Queeste. Tijdschrift over middeleeuwse letterkunde in de Nederlanden. Jaargang 2006
(2006)– [tijdschrift] Queeste– Auteursrechtelijk beschermd
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Cuthbert Calculus, alias Tryphon Tournesol, lit ‘Kuifje’
Voici un beau livre qui fera sans doute | |||||||||||||||||||||||||||
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mort, vive le roi? Mais le travail de Frits van Oostrom n'aurait jamais été possible sans celui de ses prédécesseurs, de l'homme barbu, voire de ses prédécesseurs récents et même de ses contemporains. Et personne ne marche ici sur les épaules de personne. La tête du barbu est à la même hauteur que celle de Frits van Oostrom, dont le menton et la lèvre supérieure portent une belle barbe de deux jours, c'est-à-dire, in statu nascendi. Qui plus est, la photo est d' une ambiguïté exemplaire: est-ce Frits van Oostrom qui aimerait pénétrer avec ses livres dans notre monde à nous, ou bien, est-ce lui qui nous invite, avec un peu d'hésitation, dirait-on d' après son expression, à le rejoindre dans le sien? Les deux, sans doute. On ne peut mieux caractériser ce livre de poids, d'érudition, qui vise à juste titre un public plus large que la coterie académique habituelle. Dans ce sens-là, Stemmen op schrft reflète une tendance de la part des médiévistes, visible ailleurs et surtout dans les pays francophones, à vouloir partager le plaisir qu'ils trouvent dans les textes anciens avec un public cultivé de non-sp\ecialistes. En France, Michel Zink, Professeur au Collège de France, jouit d' une renommée qui dépasse le seuil des universités et des grandes écoles, mais sa contribution la plus importante à la diffusion de la littérature médiévale en dehors de l'académie est sans doute sa direction de la série des Lettres Gothiques, publiée par le Livre de Poche, dans laquelle est déjà parue plus d'une quarantaine d'éditions de textes médiévaux accompagnées de traduction en français moderne. La réussite financière de cette entreprise a affirmé l'intérêt inhérent de la littérature médiévale pour le lecteur moderne. Il en va de même, paraît-il, pour les pays néerlandophones, où le lancement de Stemmen op schrift, magistralement conçu et exécuté par éditeur, auteur et publiciste, sera peut-être le catalyseur d'une nouvelle vague, d'une nouvelle vogue, du Moyen Âge. Malheureusement, dans les pays anglophones, les médiévistes n'ont pas encore vraiment exploité les charmes de l'époque médiévale en écrivant des oeuvres de vulgarisation accessibles et responsables telles que Stemmen op schrift ou bien en établissant des séries d'éditionstraductions telles que les Lettres Gothiques. La question principale que je me suis posée en lisant Stemmen op schrift du point de vue d'un romaniste-médiéviste qui se spécialise dans la littérature française de la période avant 1300 est celle-ci: est-ce qu'on aurait pu concevoir et mener à bien aujourd'hui un tel projet dans mon domaine - ou peut-être, un tel ouvrage, existe-t-il déjà? Ceci sera par conséquent le fil rouge, explicite et implicite, au cours des réflexions qui suivront et qui offriront un commentaire, n'ecessairement fragmentaire, sur l'introduction et les cinq chapitres principaux. Je laisserai en principe de côté les notes très utiles et une bibliographie quasi-exhaustive qui se trouvent à la fin du livre tout en observant que Frits van Oostrom a eu l'heureuse idée de ne pas trop alourdir son ouvrage des centaines de notes érudites, qui auraient pu repousser le lecteur/la lectrice non-spécialiste. Il a plutôt consacré à chacune des sous-divisions majeures de chaque chapitre en fin de volume un alinéa qui renvoie à la littérature scientifique ayant trait aux thèmes du chapitre en question. Une dernière observation générale sur la présentation matérielle du livre concerne la quantité considérable d'illustrations, dont bon nombre en couleurs. Étant donné la relative importance accordée récemment au manuscrit comme transmetteur du texte médiéval, on se réjouit de pouvoir | |||||||||||||||||||||||||||
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voir la mise en texte et la mise en page, dans toutes ses splendeurs et toutes ses (im)perfections, de beaucoup des chefs-d'oeuvre de la littérature en moyen néerlandais. La qualité de plusieurs des reproductions en couleurs (surtout en ce qui concerne l'équilibre de la palette) laisse pourtant à désirer et le premier feuillet du Ferguut (p. 271) mérite certes mieux que ce qui n'est, en apparrence, qu'une simple photocopie. Il va sans dire que beaucoup de thèmes et de sujets traités dans ce livre font partie de la problématique des études littéraires médiévales en général et qu'une lectrice/un lecteur y trouverait de la matière à réflexion apte à stimuler la lecture de textes français, anglais, allemands etc. D'autre part, il me semble que la seule étendue du corpus de littérature en français avant 1300, qui dépasse de loin celui de la littérature en moyen néerlandais, exigerait une approche toute différente de celle entamée par Frits van Oostrom. Il