Septentrion. Jaargang 14
(1985)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Marguerite Yourcenar: Flamande et citoyenne du mondeDans Les yeux ouverts, cette longue interview qu'elle a accordée à Matthieu Galey, Marguerite Yourcenar se plaint d'avoir été si tardet d'être toujours si peu- connue pour ce qu'elle est vraiment. ‘Je crois, d'ailleurs, que le nombre des gens qui comprennent s'étend peu à peu. On n'est peut-être connu qu'à l'heure des Oeuvres complètes’Ga naar eindnoot(1). Or, il semble que cette heure ait sonné: elle vient d'entrer dans la Bibliothèque de La Pléiade avec un premier volume consacré aux Oeuvres romanesques (1982), un deuxième qui contiendra le théâtre, les essais et la poésie étant annoncé. Cette consécration n'est que justice pour un auteur dont Les mémoires d'Hadrien (1951) sont vendus à plus d'un million d'exemplaires et dont L'oeuvre au noir (1968) a été traduit en dixsept langues. Seulement, il n'est pas sûr qu'une audience universelle et la reconnaissance officielle fassent forcément mieux connaître l'auteur à qui ces honneurs sont rendus. Car il s'avère que l'heure du succès est aussi celle des récupérations réductrices: certains la rabaissent au rang d'un simple auteur à succès, un peu difficile certes, tout juste bon à faire tinter les caisses des libraires; d'autres la hissent - bien malgré elle! - sur le pavois du féminisme; d'autres encore sont tentés d'étendre son oeuvre sur le lit de Procuste d'un atavisme flamand. Bornons-nous à nous interroger sur la validité de cette dernière interprétation. Marguerite Yourcenar est-elle une Flamande écrivant en français, se plaçant dès lors dans la galerie des De Coster, des Verhaeren, des Maeterlinck, des Ghelderode? En un sens, oui. Elle descend en effet d'une famille au nom flamand de Cleenewerck (N'en-fait-guère) dont notre auteur a pu suivre les ramifications jusqu'au début du seizième siècle (dans Archives du Nord, 1977). Ses ancêtres, paysans puis marchands parvenus, ont toujours vécu dans un cercle de vingt lieues de diamètre aux environs de Caestre, de Bailleul et de Meteren. Seulement, la langue véhiculaire dans la famille a toujours été le français, le flamand servant aux contacts avec les domestiques et les fermiers. Michel Cleenewerck de Crayencour (dont Yourcenar est l'anagramme), père de Marguerite, en usait encore ainsi au début de ce siècle. Ce père, de nationalité française, avait épousé une Belge, Fernande de Cartier de Marchienne, issue d'une vieille famille liégeoise. Elle meurt d'une fièvre puerpérale, six semaines après avoir accouché de Marguerite, dans des circonstances tragiques dont Souvenirs pieux (1974) raconte le détail. Marguerite a donc une ascendance française et francophone indiscutable: ‘L'être que j'appelle moi vint au monde un certain lundi 8 juin 1903, vers les 8 heures du matin, à Bruxelles, et naissait d'un Français appartenant à une vieille famille du Nord, et d'une Belge dont les ascendants avaient été durant quelques siècles établis à Liège, puis s'étaient fixés dans le Hainaut’ (Souvenirs pieux, p. 11). En ce sens, on peut donc la comparer aux grands écrivains flamands d'expression française, issus de familles flamandes francisées depuis un certain nombre de générations. Mais une différence, capitale, saute aux yeux: un De Coster, un Verhaeren et tant d'autres ont grandi et ont vécu longuement dans un milieu de tradition et de culture flamandes, ce qui n'a pas été le cas de Yourcenar. Certes, elle a vécu au château du Mont-Noir, mais jusqu'à l'âge de neuf ans seulement et seulement pendant les vacances d'été (assez longues, il est vrai). Les hivers, la famille les passait soit à Lille soit dans le Midi. Quand le château est vendu, vers 1912, les Crayencour passent une année en Angleterre, puis se fixent à Paris. C'est donc à juste titre que l'auteur constate: ‘Je ne puis donc guère parler d'une enfance enracinée’ (Les yeux ouverts, p. 17). Est-ce dire qu'elle ne doit rien au Mont-Noir? Nullement. Elle a appris là à aimer ce qu'elle | |
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Marguerite Yourcenar (o1903). (Photo B. de Grendel, Poperinge).
