Septentrion. Jaargang 13
(1984)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdBelgiqueL'exécutif Flamand a trois ansDécembre 1981.A l'issue des énièmes élections législatives anticipées du 8 novembre 1981, il avait, somme toute, fallu peu de temps pour mettre sur pied le cinquième gouvernement Martens, une coalition de démocrates-chrétiens et de libéraux. Le fait que des exécutifs régionaux et communautaires totalement indépendants du gouvernement national dussent être constitués dans un délai fixé par la loi n'y était probablement pas étranger et a peut-être mis quelque peu sous pression les partis impliqués. Il aurait paru bizarre que ces nouveaux exécutifs fussent installés sans qu'il y eût de gouvernement national. Par ailleurs, il se posait aussi un problème d'ordre purement pratique: qui devenait membre d'un de ces exécutifs s'interdisait ipso facto tout poste ministériel au sein du gouvernement national, et vice versa. | |
Août 1980.Au cours de l'été 1980, le monde politique belge poussa un profond soupir de soulagement. Après dix ans de péripéties et de tiraillements incroyables, il était enfin parvenu à traduire en actes légaux le célèbre article 107 qua- | |
[pagina 78]
| |
ter de la Constitution, qui prévoyait la régionalisation à trois. L'opération demeura inachevée, il est vrai, car la troisième région, Bruxelles, en restait au stade de dossier provisoirement gelé jusqu'à ce que Flamands et francophones puissent se mettre d'accord sur ses limites. Quatre ans après, il ressort de nombreuses déclarations que les positions, à cet égard, ne se sont toujours pas rapprochées, tant s'en faut. Mais revenons-en au mois d'août 1980. A l'époque furent créées la Région flamande et la Région wallonne ainsi que la Communauté flamande et la Communauté française. On levait enfin une hypothèque qui pesait lourdement sur la prise de décisions politiques: on pourrait enfin se pencher sérieusement sur les problèmes sociaux et économiques qui n'avaient cessé de s'accumuler pendant tout ce temps. Quatre ans après, les partis et les hommes politiques avancent toutes sortes d'idées et de propositions... relatives au parachèvement de la réforme de 1980..., ou plutôt aux indispensables améliorations à y apporter, car le système, apparemment, ne fonctionne pas sans accrocs. L'euphorie initiale a depuis longtemps cédé la place au scepticisme, c'est le moins que l'on puisse dire. La réforme de l'Etat décidée en 1980 ne constitue vraiment pas le nouveau modèle de cohabitation entre Flamands et francophones au sein de la Belgique. | |
Un regard en arrière.Précédemment, nous avons déjà exposé dans ces colonnes les principaux éléments de la réforme de l'Etat mise en place en 1980.Ga naar eind(1) C'est pourquoi nous nous bornerons à revenir sur un seul aspect, à savoir les exécutifs. Les gouvernements belges comportaient déjà depuis quelque temps des ministres chargés d'affaires exclusivement ‘régionales’ ou ‘culturelles’, qui n'en restaient pas moins des ministres nationaux au même titre que leurs collègues responsables de la défense nationale ou des affaires étrangères. En 1980, ces compétences régionales et culturelles furent non seulement étendues, mais aussi confiées à des ‘exécutifs’, qui sont en fait des ‘gouvernements’ - terme ayant une consonance manifestement trop fédéralisante selon d'aucuns, et dès lors prohibé. On comptait ainsi un exécutif de la Région wallonne, un exécutif de la Communauté française, et un exécutif de la Flandre. Les Flamands, en effet, ont d'emblée fait coïncider leur région et leur communauté et, par voie de conséquence, n'avaient besoin que d'un seul exécutif composé de neuf membres: six pour les matières régionales (comme l'exécutif de la Région wallonne) et trois pour les matières communautaires (comme l'exécutif de la Communauté française). Tous ces exécutifs sont formellement indépendants du gouvernement national. En principe, ils restent en place pendant les quatre années que dure une législature, puisqu'ils ne peuvent être renvoyés qu'à l'issue d'une procédure compliquée débouchant sur une motion de censure. | |
Un départ difficile.Pour la première législature, qui expirera en 1985, les exécutifs régionaux et communautaires ont été composés ‘à la proportionnelle’. Chaque parti politique d'une importance déterminée y a sa place. Il en résulte que les démocrates-chrétiens sont totalement exclus de l'exécutif communautaire français, tandis que l'exécutif régional wallon n'a pu commencer à fonctionner qu'avec plusieurs semaines de retard du fait que les partis ne parvenaient pas à s'entendre sur l'attribution de la présidence. Du côté flamand aussi, des problèmes surgissaient. Les démocrates-chrétiens et les libéraux y avaient formé une coalition de fait, ce qui leur avait permis de se réserver les compétences les plus intéressantes au sein de l'exécutif flamand, au grand mécontentement des socialistes et du parti nationaliste flamand Volksunie, qui y sont également représentés. Bref, il ne subsistait pas grandchose du principe de la proportionnalité. C'était là pour le moins une ombre au tableau. Mais cet état de choses démontre surtout que d'aucuns considéraient encore trop ces exécutifs comme | |
[pagina 79]
| |
LE POUVOIR EXECUTIF.