faut noter que la période choisie par Frits van Oostrom correspond plus ou moins à celle de l'ancien français classique qui précède la lente évolution linguistique et littéraire vers le moyen français. Il n'y a pas jusqu'à présent un livre comparable à Stemmen op schrift sur la littérature en ancien français, en partie, comme je l'ai suggéré, à cause du nombre de textes et en partie parce que la vulgarisation du Moyen Âge, dont la réussite des Lettres Gothiques semble être le témoin, ne s'est pas réalisée simultanément dans le domaine de l'histoire littéraire proprement dite. Les histoires littéraires de la France médiévale, pourtant, ne font, n'ont jamais fait, défaut. Au contraire, les bibliothèques et les librairies en fourmillent depuis le début du siècle jusqu'à nos jours. Sans avoir mené une enquête exhaustive de toutes les bibliographies, j'estime qu'on a publié au moins une quinzaine d'histoires littéraires de la France médiévale en France et dans les pays francophones de l'Europe depuis 1950 et encore une dizaine en Angleterre et aux États-Unis.Ga naar voetnoot1 Par contraste, ce genre de livre est relativement rare en ce qui concerne la littérature en moyen néerlandais, se limitant aux réimpressions des grandes synthèses de référence de la première moitié du siècle comme celles de Te Winkel, de Van Mierlo et de Knuvelder. La plupart, sinon touts les ouvrages français auxquels je viens de faire allusion ont été écrits par des professeurs pour des étudiants, les livres français souvent dans le contexte d'une série qui recouvre toute la littérature nationale. Tout récemment en France, ces synthèses, aussi celles de moindre envergure, ont été composées sous la pression de l'administration universitaire pour satisfaire aux besoins bureaucratiques, ce qui n'en garantit ni la qualité ni l'intérêt et mène en fin de compte à une sorte de recyclage perpétuel et largement superflu. La question soulevée par l'heureuse initiative de la Nederlandse Taalunie est donc si les pays francophones, y compris ceux en dehors de l'Europe, sont capables ou même désireux de se réunir, d'établir, de subventionner et d'exécuter un tel projet. Pour l'instant, et étant donné le nouveau barbarisme qui semble caractériser les gouvernements et les ministères d'éducation, voire les administrations universitaires, on en doute. Dans son introduction, l'auteur nous offre une petite méditation basée sur la notion du livre, tant médiéval que moderne: le livre médiéval donne naissance à l'érudition | |||||||||||||||||||||||||||
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moderne, dont Stemmen op schrift représentera non pas une synthèse typique, mais une combinaison de synthèse et de la ‘creatieve non-fictie’ (p. 24). Quant aux thèmes introduits dans cette ‘ouverture’, l'on notera avec intèrêt mais sans surprise l'accent mis sur l'importance du livre, l'histoire des études médiévales, l'altérité et la modernité de la littérature médiévale et la naissance de la littérature en langue vulgaire dans une culture latinisante au sein des abbayes et des cloîtres. Dans un sens, les premières pages de ce livre exemplifient déjà les difficultés que présenterait un tel projet pour un romaniste. Frits van Oostrom a sans doute raison de souligner l'importance de la culture livresque très tôt à Egmond, à Gand et à Bruges, et le rôle qu'elle a joué en établissant un contexte et un milieu susceptible au développement de la littérature vernaculaire. Il serait sans doute possible d'employer les mêmes arguments en ce qui concerne l'aire gallo-romane, mais l'épithète ‘gallo-roman’ porte dèjà en soi une indication du problème. Pour l'ancien français, il faudrait tenir compte de la culture monastique des deux côtés de la Manche, pour ne pas parler de la question oc/oïl. Le seul nombre de fondations importantes en France et en Angleterre rendraient la méthode Van Oostrom difficile à appliquer telle quelle et exigerait soit un livre à part soit un choix rigoureux opéré parmi les maisons en question. En tout cas, la piste serait à suivre. Il en va de même pour l'histoire de notre discipline moderne, où l'on a récemment publié d'énormes thèses sur les médiévistes de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle.Ga naar voetnoot2 Il reste un terrain énorme à défricher et à cultiver, surtout en ce qui concerne le début du 19e siècle (De la Rue, Roquefort, Michel, entre beaucoup d'autres), ou bien la période à partir de Bédier (Albert Pauphilet, Jean Frappier, par exemple). Pour ce qui est de la ‘creatieve non-fictie’, it faut tout simplement avouer que ce genre d'histoire littéraire médiévale n'existe guère en France.Ga naar voetnoot3 Maerlants wereld relève de la même idée. Y a-t-il des candidats dans le domaine français? Jean Bodel? Rutebeuf? Adenet le Roi? Villon, bien sûr, au 15e siècle. Je ne connais aucune tentative d'écrire un livre tel que Stemmen op schrift qui recouvre globalement les premiers siècles de l'histoire littéraire des pays francophones. | |||||||||||||||||||||||||||
