De Gulden Passer. Jaargang 34
(1956)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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Les éditions bibliques, liturgiques et canoniques de Plantin
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IPlantin consacra une grande partie de son activité typographique à l'impression de Bibles. Il obtint le 22 janvier 1558 un privilège pour faire paraître une Bible latine, elle sortit de presse en 1559Ga naar voetnoot(1), c'est une reproduction in-octavo de la Vulgate publiée en 1547 à Louvain, sur ordre de Charles-Quint, par les soins du savant dominicain Jean HentenGa naar voetnoot(2): celui-ci avait pris pour base l'édition parisienne de Robert Estienne de 1540, Plantin ajouta à l'oeuvre d'Henten la division en versets qu'Estienne avait introduite dans la Vulgate en 1555Ga naar voetnoot(3), Il réalisa ainsi ce qu'on pouvait faire de mieux pour l'époque, aussi la Bible de Plantin connut-elle de nombreuses rééditions, totales ou partielles, en différents formatsGa naar voetnoot(4), jusqu'à la parution de la célèbre Polyglotte dont elle sera un des éléments. En 1564, Plantin imprima le Nouveau Testament en grec, en format in-duodecimoGa naar voetnoot(5). Plantin se procura à la maison Bomberg de Venise un jeu complet de caractères hébreux avec les points-voyelles et les accents. Il publia à la fin de la réédition de la Vulgate en 1565 un glossaire biblique dans lequel il emploie déjà ces caractèresGa naar voetnoot(6); en 1566, il sortit une Bible hébraïque en trois formats différentsGa naar voetnoot(7), d'après la meilleure édition de Daniel Bomberg. Plantin écrit à André Masius le 8 août 1566: ‘Je n'ay pas encores du tout achevé la Bible en Hébrieu, dont je vous envoye les livres de Moyse et les Histoires. Les Grands Prophètes sont achevés mais ils n'estoyent pas assemblés et la dernière partie est sous la presse que j'espère achever dedans 3 ou 4 mois d'ici et alors les vous envoyer | ||||||||||||||||
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Page de titre d'une des rééditions de la Bible latine, publiée pour la première fois par Plantin en 1559. Cette édition de 1565 est de format in-16o.
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ensemble...’Ga naar voetnoot(1). Et à Jean Mofflin, Plantin expliquera: ‘Vray est que Corneille de Bomberghe m'a quelquesfois aidé d'argent en mes nécessités, et que pareillement il m'a délivré les charactères hébraïques de ses ancestres, desquels j'ay imprimé les Bibles en hébrieu, mais avec le congé et privilège de Sa Majesté. Et depuis ay payé et satisfaict ledict Bomberghe, tant de l'argent qu'il m'avoit presté et respondu pour moy que desdicts charactères que je luy ay très bien payés, de sorte qu'il n'y a pas moins de trois ans que je ne luy doibs rien ni à autre, touchant le faict de l'imprimerie...’Ga naar voetnoot(2). Cette Bible hébraïque sera également un des éléments de la Polyglotte. Charles-Quint avait aussi ordonné de traduire la Bible en flamand et en français. La traduction flamande parut à Louvain en 1548, elle fut faite d'après la Vulgate de Henten par Nicolas Van Winghe, chanoine régulier de Saint-Martin à LouvainGa naar voetnoot(3). Avec un même privilège de mars 1564, Plantin reproduit en 1566 cette édition, en format in-quarto, et y introduit la division en versetsGa naar voetnoot(4); il procure séparément, en format in-octavo, le Nouveau Testament suivi de quelques épîtres de Messe prises à l'Ancien TestamentGa naar voetnoot(5), et en donne une réimpression en 1571Ga naar voetnoot(6). La traduction française de Louvain parut en 1550Ga naar voetnoot(7), elle fut | ||||||||||||||||
