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Le Parti social chrétien (1945-1968) de Belgique
Mark Van den Wijngaert
Né en 1940 à Hoboken (province d'Anvers). Docteur en philosophie et lettres, section d'histoire moderne. Professeur à la Vlaamse Economische Hogeschool et assistant aux Universitaire Faculteiten Sint-Aloysius à Bruxelles.
Principales publications: Het beleid van het Comité van de Secretarissen-generaal in België gedurende de Duitse bezetting 1940-1944 (1975 -La politique du comité des secrétaires généraux en Belgique sous l'occupation allemande 1940-1944), Ontstaan en stichting van de CVP-PSC (1976 - Les origines et la fondation du CVP-PSC), Het Wener Congres (1978 - Le congrès de Vienne), Het Verdrag van Londen, 19 april 1839 (1979 - Le traité de Londres, 19 avril 1839).
Adresse:
Bieststraat 126, 2970 Boortmeerbeek (Belgique).
Le parti catholique en Belgique a dû faire face, dès la fin du dix-neuvième siècle, à un antagonisme opposant l'aile démocrate-chrétienne qui, par la suite, souhaita se rapprocher des socialistes et l'aile droite apparentée davantage aux libéraux. Au sein de l'Union catholique belge de 1921, les conservateurs de la Fédération des cercles catholiques se trouvaient face à face avec les organisations de classe des ouvriers, des cultivateurs et des classes moyennes. L'aspect confessionnel de l'Union catholique belge se référait au caractère clérical du parti catholique, qui avait été créé principalement par réaction à l'anticléricalisme des libéraux et des socialistes. En Flandre, les organisations socioprofessionnelles l'emportèrent sur la Fédération des cercles catholiques. En Wallonie, en revanche, le mouvement ouvrier chrétien n'était pas très solide et il n'y avait pas non plus d'organisation agricole catholique centralisée, de sorte que les conservateurs y demeurèrent prédominants. Dans les années trente, les groupements catholiques formulèrent des critiques à l'égard du pouvoir législatif dans la mesure où celui-ci aboutissait à l'immobilisme. Une des idées qui en résultait, et qui était par ailleurs étroitement liée à la sympathie que certains milieux catholiques nourrissaient à l'égard de régimes autoritaires tels que celui de Salazar, était celle du renforcement du pouvoir exécutif. Après la lourde défaite électorale de 1936, l'Union catholique belge fut transformée en un Bloc
des catholiques de Belgique, au sein duquel les organisations socioprofessionnelles continuaient d'occuper une position privilégiée et qui comprenait le Katholieke Vlaamse Volkspartij (Parti populaire catholique flamand), d'une part, et le Parti catholique social, d'autre part. Au fur et à mesure que s'aggravait la crise à la fin des années trente, les jeunes et les intellectuels
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August De Schryver fut élu premier président du PSC au cours du congrès de fondation en août 1945.
catholiques aspiraient de plus en plus à une situation claire pour ce qui était de la composition du parti, à un programme contraignant et dépassant les intérêts des différents milieux, à un parti fort qui puisse mettre sur pied des gouvernements stables et à une rénovation des cadres politiques. La deuxième guerre mondiale vint interrompre la concrétisation de ces aspirations, mais ce qui fut différé n'était pas perdu.
Sous l'occupation, des membres du parti d'avant-guerre, des représentants des organisations chrétiennes, de jeunes intellectuels et ouvriers mirent tout en oeuvre pour élaborer un programme et une structure du futur parti. La tendance autoritaire de certains projets visait à éviter l'impuissance politique qu'on avait connue dans les années trente. Le courant démocratique émanait principalement du mouvement ouvrier chrétien qui, encore pendant la guerre, avait subi la concurrence de l'Union démocratique belge travailliste et déconfessionnalisée. Les nombreux préparatifs clandestins permettaient, au lendemain de la libération du pays, de s'atteler à la rénovation du parti catholique. Au mois de décembre 1944 fut publié un document prônant la bonne entente entre Wallons et Flamands et la réalisation d'un programme commun par la voie d'un parti national unitaire d'inspiration chrétienne, c'est-à-dire d'un parti qui se fonderait sur l'affiliation individuelle et non pas sur la représentation directe des groupements socioprofessionnels. Telle devait être la grande ligne directrice de la rénovation.
