Septentrion. Jaargang 13
(1984)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Lettre flamandele centre de promotion culturelle de l'Université de Toulouse-le-Mirail, du 10 mai au 9 juin, et le Foyer culturel de Fourques, à proximité d'Arles, du 7 au 22 juillet dernier, ont exposé des oeuvres du peintre d'origine flamande Roger van Rogger, dont la vie et la carrière artistique révèlent un bien étrange destin. Né à Anvers le 3 mai 1914, Van Rogger peint dès l'âge de treize ans. A dix-huit ans, il se brouille avec sa famille et prend le large à tout jamais. Installé au village d'artistes de Laethem-Saint-Martin, il débute sous l'influence de Constant Permeke et expose à Gand vers 1932-1933, mais il fuit rapidement ce milieu. A l'issue de cinq années de vie aventureuse et mouvementée pendant la deuxième guerre mondiale - il serait arrivé en 1939 dans le Midi de la France, où il se lia d'amitié avec Jean Giono et fit connaissance avec René Char dans la résistanceGa naar eind(1) -, on le retrouve réfugié au Brésil, où il expose en 1945 et en 1947 à la Biennale de São Paolo. En 1949, son grand tableau Descente de croix suscite l'admiration à New York, où il expose en 1950. Cette année-là, Van Rogger part pour la France, s'installe dans le Midi et, de 1953 jusqu'à
Roger van Rogger, ‘Descente de croix’, huile sur toile, 220×150 cm, 1949, Musée d'art moderne de New-York.
sa mort, à Vallongues (Var), dans une solitude pour ainsi dire imposée, travaille avec acharnement à son oeuvre où, jusqu'en 1960, il ‘pousse la figuration à son point ultime de non-retour’. Puis, comme l'écrit son épouse Catherine, ‘peu à peu, de 1960 à 1963, il s'enfonce dans le monde clos de la peinture, à la fois vie et transcendance où le sujet s'efface et où le peintre peint la peinture en tant qu'expression en réponse au pourquoi fondamental de l'homme. Son unique but dans sa création comme dans sa vie est d'atteindre et de faire partager la réalité poétique du monde, toujours insaisissable et pourtant plus réelle que lui-même.’ Le curieux destin de Van Rogger voudra que toutes les portes lui demeurent fermées et que tout au long de ces trente années, il se heurte à l'indifférence la plus totale. Galeries, musées, salons, département de la Culture, lui opposent des refus réitérés. Seule la destruction de son atelier par un incendie de forêt en 1967 servira de prétexte à l'organisation d'une exposition individuelle dans un domicile particulier à Bandol, et l'Etat français achète tout de même une toile. Confiné dans cette solitude et ‘conforté par son | |
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inexistence sociale’, le peintre, obstinément, poursuit sa quête: ‘Un univers poétique se crée qui n'a d'autre raison d'être que la raison de faire et l'absolu de l'être’, même quand il recourt à des matériaux tels que le fer, le bois ou le béton pour ses sculptures. La revue toulousaine Pictura/Edelweiss a édité un numéro intégralement consacré à Roger van Rogger.Ga naar eind(2) En plus des 35 illustrations en noir et blanc et des 18 en couleurs, ce volume à la présentation particulièrement soignée reproduit des poèmes non publiés - à l'instar des cinq recueils que Van Rogger avait composés précédemment - ainsi qu'une série de textes en prose, parmi lesquels une déconcertante Autobiographie de cet homme secret qui dit de lui-même: ‘... en cherchant une trace de mon existence, je n'en ai trouvé nulle’. Van Rogger est décédé en 1983. Peu avant sa disparition a été créée une Association Roger van RoggerGa naar eind(3), qui a pour but de briser le silence qui règne autour de l'oeuvre de cet artiste épris de pureté et d'absolu.
