre beaucoup d'incompréhension et de mauvaise volonté. Mais les années soixante s'avéreraient profitables au parti sur plusieurs plans. En 1961, il comptait cinq députés, en 1965 douze et en 1968 vingt, soit le meilleur résultat jamais enregistré. En quinze ans, le parti nationaliste flamand devint une pièce de l'échiquier politique et sut s'imposer au système des partis politiques belges. Le succès croissant du nouveau venu, surtout auprès des jeunes, et plus particulièrement parmi les jeunes Flamands catholiques, ne manquait pas d'inquiéter considérablement les démocrates chrétiens flamands, qui voyaient dans la
Volksunie un concurrent direct. L'année 1968 constitua un revirement.
Les partis traditionnels ne pouvaient faire autrement que d'accepter la Volksunie comme interlocuteur valable. Le parti était invité à la table de négociation où l'on s'efforçait de mettre sur papier une nouvelle organisation de la société belge, au sein de laquelle les régions et les communautés se trouveraient mieux valorisées. La Belgique à papa de 1830 y fut enterrée, du moins officiellement. La présence politique d'un parti fédéraliste et nationaliste affiché avait laissé des traces: petit à petit, les partis traditionnels avaient dû admettre que l'idée, et par la suite la nécessité, d'une réorganisation de la Belgique ne constituait pas un phénomène marginal. Sur le plan électoral, la Volksunie, entre-temps, avait également pu cueillir les fruits du concile de Vatican II. Cet événement ecclésiastique eut, sur l'état d'esprit et la mentalité de la population flamande et catholique des répercussions qu'il faut se garder de sous-estimer. En quelques années, nombre de principes traditionnels et bien ancrés furent jetés par-dessus bord.
Parallèlement à cette évolution de la Volksunie, des partis antagonistes virent le jour en région de langue française. En Wallonie, il y eut le Rassemblement wallon (RW), et à Bruxelles le Front démocratique des francophones (FDF). En 1974, le RW entra même au gouvernement; trois ans après, le FDF et la Volksunie furent autorisés à tenter leur chance au sein d'un gouvernement. En effet, les partis traditionnels estimaient qu'il était impossible de procéder à une réforme de l'Etat définitive sans la coopération politique active des fédéralistes, et notamment de partis tels que la Volksunie. Assez curieusement, cependant, ni la Volksunie ni les autres partis fédéralistes ne faisaient partie de la majorité gouvernementale au moment où la réforme de l'Etat fut effectivement mise en place en 1980. Les partis traditionnels les avaient écartés à tour de rôle du gouvernement. En Belgique, il n'y a guère de place pour de nouveaux candidats au pouvoir politique! Par-dessus le marché, sur le plan électoral, ces trois partis avaient dû payer très cher leur participation gouvernementale. Il ne subsiste presque plus rien du RW, et le FDF continue de s'effriter de jour en jour. Seule la Volksunie a survécu, après une dépression sérieuse mais de courte durée: elle compte de nouveau vingt députés et dix-sept sénateurs et possède une présence politique indéniable. Le fondateur Frans van der Elst fut même nommé ministre d'Etat, membre du Conseil de la Couronne, c'est-à-dire conseiller direct du roi!
Un bilan: la présence de la Volksunie a incontestablement joué le rôle de moteur pour les autres partis quand il s'est agi de transformer l'Etat belge unitaire, vieux d'un demi-siècle, en un Etat un peu plus fédéralisé. Mais ce n'est pas là son unique mérite: dans l'actualité politique, bien avant les autres partis, la Volksunie a attiré l'attention sur des thèmes nouveaux tels que l'environnement, la redistribution des revenus, la viabilité des communes. Faisait-elle office de parti ‘écologiste’ avant la lettre? En même temps, elle illustrait également le fait que le nationalisme flamand ne constitue certainement pas un phénomène marginal dans ce pays. Nombreux furent ceux, du reste, qui souhaitaient réduire à cela son importance, c'est le moins qu'on puisse dire.
Marc Platel / B-Kraainem
(Tr. W. Devos)
toon van overstraeten, Op de barrikaden. Het verhaal van de Vlaamse natie in wording (Sur les barricades. L'histoire de la nation flamande en devenir), Volksunie (Barrikadenplein 12, B-1000 Brussel), Brussel, 391 p.