Traduit du sang et Rêve du robot (poésie).
Jeanne Buytaert a publié à court intervalle deux recueils de poèmes traduits du néerlandais, dans la Collection Bilingue de La Renaissance du Livre, à Bruxelles. Il s'agit de poèmes dus respectivement à Karel Jonckheere et à Willem M. Roggeman.
Ce n'est pas la première fois que des poèmes de Jonckheere paraissent en traduction française: il a été publié auparavant dans la collection bien connue de Seghers, Poètes d'Aujourd'hui, comme no. 171. C'était en 1968 et à l'époque c'est Roger Bodart qui introduisait Jonckheere auprès du lecteur de poésie francophone, tandis que le choix de textes était traduit par Hugo Richter. Le recueil contenait 52 poèmes et nous donnait, en même temps que l'introduction éloquente de Bodart, une image raisonnablement fidèle du poète.
Reprendre ce travail était donc en soi-même déjà, en quelque sorte, un défi, invitait le lecteur assidu à faire une comparaison. Je n'ai pas pu résister à la tentation...
Jeanne Buytaert a demandé l'introduction au poète flamand Bert Decorte, qui s'est acquitté de sa tâche d'une façon sobre, nordique et assez technique: nous sommes très loin du lyrisme pénétrant de Bodart. La traductrice a choisi une dizaine de poèmes que Richter, lui aussi, avait choisis, les 25 textes restants étant des adaptations différentes.
Sur la base des dix traductions communes, je n'hésite pas à avancer que Jeanne Buytaert a traduit d'une manière plus habile et avec plus de fougue poétique. Elle reste également beaucoup plus fidèle à la forme de l'original néerlandais. En outre, la nouvelle sélection nous offre une plus grande diversité de thèmes et d'époques, et contient la plupart des poèmes les plus représentatifs de Jonckheere. J'ai la nette impression qu'avec l'introduction de Bodart et les adaptations de Jeanne Buytaert le lecteur francophone pourra se faire une idée nuancée du poète de race qui s'appelle Jonckheere.
W.M. Roggeman est comme poète plus hermétique que Karel Jonckheere. Au surplus, puisque chez lui l'anecdotique est plus voilé, plus dispersé, il tolère beaucoup moins le ‘pillage’ de la part du traducteur. Jacques Izoard dit en trois pages de présentation l'essentiel sur la poésie de Roggeman: son jeu spécifique avec les mots du langage moderne (nous ne nous dissimulons pas l'épreuve de force que doit avoir été la recherche d'équivalents valables...), et son observation perspicace de notre 20e siècle de béton et d'acier, dissoute dans la ‘songerie rêveuse d'un romantique méticuleux’:...‘Le poète transforme, feint parfois de confondre, mais ce qui l'entoure le maintient en état d'affût constant, surtout quand l'ordinaire se fait merveilleux’...
Remercions Jeanne Buytaert pour l'accomplissement de l'impossible et souhaitons qu'elle continue à explorer la poésie néerlandaise, pour en nourrir la joie du lecteur de poésie français.
Jan Deloof.
Traduit du sang, poèmes de Karel Jonckheere, adaptation du néerlandais par Jeanne Buytaert, préface de Bert