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faite par Nicolas de Leuze et François de Larben mais n'était qu'une révision de celle de Jacques Lefèvre d'Étaples, humaniste célèbre plusieurs fois condamné par la Sorbonne. C'est, semble-t-il, d'après cette édition de 1550 que Plantin publia en 1564, en petit format, le Livre des PsaumesGa naar voetnoot(1) et, en caractères de civilité à l'usage des écoles, l'EcclésiastiqueGa naar voetnoot(2). René Benoist, angevin de naissance, curé à Paris depuis 1566, y publia chez Gabriel Buon, à la fin de la même année, en édition in-folio, une version française de la Vulgate qui n'était autre que celle des calvinistes de Genève dont il avait changé les mots et les phrases suspects et à laquelle il ajouta des notes explicativesGa naar voetnoot(3). Il s'explique au sujet de sa méthode dans le cinquième de ses ‘Advertissemens Apologetiques’: ‘Quant est de ceux qui pourront trouver mauvais, qu'en cest ouvrage se trouvent plusieurs choses, soit en la version, ou es annotations, lesquelles sont pareillement leües es Bibles des heretiques... Si ie trouve le larron en ma possession, pourquoy ne le despouilleray-ie? Puisque la guerre spirituelle est ouverte entre nous & les heretiques, ne m'est-il pas permis de les piller?’. Cette truculente ironie cachait une méthode audacieuse pour l'époque et en effet dangereuse, parce que Benoist connaissait insuffisamment le grec et l'hébreu. Plantin écrit au printemps de 1567 à Charles Pesnot: ‘J'ay aussi la Bible en françois entre mains in-folio corrigée d'après celle de N.M. Besnoist et approuvée à Lion...’Ga naar voetnoot(4). Dès le mois de mars en effet, Plantin avait obtenu de Philippe II un privilège de publier la Bible entière de Benoist, dûment revue par Jean Henten. Les docteurs de Louvain, Michel du Bay, Josse Tiletanus, Augustin | ||||||||||||||||
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Huneus - ce dernier le 23 février 1567 - avaient donné leur approbation à la révision de cette Bible, qui semble donc bien être la Bible entière; elle avait été exécutée assez rapidement par Henten. Le volume, de format in-sextodecimoGa naar voetnoot(1), contient une préface de ‘L'imprimeur au lecteur catholique’ dans laquelle Plantin explique que pour ne pas perdre de temps il ne donne d'abord que le texte du Nouveau Testament, cependant on trouve à la fin de l'ouvrage un glossaire de mots difficiles de ce texte sacré et la traduction française de quelques épîtres de Messe prises à l'Ancien Testament, tous deux sont également l'oeuvre de BenoistGa naar voetnoot(2); le colophon final porte la date du 20 juillet 1567. Sept jours auparavant Plantin avait écrit à Henten: ‘Monsigneur nostre Maistre, Suivant ma promesse, je vous ay envoyé 4 exemplaires du Nouveau Testament en françois, afin d'en faire vostre volonté devant que j'en vende aucuns...’Ga naar voetnoot(3). Mais le 15 juillet la Sorbonne avait condamné la traduction biblique de Benoist; Plantin semble avoir été embarrassé lorsqu'il l'apprit, ainsi que l'atteste une lettre de Pighius à celui-ci en date du 20 février 1568Ga naar voetnoot(4). L'entreprise biblique principale de Plantin est l'impression de la célèbre Polyglotte pendant les années 1568-1572. Dès 1565 Plantin manifeste son rêve de republier la Bible d'Alcala de Henarès (Complutum), lancée en 1521 à six cents | ||||||||||||||||
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Page de titre d'une traduction du Nouveau Testament faite par René Benoist et revue par Jean Henten, imprimée en 1567. Format in-16o. Au verso du titre se trouve le privilège d'imprimer; à la page suivante, la préface de Plantin. Dans le texte des évangiles, on trouve des gravures non signées représentant saint Mathieu, saint Luc, saint Jean.