ILe premier des cinq chapitres principaux de ce livre se définit par son apparence fragmentaire. Je ne saurais dire si cette fragmentation était l'intention de Frits van Oostrom, mais elle convient parfaitement à la série de témoignages, pour la plupart linguistiques, qui forme le sujet du chapitre. Un excellent mariage de fond et de forme. Encore une fois - et ce sera le refrain de ce compte rendu - un romaniste aurait de la peine à traiter exhaustivement la matière équivalente à celle utilisée ici par Van Oostrom. Pour l'étape dans l'évolution de la langue française qui précède celle de l'ancien français proprement dit (c'est-à-dire, avant le 11e siècle environ), it y a trop de maté- | |||||||||||||||||||||||||||
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riel pour permettre à un seul auteur d'offrir le genre de commentaire contenu dans ces pages. Les serments de Strasbourg, La séquence de sainte Eulalie, La vie de saint Alexis et d'autres textes pré-littéraires et littéraires ont fait couler tant d'encre qu'une simple synthèse exigerait des centaines de pages. Il en va de même pour les gloses, les pièces archivales et des chroniques, bref, tous les textes qui montrent la langue française naissante dans un cadre latin. C'est sans doute le cadre latin et le statut du français comme langue romane qui sont en partie responsables de la quantité énorme de données linguistiques dont it faudrait tenir compte, sans oublier non plus la superficie énorme de la Gallo-Romania (et des Îles Britanniques après 1066). Et soyons clair: malgré la nature narrative de cette ‘non-fiction créatrice’, une grande partie de ce chapitre et de ce livre est en effet une synthèse, une mise au point qui repose sur les recherches menées au cours du dernier demi-siècle. C'est dans ce premier chapitre que Frits van Oostrom discute aussi le célèbre premier ‘monument’ de la langue néerlandaise, Hebban olla vogala nestas hagunnan, emblématique à cause de son contexte manuscrit comme essai poétique de plume entouré de phrases latines. Je sens réapparaître dans ce chapitre, et ailleurs dans le livre peut-être, une tendance que je croyais disparue des études littéraires médiévales, c'est-à-dire une tendance légèrement chauvine à vouloir démontrer l'importance ou la précellence d'un texte, ou bien à prouver sa priorité chronologique sur un autre. Ceci est sans doute dans la nature même de l'entreprise d'une histoire littéraire nationale qui, surtout dans le cas du Moyen Âge, invite des comparaisons avec des littératures voisines. Il y a également dans ce premier chapitre plusieurs sections que le romaniste pourrait exploiter comme source fertile d'idées. Je pense notamment aux aspects poétiques du langage légal (ici, le frison), des croyances populaires, des noms de personne et des proverbes, des sources restées largement inexplorées par les historiens de la littérature. Non pas que de telles sources soient entièrement inconnues, mais ce sont plutôt des historiens du droit et des folkloristes, par exemple, qui ont su les exploiter. Le livre de Frits van Oostrom constitue par conséquent un appel à la collaboration entre philologues, littéraires et autres spécialistes dans le domaine de la Gallo-Romania, collaboration qui pourrait s'avérer fructueuse. Je noterai en passant un inconvénient pratique éventuel, déjà sérieux dans la philologie romane (entendue au sens large) et qui est susceptible de bloquer toute collaboration future. Il s'agit de la formation scientifique des spécialistes dans le domaine de la littérature française médiévale. En premier lieu, it y a de moins en moins d'étudiants qui choisissent le Moyen Âge comme spécialité, et même ceux et celles-là ont moins d'accès à des cours d'histoire de la langue et de philologie dans le sens strict du mot. Notre sensibilité au genre d'échos qui résonnent dans les sources traitées par Frits van Oostrom dans ce chapitre dépend en grande partie de notre formation philologique. Peut-être que des livres tels que Stemmen op schrift, offriront une solution partielle à ce dilemme. Mieux compris par les romanistes est peut-être l'importance de l'oralité au Moyen Âge et le passage de l'oral à l'écrit, bien que la nature précise des rapports entre les fabulatores et les clercs lettrés reste à éclaircir dans le contexte du développement de la littérature en langue vulgaire. | |||||||||||||||||||||||||||
