De Gulden Passer. Jaargang 44
(1966)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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Notes sur l'origine et la disparition de Colard mansion
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est vraisemblable. C'est pourquoi nous ne prétendons pas donner une nouvelle lumière au sujet, mais tout au plus un nouvel éclairage. Joseph Van Praet qui, dès 1780, trace la biographie de Colard Mansion, dit un mot de l'origine du typographe brugeois: ‘Je soupçonne qu'il était originaire de France, et peut-être mê.me Français; ce qui me le fait croire, c'est qu'il a traduit plusieurs livres en français, et qu'il n'a imprimé que des livres écrits en cette langue’Ga naar voetnoot3. Cinquante ans plus tard, lorsque Van Praet reprend le sujetGa naar voetnoot4, sans rien affirmer ni nier, il fait état de l'opinion contraire de Scourion, bibliothécaire et archiviste de la ville de Bruges. Les arguments de Scourion nous sont connus par un discours prononcé par Coppieters 't Wallant, bourgmestre de Bruges, le 9 juin 1837, lors de la remise au conseil des éditions de Colard Mansion léguées à la Bibliothèque publique par Van PraetGa naar voetnoot5. On peut les résumer comme suit: dans les archives brugeoises, on trouve un Tybaude Mansione en 1310 et un Johannes Van Menshone en 1427; on relève des flandricismes dans les traductions que Colard Mansion a faites en langue française d'oeuvres latines; le croissant qui figure dans sa marque typographique pourrait être un rébus qui devrait se lire mane sone, fils de la lune. Enfin Coppieters 't Wallant développe l'argument le plus important: ‘Pour pouvoir exercer, en son propre nom, une profession quelconque à Bruges, comme dans beaucoup d'autres villes, il fallait nécessairement y avoir le droit de bourgeoisie. Mais les registres spéciaux de ce droit, concédé à des étrangers, ont été compulsés, depuis une date antérieure à Mansion, jusqu'en 1455, époque à laquelle il était déjà connu depuis plusieurs années comme copiste et marchand de livres, et son nom n'y a pas été trouvé. Il avait donc ce droit comme fils d'un bour- | |
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geois; aussi se qualifie-t-il de citoyen de Bruges, à la souscription des Métamorphoses d'Ovide’. À cette argumentation, Henri MichelGa naar voetnoot6 en oppose une autre: dans les archives d'Amiens, au xive et au xve siècles, on trouve nombre de Manchion; or, si le nom de Colard Mansion apparaît sous les formes les plus diverses dans le registre de la confrérie des libraires de Bruges, preuve qu'il était nouvellement connu à Bruges et peu familier aux oreilles flamandes, lorsque l'imprimeur devint doyen, ‘il ne manqua pas de rejeter ces fantaisies orthographiques et d'user uniquement, à l'exclusion des formes flamandes, de la forme française Mansion, et plus ordinairement de la forme picarde Manchion, dont il atteste ainsi l'authenticité. Enfin, à son entrée en charge, c'est en français, - fait exceptionnel dans le registre, - qu'il rédige de sa main la clôture du compte de son prédécesseur.’ Il faut faire remarquer ici que si le nom de Mansion a pu être estropié parce qu'il n'était pas familier à une oreille flamande, il a pu aussi varier d'une plume à l'autre parce que l'orthographe des noms n'était pas fixée au xve siècle. Que Mansion lui-même, en revanche, ait eu tendance à s'en tenir à une forme, il n'y a là rien que de très normal; mais si, lorsqu'il fut doyen, c'est lui qui choisit ordinairement la forme Manchion, ‘qui est la forme véritable et la forme bien picarde du nom de notre imprimeur’Ga naar voetnoot7, pourquoi n'a-t-il jamais signé ses livres autrement que Colard MansionGa naar voetnoot8, Colart MansionGa naar voetnoot9 et, en latin, per Colardum MansionGa naar voetnoot10 ou MansionisGa naar voetnoot11? Enfin, si une inscription en français dans le registre de la gilde est exceptionnelle, elle n'est toutefois pas unique: le 25 janvier 1471 (n.s.), il est fait mention en français de la reddition des comptes du doyen Jan le Clerc ou de Clerc à son successeurGa naar voetnoot12. Au surplus, Michel fait remarquer avec raison que le rébus Mane Sone est une ‘interprétation bien forcée d'une image toute simple, | |
