Septentrion. Jaargang 13
(1984)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdLettre flamandeemanation de la génération de 1890, la revue de culture générale Van Nu en Straks (Aujourd'hui et demain) inaugura une ère nouvelle dans les lettres flamandes et refléta une haute conjoncture intellectuelle véritable. L'âme en était August Vermeylen (1872-1945) qui, avec Cyriel Buysse, Prosper van Langendonck et Emmanuel de Bom, fit paraître, en 1893-1894, la première série de numéros luxueux où, grâce au conseiller artistique Henry van de Velde, on voua une attention particulière à l'élément graphique. La deuxième série, de 1896-1901, compta parmi ses principaux collaborateurs les jeunes Karel van de Woestijne, Stijn Streuvels et Herman Teirlinck. Ouverte aux différentes expressions artistiques et aux influences et courants culturels de cette fin de siècle effervescente, la publication réservait une large part à l'essai et à la critique littéraire et artistique. Les essais Critique du Mouvement flamand et Mouvement flamand, mouvement européen de Vermeylen mirent fin au flamingantisme romantique et conféraient une nouvelle dimension à ses aspirations culturelles. Sur le plan littéraire, la revue consacra la gloire définitive du prêtrepoète Guido Gezelle et contribua au renouveau du roman villageois et à l'éclosion du roman personnel en Flandre. Une exposition Van Nu en Straks / Belle Epoque in Vlaanderen, | |
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Lucien Pissarro, gravure sur bois du livre de Margaret Rust ‘The Queen of the Fishes’. Dans ‘Van Nu en Straks’, 8 octobre 1894.
Quatre fondateurs-rédacteurs (de gauche à droite): Emmanuel de Bom (1868-1953), Prosper van Langendonck (1862-1920), August Vermeylen (1872-1945), Cyriel Buysse (1859-1932).
organisée au Centre d'art et de culture de l'abbaye Saint-Pierre à Gand, du 9 décembre 1983 au 5 février 1984, a reconstitué le climat général dans lequel se situait cette révuç en évoquant les cercles artistiques novateurs et les différents ismes controversés dans les arts plastiques. L'attention y était attirée plus spécialement sur les arts appliqués où Henry van de Velde jouait un rôle de promoteur actif au niveau de l'architecture et des différents secteurs et types de décoration - y compris des intérieurs de salon - caractéristiques de l'Art Nouveau. L'illustration de livres aussi prenait un nouvel essor à cette époque, célèbre également par des affiches illustrées typiques - une innovation - qui évoquaient la vie théâtrale, l'opéra et les expositions artistiques.
du 9 décembre 1983 au 4 mars 1984, le Musée des beauxarts de Gand a consacré une imposante rétrospective au peintre gantois Frits van den Berghe (1883-1939); qui, issu d'un milieu de modestes bourgeois, y suivit les cours de l'Académie royale des beaux-arts et étudia les arts décoratifs à l'Ecole de l'industrie de 1897 à 1903. De 1904 à 1913, il passe l'été à Laethem-Saint-Martin, village d'artistes déjà réputé, au sud-est de Gand, dans un méandre de la Lys. Il y noue des contacts avec des milieux artistiques, intellectuels et militants flamingants, fonde une famille, se lie avec le peintre Gustave de Smet et avec le théoricien et animateur Paul Gustave van Hecke, qui demeureront pendant toute sa vie des compagnons de route. Ses premières oeuvres, nourries des différents courants postimpressionnistes mais accordant plus de place à la figure humaine, tendent vers un ‘subjectivisme idéel et synthétique’ caractérisé par ‘une plus grande puissance poétique avec un peu plus de naïveté et tout autant d'authenticité’ que chez ses amis. En 1914, il quitte sa famille et part avec l'actrice Stella van de Wiele pour un séjour mystérieux aux Etats-Unis. Au retour, la guerre l'amène à choisir l'exil aux Pays-Bas, où la confrontation avec les courants modernes fauviste, cubiste, futuriste et expressionniste accélère sa recherche personnelle. Après un passage en Belgique, fin 1917, où il accepte un poste au département de l'Instruction publique, il rejoint à nouveau, après l'armistice, dans les villages d'artistes néerlandais de Blaricum et de Laren, le groupe des artistes et réfugiés activistes flamands. C'est là que s'épanouit son expressionnisme personnel: abstractions robustes, formes découpées, figures très stylisées et surfaces coloriées modelées dans un jeu de clair-obscur foncé. La vie et l'art de Van den Berghe se stabilisent après le | |
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Frits van den Berghe, ‘La femme à la rose’, la chanteuse Damia à Bobino (1925).