aimera sa vie durant: les fleurs, les arbres, les chevaux, les vaches, les moutons, les chiens, bref, toute cette grande nature dont l'adulte se plaira à se dire une infime parcelle. Au travers de ses ouvrages, on voit s'affirmer de plus en plus la passion du ‘monde non humain ou préhumain des bêtes des bois et des eaux, de la mer non polluée et des forêts non encore jetées bas ou défoliées par nous’Ga naar eindnoot(2). Pour Yourcenar, le cosmos qui porte l'homme est plus important que l'homme qui croit dominer le cosmos: la vague importe plus que le nageur! Elle doit encore à ses vacances passées au Mont-Noir un sentiment très vif d'égalité et de solidarité. On aurait tort de croire que les châtelains se distanciaient en tout des villageois: le mot - et le concept - de ‘classe’ nous entraîne trop souvent à imaginer une communauté hiérarchisée comme divisée en castes vivant chacune en vase clos. La petite Marguerite a appris très tôt que le chauffeur, le jardinier, les cuisinières et les bonnes existent autant qu'elle et ‘qu'il est bon d'être avec eux auprès du feu de la cuisine.... Ainsi, le Mont-Noir, la grande qualité du Mont-Noir, pour moi, c'est la vie à la campagne, la connaissance de la nature. C'est très important pour un enfant d'avoir grandi dans un milieu naturel, d'avoir vécu avec des animaux, d'avoir rencontré quotidiennement des gens de toute espèce, d'avoir beaucoup vécu parmi les gens du peuple’ (op.cit., pp. 18-19). En somme, elle doit au cadre de son enfance cette idée-force qui parcourt toute son oeuvre: ‘Nous sommes tous pareils, et nous allons vers les mêmes fins’ (ibid., p. 21). Une dernière composante que Yourcenar doit à sa naissance dans la Flandre française, terre catholique, est son ouverture au sacré: ‘Mon éducation religieuse s'est arrêtée très tôt mais je me félicite de l'avoir eue, parce que c'est une voie d'accès vers l'invisible, ou si vous préférez 'l'intérieur'’ (op.cit., p. 35). Ce contact perpétuel de l'être humain avec l'éternel est un des leitmotive des grands romans que sont Les mémoires d'Hadrien et L'oeuvre au noir aussi bien que du long essai Archives du Nord. Amour de la nature, sens de l'égalité, ouverture au sacré: ce n'est pas un mince héritage! Seulement, il sera évident pour tout observateur | |
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impartial, que ce ne sont pas là des valeurs exclusivement ni spécifiquement flamandes. Marguerite Yourcenar aurait été à peu de choses près ce qu'elle est devenue en naissant en Bretagne ou en Lorraine. Ce qui n'est pas dit pour nier ou pour diminuer ses racines flamandes mais pour les situer exactement. A la question de Matthieu Galey: ‘Vous sentez-vous Flamande?’, elle répond: ‘Je n'ai repensé à mes origines flamandes que sur le tard, lors de la rédaction d'Archives du Nord. Oui, en me penchant sur ces ancêtres, j'ai cru reconnaître en moi un peu de ce que j'appelle “la lente fougue flamande”. Mais je suis Française, autant que Flamande et pas seulement parce que la moitié de ma famille paternelle (d'ailleurs peu aimable, pour autant que j'en sache quelque chose) était originaire des environs de Béthune et n'a jamais parlé flamand, et que ma famille maternelle, belge et wallonne, était entièrement d'expression française. Chose plus importante et plus vérifiable que ces identifications par le sang ou par la langue, je suis Française de culture. Tout le reste est folklore’ (op.cit., p. 273). Mais cette appartenance à la culture française n'est pas cultivée comme un exclusivisme, car elle ajoute: ‘la culture française, comme toutes les cultures, petites ou grandes, se sclérose et s'étiole, dès qu'elle refuse de faire partie de la culture universelle’ (op.cit., pp. 273-274). C'est ce qui nous permettait de dire en commençant qu'on aurait tort d'embrigader Yourcenar dans ce que la littérature française peut avoir d'étriqué. L'académicienne se rend d'ailleurs très bien compte que le succès des Mémoires d'Hadrien reposait sur un malentendu: selon une habitude bien française, on a prétendu y voir un roman d'amour, celui d'Hadrien et d'Antinoüs. Elle invective à plusieurs reprises contre cet égotisme français, enlisé dans les peines du coeur: ‘Ce qui me frappe néanmoins dans la masse des poèmes et des romans français qui arrivent jusqu'à moi, c'est à quel point ils demeurent étroitement subjectifs, clos dans des rêves, des cauchemars, de molles rêveries souvent, ou parfois d'arides déserts personnels. Même l'image qu'ils présentent de ce temps me paraît souvent ne plus correspondre à l'époque où nous sommes’ (op.cit., pp. 253-254).