des prolongements politiques du gouvernement national et souligne que l'on avait manqué l'occasion d'accorder une chance à une nouvelle forme de culture politique. Toutefois, l'exécutif flamand a su très vite se reprendre et se présenter devant le public comme une équipe dynamique apparemment assez unanime et disposée à exploiter au mieux les possibilités offertes par le nouveau mécanisme institutionnel instauré en août 1980. Au cours des premiers mois, les décisions étaient généralement prises à l'unanimité, y compris celles portant sur des dossiers susceptibles de provoquer des contestations internes d'ordre idéologique tels que l'aide à des entreprises en difficultés. L'action décidée et résolue menée par l'exécutif flamand surprenait positivement les partisans comme les adversaires de celui-ci. Il n'empêche qu'à l'instar des autres exécutifs, l'exécutif flamand aussi se voyait confronté à de sérieux handicaps. Ainsi, il est incontestable que les compétences des exécutifs sont très mal définies. Les exécutifs se voyaient et se voient toujours contraints de défendre avec fermeté leurs prérogatives contre le gouvernement national, qui, en général, ne leur cède des compétences qu'à contrecoeur. Ainsi la question de savoir ce qui, dans le secteur du tourisme, était demeuré de compétence nationale et ce qui relevait dorénavant des régions et des communautés a donné lieu à des discussions de plusieurs semaines. Deuxième handicap: les exécutifs non seulement n'ont que peu de compétences, mais on ne leur accorde pas | |
[pagina 80]
| |
non plus de moyens financiers suffisants. Troisième handicap: les ministres nationaux ne se montrent guère disposés à transférer des fonctionnaires des ministères nationaux aux départements créés au niveau des régions et des communautés, comme il avait été convenu à l'issue de plusieurs années de négociations. Il convient d'ajouter, en outre, que les francophones éprouvaient - et éprouvent toujours - des difficultés à assumer l'autonomie qui leur avait été octroyée: le fait que les socialistes soient politiquement prédominants au sein des deux exécutifs du côté francophone tout en étant sur les bancs de l'opposition au niveau national hypothèque lourdement ces institutions. On ne s'est pas encore accoutumé à des rapports typiquement fédéraux de ce genre. Par ailleurs, est-on bien disposé à s'y accoutumer? Du côté flamand aussi, on est loin, aujourd'hui, de l'euphorie initiale. On dirait que l'exécutif flamand, soudain, ne sait plus quoi faire, qu'il n'y a plus rien à régler. Cette paralysie soudaine coïncidait clairement avec un événement politique au niveau national. Au cours de l'été 1983, le gouvernement national aboutit très laborieusement à un compromis compliqué relatif aux moyens financiers indispensables à l'entreprise sidérurgique wallonne Cockerill-Sambre. Dans une première réaction, l'exécutif flamand rejeta avec fermeté la proposition. Or, il n'apparaissait pas possible de réaliser l'accord sans l'assentiment de l'exécutif flamand. Après de nouveaux pourparlers, l'accord initial fut adapté et l'exécutif flamand le jugea acceptable majorité contre opposition. D'aucuns, apparemment, redoutent qu'une attitude flamande trop radicale n'exclue leur retour ultérieur au sein du gouvernement national. Et c'est là précisément que réside le noeud gordien de toute la réforme de l'Etat d'août 1980. Les membres des exécutifs régionaux et communautaires ont à la fois la qualité de sénateur ou de député ‘national’. Au Parlement national, ils font partie d'une autre coalition et ont des préoccupations et des priorités politiques différentes de celles qui sont les leurs au sein de leur propre exécutif. Si l'on maintient ce système de double mandat, où les élus changent de bonnet d'une assemblée à l'autre, les exécutifs finiront par devenir tout simplement une quelconque commission académique comme le pays en compte des centaines. D'aucuns estimeront que ce serait là la solution idéale, qui leur permettrait peut-être d'en revenir à la Belgique telle qu'elle était jadis. L'exécutif flamand a oeuvré pendant des mois pour faire remplacer dans les médias le terme ‘exécutif’, prévu par la loi, par celui de ‘gouvernement’, qui semble avoir plus de poids et faire meilleure impression. Il y a quelque temps, une note de politique générale de l'exécutif fut soumise au Conseil flamand, qui fait office de Parlement flamand. La majorité de fait CVP-PVV (démocratechrétienne et libérale) a rejeté une proposition tendant à remplacer dans ce texte le terme d'‘exécutif’ par celui de ‘gouvernement’. N'est-ce qu'un détail? Peut-être. Mais il illustre aussi que la réforme de l'Etat d'août 1980 ne se concrétise pas de la manière prévue et espérée. Pendant dix ans, le débat politique en Belgique s'est concentré sur un seul dossier: celui de la régionalisation à trois. Actuellement, la Belgique connaît ‘une certaine forme de régionalisation’ minimale au fonctionnement défectueux. Toute une série de signaux indiquent que l'on ne veut certes pas revenir sur cette réforme - ce qui serait difficile - mais qu'en même temps on se garde bien de la développer davantage, voire de la parachever, que ce soit en Flandre, en Wallonie..., ou en Belgique, laquelle demeure de ce fait un pays bien étrange. marc platel Adresse: Oudstrijderslaan 6, B-1950 Kraainem. Traduit par Willy Devos. |