Septentrion. Jaargang 8
(1979)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Le Musée national Vincent van Gogh à AmsterdamJosé BoyensEtudes de langue et de littérature néerlandaises à Tilburg. Professeur dans l'enseignement secondaire. En même temps, elle fit des études d'histoire de l'art à Utrecht. Docteur en histoire de l'art à Utrecht en 1974 avec une étude sur l'oeuvre sculpturale d'Oscar Jespers, comportant aussi un catalogue raisonné. Le Fonds Mercator projette la publication de cette thèse dans sa série d'éditions prestigieuses. | |
Histoire.Les nombreux vacanciers qui visitent les Pays-Bas ont généralement, dans la mesure où ils s'intéressent à la culture, trois projets précis en ce qui concerne l'art pictural: ils veulent se faire une idée aussi large et aussi exacte que possible de l'oeuvre de Rembrandt, et de ses contemporains, de Van Gogh et de Mondriaan. Pour Rembrandt et les peintres du dixseptième siècle, ils se rendent au Musée national d'Amsterdam et au Mauritshuis à La Haye; pour Mondriaan, ils visitent les Musées municipaux de La Haye et d'Amsterdam; pour Van Gogh, ils devaient s'adresser, jusqu'au 3 juin 1973, au même Musée municipal d'Amsterdam et au Musée national Kröller-Müller, qui se trouve au Parc national de ‘Hoge Veluwe’Ga naar eind(1). Avec les moulins à vent, les sabots, les canaux d'Amsterdam et le paysage des polders, les trois peintres que nous venons de nommer font partie de l'image publicitaire des Pays-Bas. La demande internationale étant considérable sur ce point, voyons d'un peu plus près ce que les Pays-Bas ont à présenter au visiteur qui s'intéresse plus spécialement au peintre Vincent van Gogh.
Il faut remonter aux origines de la collection Vincent van Gogh, c'est-à-dire jusqu'au peintre en personne. En tenant compte des tout premiers dessins, nous pouvons dire que l'oeuvre picturale et les dessins dans leur ensemble ont été réalisés en une période de dix ans. Les dizaines d'autoportraits s'étalent sur cinq ans et les Van Gogh issus de la palette légère, soit 536 peintures à l'huile, ont été peints entre le 27 février 1886, date où Vincent s'était établi à Paris, et le 29 juillet 1890, jour où il se donna la mort.
Vincent van Gogh fut lui-même le chroniqueur de son existence pénible et tragique par l'intermédiaire de ses nombreuses lettres - plus de 750 - lettres qu'il adressa à son frère Theo, à sa soeur Wilhelmina | |
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Le Musée national Vincent van Gogh à Amsterdam, par l'architecte Gerrit Rietveld. Façade arrière: extérieur avec la cage d'escalier. Juste en dessous de la cage d'escalier, on aperçoit un fragment de l'ingénieuse construction en trois parties constituant le toit.
et à ses amis, le peintre Emile Bernard et le chevalier Anton van Rappard. Ces lettres reflètent aussi une partie importante de ses tableaux. Il lui arrive d'en faire des croquis sur le papier à lettres. Vincent van Gogh n'était pas seulement un peintre passionné, mais aussi un épistolier passionné. Il lui arrivait d'écrire plus d'une lettre par jour à son frère Theo. Son langage est imagé et très direct. Ces lettres, éditées en 1952 par le fils de Theo, l'ingénieur Vincent Willem van Gogh, constituent un document humain très émouvantGa naar eind(2). Le lecteur ne peut échapper à l'impression qu'elles ont permis à Van Gogh de mener au moins sur le papier la vie qu'il ne parvenait pas à vivre dans la réalité. Elles témoignent des conflits internes et externes et du tragique qui en résulte, et ce sont là des aspects qui, à travers le monde entier, ont contribué à renforcer l'intérêt porté à l'oeuvre picturale et aux dessins de Van Gogh. Nombre d'historiens de l'art peuvent, dès lors, raisonnablement se demander quelle est la part d'intérêt purement pictural qui subsiste si l'on fait abstraction de l'intérêt que suscite à lui seul le drame humain chez Van Gogh. Theo van Gogh mourut en 1891. Son héritage revint à sa veuve, l'énergique Johanna van Gogh-Bonger. Elle commença par ouvrir une pension à Bussum en vue de pourvoir à son entretien et à celui du petit Vincent Willem. Socialiste et membre du parti ouvrier social-démocrate | |
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SDAP, elle militait en faveur de l'émancipation de la femme. Elle organisa aussi nombre d'expositions des oeuvres de Vincent, notamment au Musée municipal d'Amsterdam en 1905 et chez ‘Art contemporain’ à Anvers au printemps de 1914. Cette même année, juste avant que n'éclatât la première guerre mondiale, Johanna publia une première édition - quelque peu censurée - des lettres de Vincent à Theo, en trois volumes. Le classement des 652 lettres, (pour la plupart) non datées, a dû être un énorme travail. Johanna a dû se rendre parfaitement compte de la valeur littéraire que présentaient les lettres de Vincent.
