30 Cyriel Buysse, ‘Bazal en Flandre’
Il rencontrait chez nous les vieux amis qu'il aimait beaucoup: Camille Lemonnier, Verhaeren, Maeterlinck, le peintre Emile Claus. Surtout le peintre Claus. Cette rencontre tous les ans renouvelée était pour Bazalgette (Bazal, comme nous l'appelions familièrement) une source d'inépuisables joies. Il avait, en écoutant les récits que nous prodiguait Claus dans son langage imaginé et pittoresque, des éclats de rire, des crises de rire comme peu lui ont vu. Ce n'était plus du tout le garçon un peu grave que nous avions coutume de voir à Paris, il semblait retrempé dans une sève nouvelle, tout à l'unisson de l'ambiance, venu pour s'amuser et s'amusant comme un écolier en vacances. On ne parlait guère de littérature et d'art; on jouait au tennis, on faisait du canotage et de longues randonnées en auto, toujours en compagnie de Claus. Je conduisais la voiture, eux étaient assis à l'arrière et de temps en temps montaient derrière moi des éclats de joie folie. Bazal me criait: ‘Arrête un moment, écoute, je n'en peux plus.’ Alors, me retournant, je voyais Bazal riant aux larmes, cependant que Claus, gardant un sérieux imperturbable, riant seulement de ses yeux malicieux, continuait ses histoires fantaisistes et renversantes.
[...] Il aurait voulu parler notre langue et il s'y essayait parfois, pas avec grand succès. Il le faisait timidement et cela sonnait mi-allemand, mi-anglais. Il éprouvait de la peine à assimiler les vrais sons flamands. Un jour je le trouvai en conversation avec mon jardinier. Il s'exprimait en ce qu'il croyait être du flamand et le jardinier lui répondait en ce qu'il croyait être du français. C'était baroque et hilare. Ils cessèrent à mon approche.
Europe. Revue mensuelle, Parijs 15.6.1929, p. 202-203; VW 7, p. 860-861.