Le 5 février 1945, le comité directeur du parti décida de supprimer le Bloc des catholiques et un groupe de dirigeants fut chargé de créer un comité d'organisation pour mettre sur pied le nouveau parti. Il fallait éviter de retomber dans les discussions d'avant-guerre concernant les intérêts des différentes classes et le manque d'unité au niveau de la direction. Les conservateurs d'avant-guerre, s'ils n'étaient pas tout simplement exclus, ne furent pas associés à la mise sur pied des sections arrondissementales et locales.
En préparation au congrès de fondation, le comité d'organisation publia, au mois de mai 1945, un projet de programme et un manifeste. Le programme était tributaire du Centre d'étude de la réforme de l'Etat d'avant-guerre et du document de synthèse de décembre 1944. En outre, il était manifestement influencé par les idées d'Emmanuel Mounier, qui mettait l'accent sur l'engagement de la personne dans la société, ainsi que par les Semaines sociales de France. Sur le plan économique et social, on décelait l'inspiration de W.H. Beveridge, qui affirmait qu'il était possible de réduire le chômage au minimum en dehors de tout dirigisme. Grâce à une reconversion mentale générale, les idées autoritaires conservatrices de décembre 1944 avaient cédé la place à des idées démocratiques. Le Parlement, qui avait repris ses activités, et le dynamisme des nations anglo-saxonnes avaient ranimé l'enthousiasme pour la démocratie. Une autre innovation était certes
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Les personnalités en tête d'une grande manifestation nationale contre la législation L. Collard en 1955;
d.g.à.dr. R. Houben, J. De Spot (au deuxième rang), P. De Stexhe, A.E. Janssen, P. Harmel, Ch. Du Bus de Warnaffe, P. Struye, F. Van Cauwelaert, R. Hulpiau, A. Oleffe et G. Cool.
l'ouverture du parti à toutes les classes, avec une attention toute particulière consacrée aux moins favorisés. En vue de renforcer la direction, un président national fut placé au-dessus des deux ailes. Le Christelijke Volkspartij (CVP - littéralement: Parti populaire chrétien) - Parti social chrétien (PSC) était déconfessionnalisé, mais il s'inspirait bel et bien des valeurs chrétiennes traditionnelles de la culture occidentale. Il se présentait comme un parti national qui poursuivait le maintien de la Belgique composée de deux communautés culturelles distinctes. Ceux qui rêvaient d'en faire un parti du centre devaient conclure de leurs calculs électoraux que la mise à l'écart de l'ancienne droite ferait perdre beaucoup de voix. Dans les milieux du PSC francophone surtout, on plaidait en faveur d'un virage à droite, mais ce projet devait échouer. A quelques exceptions près, la vieille droite demeurait éliminée. Le même groupe centriste chercha également une ouverture en direction de l'aile gauche dissidente, qui était fortement influencée par l' Union démocratique belge. Cela non plus ne devait pas réussir. En préparation à la fondation du parti, le comité d'organisation présenta la présidence à August De Schryver. Celui-ci avait suffisamment d'expérience politique, n'était pas lié à une classe déterminée, appartenait à la génération intermédiaire mais comprenait
parfaitement les jeunes. Catholique, il était partisan d'un parti non confessionnel, et monarchiste, il comprenait les motifs des antiléopoldistes lors de la question royale.
Le congrès de fondation se déroula à Bruxelles les 18 et 19 août 1945. De fortes oppositions se manifestèrent au sein des commissions de l'Intérieur tant du côté du CVP que de celui du PSC. Les jeunes rejetèrent les termes vagues dans lesquels étaient rédigées les résolutions
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Le ‘conclave’ de sociaux-chrétiens et socialistes, tenu au château de Val-Duchesse en juillet 1963, aboutissait à un compromis en matière linguistique qui fut après coup très contesté en Flandre (Photo Belga).
proposées. Cette controverse illustre et caractérise la phase transitoire dans laquelle se trouvait le parti à ce moment-là. Avant la guerre, on se contentait de formuler des idées sociales générales que les syndicats, par exemple, se chargeaient de développer en détail. En 1945, les jeunes exigèrent que le parti présentât lui-même un programme détaillé. Le congrès estimait que le projet de programme devait être complété par le travail des commissions d'étude et les contributions des arrondissements. Après une activité intense, coordonnée par le Centre d'étude et de documentation - le précurseur de l'actuel Centre d'études politiques, économiques et sociales (Cepess) -, le texte définitif du programme fut parafé par August De Schryver le jour de Noël 1945. Face au capitalisme libéral et au collectivisme marxiste, le programme mettait l'accent sur le personnalisme chrétien, qui visait à donner à chaque individu la possibilité de développer sa personnalité par la voie de la famille, de la profession et de la société. Sans faire abstraction des besoins de l'immédiat après-guerre, le programme présentait les conceptions du parti concernant pratiquement tous les aspects de la société.