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IILe chapitre suivant, sur Veldeke et son milieu, passe en revue la vieille question de la ‘patrie’ de cet auteur et de sa place dans les patrimoines néerlandais et allemand avant de conclure, à juste titre, me semble-t-il, que le bon Hendrik/Heinrich appartient à une région sans frontières, marquée par une confluence unique de courants linguistiques et socioculturels. Plusieurs éléments de ce chapitre m'intéressent comme romaniste, surtout la question de régions, de frontières linguistiques et de langues mixtes. J'ai déjà fait mention en passant de langue d'oc et langue d'oïl, et la littérature franco-provençal mériterait un ré-examen à la lumière de certaines parties de ce chapitre, qui aurait profité peut-être de certaines conclusions déjà tirées par les romanistes concernant la perception médiévale de dialectes et de langues mixtes.Ga naar voetnoot4 Un autre grand problème de la philologie française qui n'est pas sans rapport avec la question d'identité est celui de l'anglo-normand et de sa position sur la carte linguistique de la francophonie médiévale. On est même allé jusqu'à nier l'existence de l'anglo-normand comme dialecte distinct avant le début du 13e siècle, mais les données linguistiques suggèrent fortement le contraire.Ga naar voetnoot5 Les questions linguistiques mises de côte, it y a un parallèle frappant entre le pays de la Meuse tel que Frits van Oostrom le décrit (comme berceau des littératures néerlandaise et allemande) et l'Angleterre qui, avant 1160 environ, semble être l'origine de la plupart des premiers textes en langue française.Ga naar voetnoot6 Et dans les années avant 1200 en général, une culture commune des deux côtés de la Manche fait de l'Angleterre francophone un véritable moteur dans l'évolution de la littérature française. Dans le domaine de la dialectologie, dans ses rapports avec la provenance des textes, de la littérature régionale et ce que j'ai appelé ailleurs ‘la géographie du codex’, it y a de quoi occuper plusieurs équipes de spécialistes pendant plusieurs vies.Ga naar voetnoot7 Qui relèvera le gant? Est-ce que la littérature en ancien français connaît un Veldeke? Plusieurs, dirait-on. Mutatis mutandis, on pourrait citer les cas de Wace, de Gaimar, de Marie de France, de Hue de Rotelande, du grand Chrétien de Troyes et ainsi de suite. Voilà qui ferait d'un Stemmen op schrift français un véritable monstre plurivocal qui terminerait selon toute probabilité en cacophonie plutôt qu'en choeur. La richesse de la matière exigerait une autre sorte de synthèse. D'autre part, les romanistes ont examiné - jusqu'à en dormir, diraient plusieurs - certains sujets traités par Frits van Oostrom dans ce chapitre. Je citerai pour mémoire la formation cléricale des auteurs, l'amour courtois dans toutes ses variantes, les genres narratifs, et dernièrement dans le cas de Chrétien de Troyes, la réception d'une oeuvre (Epigonentum; cf. le livre innovateur de Beate Schmolke-Hasselmann 1980). Veldeke était un écrivain professionnel qui exerçait son métier dans plusieurs genres (roman antique, vie de saint, poésie lyrique). La littérature française du Moyen Âge connaît plusieurs cas semblables, avec qui une comparai- | |||||||||||||||||||||||||||
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son pourrait être intéressante: Wace (chronique versifiée, vie de saint), Jean Bodel (épopée, fabliau, congé, pastourelle, drame religieux), Rutebeuf (fabliau, vie de saint, théâtre, satire etc.), Adenet le Roi (épopée, poésie lyrique), Adam de la Halle (poésie lyrique, théâtre) et autres. Le temps est peut-être venu de revoir la notion d'écrivain professionnel en France. Et l'heure est certainement venue pour un nouvel examen de la littérature française autour de Saint Brandan. Il me semble, par conséquent, que le livre de Frits van Oostrom sert en même temps deux publics assez différents et remplit deux fonctions: pour le non-spécialiste, it offre un moyen commode de se mettre au courant de l'état présent des études sur la littérature en moyen néerlandais, tandis que le spécialiste (de n'importe quelle littérature nationale) sera encouragé à revoir de vieux terrains et à en dépister de nouveaux. | |||||||||||||||||||||||||||
IIIFrits van Oostrom poursuit le thème linguistique dans son chapitre suivant consacré aux grandes matières de la littérature narrative médiévale en moyen néerlandais. Plus spécifiquement, it y traite du bilinguisme, ou peut-être même du trilinguisme, de la Flandre et du Brabant au 13e siècle et surtout du rapport entre le roman français et ses adaptations en moyen néerlandais. Les problèmes du plurilinguisme de ces deux régions et du Hainaut (n'oublions pas non plus l'importance du moyen haut allemand et du latin) sont au centre d'intérêt des chercheurs en ce début du 21e siècle et Frits van Oostrom a pu profiter des recherches d'entre autres Remco Sleiderink (2003) et Janet van der Meulen (2000, par exemple). L'on aurait intérêt à revoir en plus de détail que ne le fait Van Oostrom l'importance de la Flandre pour Chrétien de Troyes et les continuateurs de son Perceval et du Brabant pour Adenet le Roi. Si les études sur Chrétien ne manquent pas, Adenet mériterait une nouvelle étude approfondie.Ga naar voetnoot8 Mais encore une fois, c'est l'Angleterre depuis 1066 qui offre les possibilités de comparaison les plus alléchantes. Les deux situations ne sont pas identiques, mail la problématique générale de confrontation et de cohabitation, parfois malaisée, de langues et de cultures suffit pour que l'une puisse jeter de la lumière sur l'autre. En Angleterre, la langue des conquérants a plus ou moins supprimé celle des indigènes anglo-saxons comme langue littéraire (sauf, notons-le, dans