il y a 450 ans, le 28 mai 1534, Dirk Martens mourut à Alost, où il avait imprimé en 1473 le premier livre flamand daté, le Speculum conversionis peccatorum du chartreux Dionysus van Leeuwen. Martens avait rapporté d'un voyage à Venise, où s'étaient établis les premiers imprimeurs de la région du Bas-Rhin, la technique d'imprimerie à caractères mobiles de Gutenberg. Il introduisit aux Pays-Bas le caractère romain plus fonctionnel ainsi que le caractère italique. Il contribua à sa manière à répandre l'humanisme et la Réforme, car on relève parmi les plus de 250 titres - représentant 250.000 volumes - édités à Alost, Anvers et Louvain, la première édition de l'Utopia de Thomas More, 71 éditions de titres d'Erasme et des ouvrages de Pétrarque et de Savonarole, et il fut le premier à imprimer en grec et en hébreu. Précurseur de notre époque, il semble avoir opté en faveur d'éditions de petit format et de prix modeste à l'intention des étudiants. Au mois de mai 1984, précisément, la ville d'Alost et le comité Dirk Martens avaient organisé Flanders' Printing, foire du secteur graphique qui se proposait de
Statue de Dirk Martens à Alost.
montrer les technologies les plus modernes en matière de traitement d'informations et de textes. A cette occasion, une exposition y a été consacrée aux livres réalisés par d'anciens imprimeurs alostois. Depuis vingt ans, la photocomposition tend à remplacer de plus en plus les techniques d'imprimerie qui, tout en intégrant d'importantes améliorations, étaient demeurées fidèles aux principes des ancêtres lointains de l'art d'imprimer.
a l'année hendrik conscience, consacrée à ‘celui qui apprit à lire à son peuple’, succède l'année Peter Benoit, célébrant ‘celui qui apprit à chanter à son peuple’. Né à Harelbeke (Flandre occidentale), le 17 août 1834, dans une famille modeste, le jeune Peter reçoit sa première formation musicale de son père, et le bedeau organiste d'un village voisin lui apprend à jouer du piano et de l'orgue. Devenu élève du Conservatoire royal de musique de Bruxelles en 1851, il étudie le piano, l'harmonie, le contrepoint, la fugue et la composition sous la direction de François-Joseph Fétis, personnage fasciné par la France, et de Karel Hanssens, directeur du Théâtre royal de la Monnaie. C'est là que Benoit travaille comme percussionniste adjoint avant de devenir, en 1856, chef d'orchestre du Théâtre de la culture populaire, le théâtre flamand de l'époque, où il entre en contact avec le groupe des flamingants libres penseurs de Bruxelles. En 1857, Benoit est lauréat du prix de Rome pour la composition avec sa cantate Le meurtre d'Abel, sur un texte français imposé. Une bourse d'études lui permet de voyager en Allemagne, à Cologne, Dresde, Berlin et Munich, et d'aller à Prague. C'est probablement à partir de cette expérience qu'il s'intéresse à la musique populaire et prend conscience | |
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Peter Benoit, chef d'orchestre, dessin par Hendrik Schaefels, 1870 (AMVC, Anvers).