Après la mort de Johanna en 1925, la collection passa aux mains de Vincent Willem van Gogh. Celui-ci la prêta en 1930 au Musée municipal d'Amsterdam. Après la seconde guerre mondiale, il permit l'organisation des importantes expositions consacrées à Van Gogh au Musée national de Stockholm, au Metropolitan Museum à New York et à l'Art Institute à Chicago. De nombreuses expositions en Amérique et au Canada suivirent. Pendant les mois d'été, la collection se trouvait généralement à Amsterdam. Entre-temps, les cadres lourds avaient été remplacés par des cadres de protection plus sobres, ce qui devait faciliter la maniabilité et le transport de la collection. | |
Le bâtiment.Vincent Willem van Gogh fut contacté officieusement par le gouvernement néerlandais en 1958 en vue de prêter sa collaboration à un projet de musée Van Gogh. Un accord fut conclu entre le gouvernement et la famille Van Gogh le 21 juillet 1962. Le gouvernement promit de construire et de gérer un musée; la famille se déclara disposée à lui céder tous ses tableaux, dessins, aquarelles et documents pour que la collection ne soit pas dispersée et aussi pour qu'elle ne quitte pas les Pays-Bas.
Intérieur du musée Van Gogh, par les architectes G. Rietveld et J. van Tricht. Vue sur l'escalier ouvert, le vide et les étages.
Pour la construction du musée, Vincent Willem van Gogh choisit l'architecte Gerrit Rietveld. Celui-ci avait été un allié de l'architecte J.J.P. Oud, du théoricien, peintre et architecte Theo van Doesburg et de Piet Mondriaan au sein du mouvement et de la revue De Stijl. Rietveld était l'homme qui avait réalisé le plus complètement les conceptions architectoniques de De Stijl, en 1924, dans l'originale maison de Schröder à Utrecht, qui est toujours habitée par madame Schröder, décoratrice d'intérieur et collaboratrice de Rietveld. Celui-ci avait également conçu les pavillons de la Biennale de Venise. Par la suite, il ne devait plus guère réaliser de projets correspondant à ses capacités et à son originalité. Rietveld, Vincent Willem van Gogh et le directeur E.R. Meijer entreprirent plusieurs voyages d'études internationaux avant que les plans ne prennent une forme concrète. C'était un fait assez rare que l'on pût concevoir un batîment destiné à une collection et présentant en outre une très grande unité, alors que les directeurs de musée sont en général confrontés à une collection très | |
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Intérieur du musée Van Gogh, par l'architecte J. van Tricht. Vue du premier étage.
diversifiée et toujours croissante qu'ils doivent faire valoir dans l'un ou l'autre de leurs bâtiments vétustes. Le musée Guggenheim à New York servit de point de départ. Rietveld conçut un vide qui serait petit en bas et qui s'élargirait vers le haut. Chez le visiteur qui vient d'entrer et perçoit l'ensemble, cela crée une impression d'espace énorme. En deuxième lieu, on se proposait de montrer les tableaux à la lumière du jour, c'est-à-dire en reproduisant les mêmes conditions de lumière qui les avaient entourés lors de leur création. Etant donné son âge et ne pouvant plus assumer seul toutes les tâches inhérentes au projet, Rietveld s'était associé, en 1960, avec les architectes J. van Dillen et J. van Tricht. Par la suite, cette association devait s'avérer une décision heureuse pour le musée Van Gogh, car un an après qu'il eut présenté ses projets, Rietveld mourut en 1964. L'architecte Van Dillen, beaucoup plus jeune, qui assuma ensuite la responsabilité de ce musée, mourut lui aussi un an plus tard. Restait l'architecte Van Tricht, qui se chargea d'innombrables détails et sut mener le travail à terme. Quelques modifications ont certes été apportées aux plans de Rietveld, mais il ne s'agit pas de modifications essentielles. C'est pourquoi il faut considérer Gerrit Rietveld comme le créateur du musée Van Gogh dans son ensemble et J. van Tricht comme l'architecte de l'intérieur.