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et qui d'ailleurs ne prouverait pas grand'chose’Ga naar voetnoot13. Mais peut-on affirmer que les flandricismes que l'on rencontre dans l'oeuvre de Mansion n'ont rien de surprenant, ‘puisqu'il passa presque toute sa vie en Flandre’Ga naar voetnoot14? Voici ceux que l'on a relevésGa naar voetnoot15: almoesne, pour aumône; dadeles, pour dattes; prumes, pour prunes; amandeliers, pour amandiers; oile, pour huile; morian, pour more; pommes de garnate, pour pommes de grenade; la sneppe, pour la bécassine; haetine, pour haine; derverie, pour effronterie; gourdine, pour rideau; parler contre son maître, au lieu de parler à son maître; plain matières joyeuses, pour plein de matières joyeuses. Un Français écrit-il ainsi, même après un long séjour en Flandre? Cela serait concevable s'il y était venu enfant. Il est vrai que l'on a cru parfois pouvoir inférer de l'inscription de ‘Colinet de Malchien’ parmi ceux qui, les premiers, versèrent une cotisation à la gilde, en 1454, que Colard Mansion était alors très jeuneGa naar voetnoot16. Mais rien n'est moins certain, puisque dès 1450 il vendait un manuscrit à Philippe le BonGa naar voetnoot17. D'ailleurs Colinet de Malchien doit-il bien être identifié avec Colard Mansion? Certes le nom de celui-ci apparaît dans les registres sous des variantes multiples: Monzioen, Mencyoen, Mansioens, Mansioen, Mensioen, Monsyoen, Mansion, Manschion. Mais Colinet de Malchien s'écarte considérablement de ces formes. Qui plus est, n'est-il pas curieux que, pour les deux années suivantes, le nom de Mansion n'apparaisse pas dans le registre? Ne faut-il pas en conclure que Colinet de Malchien est un autre personnage et que Mansion n'est entré dans la gilde qu'en 1456-1457? Enfin Henri MichelGa naar voetnoot18 combat l'argument du droit de bourgeoisie: Mansion a pu acquérir ce droit par achat et résidence ou par mariage. Michel entrevoit même un nouvel obstacle: nul ne pouvait, à Bruges, être doyen d'un corps de métier, s'il n'était bourgeois de naissance; mais il est permis de penser que cette coutume, comme bien d'autres, pouvait souffrir des exceptions, et on peut croire que la faveur de Louis de Bruges pouvait lever bien des difficultés. | |
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Comme on le voit, Michel lui-même lève bien des difficultés à l'aide de pures hypothèses. Que Mansion fût brugeois de naissance ou picard d'origine, le fait n'a en soi pas beaucoup d'importance. D'ailleurs, après avoir accumulé les arguments contre la naissance de Mansion à Bruges, Michel finit par admettre que Mansion est probablement né dans cette ville: ‘S'il fallait pourtant en conclure, - comme à dire vrai, je le pense - que Colard Mansion est né à Bruges, rien n'empêcherait qu'il ne fût de souche amiénoise et qu'il n'eût conservé des attaches avec sa famille demeurée picarde’Ga naar voetnoot19. La fin de cette phrase montre ce qui importe dans le problème de l'origine de Mansion. En effet, sur l'hypothèse plausible d'une famille fixée à Amiens (rappelons-nous les nombreux Manchion que l'on rencontre dans les archives de cette ville) et sur certains faits que nous allons voir maintenant, Michel construit une théorie qui tente d'expliquer ce que furent les dernières années de Mansion. Il convient d'abord de rappeler certains faits. En mai 1484, Colard Mansion imprime sa traduction des Métamorphoses d'Ovide. Le 9 septembre, le chapitre de l'église de Saint-Donat charge Pierre de Clenguemeure de s'informer si Colard Mansion, locataire d'une logette, va revenir. Et la réponse est donnée dans la marge du document: Colardus Mansion profugitGa naar voetnoot20. Colard Mansion, ruiné par l'édition somptueuse des Métamorphoses, a quitté Bruges à la dérobée en y laissant des dettesGa naar voetnoot21. Qu'est-il devenu alors? L'abbé Carton suppose qu'il est parti pour la France, ‘où il avait eu de puissants amis’Ga naar voetnoot22; mais l'abbé Carton ne nous livre pas les noms de ces amis. William Blades croyait, en 1861, que Mansion avait rejoint Caxton à WestminsterGa naar voetnoot23; mais, en 1882, dans la seconde édition de sa monographie, il se garde de toute hypothèseGa naar voetnoot24. Pour Henri Michel enfin, | |
