thèmes et sous-tend éventuellement toute l'oeuvre. Sur ce point, M. Rutten nous laisse sur notre faim. Est-ce peut-être parce que ces questions relèvent, à ses yeux, du ‘baratin pseudo-scientifique’ qu'il dit avoir en horreur (pp. 10 et 14)?
Après deux autres chapitres qui retracent la vie de Simenon à Paris, ses périples à travers le monde et ses années au Canada et aux Etats-Unis, l'auteur analyse le personnage Maigret. Il cherche ses modèles dans les romans d'avant la série des Maigret, analyse la genèse du personnage dans le premier Maigret, Pietr-le-Letton (1929), distingue trois cycles dans l'ensemble des 102 romans de cette veine, se penche sur le problème du rajeunissement étonnant que subit le commissaire après avoir été déclaré mort par son père spirituel, définit enfin la signification morale, intellectuelle et existentielle de cette figure qui relève dorénavant de la mythologie du XXème siècle. Le dernier chapitre tente de reconstruire, à partir de témoignages de Simenon, l'idée que se fait l'écrivain du monde en général et de l'art en particulier. En gros, il s'avère que Simenon écrit pour apaiser la grande Peur existentielle qui le harcèle. Le roman serait donc une ‘histoire rassurante’ qui ‘explique l'inexplicable et /.../ dissipe la peur’ (in Le roman de l'homme, 1959). Du point de vue technique, il nous semble que Simenon partage les idées de Gide, avec qui d'ailleurs il était en bons termes: ‘Racontez n'importe quelle histoire à quelqu'un. Si vous ne l'arrangez pas, on la trouvera incroyable, artificielle. Arrangez-là, et elle fera plus vrai que nature...’ (in Les mémoires de Maigret, 1950). Ainsi, cette étude essentiellement externe pose finalement plus de problèmes qu'elle n'en résout, ce qui est dans l'ordre des choses: on ne peut pas attendre d'une méthode ce qu'elle ne peut donner. Encore ne faut-il pas pour cela
que les tenants de l'une dénigrent les tenants d'une autre.
Oserions-nous encore demander qu'à l'avenir le professeur Rutten veuille bien écrire un style accessible au lecteur moyen, un style avec moins de relatives et moins d'incises, un style en fin de compte plus digne du grand styliste qu'est Georges Simenon?
Vic Nachtergaele.
Mathieu Rutten: Georges Simenon, Uitgeverij B. Gottmer, Nijmegen / Uitgeverij Orion, Brugge, 1977, 183 p. et 40 photos et manuscripts.