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Le programme de Noël n'avait pas d'équivalent dans le contexte politique de l'époque et constituait un atout indéniable à la veille des élections de 1946. Il était frappant, par ailleurs, que face au désir de rénovation du PSC, les autres partis politiques poursuivirent sur le chemin tracé dès avant la guerre.
Le point de gravité du fonctionnement du parti se situait au niveau des arrondissements. Ceux-ci envoyèrent des délégués au congrès du parti, qui orientait la politique nationale et désignait la direction nationale. Le nouveau parti mit fin au monopole que détenaient avant la guerre les groupes parlementaires en matière de politique générale et de direction du parti. Les organes de direction nationaux et arrondissementaux étaient composés statutairement de façon à ce que les parlementaires ne puissent y être numériquement majoritaires. De plus, le mandat politique fut déclaré incompatible avec la présidence d'un arrondissement ou d'une section. Cela signifiait qu'à long terme, une large part de la responsabilité individuelle serait transférée des mandataires politiques au parti. Par suite du renversement dans la structure du parti, l'influence politique de ces organisations socioprofessionnelles fut réduite. Les comités politiques de ces organisations furent supprimés et celles-ci conseillèrent à leurs membres de s'affilier au PSC. Cet avis fut moins suivi en Wallonie qu'en Flandre, notamment parce que le travaillisme de l'Union démocratique belge attirait beaucoup de membres du syndicat chrétien. Celui-ci ne put compenser la supériorité numérique des ouvriers du côté socialiste et se sentait moins à l'aise au sein du PSC parce que la direction de l'aile française était principalement entre les mains de personnes exerçant des professions libérales et de représentants de la bourgeoisie aisée. Par ailleurs, l'organisation ouvrière chrétienne déclara qu'elle n'était pas inconditionnellement disposée à
collaborer avec le PSC. Le caractère conditionnel de cet appui demeura une constante dans l'histoire du parti et a souvent pesé comme une lourde hypothèque sur celui-ci.
En principe, le PSC était un parti unitaire, mais la pratique était bien différente. Lors de la préparation des élections de 1946, une dérogation au règlement du parti fut accordée, de sorte que les organisations socioprofessionnelles pouvaient peser de tout leur poids sur la composition des listes des candidats. Le calcul électoral primait sur la volonté politique de constituer un parti unitaire. Cette tendance aussi devait persister. Par ailleurs, les premières élections auxquelles il participa furent un succès plus que considérable pour le parti. Obtenant 92 sièges sur 202 à la Chambre des représentants et 83 sur 167 au Sénat, il fut tout de suite le premier parti du pays. Les deux tiers de ses mandataires furent des débutants au Parlement.
D'emblée, la majorité du PSC était favorable au retour du roi Léopold III. La question était très chargée politiquement et entraînait une véritable polarisation. En effet, les socialistes, les communistes et la majorité des libéraux s'opposèrent au roi. Seul un gouvernement PSC homogène rendrait possible le retour du souverain. Cette question fut dès lors l'enjeu des élections de 1949 et de 1950. A l'encontre de toutes les bonnes intentions, le programme et l'élargissement du parti y furent sacrifiés. Le PSC conquit la majorité absolue en 1950 et organisa un référendum sur le sort du roi Léopold III. Moins important était le fait que 57,68% des électeurs souhaitaient voir le souverain poursuivre son règne et que 42,32% voulaient le voir abdiquer. Plus important était que les ‘oui’ atteignaient 78% en Flandre, 48% à Bruxelles et 42% seulement
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De g.à.dr. les ministres CVP R. Van Elslande, A. Bertrand, Pl. De Paepe et J. De Saeger arrivant au conseil de cabinet du 6 février 1968, au cours duquel ils allaient, avec leurs collègues du CVP, se retirer du gouvernement Vanden Boeynants-De Clercq (Photo Belga).