retour en Belgique, en 1921, à Ostende chez Constant Permeke, puis dans des villages plus anonymes sur la Lys. Van Hecke et André de Ridder, dans la galerie et la revue Sélection, essaient d'imposer l'expressionnisme. En 1923, le peintre réintègre sa famille et son art se fait plus serein, plus frais et plus espiègle, et accorde plus de place à l'environnement rural. Vers 1926-1927, la personnalité complexe de l'artiste se marque davantage: il introduit des éléments humoristiques et moralisateurs; des nouveautés et des associations plus audacieuses perturbent la représentation réaliste, par exemple dans les cycles La femme (1924), Spectacles (1925-1926). Le rêve et le fantasque de Naissance (1926-1927) s'écartent définitivement des valeurs picturales
Frits van den Berghe, dans les années trente.
du réalisme expressionniste. La nouvelle liberté confère une forme plastique à des ‘impondérables psychiques’ avec un indéniable retour au contenu. Le peintre fait connaissance avec le surréalisme, partage l'inventivité et la curiosité suscitées par les revues Le Centaure et Variétés, collectionne des sculptures nègres et des objets curieux originaux, sincères et primitifs. Les toiles de sa grande production dite ‘surréaliste’ ou ‘fantastique’ - dont le langage des formes remonte à des expériences au microscope faites aux Pays-Bas en 1919 - échappent à tout qualificatif. Van den Berghe y exprime de manière ludique, avec des techniques subtiles et des couleurs imprévisibles, dans des configurations figuratives étonnantes - les monstres entrent en scène -, tout l'éventail d'états spirituels et psychiques, d'idées, de déchirements intérieurs, dans un langage parfois ésotérique aux accents visionnaires qui nécessite l'analyse et captive toujours le spectateur de nos jours. La crise de 1930 fit s'effondrer le commerce des oeuvres d'art. Van den Berghe travailla comme illustrateur, dans toutes les tonalités, pour le journal socialiste Vooruit et d'autres publications, accentuant l'esthétique des idées et exprimant une critique implacable dans ses caricatures, et réalisa des dessins pour des revues artistiques et des livres. Ses derniers tableaux marquent un retour à des figures individuelles, toujours dans un contexte fantastique, et à des autoportraits discrets ou camouflés où prédominent la mélancolie et l'amertume. Il mourut le 20 septembre 1939. ‘Il a su exprimer, par les seuls moyens du peintre, le plus sublime et le plus noir de l'homme. Son oeuvre appartient, désormais, à l'un des moments authentiques et dramatiques de l'art contemporain. Si elle fut jugée prématurée, sans doute est-ce parce qu'elle était prophétique!’, écrit Emile Langui, ce que cette première rétrospective a amplement confirmé. emile langui: Frits van den Berghe 1883-1939. Beschrijvende catalogus van zijn geschilderd oeuvre. (Catalogue raisonné de son oeuvre picturale), Bruxelles, 1966. l'université wilhelm de Münster a décerné le prix Joost van den Vondel au peintre flamand Roger Raveel - ce prix, créé en 1960 par une fondation de Hambourg, couronne des personnalités qui se sont distinguées par une contribution culturelle exceptionnelle à l'intérieur de l'espace néerlandais et bas-allemand. | |
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Roger Raveel, ‘Jardinet avec charrette pour transporter le ciel’ (1970).