Yourcenar plaide donc constamment pour une ouverture maximale au monde, pour une tolérance active des convictions d'autrui, pour le respect de toutes les minorités contre tous les exclusivismes, contre tous les particularismes. Cette attitude dialectique tendue entre l'élan vers l'universel et l'amour du particulier détermine son point de vue à l'égard du flamand dans le Nord: ‘La France a essayé d'éliminer le celte en Bretagne, et dans le Nord le flamand (je ne m'en suis jamais mieux rendu compte qu'en étudiant l'histoire de ma famille). Ce sont les Etats qui tuent les ethnies’ (op.cit., p. 273). Elle est donc favorable aux mouvements régionalistes qui se développent aujourd'hui en France ‘sauf s'ils sont artificiellement manipulés et aboutissent à un chauvinisme de plus’ (ibid.).
Au-delà de toutes ces déclarations de principe, quelle est la présence effective de la Flandre dans les écrits de Marguerite Yourcenar? Elle est plutôt mince. Dans l'oeuvre de fiction, nous ne voyons que L'oeuvre au noir à se dérouler partiellement en pays flamand.
Le roman évoque l'atmosphère bouillonnante de la jeune Renaissance et de la Réforme, telle qu'elle est vécue par le protagoniste fictif, Zénon, dans ses voyages à travers l'Europe et son long séjour à Bruges. L'auteur fait naître Zénon vers 1520 dans cette ville comme le bâtard d'un jeune prélat d'antique lignée florentine, Alberico de' Numi, et de Hilzonde Ligre, la jeune soeur du grand banquier brugeois.
Pour la reconstruction des rivalités politiques, des disputes théologiques et philosophiques, des pratiques judiciaires de cette époque mouvementée, l'auteur a compulsé un tas de documents, comme elle le montre d'ailleurs dans sa Note de l'auteur qui figure dans l'édition de La Pléiade. Ainsi elle mentionne les Mémoires anonymes sur les troubles des Pays-Bas (1565-1580) et le livre de Malcolm Letts, Bruges and Its Past (Desclée de Brouwer, Bruges, 1926). Il faudrait citer en outre des documents généalogiques, parfois de l'auteur elle-même, qui ont fourni les noms des comparses: Colas Gheel, Wiwine Cauwersyn, soeur du curé Cleenwerck (!), Simon Adriansen, Jan Matthyjs (sic!), Josse, Han et quelques autres.