en Wallonie. Le gouvernement PSC homogène, sous la direction de Jean Duvieusart, ne fut pas à même de prévenir l'abdication de Léopold III, notamment à cause de l'attitude peu logique de ses ministres et de la situation prérévolutionnaire provoquée par la gauche en Wallonie. On pouvait, par ailleurs, difficilement prétendre que rétablir sur le trône une figure à ce point contestée eût été raisonnable dans un Etat où la monarchie, symbole de l'unité nationale, était censée être au-dessus des partis. Dès que la question royale fut posée dans toute son acuité, l'affaire était perdue pour Léopold III. Son abdication constituait une lourde défaite politique pour le PSC. Le parti perdait pour plusieurs années sa crédibilité politique auprès de ses électeurs et de ses militants. L'une des conséquences politiques fut que lors du congrès extraordinaire de 1950, on exigea, du côté flamand, une plus grande autonomie pour les deux ailes du parti. Les Flamands ressentaient l'issue de la question royale non seulement comme un affront leur infligé par les anticléricaux, mais surtout par les Wallons.
Le gouvernement homogène PSC continua à gouverner jusqu'en 1954. L'échec relatif n'est imputable qu'en partie au personnel politique. Le plus grave, c'était l'absence de programme dans la politique des gouvernements; en outre, l'appui de la base leur manquait. Des groupes de pression abusèrent de cet état de choses, ce qui contribua à renforcer encore davantage le complexe d'infériorité qu'avaient gardé nombre de sociaux-chrétiens à l'issue de la question
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royale. Il ne fut dès lors pas étonnant que le parti dût essuyer une lourde défaite électorale en 1954.
Sous le gouvernement homogène PSC, le ministre de l'Instruction publique, Pierre Harmel, avait élaboré une réglementation de subventions en faveur de l'enseignement secondaire libre catholique afin de réduire l'inégalité entre l'enseignement de l'Etat et l'enseignement libre. Dans les écoles de l'Etat, l'enseignement était presque gratuit, alors que les écoles catholiques, faute de subsides, devaient demander aux parents d'importantes contributions financières. Cette politique cadrait parfaitement avec le pluralisme sociologique et idéologique du parti. Sous la coalition entre socialistes et libéraux, qui gouverna jusqu'en 1958, le ministre socialiste Léo Collard s'appliqua à étendre considérablement le nombre d'écoles de l'Etat et à diminuer et à compliquer la subvention des écoles catholiques. La fraction catholique de la population ressentit cette législation comme une humiliation et une menace et créa le Comité de liberté et de démocratie. Une fois de plus, les blocs clérical et anticlérical se retrouvèrent face à face. Mais dans cette lutte scolaire aussi, on put constater une communautarisation des réactions. Les Flamands avaient l'impression d'avoir à défendre la foi contre les francophones anticléricaux. Jouant la carte des ‘intérêts supérieurs et moraux’, le PSC remporta en 1958 une victoire éclatante. Il se garda cependant d'adopter une attitude revancharde. Du côté démocrate-chrétien flamand, on ne voulait pas activer la lutte contre les socialistes, parce que cela contribuerait à renforcer la position de la bourgeoisie conservatrice catholique à Bruxelles et en Wallonie. De leur côté,
nombre de socialistes se rendaient compte que leur président, Max Buset, s'était trompé en prenant l'antireligiosité comme moteur de la politique socialiste. Les libéraux suivirent une politique de réconciliation et renoncèrent peu de temps après à leur tradition anticléricale. Du côté du PSC, lors de la solution du problème, on n'invoqua pas les intérêts de l'Eglise en matière d'enseignement mais plutôt la liberté de conscience des parents dans le choix de l'école et l'égalité des chances pour tout le monde. La gauche demanda, en contrepartie, qu'on aboutisse à une répartition équitable entre les écoles catholiques et neutres. Le Pacte scolaire, qui fut conclu entre les trois partis traditionnels, donna satisfaction aux deux interlocuteurs. Le PSC se rendait compte que ce pacte constituait pour de nombreux catholiques une raison de ne plus voter pour lui. Le parti aspirait dès lors à se redéfinir et à se réaffirmer. Ce n'est pas un hasard si les congrès de 1960, 1961 et 1963 furent consacrés essentiellement à la doctrine.
