Walter van den Broeck (o1941). (Photo P. van den Abeele).
‘Légumes de Balen’, est un prétendu lapsus calami pour ‘Groeten uit Balen’, ‘Un souvenir de Balen’). Cette pièce est née d'une grève que l'auteur a vécue de près: il s'agit d'une analyse, d'allure populaire et quasi superficielle, des rapports de force qui structurent le microcosme d'une usine plutôt grande située dans un village plutôt petit.
Voilà donc évoquées d'emblée deux particularités essentielles de l'oeuvre de Walter van den Broeck: la passion de comprendre les structures hiérarchiques (au sein d'une famille, dans une usine, au niveau de la société...), l'usage délibéré et magistral du ton populaire. Souvent ses personnages sont en quête d'une issue à la réalité morne ou contrariante de tous les jours; cette issue, ils ne la trouvent que dans un monde qu'ils se construisent en rêve. Tel oeuvrera à l'Invention du Siècle, - c'est le cas du père dans Groenten uit Balen -, tel autre enverra à des chefs d'Etat, des lettres bourrées de suggestions diverses concernant la manière de traiter les problèmes du monde.
De là à écrire une lettre ouverte, sous forme de livre, au roi Baudouin, il n'y a naturellement qu'un tout petit pas. Cette lettre ouverte, Xavier Hanotte l'a traduite pour les Editions Labor de Bruxelles, dans le cadre d'un programme d'échange réalisé entre cet éditeur d'ouvrages francophones et la maison d'édition flamande Manteau. Le premier publie des oeuvres flamandes en traduction française tandis que Manteau édite des versions néerlandaises d'ouvrages belges de langue française.
Dans sa lettre, Van den Broeck prend le roi par la main pour ainsi dire, et le guide à travers la ‘cité’, dotée, pour les besoins de l'industrie locale en personnel qualifié, d'un quartier ouvrier qui jure plutôt, à force d'immigration, avec la société traditionnelle de la ‘brave’ Campine, en dépit d'une minutieuse sélection, d'une embauche préférentielle de croyants supposés ‘obéissants’. Il expose au roi, totalement coupé par la hiérarchie et l'étiquette du contact avec l'homme de la rue, la situation des gens dans la ‘cité’, il lui fait part de leurs faits et gestes, de leurs soucis, de leur authenticité et de leur hypocrisie, de leurs motivations, de leurs souhaits et leurs humaines carences. L'absence de mouvement dans le récit, lequel du reste ne se prétend pas ‘roman’ au sens classique du terme, est compensée par l'observation subtile tout à fait dans la meilleure tradition néerlandaise et par ce sens de l'humour typique de ceux qui, comme l'auteur, se plaisent à mettre les choses de ce monde sens dessus dessous.
‘Un vade-mecum réconfortant pour un roi solitaire’, proclame la jaquette de cette traduction française. Lors de la parution de la version originale, Walter van den Broeck n'a pas omis d'envoyer un exemplaire à son lointain souverain. Il n'a pas reçu de réponse. Peut-être que cette fois-ci...grâce à la version française de Xavier Hanotte...?
Jan Deloof / B-Zwevegem
(Tr. J. Hermans)
walter van den broeck, Lettre à Baudouin, Traduit du néerlandais par Xavier Hanotte, Ed. Labor, Bruxelles, 1984, 250 p.