Septentrion. Jaargang 10
(1981)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Notices/LivresLa Flandre et la Chine... aujourd'huiLe lecteur me pardonnera cette variation sur le titre d'un article publié dans le premier numéro de l'année en cours de cette revueGa naar eind(1). Mon propos n'est pas d'apporter des rectifications à l'étude de Roger Blondeau, mais tout simplement de la compléter par un témoignage tout à fait contemporain. On connaît le récit du missionnaire flamand qui, il y a plusieurs siècles, réussit à pénétrer jusqu'au coeur de l'Empire chinois déjà si hermétique à l'époque. Mais cette relation troque soudain ce qu'elle a de froideur scientifique, contre une chaude émotion lorsque, dans cette même capitale chinoise, on se trouve face à la sépulture de ce même père Ferdinand Verbiest, car c'est bien sûr de lui qu'il s'agit. | |
Au coeur de l'école du Parti communistePour les visiteurs belges de passage à Pékin, du moins pour les visiteurs officiels qui en expriment le désir, la visite à la tombe du père Verbiest constitue un élément obligé du programme. Ce fut bien sûr le cas lors du séjour qu'effectuèrent les souverains belges en Chine fin mai début juin 1981, voyage que nous avons suivi en qualité de reporter des émissions radiophoniques belges de langue néerlandaise. Les Chinois sont particulièrement attentionnés: au programme de chaque concert présenté à des hôtes belges figurent toujours quelques chants populaires ‘belges’. Nous disons bel et bien ‘belges’, car les Chinois s'avèrent très bien informés de nos questions communautaires, de sorte que Het loze vissertje (Le petit pêcheur rusé) flamand alterne avec le Valeureux Liégeois wallon. Et nous ajoutons volontiers que l'exécution de ces chants, par exemple par la musique de l'Armée populaire chinoise lors du banquet officiel au palais du peuple à Pékin, sonnait fort correctement à nos oreilles. Toutefois, ni ‘le petit pêcheur rusé’ ni ‘le chant des géants’ (Het Reuzenlied) ne sont l'objet de ces notes de voyage. En effet, la présence flamande en Chine prenait un tout autre relief lors de la visite au monument funéraire du père Verbiest. La sépulture n'est pas accessible aux touristes. Comme je l'ai déjà indiqué, on fait une exception pour des visiteurs de marque qui demandent à la visiter. Il y a gros à parier qu'on en restera là. La raison en est évidente: le monument se trouve dans la cour intérieure de l'école du Parti communiste à Pekin. Pendant notre visite, on disait que le chef du parti Hua-Guofeng, entre-temps définitivement limogé, y suivait des cours de rééducation... On ne manquait donc pas de raisons pour tenir à distance les visiteurs étrangers. Par ailleurs, l'école n'a rien d'attrayant; elle fait plutôt songer aux bâtiments vétustes de quelque collège belge du siècle dernier. Et c'est précisément dans la cour intérieure de ce qui est devenu l'école du parti que se trouve un ancien cimetière où reposent notamment les trois jésuites dont Roger Blondeau a si brillamment évoqué le rôle: l'Italien Ricci, l'Allemand Adam Schall et le Flamand Ferdinand Verbiest de Pittem, que ses contemporains chinois appelaient Nan Huai Ren, le ‘débonnaire’. La sépulture a survécu au soulèvement des boxers et à la révolution culturelle. ‘Survécu’ est beaucoup dire, car le monument a été restauré il y a deux ans: il avait beaucoup souffert de l'impétuosité des jeunes lors de la révolution culturelle. Les traces de la fureur destructive révolutionnaire demeurent visibles. Mais passons, laissons le passé: Verbiest, Ricci et Schall | |
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La tombe du Père Verbiest et à droite celle du Père Ricci.
