Expo Kijno.
attachant et modeste de quatrevingt-deux ans. Une salle de l'hôtel de ville lui a permis - enfin - de rencontrer le public.
Le musée de Tourcoing, qui a présenté depuis la dernière guerre d'importants ensembles de peintres contemporains, a organisé récemment une exposition de ‘Soixantedix ans de gravures et de lithographies’. De Kandinsky à Buffet, en passant par Herbin, Dufy, Labisse, Chagall et Picasso, les visiteurs ont eu l'occasion d'admirer des pièces appartenant à la collection du musée, de même que d'autres obligeamment prêtées.
A Roubaix encore, nous avons remarqué trois jeunes peintres à la
Expo Bougelet.
nouvelle galerie Arts Litho, 20 rue Pauvrée: Allienne, avec des peintures à l'huile et des aquarelles exprimant l'âpre poésie d'une nature mi-campagnarde, mi-industrielle; Jardurand, auteur de gouaches aux dessins tourmentés, sertis à la manière de Rouault; Dupretz, dont les compositions hésitent entre le figuratif et l'abstrait. Les céramiques de l'excellent Jean Brisy complétaient cette exposition.
Venons-en à Lille, puisque c'est bien là, certes, que se concentrent les manifestations artistiques les plus importantes et les plus fréquentes. Nous n'avons que l'embarras du choix et nous voudrions parler sinon de tout, du moins des expositions vraiment intéressantes: elles furent nombreuses.
La galerie Dupont, boulevard de la Liberté, a retrouvé Kijno, un de ses familiers, Kijno en rupture de tachisme, non pas pour accomplir son chemin de Damas vers le figuratif de ses débuts. Auteur d'une ‘Cène’ destinée à la chapelle du Plateau d'Assy, il découvrit alors - c'était en 1953 - que ce style ne lui convenait pas. Aujourd'hui, il use d'une technique à la fois spontanéiste dans l'inspiration et structurée dans le dessin, afin d'exprimer au mieux ce qu'il veut dire, en toute indépendance. Il faut voir, par exemple, un ‘Quatuor’ dont il reconnaît les liens avec les Percussions de Strasbourg. Ou encore une forte composition née de la contemplation de galets sur un bord de mer bretonne.
A la galerie Nord, Maryan, déjà présent dans une exposition collective en début de saison, a conquis seul la cimaise en février. Curieux artiste, plus caricaturiste que peintre sans doute. Mais l'humour assez dépouillé des années 60 a fait place à une prédilection envahissante pour le baroque, qui vient orner de détails tumultueux, colorés à profusion, de drôles de personnages. On ne sait plus trop s'il faut rire ou pleurer devant ces bonshommes, ces femmes trop charnues, dont les yeux sont souvent révulsés sous l'effet d'un mystérieux cauchemar intérieur.
Dans la même galerie, les hautsreliefs de Bettencourt font penser à des totems qui serviraient à exorciser nos démons intérieurs. Si les forçats rêvent, c'est d'une femme aux nudités généreuses. Quand Loth a bien bu, il en vient à pratiquer l'inceste, et le paradis de Mahomet est un jardin de chairs. Sculpteur surtout, peintre aussi, l'auteur emploie une technique très personnelle pour offrir des oeuvres suggestives mais sans obscénité. Il plonge au delà des consciences, dans ces régions mentales peu explorées où l'érotisme rejoint le sacré.
Patrick Bougelet enfin a montré quelques-unes de ses structurés mobiles ou statiques à la galerie Storme, avenue du Peuple-Belge. Jeune artiste ‘cinétique’, il a rompu avec les Beaux-Arts, où il ne se sentait pas à l'aise, et a poursuivi son chemin seul, après un passage à l'Atelier de la Monnaie. Le carton, le métal et désormais, de plus en plus, le plexigas lui procurent une matière prompte à vibrer au moindre déplacement d'air, à la plus discrète provocation de la lumière. A travers ces formes un peu monotones peut-être lorsqu'elles sont assemblées en nombre dans une salle, mais souvent harmonieuses, l'art plastique s'intéresse directement à la décoration. Ce sont là des oeuvres qui se marient fort bien aux lignes rigoureuses des édifices modernes.
Jean Demarco