certains monastères) jusqu'à l'époque de Chaucer. La langue anglaise, par contre, reste celle des villes et de la bourgeoisie, tout comme le néerlandais. Et comme c'est le cas du néerlandais, c'est en partie la classe des marchands qui forme le catalyseur d'une littérature dans la langue urbaine. Les anglicistes ont largement étudié la renaissance de l'anglais au 14e siècle et la désuétude de l'anglo-normand qui s'ensuivit; les études anglo-normandes auraient pu peut-être raffiner la pensée de Frits van Oostrom concernant le bilinguisme en Flandre et au Brabant. Aucune histoire de la littérature en moyen néerlandais ne saurait laisser de côté son ouvrage le mieux connu, c'est-à-dire, Karel ende Elegast. Frits van Oostrom soulève de | |||||||||||||||||||||||||||
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nouveau la question du passage de l'oral à l'écrit dans sa discussion de ce joyau dont la version écrite était sans doute précédée de toute une tradition orale. Si Karel ende Elegast est l'un des textes médiévaux les plus connus par les hollandais, peut-être leur poème national, ce n'est pas pour les raisons qui expliquent la renommée de La chanson de Roland parmi les francophones. C'est par ses qualités littéraires et par sa brièveté relative que Karel ende Elegast, à travers des centaines de milliers de salles de classe au cours des années, s'est créé une position comme texte médiéval national. En France, bien sûr, La chanson de Roland répond au besoin d'une épopée nationale, au Moyen Âge aussi bien que de nos jours, et c'est le côté politique, national et local, qui à mon avis explique l'énorme popularité du genre médiéval. Une histoire de la littérature française ne saurait donc procéder de la même façon que Frits van Oostrom, c'est-à-dire, passer en revue la totalité de toutes les chansons de geste et cela, pour des raisons d'économie. Il faudrait soit un livre à part soit un examen d'un choix de textes représentatifs. Ose-je suggérer que Stemmen op schrift ne serait pas réalisable en France? J'y reviendrai. Pour le reste, la section de ce chapitre sur l'épopée carolingienne ne contient pas de surprises pour un romaniste: la même évolution de la féodalité à la féerie avec une belle dose de bourgeoisie caractérise (encore une fois, mutatis mutandis) l'évolution de la chanson de geste française. Huon de Bordeaux, comme son analogue néerlandais Huge van Bordeeus, est considéré par les romanistes comme le paradigme d'une chanson de geste envahie par les charmes désordonnés du merveilleux et du surnaturel romanesques.Ga naar voetnoot9 Ce qui est intéressant dans le cas des textes néerlandais - et it en va de même pour toutes les adaptations de l'ancien français en moyen néerlandais - c'est la manière dont ils furent adaptés pour de nouveaux publics. La littérature arthurienne fournit souvent l'entrée pour un débutant aux études littéraires médiévales. Chaque langue connaît ses chefs-d'oeuvre arthuriens devenus monuments: les romans de Chrétien de Troyes et le Lancelot-Graal pour la France, le Parzival de Wolfram von Eschenbach et les romans de Hartmann von Aue pour l'Allemagne et Sir Gawain and the Green Knight et le Morte Darthur de Sir Thomas Malory pour l'Angleterre. La matière de Bretagne était diffusée très tôt en Flandre et en Brabant, à en juger par le nombre de Walewein et d'Iwein que comptait la noblesse de ces régions. La transmission de contes arthuriens à cette époque est certainement orale, mais représente au moins une troisième vague de diffusion orale, si l'on en croit (et je les tiens pour prouvés) les arguments de Pierre Gallais publiés en 1964 déjà. À la différence des premiers romans français, les ‘originaux’ en moyen néerlandais, surtout le Walewein, privilégient les aspects folkloriques de la recette à la base du roman arthurien plutôt que la rhétorique savante d'un Chrétien de Troyes, par exemple. Il s'agit pourtant dans les deux cas d'une littérature qui sert de véhicule de l'idéologie chevaleresque-courtoise. Les deux autres exemples de romans épisodiques en vers que discute Frits van Oostrom dans ce chapitre - Ferguut (basé sur le Fergus de Guillaume le Clerc) et Moriaen (originel) - montrent l'originalité de la tradition en moyen néerlandais. Ferguut trahit l'intérêt de son adaptateur pour une histoire d'ascension sociale | |||||||||||||||||||||||||||