L'existence de tout un réseau d'organisations - syndicats, hôpitaux et coopératives - du côté chrétien comme du côté socialiste est une des raisons pour laquelle il n'y a pas eu de percée d'un parti progressiste. Pourtant, les mouvements ouvriers socialiste et chrétien défendaient des conceptions politiques, économiques et sociales en grande partie parallèles. Lors des coalitions entre chrétiens et socialistes, il se posait plus de problèmes entre démocrates-chrétiens et catholiques conservateurs qu'entre démocrates-chrétiens et socialistes. Ce ne fut pas seulement leur passé respectivement clérical et laïc qui freinait les travaillistes chrétiens et socialistes dans leur rapprochement en vue d'un éventuel parti commun. Surtout les fortes structures institutionnelles s'y opposaient.
A partir de 1945 surtout, les deux régions linguistiques avaient développé des conceptions divergentes dans toutes sortes de domaines. Lorsque les questions d'ordre philosophique et idéologique furent reléguées à l'arrière-plan après la conclusion
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Après la chute du gouvernement Vanden Boeynants-De Clercq en février 1968, le CVP et le PSC se réunissaient séparément. A la table de la réunion PSC, on remarque à droite L. Servais, futur président du nouveau parti.
du pacte scolaire, les questions communautaires se remirent à occuper le devant de la scène politique comme jamais auparavant. Le progrès démographique et industriel de la Flandre - le revenu national par tête d'habitant en Flandre, en 1967, dépassait pour la première fois celui de la Wallonie - ainsi que l'assurance accrue des Flamands inspirèrent à beaucoup de francophones la crainte de se voir minorisés.
A ce moment, les néerlandophones avaient encore beaucoup de retard à rattraper en matière d'enseignement supérieur, dans la fonction publique et dans les entreprises. Le PSC s'opposa dès le début au fédéralisme et opta en faveur d'un régionalisme culturel, économique et politique. Le Parti socialiste belge (PSB) continuait à se déclarer partisan de l'Etat unitaire. Aussi voyait-il de plus en plus d'électeurs se détourner de lui. Face à ces deux partis, on constate le nouvel essor du parti libéral fraîchement renové et la percée des partis communautaires. La Volksunie (VU - Union populaire), parti communautaire flamand, passa d'un siège en 1958 à 20 sièges en 1968. Du côté francophone, il n'y avait guère de groupement politique communautaire en 1958. Dix ans plus tard, le cartel bruxello-wallon Front démocratique
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Les sociaux-chrétiens néerlandophones écoutant les paroles du futur président du CVP, R. Vandekerckhove (Photo Belga).
des francophones - Rassemblement wallon (FDF-RW) obtint 12 sièges au Parlement.
Le gouvernement Lefèvre-Spaak (1961-1965) fut le premier à s'attaquer systématiquement aux difficultés d'ordre linguistique. En 1962 fut votée une réglementation concernant la frontière linguistique. Le compromis auquel aboutirent en 1963 les négociations qui avaient eu lieu au château de Val-Duchesse à Auderghem (Bruxelles) et qui servirait de nouvelle législation linguistique, fut contesté par une large fraction de l'opinion publique flamande. La complexité du dossier s'était aggravée du fait que Bruxelles se posait de plus en plus en troisième région. La conférence de la table ronde, qui avait initialement réuni les trois partis traditionnels, aboutit en 1965 à un accord de révision de la Constitution entre le PSC et le parti socialiste. Les élections de 1965 s'avérèrent si désastreuses pour les deux partis qu'ensemble ils ne disposaient plus de la majorité des deux tiers requise pour réaliser la révision de la Constitution. De nombreux sociaux-chrétiens conservateurs avaient voté pour les libéraux, tandis que bon nombre de Flamands, rejetant la législation linguistique contestée, avaient accordé leur voix à la Volksunie. En réponse à ce recul, le PSC,
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lors de son congrès de Liège, accorda une plus grande autonomie en matière linguistique et culturelle aux deux ailes du parti. Les divisions entre l'aile puissante du CVP et le petit groupe du PSC s'accentuèrent. Le CVP entendait faire appliquer et respecter les lois linguistiques, tandis que surtout les Bruxellois francophones entendaient les faire supprimer. La question de l'Université catholique de Louvain provoqua des divergences de vue inconciliables et fit éclater le parti. Le statut d'exception dont bénéficiait, en territoire de langue néerlandaise, la section française de l'Université de Louvain offusquait depuis longtemps déjà les Flamands. Lorsque le gouvernement de coalition PSC-Parti libéral Vanden Boeynants - De Clercq (1966-1968) refusa de se prononcer sur le transfert de la section française en Wallonie, les ministres CVP provoquèrent sa chute. En 1968, le CVP et le PSC menèrent leur campagne électorale chacun de son côté. Le CVP prônait le transfert de la section française de l'Université catholique de Louvain (UCL) en Wallonie ainsi que la limitation de l'agglomération bilingue de Bruxelles aux dix-neuf communes, tandis que le PSC défendait le maintien de I'UCL au Brabant flamand et l'extension de Bruxelles.