Quant au physique des gens du peuple, l'auteur semble s'être fiée à certains tableaux de l'époque. Les Flamands de L'Oeuvre au noir ont invariablement les cheveux blonds, sinon roux, les | |
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yeux bleus et une stature imposanteGa naar eindnoot(3). L'un des portraits les plus flattés - et les plus poussés - est encore celui de Colas Gheel, un tisserand doué d'un esprit inventif: ‘Ce gros homme à la fois vif et lourd, qui dépensait sans compter l'argent qu'il n'avait pas, faisait figure de prince aux yeux des apprentis qu'il défrayait les jours de kermesse. Cette solide masse de muscles, de crins roux et de peau blonde logeait un de ces esprits chimériques et avisés tout ensemble qui ont sans cesse pour souci d'affûter, de réajuster, de simplifier, ou de compliquer quelque chose’ (p. 575). Belle incarnation de la ‘lente fougue flamande’ que nous mentionnions plus haut. Si, dans ce portrait, on décèle un air de ressemblance avec les bonshommes de Breughel, on s'accordera aussi peut-être pour trouver, dans le portrait de Hilzonde Ligre, un rappel des vierges sereines de Memlinck: ‘Messer Alberico de' Numi s'éprit de cette fillette aux seins fluets, au visage effilé, vêtue de raides velours brochés qui paraissaient la soutenir (...) Des paupières nacrées, presque roses, sertissaient ses pàles yeux gris; sa bouche un peu tuméfiée semblait toujours prête à exhaler un soupir, ou le premier mot d'une prière ou d'un chant’ (p. 567-568). La peinture flamande a encore été mise à contribution pour le dessin grivois envoyé à Zénon par Florian, le meneur de la secte des Anges. On y reconnaît aisément le Jardin des délices terrestres de Jérôme Bosch: ‘Une belle entrait dans une vasque pour s'y baigner, accompagnée par ses amoureux. Deux amants s'embrassaient derrière un rideau, trahis seulement par la position de leurs pieds nus. Un jeune homme écartait d'une main tendre les genoux d'un objet aimé qui lui ressemblait comme un frère. De la bouche et de l'orifice secret d'un garçon prosterné s'élevaient vers le ciel de délicates floraisons. Une moricaude promenait sur un plateau une framboise géante’ (pp. 745-746). Le plus souvent, les comparses ne sont brossés qu'à l'aide de quelques traits rapides toujours les mêmes, à preuve cette esquisse des filles de Dranoutre: ‘Zénon reconnaissait (...) leurs crins blonds et leurs yeux bleus, et (...) les jambes un peu lourdes des filles’ (p. 587). La plupart des hommes suent une grosse santé, soutenue par de continuelles mangeailles. Henri-Maximilien Ligre, le capitaine, par exemple, ‘mangeait énormément,
Jérôme Bosch, ‘Le jardin des délices terrestres’, détail du panneau central (Madrid, Museo del Prado).
pour se distraire’ (p. 637). Ce trait ne laisse d'ailleurs pas d'étonner: tout le monde mangeait-il vraiment à sa faim dans ces années de guerres, de troubles et d'exactions militaires? Quant au moral, les Flamands s'opposent à l'homme de grande culture qu'est Zénon par leur esprit terre-à-terre. (Je ne peux m'empêcher de voir dans Zénon, le bâtard, le cosmopolite et l'érudit, vivant en cachette à cause de ses dons exceptionnels, un reflet de l'auteur. N'est-elle pas aussi déracinée de son terroir? Ne s'est-elle pas exilée à l'île de Mount Desert aux Etats-Unis? Et ne tente-t-elle pas à son tour de combler sa ‘marginalité’ par un universalisme quasi obsessionnel et une érudition immense?). La bourgeoisie flamande de Bruges est indifférente aux choses de l'esprit: ‘Dans cette ville préoccupée de murs mitoyens, souffrant de son port ensablé comme un malade de sa gravelle, personne n'avait pris la peine de | |