ont reçu une sépulture tout à fait présentable et respectable. Les guides chinois, qui devaient avoir appris que Verbiest et ses amis étaient loin d'être les ennemis du peuple qu'on leur avait d'abord dépeints, n'en demeurent pas moins quelque peu ébahis en voyant, un chaud matin d'été, le roi des Belges déposer très solennellement une imposante couronne de fleurs devant la tombe. Lorsqu'en plus les journalistes belges se mettent à leur poser toutes sortes de questions sur cette sépulture, ils trahissent leur impatience d'en finir avec cette visite. | |
Paul SpringaerdLes Chinois demeurent tout à fait pantois lorsque journalistes et dignitaires de la Cour vont fureter parmi les vestiges d'autres tombeaux. Jusqu'ici, ils ont toujours affirmé que plus rien ne subsistait d'autres sépultures autour de celle de Verbiest et de ses amis. Ceux-ci sont en effet inhumés dans ce qui fut jadis le cimetière des Européens en Chine. Or, les quelques minutes que nous avons pu nous y promener nous ont permis de constater que les Chinois ‘mentent’: d'autres tombes entourent encore celle de Verbiest. Ainsi notre collègue
Des instruments astronomiques de l'observatoire de Pékin construit sous la direction de Ferdinand Verbiest. A l'arrière-plan, ce qui reste de l'observatoire. Remarquez les échafaudages.
du quotidien flamand De Standaard (L'étendard), Marcel van Nieuwenborgh, découvrit-il le tombeau de Paul Springaerd, cet autre Flamand qui joua un rôle dans la capitale chinoise au cours du dix-neuvième siècle. Il a notamment traduit en chinois le catéchisme de Malines. Springaerd avait épousé une Chinoise qui lui a donné douze enfants. Maintenant que nos deux ministres de la Culture ont eu à Pékin des pourparlers sur les relations culturelles entre les deux pays, il serait tout indiqué que l'on demande aux Chinois l'autorisation d'examiner de plus près le cimetière dans son ensemble. Si la visite du tombeau de Verbiest figurait déjà au programme d'autres visiteurs belges, le fait que les souverains belges aient pu visiter les vestiges de l'observatoire de Verbiest était hautement exceptionnel. Celui-ci se trouve à l'extrémité de l'avenue de la Paix céleste qui coupe Pékin en deux sur une longueur de quarante kilomètres. Seules subsistent les fondations, soit un grand tas de pierres d'où l'on jouit, du reste, d'une impressionnante vue panoramique sur le centre de la capitale. S'il ne subsiste plus grand-chose de l'observatoire, on décèle encore clairement, par terre, des traces de l'emplacement des instruments de Verbiest, | |
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lesquels se trouvent maintenant en bas, à ciel ouvert, quelque part entre des baraques. Certes, ils sont trop lourds pour qu'on vienne les enlever, mais un minimum de protection, contre des intempéries, par exemple, serait tout indiqué. Ces instruments ont été réunis à cet endroit en attendant qu'un musée soit construit sur les fondations de l'ancien observatoire. Des échafaudages autour du tas de pierres nous ont par ailleurs donné l'impression que des travaux sont en cours. En effet, Verbiest est de nouveau autorisé, puisqu'il a réalisé des choses ‘encore utilisables scientifiquement’. L'attaché culturel de notre ambassade à Pékin a, pendant deux ans, habité un appartement d'où il avait une belle vue sur les vestiges de l'observatoire, mais il a dû attendre le jour de la visite officielle des souverains belges pour pouvoir y accéder. Pour ce qui est des instruments proprement dits, ils se caractérisent par ce que l'on pourrait appeler un très beau ‘design’ avant la lettre, c'est-à-dire par une finition et des formes indéniablement esthétiques. Il s'en est fallu de peu qu'ils ne disparaissent: Tchang Kaï-chek les avait emportés à Nankin dans sa fuite; ils avaient déjà abouti auparavant en Allemagne... Il se pourrait donc que les Flamands visitant la Chine à l'avenir voient inscrire à leur programme un nouveau musée, lors de leur séjour à Pékin. Peut-être la communauté flamande pourrait-elle faire un geste pour accélérer la construction de ce nouveau musée ‘flamand’... MARC PLATEL |
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