Né en 1921 à Machelen-sur-la Lys, au sud de Deinze (en Flandre orientale), dans une région rurale qui demeure toujours son environnement de prédilection, le jeune Raveel, enfant d'une santé précaire, se mit à dessiner et à peindre tout ce qu'il voyait et fut conscient très tôt de sa virtuosité et de sa vocation d'artiste. Il fit ses études à l'école des beaux-arts de Deinze et à l'Académie des beauxarts de Gand et subit notamment l'influence d'Hubert Malfait et de Jos Verdegem. De 1948 à 1955, Raveel peint des scènes de son entourage quotidien - maison, jardin, rue, pans de mur, bicyclette, charrette, animaux domestiques, père, voisin, femme - dans une nature non idyllisée où se sont glissés petit à petit les éléments triviaux de la vie moderne. Désireux de rendre à la réalité et à la vision leur immédiateté objective par le biais de la peinture, il recherche un langage plastique plus direct et plus simple pour appréhender l'essentiel; il prend comme point de repère, à cet égard, l'oeuvre de Piet Mondriaan, de Francis Léger et de Giotto. Interrogeant l'identité picturale des objets et ayant constaté qu'une lumière trop forte ou trop faible peut la modifier fondamentalement, il commence dès 1952 à intégrer à ses tableaux des vides, des blancs. Après une période de plus grande abstraction, de 1957 à 1962, où la nature se réduit à une question de pure forme et de lumière, Raveel explicite sa ‘nouvelle vision’. Celle-ci cherche à exprimer les tensions entre l'homme et son environnement, l'architecture et l'espace, l'illusion et la réalité, le tableau et le monde environnant, ce qui confère une intensité toute particulière à ses compositions. Il intègre des objets au tableau - même un pigeon dans une cage, comme dans le triptyque Basse-cour avec pigeon (1962) -, à moins que ses tableaux ne débordent du cadre pour se diffuser dans la réalité, et il crée des ensembles tridimensionnels, avec des figures découpées et des miroirs, comme dans Groupe d'illusion (1965). En 1966-1967, avec Etienne Elias, Raoul de Keyser et Reinier Lucassen, il réalise un premier ‘happening pictural’ en peignant, avec des effets de trompe-l'oeil, les couloirs de soussols du château du comte de Kerckhove de Dentergem à Beervelde. En 1968, il présente à Bruges un ensemble Jardinet avec charrette pour transporter le ciel, dont il fait une réplique peinte en 1970. En 1971, il proteste contre la dégradation de l'environnement en mettant quatre cygnes en bois peint sur les canaux pollués de Bruges et en faisant flotter sur la Lys un radeau couvert de sacs en plastique et portant un de ses tableaux. Dans les années soixante-dix, il poursuit l'exploration métaphysique des rapports entre la réalité pure et la réalité picturale en recourant à quelques motifs nouveaux tels que les relations homme-femme et en insérant quelquefois son autoportrait de face ou de dos. En 1976, il exécute une peinture murale longue de vingt mètres et à portée sociale, Ensor: ‘Vive la Sociale’(?), dans la station Merode du métro bruxellois. Le défilé de tableaux de 1978 à Machelen explicite à nouveau sa relation éminemment picturale avec la vie. Signalons aussi qu'entre 1956 et 1960, Raveel a réalisé des céramiques et que depuis 1965, il s'adonne également aux disciplines de la lithographie, de l'eau-forte et de la xylographie. L'oeuvre de ce chantre de la vie paisible se caractérise avant tout par l'éclat et la fraîcheur, par une pureté et une spontanéité dans un désir de communication qui l'apparente au mouvement Cobra et qui préfigure le pop-art américain, et par une rigoureuse spiritualité, le tout exprimé à travers une apparente naïveté et nonchalance mais poursuivant le mystère de la réalité quotidienne par la voie d'une peinture particulièrement réfléchie. Le spectateur ressent aussi une certaine distanciation devant ces tableaux, dont les espaces neutres l'invitent cependant à s'y intégrer. Raveel a pu se féliciter assez rapidement d'un intérêt manifeste que d'aucuns ont porté à sa quête et à la traduction picturale qu'il en donnait, et plusieurs grandes | |