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Mansion s'est retiré en Picardie, parce que ‘c'est là qu'il pouvait trouver auprès des siens un refuge et un appui, en attendant des jours meilleurs’Ga naar voetnoot25.. Pour démontrer sa thèse, Michel se fonde sur quatre arguments: plusieurs Manchion vivaient à Amiens; il est probable que Colard Mansion ne fut pas étranger à l'installation et au fonctionnement de l'atelier typographique de Jean Dupré et Pierre Gérard, à Abbeville; divers livres imprimés par Mansion ont appartenu à des Amiénois, à la fin du xve et au début du xvie siècles; Colard Mansion a transcrit un manuscrit à Abbeville, et il n'a pu le faire qu'après 1484Ga naar voetnoot26.. Un des trois ouvrages sortis de l'atelier typographique d'Abbeville n'est autre que la Somme rurale de Boutillier, dont Mansion avait été, en 1479, le premier éditeur; et l'impression d'Abbeville est calquée sur celle de Bruges: même disposition typographique, même nombre de feuillets tant pour les tables que pour le texte. De plus, Jean Dupré, à Paris, a illustré son Boccace de 1483 à l'imitation du Boccace de Colard Mansion. Il est évident que ces arguments sont sans valeur. Qu'un livre imite la disposition ou l'illustration d'un autre ne prouve pas des rapports personnels entre leurs imprimeurs. Il est d'ailleurs très contestable que les bois dont Dupré s'est servi pour illustrer son Boccace soient copiés des cuivres de Mansion: on s'en convaincra en comparant les reproductions qu'en donnent Michel et ClaudinGa naar voetnoot27.. Les sujets, certes, sont identiques, mais il y a des différences essentielles dans la disposition des personnages et des lieux. Le Boccace de la Bibliothèque d'Amiens porte une inscription manuscrite de la fin du xve siècle: ‘Ce livre ichy appartient à Charles de Wacoussains demourant à Amiens; quy le trouvera il luy rende et il donnera bon vin et char’Ga naar voetnoot28.. On trouve mentionné | |
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l'Ovide de 1484 dans les inventaires après décès de quatre notables amiénois, en 1510, 1518, 1530 et 1535. Le Dionysius Areopagita qui a appartenu à Van Praet provenait des Célestins d'AmiensGa naar voetnoot29.. Voilà donc jusqu'à six volumes imprimés par Colard Mansion dont on peut reconnaître l'existence à Amiens à la fin du xve siècle ou au début du xvie: Mansion n'a pas quitté Bruges sans emporter avec lui une partie de son fonds d'éditeur. Pour la solidité de la thèse de Michel, il faut espérer que les quatre inscriptions de l'Ovide dans les inventaires après décès ne se rapportent pas à un même exemplaire qui aurait passé successivement dans quatre bibliothèques. Mais quand bien même on connaîtrait six livres de Mansion ou davantage, à Amiens au xve siècle, il ne s'ensuivrait pas nécessairement qu'ils y auraient été apportés par l'imprimeur lui-même. Il est bien naturel que des livres français imprimés à Bruges se soient vendus en Picardie. On pourrait reprendre ici, sans y rien changer, tout un paragraphe éloquent que Michel a consacré aux relations commerciales, administratives et politiques de la Flandre et de la PicardieGa naar voetnoot30.. Parmi les manuscrits de Colard Mansion, il existe deux exemplaires du Dialogue des créatures. L'un, qui faisait partie de la bibliothèque du comte Boutourlin, commence par cet intitulé: ‘Ci commence le traittié intitulé le Dialogue des créatures translaté du latin en françois par Colard Mansion, à Bruges, à la contemplation de très hault et très puissant sr Monsr le comte de Wincestre en l'an mcccclxxxii’. L'autre, conservé à la Bibliothèque nationale de Vienne (ms. 2572), donne l'incipit suivant: ‘Cy commence le traittié intitulé le Dialogue des créatures translaté de latin en françois par Colart Mansion, à Abbeville, à la contemplation de très hault et très puissant seigneur Monseigneur Philippe de Crevecuer d'Esquerdes, lieutenant du Roy en Picardie’. ‘Que faut-il penser de cette contradiction?’, se demande Henri MichelGa naar voetnoot31.. ‘Est-ce pour Louis de Bruges (comte de Wincestre), est-ce pour Philippe d'Esquerdes que la traduction a été faite? C'est, croyons-nous, pour Louis de Bruges, le protecteur, le ‘compère’ de Colard Mansion. | |
