De Gulden Passer. Jaargang 46
(1968)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermdf. 96 voDécor: Portrait de Corneille Claesz van Aecken, gravé par Jean WiericxGa naar voetnoot1.
Inscriptions: Cornelius Aquanus, antiquaire à Leyde, âgé de 64 ans. Année 1578. | |
f. 97Consacré à une amitié éternelle Qui nierait que tu as accompli l'univers des sciences? Tu as certes accompli celui des terres. Qu'y a-t-il de plus célèbre que ton Monde que tu as osé suspendre sur un mince papier, après l'avoir découpé par un fuseau en plusieurs cartes; afin que, ce qui auparavant était presque inconnu, et dont on ne pouvait jouir qu'à travers une sorte de nuage, fût proposé aux yeux, aux sens des hommes. Ce même Univers, par ta vertu et le génie de son Théâtre est accessible depuis le lever du soleil jusqu'aux Marais Méotides; on peut le traverser jusqu'au delà du détroit occidental, aux monts Riphée et aux Hyperboréens de GoropeGa naar voetnoot2; ou que Thamyris lui-même soit présent à nos yeux, semblable à la lampe de Phoebé. Me trompé-je? n'est-il pas vrai que c'est à cause du lever du soleil que le sort, Ortelius, t'a donné ton nomGa naar voetnoot3? Un homme ne connaît pas sa maison mieux que je ne connais les monts fréquentés des Pics et des Harpyes, les grottes où veille le serpent qui garde les Hespérides ou les remparts des Scythes. Maintenant je connais les Amazones et quelles pierress ont arrosé de sang la postérité de Japhet, et l'endroit où l'oiseau, par une | |
[pagina 75]
| |
solennelle déploration et par un meurtre annuel, honore le tombeau élevé à l'ombre de Memnon son pèreGa naar voetnoot1. Pourquoi rappeler les deux promontoires de la mer Scythique récemment recherchés en vain par des expéditions anglaisesGa naar voetnoot2? Toutes ces choses, en les rendant accessibles, franchissables pour nos regards, tu écartes les mensonges de nos vieux ancêtres. Voici ouverts les monts de la Lune, les sources du grand Nil, les déserts de la Lybie et Ammon le dieu cornu. Venons-en au sommet: il s'en faut de peu que les Manes, toutes barrières franchies, ne te permettent de les toucher de ton clair regard, de ta main tendue, tandis que, scrutant les entrailles de la grande Mère, les trésors de l'Orcus et les retraitesGa naar margenoot+ du redoutable dieu des Morts, nous ordonnons aux infernaux d'espérer le Ciel. Ce péché d'avarice, qui l'ignore? est le propre de l'Espagne. Et je souhaite qu'il le reste: que jamais la contagion d'un si grand mal n'arrive jusqu'à nous, les Belges; que le Carthaginois paie à l'Averne le châtiment qu'il mériteGa naar voetnoot3, mais que nous, voisins du danger sans y avoir eu de responsabilité, ayant usé simplement des audaces inventées par d'autres, nous puissions jouir comme d'une chose présente de tes cadeaux. De ce que, Edile d'un style nouveau, tu continues à nous donner: admirons le fini et l'éclat de tes travaux. Pourquoi irais-je tenter de voir, avec Magellan comme guide, le pays des Cimmériens, les royaumes souterrains, les écueils maudits par la gelée, de pénétrer dans les retraites vierges où se cache le vent du midi. Il est inutile de faire de longs voyages, adieu, Argonautes de l'Occident; il suffit de s'attarder dans la plus petite partie de ton Théâtre, de tourner les cartes peintes avec ordre et d'apprendre chez soi la configuration du vaste monde, le mouvement des deux pôles et de toutes choses à travers la nature entière, partout où nous entraîne le flot de notre âme et, bien en sûreté chez nous, de labourer les flots marins d'un esprit aventureux; puisque cela nous est possible, sauvage Aquilon, pluvieux Auster, jamais vous ne verrez mes voiles. Mais, cher Abraham, tu conduiras sur tes traces Aquanus, sans qu'il soit besoin de quitter ses Pénates et UranieGa naar voetnoot4 avec toi nous établira dans l'Olympe où elle est chez elle. | |
f. 98Sonnet
Où me conduis-tu par les chemins non tracés du sauvage océan, par les champs à voûte bleue, ô Typhis sans peur! Par toi, je fus placé au sommet de l'Olympe, loin au-dessus du vent et de | |
[pagina 76]
| |
la pluie. Dussé-je faire le tour par les détroits de Magellan, aussi longtemps que tu m'accompagnes, je ne craindrai rien, bien que mon navire s'incline et que le brouillard, la grêle et la neige viennent agiter Neptune. Adieu: voyage au Pérou, qu'il parte à l'Est ou à l'Ouest, à qui cela plaît. Qu'ai-je besoin de quitter le chaud refuge de ma patrie, si je puis voyager partout grâce à tes talents mais sans toucher du pied le rivage où ma semence est enterrée, ô dur rivage pour moi, ô mauvais galiot. Moi Corneille Aquanus, qui me suis fidèlement attaché en Hollande aux antiquités romaines, j'ai envoyé de Leyde à Anvers à Abraham Ortelius, géographe du roi, mon ami et mon hôte excellent, ce choix bilingue de vers négligés, en guise de témoignage pour moi-même et de remerciement d'hospitalité, témoignage qui ne puisse être arraché par les tempêtes d'aucune inimitié, décidés l'un et l'autre à nous entr'aider avec l'appui des dieux. Année du salut assuré 1580 noncs de janvier (5 janvier).
Corneille Claesz van Aecken (Nibbixwoude, Hollande septentrionale, vers 1514-Leyde, vers 1590). Orfèvre, antiquaire et collectionneur; de 1558 à 1575 il fut essayeur et doyen du métier des orfèvres de Leyde. Dès 1566 il ouvrit une auberge ‘De Wissel’ où il réunit une importante collection d'antiquités; les nombreux visiteurs appelaient sa maison une deuxième Rome. Aquanus, favorable au protestantisme, participa à la défense de Leyde, en 1574; il y fut nommé officier d'administration générale, maître d'artillerie et receveur d'accises. Il est l'auteur de plusieurs poèmes se rapportant à la délivrance de Leyde et d'un armorial de la noblesse hollandaise. Jaarboekje voor geschiedenis en oudheden van Leiden en Rijnland, t. XXV, 1932-33, art. de W.A. Beelaerts van Blokland - t. XXXV, 1943, art. de H. van Rooyen O.S.C. - t. XXXV, 1943, art. de F. Pelinck. | |
f. 98 voBlanc. |
|