du ‘nationalisme musical’. Il effectue des séjours à Paris, où il est chef d'orchestre du Théâtre des Bouffes-Parisiens, le théâtre d'opérette de Jacques Offenbach, en 1862-1863. Il compose de la musique de chambre et des oeuvres pour piano et pour piano et orchestre, qui demeurent pleinement valables du point de vue esthétique. Il crée aussi une Quadrilogie religieuse: messe de Noël, grand-messe, Te Deum, messe de Requiem (1860-1863). Rentré à Bruxelles en 1863, il se lie d'amitié avec les écrivains Emmanuel Hiel et Julius de Geyter. Ceux-ci l'amènent à s'intéresser, comme le fit aussi Hendrik Conscience, aux nouveaux idéaux flamingants, qui s'inspiraient notamment des différents courants nationalistes de l'époque. Hiel surtout lui fournira d'innombrables textes pour ses oeuvres romantiques. En 1865, Benoit compose son oratorio Lucifer, première oeuvre à devenir une manifestation grandiose avec de vastes ensembles de choeurs et des centaines d'exécutants. Benoit développe ses propres idées sur le nationalisme musical et se veut le promoteur d'un mouvement musical flamand qui doit favoriser la renaissance de la musique flamande et renouer ainsi avec la tradition des polyphonistes flamands des xve et xvie siècles, tradition qui s'était totalement perdue par suite des événements historiques. En 1867 est confiée à Benoit la direction de l'Ecole de musique d'Anvers. Il la réorganise et la rebaptise Ecole flamande de musique d'Anvers, premier établissement de ce genre où le néerlandais soit utilisé comme langue d'enseignement. Benoit y introduit un nouveau système pédagogique et fonde l'enseignement sur l'art et la nature populaires et conçoit la musique comme un des instruments de l'émancipation du peuple flamand, qu'il veut doter d'un art musical qui lui soit propre. Il remercie la ville d'Anvers avec l'oratorio L'Escaut, en 1868. Benoit fournit aussi un travail pédagogique capital et fait école en tant que promoteur culturel; son Programme général d'enseignement, de 1900, conserve toujours sa valeur. Après vingt ans d'efforts et de lutte, Benoit vit son école reconnue par l'Etat belge comme Conservatoire royal de musique flamand, ce qui lui valut d'être célébré par son peuple. Entre-temps, la gloire de Benoit n'avait cessé de croître. Il avait notamment fait jouer les oratorios La guerre (1873), Le Rhin (1889), les cantates La Lys (1875), La gloire artistique de la Flandre, composée pour une commémoration de Rubens en 1877 et dite dès lors cantate de Rubens, que Franz Liszt jugeait ‘d'inspiration grandiose et de facture magistrale’, Vers le monde! (1878), cantate pour enfants, Chant de tristesse et de triomphe ou cantate de Conscience (1889) et d'autres compositions d'occasion encore. En plus d'un Drame Christi (1871) et d'une Petite | |
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Peter Benoit, dessin par Eugeen Broerman (Bibliothèque municipale, Anvers).
messe (1872), il crée aussi des drames lyriques: Charlotte Corday (1867), où La Marseillaise est présente en toile de fond dans la célèbre ouverture, La pacification de Gand (1876) et Karel van Gelderland (1892). En outre, Benoit laisse nombre de chants plus intimes, notamment un hymne à la langue maternelle, où il donne libre cours au lyrisme national et au sentiment poétique populaire. Les grandes oeuvres de Benoit combinent des élans romantiques avec des éléments pathétiques et rhétoriques, parfois grandiloquents, avec une force expressionniste ou des touches plus impressionnistes. Sur le plan vocal, Benoit maîtrise aussi bien le contrepoint impressionnant que la simplicité harmonieuse. Les mélodies spontanées et exubérantes avec des orchestrations hautes en couleurs font de lui le ‘Rubens de la musique’ (Liszt), qui répond parfaitement aux émotions qu'il suscite parmi son public. De son vivant, certaines de ses compositions ont été jouées à Amsterdam, Vienne, Londres, Berlin, Paris et même aux Etats-Unis. Certes, Benoit ne se range pas parmi les très grands compositeurs romantiques, ce qui aurait été impossible vu la situation culturelle générale de la Flandre à cette époque. Les spécialistes s'accordent à le comparer avec un Smetana, un Dvorak et un Grieg, et soulignent avant tout son immense talent musical, son inventivité et son imagination, grâce auxquels il fut le premier compositeur flamand à aboutir à une grande synthèse. En 1890, Benoit fut encore à l'origine de la création, à Anvers, où il mourut le 8 mars 1901, du Théâtre lyrique néerlandais, devenu en 1893 Opéra flamand. C'est à juste titre que le fonds Peter Benoit a pris l'initiative d'organiser une exposition itinérante, nombre de manifestations de commémoration, un concours de composition et bien sûr toute une série d'exécutions d'oeuvres du compositeur, et de lui consacrer des publications. A partir de cet intérêt renouvelé, le fonds se propose de rédiger un catalogue thématique des oeuvres de Peter Benoit et de lui consacrer enfin une nouvelle biographie critique.