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Le manuscrit qui lui est dédié est le plus richement orné, celui dont l'exécution, si l'on s'en rapporte à Audin de Rians, témoigne du plus de soin, celui, surtout, où l'hommage de la traduction est expressément confirmé par le sujet de la peinture initiale. Il ne faut pas douter que ce ne soit le manuscrit original. Les maisons de Bruges et de Crèvecoeur étaient alliées, le fils de Louis de Bruges et Philippe d'Esquerdes ayant épousé, l'un Isabeau, l'autre Marie d'Auxy, deux soeurs qui appartenaient à une grande famille picarde. Se trouvant plus tard à Abbeville en même temps que Colard Mansion qu'il connaissait à coup sûr de longue date, Philippe d'Esquerdes lui aura commandé un exemplaire du Dialogue des Créatures pareil à celui qu'on admirait dans la librairie de La Gruthuise; et, soit par inadvertance, soit volontairement, par une flatterie ingénue, Colard Mansion aura omis de remplacer dans la dédicace les mots de translaté de latin en français par celui de transcrit qui eût été, cette fois, plus exact. Nous avons d'ailleurs une preuve décisive de l'antériorité du manuscrit dédié à Louis de Bruges dans le fait que Philippe d'Esquerdes est qualifié par Colard Mansion de lieutenant du Roi en Picardie. C'est, en effet, en 1477 que Philippe d'Esquerdes, quittant le parti des ducs de Bourgogne, passe au service de Louis XI. Or, on sait d'autre part que Colard Mansion s'absenta trois fois de Bruges, en 1469, en 1473 et en 1484. C'est donc pendant cette dernière absence qu'il a pu qualifier d'Esquerdes de lieutenant du Roi. Et ceci nous fournit avec la date du second manuscrit celle du séjour de Colard Mansion en Picardie, que ni Van Praet, ni aucun autre de ses biographes n'ont déterminée avec certitude’. Le point de savoir quand Colard Mansion a pu s'absenter de Bruges a été maintes fois débattu, surtout quand il s'est agi de déterminer où et quand le calligraphe a appris la typographie. On ne peut se fonder que sur une hypothèse: les années où Colard Mansion n'a pas payé sa cotisation à la gilde, il n'était probablement pas à Bruges. Mais on s'est souvent trompé dans le relevé des paiements et Michel n'a pas échappé à ces erreurs. En fait, si l'on identifie Colinet de Malchien avec Colard Mansion, celui-ci n'a pas payé sa cotisation pour les années qui vont de mai 1455 à mai 1457, pour 1469, pour 1471 (n.s.), pour 1476 (n.s.) (année | |
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où meurt sa femme), pour 1477 (n.s.), pour 1479 (n.s.), pour 1480 (n.s.) et pour 1481 (n.s.)Ga naar voetnoot32.. En outre, il a quitté Bruges à la dérobée en 1484. Mais si Mansion n'a pas payé sa cotisation certaines années, cela ne signifie pas nécessairement qu'il s'est absenté, du moins toute l'année. Ainsi en 1479 il imprime la Somme rurale de Boutillier, le Ier décembre 1480 il s'engage à livrer un manuscrit de Valère Maxime à Philippe de Hornes, le 10 juin, le 28 juillet, le 7 septembre et le 26 octobre 1481, il signe des reçus pour des avances qui lui sont consenties sur ce Valère MaximeGa naar voetnoot33.. D'autre part, - Michel en donne des raisons convaincantes - il semble bien que le Dialogue des créatures de Philippe de Crèvecoeur ne soit pas antérieur à celui de Louis de Bruges, daté de 1482. Il apparaît donc à première vue que l'exemplaire du lieutenant du Roi en Picardie n'a pu être transcrit à Abbeville qu'après la fuite de Colard Mansion. Il est cependant un fait que Michel n'a pas connu, faute d'avoir vu le manuscrit de Crèvecoeur, un fait qui a été relevé