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et Moriaen pourrait être le premier ouvrage médiéval à présenter un héros noir. Ce n'est pas rien. Malgré le livre de Beate Schmolke-Hasselmann cité ci-dessus, les romans épigonaux en ancien français restent mal connus et devraient êtres relus attentivement. Its sont trop nombreux à citer ici, soulignant encore une fois la difficulté qu'aurait un romaniste ambitieux à entamer un Stemmen op schrift français. Avant de reprendre dans la dernière partie de ce chapitre le fil arthurien - en effet, qu'en est-il de la Lancelotcompilatie? se demande-t-on; mais tout s'éclaircira ultérieurement - Frits van Oostrom se livre encore à une interpolation légèrement chauvine (‘Epiek van eigen bodem’). La transmission fragmentaire de bon nombre de romans sans modèle français témoigne pourtant de la richesse et de l'originalité de la vie littéraire dans les régions néerlandophones, mais Van Oostrom met l'accent ici sur trois textes préservés intégralement: Seghelijn van Jersusalem, Tprieel van Troyen de Segher Diengotgaf et surtout le Roman van Limborch. Voici trois versions distinctes de l'originalité: une épopée des croisades marquée par une hybridité enthousiaste et anarchique, une restructuration fondamentale d'une source (deux sections du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure) et un digeste ludique de motifs et de thèmes puisés un peu partout. Le mystère de l'interpolation de Van Oostrom est maintenant résolu: le plus ancien manuscrit du Roman van Limborch a été copié par le copiste D du manuscrit unique de la Lancelotcompilatie. Mais on me permettra ma propre digression sur la notion de textes indigènes avant de poursuivre. Le terme n'a de sens que dans le contexte d'une littérature narrative basée pour la plupart sur des originaux français à laquelle it fait contraste. On pourrait conclure un peu cyniquement que toute la production romanesque française est ‘van eigen bodem’ (exception faite peut-être des romans avec une source latine), mais j'aimerais suggérer plutôt une autre catégorie, c'est-à-dire, les romans ou les épopées d'intérêt local et régional. Je pense par exemple au cycle de la croisade comme oeuvre boulonnaise, le cycle des Lorrains (dont presque tous les manuscrits furent copiés dans l'Est de la France, surtout la Lorraine), Le roman du comte d'Anjou, Joufroi de Poitiers, pour ne pas parler des romans anglo-normands comme Waldef et Horn, dont la véritable signification ne paraît que quand ils sont lus dans un contexte très spécifique. C'est surtout grâce aux travaux de Bart Besamusca (2003), de Frank Brandsma (articles trop nombreux à citer) et de David Johnson (Johnson & Claassens 2000-) que la grande Lancelotcompilatie a pris sa place parmi les chefs-d'oeuvres mondiaux de la littérature arthurienne. De nombreuses études et traductions en anglais ont ouvert les romans originaux de la compilation (et le Walewein) à des médiévistes sans compétence en moyen néerlandais. Déjà, des comparatistes commencent à inclure les romans en moyen néerlandais dans leur corpus de textes arthuriens. Frits van Oostrom (dont on regrette toujours que la thèse sur Lantsloot vander Haghedochte n'ait jamais été traduite en français ou en anglais) donne un excellent aperçu de l'état présent des études sur la Lancelotcompilatie. Je soulignerai seulement ici l'importance de lire et d'étudier les romans arthuriens (et tous les textes narratifs) dans leur contexte codicologique, ce qui va de soi peut-être pour une compilation qui a été soigneusement et visiblement structurée dans son manuscrit, mais pas forcément pour d'autres cas. Les spécialistes de la littérature française médiévale ont commencé à publier ce genre d'études it y bien | |||||||||||||||||||||||||||
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des années maintenant.Ga naar voetnoot10 Les manuscrits arthuriens français qui se prêtent le mieux à une comparaison avec La Haye, kb 129 a 10, sont Paris, BnF, fr. 1450 (où les romans de Chrétien de Troyes sont interpolés dans le Brut de Wace) et Chantilly, Musée Condé 472, un grand recueil de romans arthuriens dont la structure se prête à de multiples interprétations. Une nouvelle histoire de la littérature française médiévale, quelle que soit sa forme, devrait forcément prendre compte de cette tendance critique et pourrait même être basée sur ce renouveau d'intérêt pour la codicologie. | |||||||||||||||||||||||||||
IVC'est probablement le charme de la littérature séculière dans un monde progressivement moins spirituel qui a fait de la littérature religieuse un objet d'étude de seconde importance, surtout dans les histoires littéraires. Dans le quatrième chapitre de Stemmen op schrift, Frits van Oostrom rétablit l'équilibre dans le contexte du moyen néerlandais. L'hagiographie (pour des raisons d'économie, j'entends par là dans le présent contexte aussi la littérature pseudo-biblique) en langue française est l'un des grands domaines inexplorés de la littérature médiévale, malgré quelques études récentes.Ga naar voetnoot11 Ce phénomène est plus incompréhensible encore quand on constate que les vies de saint contiennent des aventures aussi merveilleuses qu'édifiantes. Dans le domaine français, seuls des classiques comme la Vie de saint Alexis ont attiré beaucoup d'attention. La plupart des vies françaises ont été éditées et l'heure est venue de les étudier sous un angle intertextuel qui soulignera leur rapports avec le roman, l'épopée et même le fabliau. Il est sûr, comme le suggère Frits van Oostrom, que l'église, inspirée par le succès des romans et d'autres récits séculiers, a utilisé la langue vernaculaire dans un effort d'atteindre un plus grand public. L'intertextualité ne surprend donc pas, et se lit dans les textes