Le visiteur qui s'approche du Musée national Vincent van Gogh du côté de la rue | |
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Paulus Potter à Amsterdam se trouve confronté à des murs gris en béton de gravier qui ressemble à de la pierre naturelle. Dans des cubes lourds et de forme rigoureuse se trouvent des fenêtres horizontales très larges: c'est la clôture franchement opposée à l'ouverture. Il s'agit là d'une conception synthétique que le visiteur ressent comme une clarté réconfortante.
Ayant franchi l'entrée, le visiteur se retrouve dans un immense vide où il doit réfléchir au but de sa visite. Veut-il aller à gauche, vers l'espace réservé aux expositions temporaires? Ira-t-il d'abord tout droit devant lui au comptoir ou se vendent des catalogues et des livres illustrés (un catalogue illustré pour 9,75 fl, un guide mentionnant les titres en néerlandais et en anglais pour 1 fl)? Ou se rendra-t-il d'abord au restaurant à terrasse à ciel ouvert? Il voit les gens monter et descendre des escaliers ouverts accrochés librement et sobrement dans l'espace et qui constituent l'unique élément diagonal dans un espace où la ligne horizontale l'emporte de loin. Du rez-dechaussée, le visiteur peut couvrir du regard le premier et le troisième étage, voir le toit de verre, mesurer les espaces horizontaux. Celui que passionne l'espace en tant qu'élément purement abstrait doit visiter le musée Van Gogh, ne fût-ce que pour le seul plaisir architectonique.
Le premier étage reçoit sa lumière du grand vide et aussi en partie d'en haut et de la paroi latérale. La paroi vitrée représentait une perte de mur d'exposition, mais celle-ci est largement compensée par une situation plus naturelle, où le visiteur peut préférer le contact avec la place du Musée ou avec la circulation dans les rues à la contemplation des tableaux. Dans le grand espace se trouvent des cubes installés sur de hautes pattes en métal, un petit tableau sur chacune des quatre parois. Ils ne brisent pas l'espace mais le divisent. Ce qui est important, c'est qu'il s'agit de cubes ouverts, de sorte que la continuité de l'espace n'est nulle part interrompue. Ils accentuent en fait une caractéristique du musée Van Gogh dans son ensemble que l'on pourrait qualifier d'aspect, de fonction de rue. Au Musée national, situé de l'autre côté de la place du Musée, quand on regarde des tableaux du dix-septième siècle dans l'un des nombreux cabinets, en même temps que d'autres visiteurs, on se sent pour ainsi dire contraint d'établir une relation avec ceux-ci. Au Musée municipal, annexe au Musée Van Gogh, cette contrainte devient une invitation. Au Musée Van Gogh, l'espace omniprésent nous libère de cette obligation. On peut s'y promener, insouciant et anonyme, comme dans la rue, entouré d'une lumière filtrée et égale et concentrer toute son attention sur les tableaux.
Vu du vide, le deuxième étage se dissimule, coupé de la lumière du jour, derrière des parois d'un gris léger. Il tourne le dos au coeur du musée et invite ainsi à la méditation, à l'introspection. On peut y voir des dessins qui ne supportent pas la lumière du jour. Ils sont exposés contre les parois, derrière du verre mat, sur des pupitres et dans des vitrines horizontales. Ils permettent un contact direct que rehaussent encore des tabourets que l'on peut déplacer. La collection entière compte 524 dessins. Une partie seulement est exposée, mais il y a un roulement qui permet d'en voir de temps en temps de nouveaux.
Le troisième étage rétablit le contact avec le vide. Comme le premier étage, il nous présente des tableaux, mais qui, ceux-là, ne sont pas uniquement de Van Gogh. La collection Theo van Gogh exposée ici comporte notamment trois peintures à l'huile de Toulouse-Lautrec, huit de Gauguin, cinq de Monticelli ainsi que des oeuvres d'Emile Bernard, Guillaumin, | |
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Vincent van Gogh: ‘Borgne’, 1888, 56 × 36, Musée national Vincent van Gogh, Amsterdam.
