Septentrion. Jaargang 8
(1979)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdL'Apocalypse de Frédéric van der Meer.Le Livre de la Révélation, qui clôt l'Ancien et le Nouveau Testament, a inspiré les artistes au moins depuis le quatrième siècle après Jésus-Christ. Frédéric van der Meer l'a étudié sous l'angle de l'iconographie, de l'histoire de l'art et de l'exégèse. La tradition attribue les visions avec leurs catastrophes cosmiques à l'apôtre Jean, qui les aurait consignées avant l'an 96 dans l'île de Patmos, où il avait été exilé par l'empereur Domitien.
L'Innommé fait son apparition sur les nuées. Sans qu'il donne le moindre ordre, des anges et des chevaliers vont porter les fléaux sur les idolâtres comme s'ils suivaient un scénario parfaitement étudié. L'Apocalypse fut généralement condensée à quelques moments essentiels et représentée dans des mosaïques des premiers âges chrétiens, dans de nombreux manuscrits, reliures et portraits, sur des retables, des panneaux, des fresques et des tapisseries. L'Apocalypse marqua aussi profondément la littérature. Ainsi ne comprendra-t-on pas les visions de la mystique brabançonne du treizième siècle, Hadewych, si l'on n'a pas une connaissance sérieuse du Livre de la Révélation.
L'origine lointaine de L'Apocalypse dans l'artGa naar eind(1) de Frédéric van der Meer se situe dans les cours qu'il lui consacra en sa qualité de professeur d'histoire de l'art des premiers âges chrétiens et du Moyen Age à l'université de Nimègue, à une époque où ses assistants avaient pour tâche de réunir, de cataloguer et de faire photographier des illustrations ornant des études difficilement accessibles. Depuis, de nombreux manuscrits apocalyptiques ont été édités. Lorsqu'une diapositive manqua lors d'un de ses cours, le professeur Van der Meer traça d'un geste rapide et concis une esquisse de situation au tableau. C'était un véritable plaisir que de voir naître avec tant d'aisance la pièce manquante. L'entendre parler était un délice plus grand encore; en effet, tout professeur d'une science littéraire à l'une ou l'autre université néerlandaise n'est pas forcément un orateur sensible au langage. Ces cours furent dès lors suivis par une assistance nombreuse. Dans son introduction, Maurits Naessens attire l'attention sur le fait que parmi la vaste iconographie qu'il a puisée dans l'histoire de l'art, l'auteur n'a choisi que vingt oeuvres vers lesquelles allait sa préférence et qu'en outre, il a voulu se limiter à des témoignages iconographiques où la pensée religieuse était manifestement présente à l'avantplan. Van der Meer montre à quel point l'Apocalypse fut représentée en images d'une manière littérale et comment des écoles sont nées à partir d'une préférence pour certaines scènes et de la façon dont elles furent représentées. Il explique aussi comment les manuscrits servirent d'exemple pour la sculpture monumentale des portails des abbayes romanes. Tout cela était connu. Plus étonnant était le fait que l'iconographie des cathédrales françaises ne s'appuyât pas, comme le prétendit Emile Mâle, sur les écoles anglo-normandes, mais, comme le note Van der Meer, sur des exemples italiensGa naar eind(2).
Comme on est en droit de l'attendre d'une coopération entre Frédéric van der Meer et le Fonds Mercator, le passé flamand est examiné avec une attention particulière. Comme il le fait pour tout sujet, l'auteur l'aborde avec un jugement artistique critique, par exemple lorsqu'au sujet du plus célèbre tableau de la Belgique, L'Agneau mystique de Jan van Eyck, de 1432, il souligne l'iconographie peu cohérente et la gênante inégalité de grandeur des figures à droite et à gauche de l'Innommé. Pour ce qui est du groupe de personnages qui adorent l'Agneau, par exemple, il y voit ‘comme un mélange de pitié, de lassitude et de respect obligatoire que produit toute cérémonie de longue durée’Ga naar eind(3).
C'est la première fois que se trouvent reproduites intégralement et en couleurs les vingt-trois feuilles d'une Apocalypse flamande jamais publiée et qui remonte aux environs de 1400Ga naar eind(4). A côté du texte en flamand occidental, les enluminures nous montrent toujours un paysage vert sous un ciel bleu foncé. L'arrière-plan irréel souligne le caractère surréel des visions. Van der Meer attire l'attention sur la qualité inégale des mains des différents enlumineurs, mais aussi sur ‘l'élément pittoresque’ et sur ‘le génie de notre nation’Ga naar eind(5).
L'une des plus somptueuses illustrations de cette Apocalypse flamande est celle de la Femme revêtue du soleil, ayant la lune à ses pieds, qui tend son Enfant nouveau-né, poursuivi par le Dragon à sept têtes, à un ange. Elle-même reçoit des ailes lui permettant de s'enfuir et elle disparaît dans la verdure. Le dragon rouge, qui se démarque fort sur un décor bleu ardoise, crache dans sa direction, mais en vain. La Femme fut considérée alternativement comme symbolisant l'Eglise et Marie. | |
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L'‘Apocalypse flamande’ (enluminée vers 1400 et conservée à la Bibliothèque nationale de Paris, ms. néerl. 3). La Femme, revêtue du soleil et ayant la lune à ses pieds, tend l'Enfant à un ange. Un autre ange lui ajuste une aile à l'épaule qui lui permettra de fuir le Dragon aux sept têtes. Elle disparaît dans un bosquet d'arbres. Saint Michel attaque les têtes du monstre (illustration p. 221, feuille 12).
Van der Meer évoque les figures dans leur mouvement, dans leur dynamisme. Il entend une bouche ouverte proférer des bruits. Sa conception héraclitéenne du monde est parallèle à celle de l'auteur du premier siècle. Tous deux ils croient en une religion révélée et ils ont le sens de la dynamique inhérente aux choses ainsi que le sens du langage.
Les iconologues, iconographes et historiens de l'art s'attachent toujours beaucoup à indiquer des emprunts et des influences, soulignant par là la continuité historique. Van der Meer aussi ne manque pas de la signaler. Toutefois, il a le courage, à plusieurs reprises, de plaider en faveur de l'originalité de l'un ou l'autre artisteGa naar eind(6). En même temps, il ose émettre une appréciation artistique sur l'oeuvre qu'il analyse, ce qui est plutôt insolite, hélas, dans le domaine de l'historiographie de l'art néerlandaise. En effet, bien que le choix d'un sujet d'étude repose souvent, chez bon nombre d'historiens de l'art, sur des bases subjectives et irrationnelles, la qualité ne peut être prouvée en soi et ne peut dès lors pas être prise en considération en tant que catégorie scientifique. Les illustrations que nous propose L'Apocalypse dans l'art comportent à chaque fois tant de texte que l'ouvrage peut également se lire comme s'il s'agissait d'un livre d'images. Les illustrations en couleur sont d'une très grande qualité. La présentation générale de l'ouvrage est exceptionnelle: il est rare, en effet, qu'une présentation formelle aussi parfaite encadre un contenu scientifique aussi précis et à la fois aussi passionnant. Grâce à une mise en pages très soignée, le lecteur tournera la dernière page avant de s'y attendre, et il le regrettera: ce plaisir ne devrait pas être interrompu, ne devrait pas se terminer, pas plus que la liturgie céleste autour de l'Innommé, avec ses harpes, ses vielles et ses luths, une harmonie qui fut isolée en tant que thème du bonheur transcendant du livre des terreurs.
José Boyens, Groesbeek (Pays-Bas).
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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