De Gulden Passer. Jaargang 46
(1968)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermdf. 82 voDécor: Portrait de Jean Douza gravé par Philippe GalleGa naar voetnoot1. Inscriptions: sur la bordure de l'encadrement: Les Muses sont ce qu'il y a de plus doux. Janus Douza de Noortwyck à 23 ans. Dans le bas: Celui qui a osé graver le portrait des Comtes de Hollande, et ÉrasmeGa naar voetnoot2, et courageusement ton effigie, JuniusGa naar voetnoot3 ce même Galle m'a fixé sur le bronze docile, moi le fils des Douza que cela suffisaitGa naar voetnoot4 à rendre heureux. Je ne me compare pas à de si grandes lumières, pourvu, ô Second, que je puisse être seul à tenir après toi la seconde place, autrefois du moins je pensais ainsi; aujourd'hui qu'il me suffise de dire: je fus remarquable parmi les gens de NoortwyckGa naar voetnoot5. | |
f. 83Consacré au génie de l'amitié. Je me demandais ce qu'allait m'apporter l'arrivée d'AquanusGa naar voetnoot6. C'est un trésor qu'il nous remit. Des tableaux dessinés, les noms inscrits des poètes que l'amour t'a unis par un lien sacré. Il l'apporta et dit: ‘Tu vois, Douza, que l'album de notre ami commun est resté trop longtemps dépourvu de ton nom, tarderas-tu davantage à écrire un poème pour faire plaisir à Ortelius? A Ortelius | |
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auquel la zône torride aussi bien que les pôles glacés sont redevables de ne plus être tenus comme ignorés et auquel seule la Nature se reconnaît inférieure, acceptant, ô merveille, de se trouver enchaînée dans son oeuvre. J'obéis à l'invitation. Pourquoi tarder à faire une chose qui me plaît? Va, mon valet, apporte-moi mon pupitre et des plumes, afin que je puisse offrir à Ortelius le témoignage dû et, au Jupiter de l'amitié, assez de sacrifices promis. L'heure est venue pour des choeurs nouveaux de parcourir l'Olympe et de faire sentir l'éperon aux chevaux marins. Mais jusqu'où enlèves-tu en plein désert, Abraham, celui qui est plein de toi, en quelles mers, quelles montagnes, quelles forêts? Il me semble remonter jusqu'aux cataractes de NéréeGa naar voetnoot1 et, Nil secret, découvrir tes sources. Sous ta direction, aussi longtemps qu'elle s'offre à moi, j'ai l'audace de me baigner dans les eaux septentrionales, pour moi les Gryphes et les Hyperboréens de BecanusGa naar voetnoot2, ou cette Nouvelle-Zemble qui se trouve au delà de la mer CronienneGa naar voetnoot3 ou le chemin du Gange et les colonnes où passe Bacchus, par le Tage et l'océan du rivage scythique. Je voudrais sur tes pas aller jusqu'aux extrémités de l'Inde, pourvu que tu serves d'étoile polaire à mon radeau: les Indes que l'aurore colore au matin des feux du jeune soleil; à moins toutefois que tu ne préfères aller à l'Occident. De ce côté aussi m'emporteront les vents dans leurs longues tuniques, et je cesserai de craindre les terribles écueils où nichent les alcyons. | |
f. 83 voAvec toi j'irai sans crainte vers les tables des Cannibales, vers les rivages du Brésil désert, soit que tu m'invites à m'approcher des Patagons géants ou à pénétrer dans les golfes de Pagnan. Et j'apprendrai par combien de courbes à travers le royaume du Pérou, l'Orénoque coule à l'abri des Amazones. Et, sous ton étoile, Capricorne, il m'est agréable de dominer le froid et les passages du Sud. De là, revenant avec des voiles audacieuses par l'Océan Pacifique, j'irai au delà des frontières de la Nouvelle Guinée, non pas pour trouver de la cannelle, des épices et d'autres parfums, du fruit du giroflier et de la noix aromatique, qui se gaspille impunément dans les riches Moluques, mais pour gagner le saint refuge d'Astrée, ce refuge des Moluques qu'elle-même a préféré au ciel, et voir Ceylan, voisin de Java, ou Porné où l'on trouve tout, sauf la paix. Ah! pourquoi aucun foyer ne m'est- | |