Breitner et Isaac Israëls. Le plafond en verre assure l'éclairage direct. Les parois qui délimitent le vide, - c'est du troisième étage que l'on en mesure le mieux l'étendue - sont faites de panneaux acoustiques perforés; leur teinte d'un gris léger confirme l'impression de paix, de calme, comme le font également les gros tapis bruns par terre. Quelque insouciant, détendu et nonchalant que se montre le public international qui y va et vient, le musée Van Gogh est une rue tout ce qu'il y a de convenable. C'est une ‘Quality Street’, une rue de qualitéGa naar eind(3).
Voilà ce que le visiteur voit et enregistre en se promenant au musée Van Gogh. Il ne voit pas les locaux de service, qui semblent à moitié cachés, ni la bibliothèque avec ses six mille livres consacrés à Van Gogh et ses contemporains, où des étudiants spécialisés et des savants peuvent consulter les fichiers et le service de documentation. Après la mort, en 1976, du remarquable Anversois et spécialiste de Van Gogh, Mark Edo Tralbaut, le musée Van Gogh a acquis sa bibliothèque complète. Le musée conserve également les originaux de six cents lettres de Vincent et de quarante-deux lettres de Gauguin à Theo van Gogh.
Le visiteur ne verra probablement pas non plus la salle Theo van Gogh, au rezde-chaussée, où l'on donne des conférences. Aux yeux de la direction, celle-ci n'en revêt pas moins une signification essentielle pour ce qui concerne la question particulièrement actuelle du transfert de l'information. Le musée est disposé à fournir des informations préalables, mais il refuse l'organisation de visites guidées afin de ne pas déranger l'ensemble des visiteurs. Ce point de vue garantit la tranquillité à tous ceux qui souhaitent regarder attentivement la collection présentée.
Le visiteur ne voit pas non plus l'ingénieux toit en trois parties, une toiture comme celle de la maison de la culture au Havre: une construction ouverte en aluminium, puis des coupoles en plastique ayant la forme de pyramides. On ne voit que le plafond qui laisse passer la lumière. Les trois couches du toit filtrent la lumière. L'originalité et la perfection de la construction de ce toit expliquent que dix pour cent des frais de construction du musée ont été dépensés pour le conditionnement de l'air, le système d'alarme et l'installation sonore.
Les visiteurs intéressés pourront visiter au rez-de-chaussée l'atelier, mais le feront-ils? L'idée de stimuler la créativité du visiteur est certes sympathique: on établit enfin un lien entre le violon d'Ingres et l'art. Mais celui qui vient d'ailleurs, | |
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Vincent van Gogh: ‘Bébé Marcelle Roulin’, 1888, 35,5 × 24,5, Musée national Vincent van Gogh, Amsterdam.
et souvent de très loin, y réfléchira à trois fois avant de confier au papier ou à la toile sa vision des tournesols ou des bottines usées. C'est pourquoi, jusqu'à nouvel ordre, le musée abrite un centre créateur destiné au quartier environnant; la question se pose de savoir s'il s'agit là d'une utilisation efficace de ce précieux espace national.
Ce à quoi le visiteur peut accéder de l'intérieur et ce qu'il peut apprécier de l'extérieur, c'est l'escalier extérieur, c'est-à-dire une cage d'escalier dans un cube de verre. (D'autre part, à côté de l'escalier se trouve un ascenseur qui conduira des visiteurs, des voitures d'enfants ou d'invalides à l'étage souhaité.) Vue de l'extérieur, la fonction de la cage d'escalier peut être déduite à distance déjà de la forme et du matériel choisi. La façade arrière du bâtiment, où se trouve l'escalier, présente la même clarté que la façade et le côté latéral: des parties très fermées face à des parties très ouvertes et pas de mélange des deux. La différence réside dans le fait qu'à l'arrière, c'est la forme ouverte qui domine et à l'avant la forme fermée des cubes - le cube si cher à De Stijl, bien sûr. | |
La question du directeur.Le Musée national Vincent van Gogh a été inauguré le 2 juin 1973. Maintenant qu'il fonctionne depuis cinq ans, le temps est venu de dresser un premier bilan. Il m'est impossible, à ce propos, de passer sous silence une question pénible qui a suscité beaucoup de remous dans les milieux des musées néerlandais. Le directeur E.R. Meijer s'était montré dès le début un dynamique organisateur de toutes sortes d'activités culturelles. Sous sa direction, le musée devint une maison ouverte comme ne l'est aucun autre musée néerlandais. Non seulement il y investit beaucoup d'énergie, mais encore il dépassa le budget qui lui avait été alloué par l'Etat. Il fut suspendu d'une manière qui n'était guère honorable pour lui. Il interjeta appel auprès du tribunal des fonctionnaires, obtint gain de cause mais ne fut pas rétabli dans ses fonctions.
