‘Le martyre de sainte Catherine’ (fragment), 1582. Courtrai, église Saint-Martin (165×165, bois). Panneau central du triptique des tisserands en lin; les deux panneaux latéraux ont disparu.
utilisé des portraits gravés des auteurs présentés ou des gravures réalisées d'après leur oeuvre. La table analytique de près de cent quarante pages fournit une clé impressionnante à tout ce matériel. On comprend d'autant plus aisément pourquoi les éditeurs ont préféré s'en tenir à une simple réimpression. Une réédition commentée de l'édition Hymans aurait probablement nécessité un ou plusieurs volumes supplémentaires et des années de préparation.
Karel van Mander ne s'en est aucunement tenu à ce seul Livre des Peintres; d'autres ouvrages l'ont précédé ou suivi. La première édition, par l'éditeur Paschier van Wesbusch à Haarlem, en 1604, l'annonce explicitement, et une réimpression anastatique de 1969 par Davaco Publishers, à Utrecht, évoque fidèlement l'ensemble. Un essai en vers sur la Théorie de la peinture constitue le prélude. Suit l'aperçu biographique en trois parties, la première consacrée aux peintres de l'Antiquité, la seconde aux peintres italiens, la troisième aux peintres flamands, hollandais et allemands. Assez curieusement, van Mander a fait suivre cet important triptyque - dont le Livre des Peintres ne représente donc que le troisième volet - de sa traduction explicative des Métamorphoses d'Ovide et d'un essai plus concis intitulé Uitbeeldinge der figueren (Représentation des allégories), où il expose tout un arsenal d'emblèmes. Ce dernier ouvrage nous renvoie aux éditions du Physiologus de l'Antiquité, dont nous savons qu'elles furent en vogue jusqu'au dix-huitième siècle en tant que source d'emblèmes. Karel van Mander écrivit encore d'autres livres, mais moins directement apparentés au Livre des Peintres que les ouvrages précités. Du deuxième des trois volets, qui traite des peintres italiens, on a dit quelquefois, avec quelque dénigrement, que Van Mander se serait contenté de traduire Vasari. Dans son étude approfondie Carel van Mander en Italië (Carel van Mander et l'Italie, Martinus Nijhoff, 1954), Helen Noë, a souligné à
juste titre, que ce jugement se justifiait pour les soixante premiers chapitres, mais qu'en revanche, les derniers étaient l'oeuvre originale de van Mander et, qu'à ce titre, ils méritent incontestablement que l'on s'y intéresse de plus près. Noë souligne tout autant l'esprit critique dont fait preuve le Flamand en rédigeant les vies des peintres de l'Antiquité, où il étale notamment une connaissance approfondie des classiques.
Aux yeux d'Hymans aussi, c'est le Livre des Peintres qui a préservé Karel van Mander de l'oubli. L'affirmation est probablement par trop tranchée. En effet, subsistent aussi les tableaux que l'artiste nous a laissés, mais nombre d'entre eux ont été perdus de vue ou ont disparu. De plus, ils appartiennent à la transition romanisante qui sépare le siècle de Bruegel de celui de Rubens. Pourtant, les oeuvres conservées et qui nous sont connues, avec celles de son frère, de son fils en de son petit-fils, mériteraient d'être réunies et étudiées dans leur contexte historique et artistique. Ce travail contribuerait à cerner mieux encore l'importance de Karel van Mander et à illustrer, une fois de plus, combien de forces vives les Pays-Bas méridionaux ont cédées aux Pays-Bas septentrionaux, plus particulièrement après la chute d'Anvers. Rarement, dans l'histoire de l'Europe, un peuple a été aussi proche du déclin intellectuel, que le peuple flamand à l'époque de Karel van Mander.
GABY GYSELEN
Traduit du néerlandais par Willy Devos.
Henry Hymans: Le Livre des Peintres de Carel van Mander (1604). Réimpression de 1979 de l'éditon parue à Paris en 1884-1885. 2 tomes en I volume. IX, 417 & 494 p., avec 77 reproductions. Relié toile, en 8o. APA - Academic Publishers Associated, Postbus 122, 3600 AC Maarssen, Pays-Bas. Prix: 200 florins.