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feuilleter ces livres (de Zénon)’ (p. 675). Le banquier brugeois Juste Ligre, qualifié de ‘marcassin des Flandres’ s'entoure d'un ‘luxe épais’ qu'il a acquis grâce à ‘deux ou trois grosses habiletés, toujours les mêmes’ (p. 621). Son fils Henri-Maximilien, d'un pragmatisme radical, formule ses convictions en ces termes: ‘si la terre tourne, je ne m'en soucie guère en ce moment où je marche dessus, et m'en soucierai moins encore quand j'y serai couché. En matière de foi, je croirai ce que décidera le concile, s'il décide quelque chose, comme je mangerai ce soir ce que fricasse le tavernier. Je prends mon Dieu et mon temps comme ils viennent, bien que j'eusse mieux aimé vivre au siècle où l'on adorait Vénus’ (p. 642). Le bas peuple croupit encore dans les superstitions moyenâgeuses et ignore absolument les grands débats qui agitent les meilleurs esprits du siècle. Cette ignorance n'est d'ailleurs que normale, les sciences utilisant le latin et éventuellement le français, langues inconnues du peuple flamandophone. Aussi, ce dialecte flamand ne suscite-t-il que le mépris des classes aisées: une ‘altercation en flamand fit éclater de rire la petite bande des filles d'honneur’ (p. 590). Et si Zénon lui-même fréquente le prieur des Cordeliers de Bruges, c'est entre autres parce que ‘son français exquis reposait l'oreille de la bouillie flamande’ (p. 679)! Il faut dire d'ailleurs que le lecteur ne peut décider si ces appréciations du flamand par les classes aisées de l'époque sont partagées ou non par le narrateur. On ne s'étonnera donc pas que seules quelques rarissimes phrases néerlandaises émaillent le texte. On trouve deux petites phrases: ‘Voor u heb ik het gedaan’ (p. 680) et: ‘Prachtig werk, mijn zoon, prachtig werk’ (p. 576). On constatera que l'auteur n'a pas tenté de reconstituer le néerlandais du seizième siècle: cet anachronisme est-il le signe de l'ignorance de l'auteur sur ce point? Ou a-t-elle cru que de toute façon le lecteur francophone n'y verrait que du feu? L'orthographe de certains noms propres est parfois bizarre: ainsi trouve-t-on invariablement le nom de Godeliève affublé d'un accent grave absolument incongru. En revanche, le roman se termine sur la belle devise des frères Van Eyck ‘Als ick kan’ que Yourcenar traduit par ‘comme je peux’Ga naar eindnoot(4), sans doute un encouragement adressé au lecteur qui serait tenté de baisser les bras devant les vagues d'ignorance et de méchanceté qui déferlent inlassablement sur l'humanité: l'individu ne peut pas changer grandchose au cours de l'histoire mais sa grandeur consiste à faire malgré tout ce peu de chose. Parmi les essais, ce sont évidemment les Archives du Nord où Marguerite Yourcenar parle le plus abondamment de la Flandre française. On a dit suffisamment comment cet authentique chefd'oeuvre retrace l'histoire de cette région depuis son émergence de la mer du Nord, à travers les diverses occupations étrangères, jusqu'à la date de 1903. Analyse fouillée, imagination luxuriante, structure solide et variée, détails et anecdotes pittoresques, tout concourt à faire de cet ouvrage une ‘somme’ intelligente, émue et émouvante sur la Flandre française. Encore faut-il se rendre compte que les Archives du Nord sont le pendant des Souvenirs pieux: après l'évocation de la famille maternelle, celle de la famille paternelle. Dans les deux cas, la biographie vérifie cette intuition fondamentale chez elle: que tout individu est noyé comme une algue dans l'océan du temps, que tout événement se situe dans le Labyrinthe du mondeGa naar eindnoot(5). En vérité, il ne s'agit donc pas d'un cantique en l'honneur d'une famille, d'une race ou d'une région, mais d'une quête assidue, à travers l'imbroglio de l'existence, de l'unité mystérieuse à laquelle tout participe.
Cette unité mystérieuse, Yourcenar ne recule pas à l'appeler Dieu, par la bouche de Zénon: ‘Plaise à Celui qui Est peut-être de dilater le coeur de l'homme à la mesure de toute vie’ (L'oeuvre au noir, p. 564). Et que l'auteur lui-même assume ce voeu ne laisse pas de doute: elle l'a fait d'avance graver sur sa tombe. Au lecteur de décider si c'est là une ultime résurgence de son ascendance flamande... VIC NACHTERGAELE Docteur en philologie romane. Professeur à la Katholieke Universiteit Leuven. Adresse: Karel van Manderstraat 1, B-8510 Marke. |
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