Dans cette affaire pénible, le personnel soutenait son directeur. Les collaborateurs d'autres musées, des historiens de l'art, des critiques d'art, des artistes et de nombreuses autres personnes associées de près ou de loin aux milieux artistiques prirent, ouvertement ou en privé, le parti d'Emile Meijer. Entre-temps, tout le monde était désagréablement surpris de constater que dans le pays démocratique que sont les Pays-Bas, il était possible de perdre son emploi pour raison de dépassement du budget alloué combiné avec une activité et un dévouement exceptionnels. | |
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Vincent van Gogh: ‘Branche d'amandier en fleur’, 1888, 24 × 19, Musée national Vincent van Gogh, Amsterdam.
La direction fut confiée à Simon Lévy, déjà directeur du gigantesque Musée national, comme si la direction du musée Van Gogh équivalait à une petite corvée supplémentaire pour les heures du soir, alors que des intéressés fort capables avaient sollicité la fonction de directeur et qu'il y a aux Pays-Bas de nombreux historiens de l'art sans travail. La solution intervenue suscita chez beaucoup de mécontentement et de méfiance à l'égard de Lévy - avait-il été contraint ou non? - et encore plus à l'égard de la politique d'économies peu sociale menée par le départementGa naar eind(4).
Le musée Van Gogh est l'un des musées les plus fréquentés des Pays-Bas: en 1975, on y enregistra 653.992 visiteurs; ce fut une année record parce qu'on célébrait cette année-là le sept centième anniversaire d'Amsterdam. En 1976, il y en avait 582.434 et en 1977 on en comptait 532.091. Après quelques années d'expansion dynamique, le musée Van Gogh devint un musée comme les autres, axé exclusivement sur Van Gogh et ses contemporains. De temps en temps y sont organisées des expositions temporaires spéciales, qui ont toujours un lien étroit avec la collection du musée. Elles sont mises sur pied par les deux collaborateurs scientifiques, Han van Crimpen et madame L. Couvée, qui ont maintenant la possibilité, plus qu'à l'époque du directeur Meijer, de se consacrer à l'étude scientifique de la collection du musée Van Gogh. | |
La collection.Le Musée national Van Gogh possède environ 220 peintures à l'huile de Vincent en principe, on peut les voir toutes. Le visiteur pourra donc contempler, munies de leurs titres en néerlandais et en anglais, des toiles célèbres telles que Le semeur, les Bateaux sur la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer, La maison jaune, La chambre à coucher à Arles, Les tournesols (de janvier 1889), Le poirier en fleurs et Le zouave, au moins sept exemplaires de la paire de Vieux souliers, qui est dotée d'une âme depuis que Van Gogh l'a peinte, la Résurrection de Lazare d'après Rembrandt et le Champ de blé aux corbeaux. A côté du titre se trouve toujours un F suivi d'un numéro, indication destinée à ceux qui souhaiteraient approfondir l'étude de l'une ou l'autre de ces oeuvres. F se réfère en effet à l'ouvrage de J.-B. de la Faille: The Works of Vincent van Gogh. His Paintings and Drawings, Amsterdam, Meulenhoff International, 1970. Lorsque le musée Van Gogh fut ouvert au public en 1973, il avait cette chance que le catalogue consciencieux de J.-B. de la Faille, édité en 1928 à Paris-Bruxelles, avait été revu, complété et annoté après huit ans de nouvelles recherches par une équipe de spécialistes sous la direction d'A.M. Hammacher. Les annotations ont trait principalement à des citations extraites des nombreuses | |
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Vincent van Gogh: ‘Crabe sur le dos’, 1888-1889, 38 × 45,5, Musée national Vincent van Gogh, Amsterdam.
lettres où Vincent parle des oeuvres qui occupent son esprit.
