restée sur place, perdit tout contact avec le petit peuple, se tourna vers le Paris du Siècle des Lumières et se francisa. Il était donc assez normal que, en 1830, la bourgeoisie toute-puissante, même celle de Flandre, ne pensait qu'à gérer les affaires du nouvel état dans une seule langue - la sienne propre - à l'exclusion de celle de la majorité de la population.
La Belgique se présenta au monde comme une nation latine et francophone, sous la devise L'union fait la force. On aurait pu dire aussi: un Etat, un peuple, une langue.
Contre cette négation de la réalité se dressa bien vite, et au début avec des moyens d'action dérisoires, un petit groupe d'intellectuels flamands - fonctionnaires, professeurs, prêtres, romanciers, poètes et peintres - qui sous le régime néerlandais du Royaume Uni avait appris à connaître et à aimer la valeur de la culture et de la langue néerlandaise. Ces intellectuels entamèrent une lutte pacifique mais tenace pour le réveil spirituel du peuple flamand et pour la reconnaissance politique de ses droits. C'était le début du Mouvement Flamand. Pendant tout le dix-neuvième siècle et jusqu'après la seconde guerre mondiale, une élite agissante et grandissante chercha et réussit à faire voter, génération après génération, des lois dites linguistiques, assurant aux Flamands le droit d'employer leur langue dans la vie publique, l'administration de l'Etat, l'enseignement, à l'armée et devant les tribunaux. Ce fut un combat de tous les jours, acharné, non dépourvu d'amertume, de déboires, de drames individuels, de défaites passagères.
Aujourd'hui, après cent quarante deux années de confrontations, de polémiques, de bagarres parlementaires, de manifestations et de compromis, le mouvement flamand approche du but. La Flandre tout entière, y compris la majorité de sa classe dirigeante, a retrouvé le contact avec une culture néerlandaise qui brille d'un éclat nouveau et témoigne d'une singulière vitalité. De haut en bas on parle et enseigne le néerlandais.
Mais là ne s'arrête pas l'évolution. Sous l'influence de la lutte linguistique s'est développé un sentiment national qui amêne les Flamands à vouloir se donner, dans l'Etat belge, des institutions et des structures politiques propres. L'essor économique de la Flandre pousse dans la même direction.
Ce mouvement en faveur d'une plus grande autonomie paraît être un phénomène irréversible et irrésistible.
Avec un léger retard s'est développée en Wallonie une prise de conscience identique. Ce n'est pas sur la défense de la culture et de la langue que l'accent y a été mis; celles-ci n'ont jamais été menacées dans les provinces françaises de Belgique. Bien que né d'une réaction contre le flux flamand, le mouvement wallon est surtout une tentative de redressement économique et social, faisant appel à des moyens politiques.
Après la seconde guerre mondiale, des événements graves ont démontré que Flamands et Wallons avaient parfois des attitudes divergentes: lors de la question royale (1945-1950), de la guerre scolaire (1954-1958) et de la grève générale de 1960, les communautés linguistiques réagirent différemment.
En 1962, le chef du gouvernement, M. Théo Lefèvre, prit l'initiative d'une refonte