la revue le crapouillot - Edition belge a consacré son numéro d'août 1984 au thème de La force de frappe flamande. La publication se propose d'examiner si cette notion est un mirage flamand, un fantasme de certains Belges francophones, ou s'il s'agit d'un simple cliché parmi tant d'autres. La première moitié traite des aspects économico-financiers et politiques de la Flandre des dernières années - qu'on prétend partiellement ‘autonomisée’ -, de ses problèmes nés à la fois des réformes institutionnelles - manifestement défectueuses et mal digérées - de 1980 et des effets de la crise de plus en plus impitoyable, de la bataille de chiffres et de statistiques livrée en guise de prélude à un éventuel ou partiel divorce belge, de la nouvelle technoaristocratie et de la troisième révolution industrielle. Sont forcément évoquées, dans ce contexte, les attitudes et réactions des différents milieux dirigeants politiques et patronaux, qui nous ont conduits au point, quelque part à mi-profondeur de l'abîme, où | |
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nous en sommes mais qui semblent éprouver beaucoup plus de difficultés à s'entendre sur le processus de la remontée... Ce diagnostic souvent acerbe, riche en informations et assorti d'observations et de commentaires percutants, s'efforce aussi de pourfendre certains mythes. La deuxième partie groupe une série de volets consacrés à des figures et à des manifestations dont la réputation dépasse largement les frontières et qui constituent l'apport culturel dans la force de frappe. Qu'il s'agisse d'un Hugo Claus ou d'un André Delvaux, de Gerard Mortier, directeur du Théâtre royal de la Monnaie, ou de célèbres voix de Flandre, des photos artistiques de Filip Tas, du film animé de Raoul Servais et de la bande dessinée de Willy Vandersteen, du théologien Edward Schillebeeckx, du billard conçu comme un art avec Raymond Ceulemans ou du Festival de Flandre, ces pages respirent un optimisme et un enthousiasme contagieux qui feraient volontiers oublier l'interrogation sceptique de la première partie. ‘Là réside l'aujourd'hui d'un territoire pareil à un confetti. Et des clartés de cet aujourd'hui, la très confuse et très branlante Belgique a grand besoin pour restaurer son image’, lisonsnous dans l'avant-propos, qui précise en outre: ‘Lire, aujourd'hui, dans la presse dite belge, des articles sur les problèmes communautaires, et tout particulièrement sur leurs racines, conçus par des unilingues, relève de la perte de temps pure et simple.’ Dont acte. La force de frappe flamande, Le Crapouillot - Edition belge (55 rue Saint-Georges, B-1050 Bruxelles), no 4, août 1984, 98 p., 125 FB.la culture du lin a joué pendant des siècles un rôle primordial dans l'histoire économique des Flandres occidentale,
A. Caulet, ‘Rouir du lin’, 1925, détail.
orientale, zélandaise et française. Le promoteur et conservateur du Musée national du lin à Courtrai, Bert Dewilde, a fait paraître l'ouvrage le plus complet sur la culture du lin en général. Il s'agit d'une véritable encyclopédie d'une valeur inestimable, où l'auteur évoque en détail la culture et le traitement du lin - dans son musée, 25 tableaux aux personnages grandeur nature en reconstituent toutes les étapes -, retrace l'histoire des liniers, étudie en détail le jargon typique transmis de père en fils pendant des générations et évoque les conditions socio-économiques dans lesquelles ils devaient travailler à l'époque mouvementée de l'industrialisation de ce secteur. Ces initiatives sont d'autant plus intéressantes que le lin semble promis à un essor renouvelé. Le livre paraîtra probablement aussi en version française. bert dewilde, Twintig eeuwen vlas in Vlaanderen (Vingt siècles de lin en Flandre), Lannoo, Tielt, 1983, 450 p., 250 ill., 2.450 FB. willy devos Adresse: Herdersstaflaan 38, B-1170 Brussel-Bruxelles. |
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