récemment par M. et Mme HellingaGa naar voetnoot34. et que nous avions constaté nous-mêmes: dans l'incipit du Dialogue des créatures, le nom de Philippe de Crèvecoeur et le lieu où Colard Mansion dit avoir traduit l'oeuvre sont écrits sur grattage. Le nom du premier dédicataire est illisible, mais le nom de la ville ne laisse aucune place au doute: c'est Bruges. Dès lors, il n'est plus nécessaire d'imaginer que Colard Mansion a fait à Abbeville un séjour assez long pour transcrire un manuscrit de 185 feuillets, orné de 122 miniatures. Il a suffi que Mansion passât par Abbeville, en voyageant pour vendre ses livres, par exemple. Et cela, il a pu le faire avant 1484. On se demandera alors où Mansion est allé lorsqu'il a fui Bruges. Avant d'aborder cette question, qui d'ailleurs ne recevra peut-être jamais de réponse certaine, il convient d'examiner un document connu depuis le xviiie siècle. En 1780, Van Praet écrivait: ‘sa vie ne fut pas longue, puisqu'il mourut en 1484; date qui est constatée par les registres si souvent cités, où on lit au folio 117 recto, ce | |
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qui suit fidèlement traduit du flamand: Item, (reçu) de Jeny, qui demeuroit avec Colaert Mansion, pour sa dette de mort quatre escalins’Ga naar voetnoot35. Depuis lors, comme on l'a vu, les auteurs ont fait continuer la vie de Colard Mansion après 1484, sans jamais prendre la peine d'expliquer ce document, qu'ils ignoraient ou feignaient d'ignorer. Il est vrai qu'il existe un autre document, daté des 5 et 6 janvier 1487 (n.s.), d'où l'on pourrait inférer que Mansion vivait encore: ‘Joe Adriane vidua Cornelis Deboodt dede panden, toebehoorende Colaert Mencioen, twee boucken, min vj lb, iij s. vj d. gr.; eedt’Ga naar voetnoot36. Comment expliquer cette contradiction? Henri Michel estime très probable que Mansion, après un an ou deux d'absence, était rentré à Bruges pour s'y trouver dans une situation encore plus précaire qu'auparavant. ‘Mais il pourrait se faire aussi’, ajoute-t-il ‘que la saisie eût été pratiquée en son absence, sur sentence par défaut, pour une dette antérieure à son départ’Ga naar voetnoot37. Dans ce cas, la saisie a pu aussi bien être posthume. Mais si cette dernière hypothèse est fausse et si Colard Mansion vivait encore en 1487, il faut donner au document signalé par Van Praet une interprétation qui en tienne compte. Ce document fait partie des comptes de la gildeGa naar voetnoot38: ‘Item, Jenny die met Colart Mansion wonende was, voor siin doot scult, iiij s.g.’. Si le personnage nommé Jenny a payé une dette mortuaire, ce ne peut être que celle de Colard Mansion, car nulle part dans les comptes de la gilde on ne voit un membre payer sa propre dette mortuaire. Mais il est probable que l'on se trouve ici en présence d'une construction propre à certaines langues germaniques; il faudrait comprendre alors que quelqu'un a payé ‘Jenny sa dette mortuaire’, c'est-à-dire la dette mortuaire de JennyGa naar voetnoot39. Il faudrait encore ajouter que Jenny, | |
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‘qui habitait avec Colard Mansion’, n'était pas une femme, comme l'indique l'adjectif possessif masculin siin.
Nous avons annoncé au début de ces notes que nous ne prétendions pas apporter une nouvelle lumière dans la question obscure de l'origine et de la disparition de Colard Mansion. Si quelque lecteur a cru que nous parlions ainsi par fausse modestie, il aura été déçu. Il semble en effet que, loin d'éclairer les points obscurs, nous les ayons plongés dans une obscurité plus grande encore. Car la thèse de Michel, généralement acceptée, s'énonçait clairement: Colard Mansion, d'origine amiénoise, est retourné dans sa famille en 1484. Et que pourrions-nous conclure, après les observations que nous avons faites? On hésite à le dire, tant cela semble caricatural: Colard Mansion, dont on ne sait s'il était Flamand ou Picard, est mort en 1484, à moins qu'il n'ait continué à vivre, on ne sait où, pour revenir, peut-être, à Bruges. |
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