individuels dans leur contexte manuscrit. La leçon la plus importante à retenir de ces pages de Frits van Oostrom (et c'est une leçon que les romanistes ont apprise depuis longtemps), c'est qu'isoler les vies de saints et d'autres textes spirituels et édifiants ignore la réalité du contexte médiéval et codicologique, dans lequel cette littérature spirituelle côtoie les romans arthuriens, les épopeés et autres, dans un seul grand intertexte.Ga naar voetnoot12 Il est certes significatif, comme je l'ai déjà relevé, que des auteurs respectables comme Jean Bodel et Rutebuef ont exercé leur métier d'écrivain dans les genres spirituels et séculiers en même temps. Ajoutons à la littérature française hagiographique et pseudo-biblique des recueils de récits édifiants comme La vie des pères et Les miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci et it y aurait de la matière pour un autre livre. Notons en passant encore un numéro un pour le moyen néerlandais: la première traduction en langue vulgaire de la Legenda aurea (Der ystorien bloeme). | |||||||||||||||||||||||||||
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Dans un autre sens, pourtant, la présence imposante de Hadewijch dans la culture néerlandaise a assuré la littérature religieuse d'une place honorable dans les histoires littéraires. S'il existe un corpus considérable de sermons en langue vulgaire (étudié par Zink 1976) et des vies de saint dont le culte restait assez localisé, qu'on peut comparer aux textes traités par Frits van Oostrom, l'ancien français ne connaît ni une tradition très développée de mysticisme féminin ni, par conséquent, une figure telle que Hadewijch. Je suggérerai ici une comparaison peut-être un peu insolite, mais la versatilité de Hadewijch du point de vue générique (visions, poèmes strophiques, lettres) et son legs rappelle au niveau spirituel le métier de poète professionnel représenté au niveau courtois et urbain par Chrétien de Troyes, Jean Bodel et Rutebuef. Une comparaison plus évidente serait celle avec la tradition anglaise, représentée en particulier par Julian of Norwich, comparaison qui a déjà été explorée par la critique. Un des faits les plus remarquables de l'histoire littéraire française est en effet l'absence d'une tradition d'écriture féminine avant le 14e siècle. Il y a, bien sûr, le cas extraordinaire de Marie de France, qui, elle aussi, travaillait sans doute dans une abbaye et qui a écrit des poèmes entièrement séculiers (les Lais), a adapté un recueil de fables et a traduit du latin un ouvrage quasi-hagiographique (L'espurgatoire saint Patrice). Une douzaine de lais bretons anonymes pourrait être considérée comme un legs, mais l'histoire l'a rendue plus ou moins anonyme. À part Marie, it y a deux vies de saint compośees par des religieuses anglo-normandes. Avant Christine de Pizan, la seule ‘tradition’ d'écriture féminine en France est celle des trobairitz occitanes et quelques femmes-trouvères. | |||||||||||||||||||||||||||
VDans son cinquième et dernier chapitre, Frits van Oostrom organise, pour ainsi dire, une rencontre entre Willem, auteur de Vanden vos Reynaerde et son cher Jacob van Maerlant, le ‘grand old man’ des lettres médio-néerlandaises. Pour être quelque peu artificiel, la confrontation des deux auteurs n'est pas moins bien trouvée et repose sur des bases historiques, soutenues par le genre de spéculation séduisante qui caractérise Maerlants wereld. Willem et Maerlant étaient plus ou moins des contemporains, l'un probablement originaire de Gand, l'autre de Bruges. Willem était peut-être connu à la cour de Flandre (les Dampierre), Maerlant avait des rapports avec la cour de Hainaut (les Avesnes). Qui plus est, le manuscrit Dyck contient Der naturen bloeme suivi de Vanden vos Reynaerde. Y avait-il, se demande Frits van Oostrom, une rivalité personnelle et professionnelle entre les deux? Plutô\t qu'une Chanson de Roland, un Beowulf ou bien un Nibelungenlied, l'épopée nationale de la Flandre semble être Vanden vos Reynaerde. Frits van Oostrom maintient, non sans une certaine fierté batavienne, que les qualités de Vanden vos Reynaerde, taut du point de vue de forme que de fond, rendent superflues toutes les autres versions de la matière renardienne. S'il exagère quelque peu, la transformation d'un recueil de branches quasi-indépendantes dans un véritable roman structuré de manière presque moderne a de quoi nous étonner. Et Willem est un jusqu'au-boutiste qui n'évite ni nihilisme ni tabou ni sadisme dans son voyage de la littérature animale vers | |||||||||||||||||||||||||||