Pour conclure, je voudrais m'attarder sur quatre oeuvres moins connues de Van Gogh, en lui laissant le soin de s'expliquer le plus possible à leur sujet. En 1888, il termine à Arles le Borgne (F 532; 56×36) sur un fond turquoise et dont la technique met manifestement l'homme au centre du tableau. Nous ne disposons pas de documentation à propos de ce portrait. La bouche à peine entrouverte et la cigarette au coin des lèvres donnent à la figure le caractère de celle d'un homme du peuple. Vincent van Gogh doit avoir été attiré par lui parce que, en tant qu'expressionniste, il peignait exclusivement des hommes pour lesquels il avait de la sympathie. La possibilité de s'identifier à son sujet était une condition indispensable à son travail. Ainsi un paysage et de vieux souliers deviennent-ils à leur façon une autre manière d'autoportrait. Dans ce tableau-ci, l'identification a donné lieu à une expression très directe.
Le Bébé Marcelle Roulin (F441; 35,5×24,5), fille du facteur Joseph Roulin d'Arles, a été peinte par Van Gogh en trois versions aux mois de novembre-décembre 1888. La première version se trouve à la National Gallery à Washington. Le bébé y est représenté d'une manière plus expressive: c'est un être primitif, petit mais violent. La version qui se trouve au musée Van Gogh est plus tendre. Un troisième exemplaire, qui a les mêmes dimensions que les deux autres, appartient à la famille Louis Franck, originaire d'Anvers, à Gstaad (Suisse). Sur ces portraits, Van Gogh écrivit en français à son frère Theo: ‘j'ai fait des portraits de toute une famille, celle du facteur dont j'ai déjà précédemment fait la tête - l'homme, la femme, le bébé, le jeune garçon, et la fille de 16 ans, tous des types et bien français quoique cela ait l'air d'être des Russes. (...) Et si j'arrive à faire encore mieux toute cette famille-là j'aurai fait au moins une chose à mon goût et personnelle.’Ga naar eind(5).
Au printemps de 1888 fut réalisée la Branche d'amandier en fleur (F 392; 24×19), sujet d'une simplicité extrême qui, aux yeux de Vincent, annonçait symboliquement le printemps. De la même époque date une version un peu plus rude, qui se trouve dans une collection privée suisse, où un livre fut ajouté à la composition. Le peintre écrivit à Theo, probablement le 3 mars 1888: ‘Ici il gèle ferme et dans la campagne il y a toujours de la neige, j'ai une étude d'une campagne blanchie avec la ville dans le fond. Puis 2 petites études d'une branche d'amandier déjà en fleur po(u)rtant.’Ga naar eind(6).
Dans le courant de l'hiver 1888-1889, Vincent travaille à un Crabe couché sur le dos (F 605; 38×45,5) sur un fond vert clair. Le crabe est peint avec une grande intensité; on dirait un monstre préhistorique. Il en existe une variante, intitulée Deux crabes, dont le premier est vu du côté du ventre, le second du dos. Ces deux tableaux ont probablement été peints l'un après l'autre et d'après le même ‘modèle’. Vincent annonce à Theo, en français comme d'habitude: ‘Je vais me remettre au travail demain, je com- | |
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mencerai à faire une ou deux natures mortes pour retrouver l'habitude de peindre. Roulin a été excellent pour moi et j'ose croire que cela restera un ami solide.’Ga naar eind(7). Mais dans une lettre suivante, il écrit, découragé: ‘mes tableaux sont sans valeur, ils me coûtent il est vrai des dépenses extraordinaires, même en sang et cervelle.’Ga naar eind(8).
Parce que Theo rendait chaque fois possibles ces ‘dépenses extraordinaires’, il pouvait se considérer comme copropriétaire des tableaux, lui écrivit Vincent un jour. C'est de la fidélité entre les deux frères et de la ‘copropriété’ de Theo qu'est né le Musée national Vincent van Gogh. Copyright des photos: Musée national Vincent van Gogh, Amsterdam et G.L.W. Oppenheim, Amsterdam. Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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