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expositions rétrospectives lui ont déjà été consacrées, les dernières à Bruxelles en novembre dernier et à Aix-la-Chapelle en 1984. Il ne s'en déclare pas moins ‘reconnu mais incompris’. roland patteeuw: Roger Raveel 1950-1954: een creatief moment na het expressionisme (Un moment créateur après l'expressionnisme), Tielt, 1974.c'est en souvenir de son fondateur et animateur Maurice Naessens (1908-1982), économiste, banquier, ami de l'art et de la science, que le fonds Mercator vient de publier, avec tout le soin et toute la richesse d'illustration qu'il apporte à tous ses volumes, Les Pays-Bas bourguignons.Ga naar eind(1)
Le Portugais Vasco de Lucena présente à Charles le Téméraire sa traduction de l'oeuvre ‘Les faiz du Grant Alexandre’. Les miniatures de ce manuscrit, telle celle-ci, sont une mine pour l'étude du mobilier, de la vaisselle et du costume dans la seconde moitié du XVe siècle. Le manuscrit date de 1468-1470. Paris, Bibl. Nationale. Ms. fr. no 22547, fo 1.
Les auteurs y étudient les très étroites relations réciproques entre l'existence d'une économie urbaine très développée, l'évolution d'un processus de création d'un Etat et l'activité culturelle exceptionnelle des Pays-Bas. Le lecteur désireux de compléter le puzzle de cette époque éclatante prendra comme guide Jean-Philippe Lecat: Quand flamboyait la Toison d'OrGa naar eind(2) ou pourra vivre encore quelques heures passionnantes en compagnie de Philippe le Bon. Le grand lion des FlandresGa naar eind(3) ou de Marie de Bourgogne.Ga naar eind(4) quoi qu'on dise, même les grands moments et épisodes historiques sont l'oeuvre des hommes et, bien souvent, le chant de l'histoire se poursuit en mineur et avec de piètres choristes. A cet égard, la signature même de l'historien Roger Avermaete annonce déjà une franche subjectivité et un non-conformisme déclaré, comme dans sa Nouvelle histoire de Belgique, où il nous mène jusqu'à l'avènement du roi Baudouin en 1950. Cette approche, du reste, n'exclut ni l'érudition ni le sens de la vérité et des proportions exactes. Dans ce ‘récit qui tend, parfois péniblement, à saisir la fuyante vérité’, le moraliste Avermaete hante en permanence les coulisses du spectacle et étaye ses jugements de toute une anthologie d'aphorismes en marge de son texte. On ne s'étonnera pas que l'auteur de L'homme est bête et l'a toujours été (1980) termine son aperçu historique par la phrase suivante: ‘Pourquoi donc avoir ressassé ces vieilles péripéties? Ce serait en vain, en effet, s'il n'y avait quelque espoir - faible, il est vrai, mais tenace malgré tout; l'espoir qu'à force de montrer aux humains leur majestueuse stupidité, ils finiront par en tirer une leçon’. Ce n'est pas évident, et pourtant, à la veille du ‘Jour d'après’, ce serait hautement recommandable... roger avermaete: Nouvelle histoire de Belgique, Jacques Antoine, Bruxelles (55-57, rue des Eperonniers, B-1000 Bruxelles), 1983, 592 p. Réédition; première publication: 1971. WILLY DEVOS
Herdersstaflaan 38, 1170 Brussel-Bruxelles. |
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