Septentrion. Jaargang 7
(1978)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdLe Centre national Frans Masereel à Kasterlee.La commune de Kasterlee est située au coeur de la Campine anversoise, à mi-chemin environ entre Turnhout et Geel. Ceux qui ont envie de se prélasser, peuvent s'y promener et grimper sur la dune dite ‘Hoge Mouw’ ou se perdre dans les prés qui longent la Néthe. Depuis 1972 est venue s'ajouter à ces splendeurs naturelles une curiosité d'un tout autre ordre: le Centre national Frans Masereel. Le nom de la fondation est bien plus qu'un hommage au célèbre xylographe flamand; il couvre un vaste programme d'activités graphiques. Qu'une zone verte vulnérable telle que le ‘Zaardendijk’ à Kasterlee puisse comporter | |
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Le Centre national Frans Masereel à Kasterlee.
et tolérer un nouveau noyau d'ateliers et de cellules d'habitat, voilà qui est, par la même occasion, prouvé, grâce à des pavillons à coupole ou à toit, relativement petits, un peu à la finnoise.
La préhistoire du centre - que nous empruntons à Johan de RoeyGa naar eind(1) - est le récit - un de plus - des efforts émouvants consentis par un de ces idéalistes bouillonnant d'idées, que finit toujours, en Flandre, par prendre sous le bras un homme politique ou un autre, juste à temps en l'occurence... Turnhout, comme l'apprenait à l'époque chaque écolier, est la ville où se fabriquent le papier coloré et les cartes à jouer. Dès lors, la région s'intéresse aux techniques d'impression plus que ne le font les autres. Il est probable que cet intérêt a joué aussi bien chez le jeune graveur Fons Mertens, qui se trouve à l'origine du projet, que chez le ministre de la Culture néerlandaise de l'époque, Frans Van Mechelen. Bien avant 1972, Mertens était déjà collectionneur d'anciennes presses. Lorsqu'il fit la connaissance du ministre, celui-ci venait de faire acheter une vieille lithographie bruxelloise. On passait un peu partout au procédé offset et on se débarrassait de la presse lithographique. L'archéologie industrielle leva timidement un doigt réprobateur. L'artiste et le ministre se trouvaient apparemment sur la même longueur d'onde, mais ils ne savaient pas encore comment s'y prendre. Heureusement, on irait au-delà du stade de la pure et simple conversation.
De Roey a entendu le récit passionnant de la bouche même du directeur du centre, Paul Verbeeck. Mertens, disciple de l'excellent artiste Jos Hendrickx à l'Académie des beaux-arts d'Anvers, se passionnait pour la lithographie. Les machines, à l'époque, il pouvait en acheter, au kilo, à un prix modeste. Son butin, il l'installait dans l'ancien moulin d'Orange à Turnhout, et il se mit au boulot. C'est à partir de là que le ministre reprit la collection et eut l'idée de lui redonner la vie. Ainsi, les appareils artisanaux, ‘où il faut encore du biceps’, sont sauvés pour de bon et sont mis à la disposition de l'artiste qui veut travailler sur eux. Autour du noyau original furent aménagés un atelier pour l'eau-forte et un autre pour la sérigraphie, le tout entouré d'un certain nombre de studios destinés aux hôtes. Une certaine réglementation était indispensable, bien sûr, mais après six ans, l'entreprise semble plus viable que jamais.
Kasterlee n'est pas une école en plus des autres écoles artistiques; ce principe a, d'emblée, été posé en toute clarté. Ceux qui viennent y travailler doivent déjà s'être familiarisés avec les arts graphiques. La perfection est toujours possible, ainsi que l'ouverture vers de nouvelles techniques. Tel est le but du parc de machines. On put aussi y suivre un cours (de maîtrise), mais il n'aboutit pas à un diplôme. Pourtant, Kasterlee est dès à présent une référence. L'une des idées de base du centre est la démocratisation. Mertens en premier lieu; le ministre ensuite, qui a pleinement encouragé et officialisé l'initiative; et, en troisième lieu, la direction ont toujours mis l'accent sur cet aspect-là. Des artistes graphiques qui désirent réaliser des projets sont souvent freinés. Très souvent, ils n'ont pas de presse. Les ateliers privés et les galeries qui en possèdent font payer cher leurs services: A Kasterlee, l'artiste ne paie plus que le papier. Les gens de métier lui donnent gratuitement toutes indications utiles. Les gravures sont d'une belle qualité.