Partout les deux partis essuyèrent des pertes considérables. La situation était devenue intenable. Des congrès séparés fixèrent la structure fédérale du parti. Désormais le CVP et le PSC allaient mener une existence séparée.
Provisoirement, ils acceptèrent encore l'existence d'un centre de concertation sous la direction du président national, Robert Houben. Les programmes des partis furent, eux aussi, élaborés par des congrès séparés, mais le fait qu'en dehors des aspects communautaires, ils s'appuyaient sur les mêmes conceptions politiques, économiques et sociales, préservait d'une certaine manière la cohésion politique entre les deux partis.
En 1968, le PSC, en tant que parti national, n'était plus. Le fait que les électeurs néerlandophones et francophones voulaient renforcer leur emprise sur leurs élus pouvait être considéré comme un aspect de la démocratisation. Il était également frappant que la famille libérale ne parvenait pas, elle non plus, à faire face aux tendances centrifuges et devait se scinder en 1971. Au début des années soixante-dix, le Parti socialiste belge constituait encore l'unique parti national, du moins sur le papier, car il y avait déjà eu des congrès socialistes wallons et flamands séparés dès 1967. L'unité du parti socialiste fut maintenue artificiellement, pendant dix ans encore, au prix de difficultés toujours grandissantes. Il n'allait pas non plus échapper à la communautarisation. Dorénavant, le dialogue politique en Belgique ne se ferait plus d'une famille politique à l'autre mais de communauté à communauté.
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Bibliographie:
Le PSC. Ses principes. Son programme, Bruxelles, 1963. J. De Meyer: Verzuiling en doorbraak in de hedendaagse politiek (Le cloisonnement et le décloisonnement dans la politique contemporaine), Berchem-Antwerpen, 1967.
G. Dierickx, De CVP en de partijpolitieke strategieën na het Schoolpact (Le CVP et les stratégies partisanes après le Pacte scolaire), dans De Nieuwe Maand, XXI, 9, (novembre 1978), p. 497-509.
M. Gerard: De katholieke partij tijdens het interbellum (Le parti catholique dans l'entre-deux-guerres). (Document de travail non édité de l'Instituut voor Politieke Vorming à Bruxelles).
E.H. Kossmann: Herstel en reoriëntatie, 1945-1970 (Redressement et réorientation, 1945-1970), dans Winkler-Prins-Geschiedenis van de Nederlanden (Winkler-Prins-Histoire des Pays-Bas), tome III, p. 288-323, Amsterdam-Brussel, 1977.
Th. Luyckx: Politieke geschiedenis van België van 1944-1977 (Histoire politique de la Belgique de 1944 à 1977), Amsterdam-Brussel, 1978.
H. Todts: Hoop en wanhoop der Vlaamsgezinden (Espoirs et désespoirs des flamingants), 4 volumes, Leuven, 1961, 1967, 1971 et 1975.
M. Van den Wijngaert: Ontstaan en stichting van de CVP-PSC, De lange weg naar het Kerstprogramma (Les origines et la fondation du CVP-PSC. Le long chemin vers le programme de Noël), Antwerpen-Amsterdam, 1976.
L. Van Hove et R. Vermeire: Zwakheid en sterkte in de CVP (La faiblesse et la force du PSC), Leuven, 1959.
L. Wils: De katholieke partij in België (Le parti catholique en Belgique), dans Kultuurleven, XXXVI, 6 (juillet 1969), p. 471-475.
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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