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la littérature tout court, comme le dit Van Oostrom. Avons-nous un Willem parmi les auteurs français du Moyen Âge? Chrétien de Troyes serait peut-être le seul candidat, originel, érudit, plein d'humour et d'esprit, qui sait créer d'un amas de matériel disparate une molt bele conjointure. Et son Perceval, inachevé, pousse, aurait poussé, jusqu'aux limites le potentiel de la forme romanesque qu'il a lui même créée. Et pour rival de Chrétien, it y a son contemporain, Gautier d'Arras. Ce contraste n'est pas l'équivalent exact de Willem-Jacob, puisqu'il serait basé sur une comparaison de poétiques, l'une merveilleuse et courtoise, l'autre plus réaliste et spirituelle. Mais it y avait certainement une rivalité professionnelle, fondée non seulement sur l'esthétique mais aussi sur un concours probable pour le mécénat. Chrétien écrit à la demande de Marie de Champagne et de Philippe de Flandre; Gautier, qui dédie son Eracle à la même Marie, jouit d'une position privilégiée à la cour de Philippe, réclame Baudouin de Hainaut comme son bon ami et dédie Ille et Galeron, d'abord à Béatrice de Bourgogne, ensuite à Thibaut de Blois. Le cas Chrétien-Gautier a été récemment ré-examiné par Corinne Pierreville (2001), mais tout n'a pas été dit et une comparaison entre la situation des deux grands romanciers français et les deux rivaux, Willem et Jacob, ne serait pas sans intérêt. Willem mérite son pré-éminence dans l'histoire littéraire grâce à ses dons poétiques et à sa témérité d'auteur, Jacob grâce à la nature imposante de son oeuvre. Frits van Oostrom admire l'innovation de Willem et le boulot de Jacob, l'inspiration de l'un et la transpiration de l'autre. Maerlant serait un homme de peine qui montre mieux que Willem le paradigme médiéval d'une formation cléricale au service de la société chevaleresque et courtoise. Pour le reste, les idées de Van Oostrom sur Maerlant sont bien connues depuis la publication de Maerlants wereld (1996), ce qui me permet de passer vite à mes conclusions, mais pas avant de remarquer que j'ai beaucoup apprécié la synthèse contenue dans ces pages sur la formation, la versatilité, la précocité, le legs et le statut de Maerlant comme monument, pour ainsi dire, de la littérature en moyen néerlandais. Le nombre et la qualité des manuscrits sont éloquents quant à son statut. | |||||||||||||||||||||||||||
En guise de conclusionCe beau survol synthétique de la littérature en moyen néerlandais avant 1300 est entièrement réussi quant à son contenu et sa production matérielle. Le nombre relativement restreint de textes en moyen néerlandais ayant survécu aux ravages des siècles a permis à Frits van Oostrom d'en discuter la plupart au moins brièvement. Le nombre également restreint de grands auteurs avec une oeuvre considérable lui a permis de discuter en détail Veldeke, Hadewijch et Maerlant. Certains fils rouges assurent ce livre d'une lisibilité agréable et d'une structure cumulative, qui passe de la naissance difficile et lente au sein d'une culture livresque latine et spirituelle à travers l'expression orale de contes populaires et la marche implacable de la langue vulgaire jusqu'à l'établissement d'une littérature en moyen néerlandais indépendante et fière d'elle même. Ces fils rouges sont devenus au fur et à mesure des thèmes des études médiévales de nos jours dans tous les domaines: latin et langue vulgaire, formation cléricale et contexte | |||||||||||||||||||||||||||
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courtois, importance du livre médiéval, contexte manuscrit, littérature et politique, régionalisme, réception et littérature épigonale, intertextualité et ainsi de suite. Il s'agit d'une approche, d'approches interdisciplinaires qui exigent surtout de la collaboration entre collègues afin d'éviter les dangers de l'amateurisme scientifique. J'ai déjà suggéré qu'écrire un Stemmen op schrift français serait difficile, sinon impossible. Faute d'opérer un choix rigoureux d'auteurs et de textes, ou peut-être de diviser autrement les périodes du Moyen Age (par exemple, l'on pourrait penser à: 1) des débuts jusqu'à 1150; 2) de 1150 à 1225; 3) de 1225 à 1300) avec tous les inconvénients et tous les désavantages qu'apportent une telle procédure. Le Cambridge Companion to Medieval French Literature auquel j'ai eu l'honneur de participer (cf. Busby 2007) prend le premier de ces deux chemins et ne prétend nullement à l'exhaustivité. Nous sommes en effet à l'époque des synthèses, des manuels, des guides, des handbooks et des companions, parce que le progrès dans les études médiévales risque autrement de sombrer dans l'oubli de l'académie et de ne pas faire son entrée dans le monde en dehors des universités. Un cynique dirait en plus que c'est peut-être le seul moyen pour un éditeur de vendre des livres et de gagner son pain. Si l'on me permettra enfin d'offrir un titre alternatif pour Stemmen op schrift, ce serait Confluences, ceci parce que Frits van Oostrom a montré dans ce livre que la littérature en moyen néerlandais doit son caractère particulier à toute une série de rencontres culturelles, géographiques, politiques et linguistiques au cours des siècles avant 1300. Cela dit, Samenvloeiingen n'est pas très joli. Il vaut mieux peut-être en rester à Stemmen op schrift.
Coordonnées de l'auteur: Department of French and Italian The University of Wisconsin 618 Van Hise Hall Madison, wi 53706 usa kbusby@wisc.edu | |||||||||||||||||||||||||||
Références
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