Une petite question en marge: pourquoi les établissements artistiques classiques n'ont-ils pas, en temps opportun, joué la même carte? Les moyens manquaient-ils vraiment? Le programme était-il si strict et si stéréotype, l'ingéniosité de la direction et des enseignants si limitée et découragée? | |
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N'auraient-ils pas, eux aussi, pu mettre sur pied un atelier aussi remarquable que celui de Kasterlee pour leurs étudiants et anciens étudiants aussi bien que pour des artistes étrangers qui auraient pu y travailler et faire des démonstrations? Soit, à ce niveau-là, c'était peut-être impossible.
Autre aspect démocratique de Kasterlee: l'intérêt que lui porte le public. Tous les hôtes n'en sont pas très friands; la curiosité peut devenir gênante. Mais la maison respire une discipline qui lui est propre, et le visiteur doit s'y conformer. Le passant peut donc y suivre tout le processus. Une amicale, présidée par madame M.J. Van Mechelen-Van de Velde, l'y aidera; fin 1977, elle comptait environ six cents membres, plutôt liés à la région, mais cela n'est pas leur faute à eux.
Tout n'est pas parfait, bien sûr. Le dernier rapport annuel du directeur Paul Verbeeck note six problèmes:
Il y a sous-occupation de la part des gens de métier; un seul homme doit s'occuper du travail de lithographie, de l'impression en relief, de la sérigraphie, de l'impression en creux.
Chaque artiste approche différemment les possibilités qui lui sont offertes. Il en résulte que l'on ne peut faire de sélection que sur la base de la qualité de l'oeuvre imprimée et non pas en se fondant sur ce que l'on qualifie généralement d'‘artistiquement valable’. Cette limitation entraîne aussi une certaine égalisation du point de vue des styles et des orientations; en d'autres termes, il n'y a pas d'enfants préférés.
Kasterlee se présente comme une combinaison d'hôtel, d'entreprise et d'atelier de travail. Normalement, un artiste peut y séjourner pendant quinze jours. Il doit respecter la discipline de la maison que ce genre de vie communautaire nécessite. L'occupation internationale du centre crée des problèmes d'ordre linguistique. Certains jours, l'imprimeur de l'atelier devrait pouvoir s'exprimer en huit langues différentes pour transmettre ses connaissances techniques à dix personnes à la fois. En l'occurence, le langage par signes ne résout pas toujours le problème.
Il y a de nombreuses demandes de visite. Le guide doit avoir une solide base technique et des connaissances didactiques. De plus, il doit être à même de refréner, le cas échéant, la curiosité importune du public. Il est indiqué de ne pas approcher de trop près certaine faune...
Le montage d'expositions nécessiterait plus de main-d'oeuvre que celle dont on peut disposer maintenant, aussi bien pour le travail matériel qu'au niveau de l'organisation. La petite équipe est parfois soumise à une trop grande pression. Tous les travailleurs culturels en Flandre connaissent cette situation, mais il n'y a aucun syndicat pour s'en préoccuper.
Dans le même rapport annuel, nous lisons encore que dans le courant de l'année 1976, les artistes qui ont visité le Centre national Frans Masereel ont réalisé 569 projets différents II a été tiré de ces gravures 14.210 exemplaires en une ou plusieurs couleurs. On a enregistré 3.653 nuitées pour 351 personnes. Au budget de l'exercice 1977, le Centre national Frans Masereel bénéficie d'un crédit de 4,2 millions de francs belges environ. Sur les 224 artistes qui ont travaillé à Kasterlee en 1976, il y avait 45 étrangers, dont 28 Néerlandais et 2 Français.
Gaby Gyselen, Brugge-Bruges. Johan de Roey, Het Rijkscentrum Frans Masereel vijf jaar later (Le Centre national Frans Masereel cinq ans après) dans Open Deur, 9e année, 1977, no. 1. Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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