Pays-Bas
Une Eglise divisée aux Pays-Bas.
Si, aux Pays-Bas, d'aucuns attendent avec une certaine curiosité, d'autres même avec une certaine appréhension, une déclaration du pape Jean-Paul II relative aux conflits qui se manifestent au sein de la province ecclésiastique néerlandaise, cela se produit principalement au niveau des évêques. Quant à savoir si la fraction catholique de la population néerlandaise s'en émouvra, cela dépendra de la manière dont le pape formulera son point de vue. En d'autres termes, cela dépendra de la question de savoir si, dans le conflit tel qu'il se présente, il s'efforcera d'assumer un rôle de médiateur et de dépasser le mieux possible, et dans la mesure où on lui en laissera la possibilité, les antagonismes qui s'y manifestent, ou si, en revanche, il prendra clairement le parti d'un des courants en présence. Pendant plusieurs années, la rupture qui s'est produite chez la population catholique, notamment à la suite de la concertation pastorale postconciliaire et des prises de position et divergences de vue qui s'y sont exprimées, à plus touché les laïcs et une fraction du clergé que les sept membres du collège épiscopal.
Cette situation a changé au printemps 1972, à la suite des nominations de monseigneur Gijsen et, un peu plus tôt de son ami monseigneur Simonis comme évêques respectivement de Roermond et de Rotterdam. Jusque-là, l'épiscopat néerlandais, sous la direction compétente et inspirée, mais dans son ensemble modérée, du cardinal Alfrink, avait fonctionné comme une équipe bien organisée. C'est pour cette raison précisément qu'il se heurtait de plus en plus aux critiques des plus conservateurs, tant sur le plan religieux que social, parmi les catholiques néerlandais. Ceux-ci surent gagner l'appui du célèbre nonce apostolique Angelo Felici fraîchement nommé, que le pape Paul VI avait envoyé aux Pays-Bas en vue d'y mater les Néerlandais apparemment considérés comme étant des schismatiques par nature. Par son intermédiaire ainsi que par d'autres canaux, qui avaient tous en commun de passer derrière le dos des évêques, des accusations et suspicions se mirent à affluer à Rome. Il en résulta que la Curie romaine décida de briser l'unanimité qui régnait au sein du collège épiscopal en procédant à la nomination de deux évêques, dont monseigneur Gijsen avait déjà indirectement sollicité pareille nomination en publiant une brochure qui démolissait par tous les moyens la politique suivie par les évêques néerlandais. Soutenu bientôt par son collègue à l'esprit un peu moins anguleux et lourd, monseigneur Simonis, l'ambitieux prélat ne tarda pas à annoncer qu'il considérait sa nomination à Roermond comme une mission dont le chargeait le pape: il devait remettre de l'ordre d'une manière
autoritaire non seulement à l'intérieur de son propre diocèse, mais dans l'ensemble de l'Eglise catholique néerlandaise. Il renvoya ses collaborateurs les plus proches et nomma le plus souvent possible des esprits congénères aux fonctions dirigeantes, fonda un séminaire de style traditionnel à Rolduc, mit fin à la collaboration avec l'Ecole supérieure de théologie de son évêché ainsi qu'à celle entre les autres diocèses et le sien, par exemple dans le domaine de l'action missionnaire. Il est devenu de plus en plus clair que monseigneur Gijsen se considère comme le suppléant du pape aux Pays-Bas. Cela implique logiquement qu'il brigue la fonction d'archevêque des Pays-Bas et le siège archiépiscopal d'Utrecht, occupé depuis la mise à la retraite du cardinal Alfrink par le cardinal J. Willebrands. Celui-ci cumule sa mission de chef de la province ecclésiastique néerlandaise et d'archevêque d'Utrecht avec ses activités de directeur du Secrétariat pour l'unité des chrétiens à Rome.
Une série d'évolutions récentes ont contribué à accentuer les tensions entre monseigneur Gijsen et son ami monseigneur Simonis, d'une part, et les cinq autres évêques, d'autre part. Il est vrai que surtout ces derniers se sont efforcés de dissimuler le conflit et de sauver, vers l'extérieur, l'apparence de l'unanimité. Mais cette situation provoque surtout une distance de plus en plus marquée entre une part considérable des catholiques néerlandais, qui ne comprennent plus très bien ce qui se passe chez ses évêques, et l'épiscopat, que paralysent ses divisions internes. De plus, la fiction de l'unanimité est à chaque fois brisée par de nouvelles affirmations apodictiques et autoritaires de l'évêque de Roermond. Lors de la réunion à l'automne de la Concertation pastorale nationale à Noordwijkerhout est clairement apparu à quel point la situation est devenu fausse. Une résolution y fut adoptée avec une large majorité des deux tiers des voix, demandant aux évêques néerlandais de soumettre au pape et aux évêques étrangers le souhait de nombreux catholiques néerlandais de rendre le sacerdoce accessible aux hommes mariés ainsi qu'aux femmes et de voir réhabilités les prêtres mariés.
L'épiscopat, après une concertation de vingt minutes, rejeta sans plus cette proposition. Il est clair qu'en l'occurrence, il s'agit tout simplement d'un changement d'orientation de l'épiscopat, Il ne s'agissait, en fait, que d'une demande formulée en des termes très prudents qui pouvait se référer au communiqué des évêques néerlandais de janvier 1970, où ils avaient déclaré ‘que leur communauté religieuse tirerait avantage permettant qu'à côté du sacerdoce célibataire choisi en toute liberté, le prêtre marié soit autorisé au sein de l'Eglise romaine en rendant le sacerdoce accessible aux