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il accordé dans cet univers? Adieu, collines côtières et sables hollandais et campagnes cultivées par le Génie et le Lare national; adieu Noortwyck, mon royaume, berceau de ma famille, et toi aussi Leyde, bien que tu m'aies accueilli, adieu. Qu'ai-je à faire des Belges; j'aime mieux être voisin du Gange, ou bien là où la Balance regarde d'en haut les Éthiopiens brûlés, là où la race heureuse qui habite Canope donne souvent l'hospitalité à l'Océan, à Jupiter, aux Nymphes. Qui sait si, uni à eux, et m'asseyant à leur côté au bout de la table, ils ne me logeront pas quelque part avec les Faunes? Ce sera grâce à toi, Abraham, qui nous fait voltiger par tout l'univers au point que je ne puis plus rester sédentaire. Reculez, arpenteurs romains et grecs. Je ne veux plus, ô Ptolémée, de tes fameuses cartes. Viens, postérité du menteur HannonGa naar voetnoot1, viens prétendre qu'un univers n'est pas assez pour tes revendications. Voici arrivé ce que tu as si souvent demandé dans ton âme avide. Voici que les Indes te sont parentes. | |
f. 84Tu ne me crois pas? Crois-en le Théâtre d'Ortelius et tu diras quelle partie de l'Inde nous a appartenu, découverte sans crime, au delà des portes qui cachent les secrets du monde, sous le ciel occidental, par l'homme de GênesGa naar voetnoot2. Ainsi chaque ciel a pour nous ses vents et une seconde Ourse brille pour nous au pôle opposé. Mais ce n'est pas encore assez pour la cupidité humaine et voici pour elle un troisième univers, ô Magellan, apparu sous tes auspices, là où les mondes australiens hivernent sous les chutes de rosée dignes du nom de celui qui les a découverts. Mais où aller explorer les sombres retraites de l'Erèbe? Un monde ne suffisait-il pas à l'Espagnol? Que c'est bien d'avoir inclus dans ces petites cartes ce monde immense que nous pouvons mesurer sous ta direction. Nous nous dirigeons dorénavant avec sécurité et sur terre et sur mer; aucune tempête ne menacera notre tête. Et à personne les flots de l'eau ébranlée n'enlèvera les ongles vivants avec leur racine dans le plus terrible des gouffres. Vous, par conséquent, chaque fois que vous aurez envie de connaître la configuration de l'univers et les moeurs des hommes, vous n'aurez pas besoin chaque fois de changer d'étoile ou de tenter des eaux que nulle carène n'a jamais touchées: regardez seulement le théâtre de la scène ortélienne. Cela du moins est sans danger; toute autre voie est obscure. Et toi qui nous a fait ce splendide présent, continue à éclairer le pôleGa naar voetnoot3 de ton rayon et à étendre les limites | |
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du monde connu dans de nouveaux espaces, qui seront ainsi définis par les titres que tu leurs as donnés. Confirme ta foi, toi qui as marché, pour les dépasser, sur les traces de tes ancêtres, et va, si tu le veux, à la recherche de l'Utopie; tu la découvriras. Mais ta louange te dépassera même, car les deux pôles ne peuvent pas contenir ta gloire. En l'honneur du prince des cosmographes, c'est poussé par ma confiance, mais surtout par son amabilité que je me suis fait poète et que j'ai écrit ceci, volontiers et justementGa naar voetnoot1, Janus Douza de Noordwyck à Leyde. Nones de décembre (5 décembre), mon jour de naissance.
Jan van der Does, seigneur de Noordwyk et de Cattendyk (Noordwyk, 1545-La Haye, 1609). Il participa au Compromis des Nobles et fut nommé gouverneur de Leyde pendant le siège de 1574; chargé de négociations diplomatiques il joua un rôle capital dans le mouvement calviniste en Hollande. Humaniste et poète, il fut le premier curateur de l'Université de Leyde; il a publié de nombreux ouvrages: poèmes, essais, annales et lettres. Paquot, Mémoires, t. XVI (Louvain, 1769), pp. 205-227. Nieuw Nederlandsch Biog. Woordenboek, t. VI, 1924, art. de Blok. |
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