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exemplaires seulement et devenue fort rareGa naar voetnoot(1). Philippe II patronne l'entreprise et envoie à Anvers son chapelain Benoît Arias, dit Montanus, pour la diriger du point de vue scientifique. Montanus arrive à Anvers le 18 mai 1568, et, sauf un séjour à Rome en 1572, il y demeurera jusqu'en mai 1575. Comme la Bible d'Alcala la Polyglotte d'Anvers comprend quatre éléments pour les livres hébreux de l'Ancien Testament, mais ils sont autrement disposés: sur la page de gauche se trouve le texte hébreu avec la Vulgate en regard: nous avons déjà décrit la double édition plantinienne qui fut ici reprise avec quelques améliorations par Arias Montanus et avec de plus grands caractères hébreux, taillés par le Bé de ParisGa naar voetnoot(2): sur la page de droite on lit la version grecque des Septante et sa traduction latine, pour les Septante différents éléments autres que le texte d'Alcala ont été utilisés, notamment les variantes du célèbre Codex Vaticanus (milieu du ive siècle), transmises sur une intervention du cardinal GranvelleGa naar voetnoot(3). Au bas de chaque page de gauche on voit la paraphrase chaldaïque du texte sacré, imprimée dans les caractères hébreux de Bomberg; au bas de la page de droite, la traduction latine de celle-ci. Pour le Pentateuque, la Polyglotte d'Anvers reproduit la paraphrase et la traduction d'après la Bible d'Alcala, mais une des richesses supplémentaires de l'oeuvre anversoise est qu'elle donne également une paraphrase de ce genre pour les autres livres hébreux (à l'exception des Paralipomènes, d'Esdras, de Néhémie et de Daniel), empruntée il est vrai aux éditions de Venise des grandes Bibles rabiniques, mais corrigée; quant à la | ||||||||||||||||
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traduction latine des paraphrases, Arias avait pu obtenir pour certains livres celle qui avait été élaborée à Alcala mais n'avait pas été imprimée, pour d'autres livres il fit lui-même la traduction. Ces paraphrases chaldaïques sont très importantes pour l'intelligence du texte hébreu. Les quatre volumes de l'Ancien Testament étaient terminés à la fin de juin 1570, le cinquième volume, consacré au Nouveau Testament, fut commencé aussitôt et terminé au début de février 1571. Il contient à la page de droite le texte grec et la Vulgate latine (celle-ci d'après l'édition déjà fournie par Plantin), à la page de gauche des richesses que la Polyglotte d'Alcala ne contenait pas, à savoir le texte de la version syriaque dite Peschita d'après l'édition princeps de Vienne de 1555, avec une traduction latine par le français Guy Lefèvre de la BoderieGa naar voetnoot(1); au bas des pages se trouve la transcription du texte syriaque en caractères hébreux, également par Lefèvre. Ce dernier avait fait ces travaux par pur amateurisme et les avait envoyés à Plantin en mars 1568, il vint s'établir à Anvers avec son frère Nicolas en juillet de la même année et surveilla l'impression de ses travaux auxquels il ajouta de menus perfectionnements de dernière heure. Aux cinq volumes de la Bible Polyglotte proprement dite il faut ajouter les trois de l'Apparatus, terminés à la fin de mai 1572. L'un d'eux reproduit une seconde fois le texte hébreu de l'Ancien Testament avec une traduction latine mot à mot interlinéaire: c'est celle de Santès Pagnino, avec de légères modifications, indiquées en italiques par Arias Montanus; il contient une seconde fois le texte grec du Nouveau Testament, avec des améliorations, et celui de la Vulgate latine avec en italiques les mots nécessaires pour en faire également une traduction littérale: c'est aussi le travail d'Arias. Les deux autres volumes de l'Apparatus contiennent des grammaires et des dictionnairesGa naar voetnoot(2) pour l'hébreu, le chaldéen, le syriaque, le grec; des dissertations et des index; | ||||||||||||||||
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Page 324 du tome II de la Bible polyglotte, imprimé en 1569. Format in-fo. Livre I de Samuel ou des Rois, châpitre XXI, versets 3 à 13. A gauche le texte hébreu, à droite le texte latin selon la Vulgate. Au bas de la page, la paraphrase chaldaïque.
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Page 325 du tome II de la Bible polyglotte, imprimé en 1569. Format in-fo. Livre I de Samuel ou des Rois, chapitre XXI, versets 3 à 13. A droite la version grecque des Septante, à gauche une traduction latine de cette version. Au bas de la page, la traduction latine de la paraphrase chaldaïque.
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la grammaire syriaque de Masius est la première du genreGa naar voetnoot(1). Au risque de généraliser un peu, nous pouvons conclure que dans l'ensemble le texte hébreu et celui de la Vulgate latine s'appuient en ordre principal sur des travaux antérieurs dont certains avaient déjà été réimprimés par Plantin; pour le grec, l'apport neuf est réel mais limité, pour le chaldéen et le syriaque la Polyglotte d'Anvers fournit de véritables et riches inédits. Elle fut tirée a douze cents exemplaires sur papier et treize sur vélin, le double donc de la Bible d'Alcala et fut de ce fait beaucoup plus répandue; elle ne ‘vécut’ toutefois que le même temps, c'est-à-dire soixante ans: dès 1630 une Polyglotte commençait à paraître à Paris, elle reproduit en partie celle d'Anvers; en 1667 une autre se publia à Londres, meilleure, admet-on généralement, que celle d'Anvers. Celle-ci ne forma donc qu'un maillon, mais combien important, dans la chaîne des entreprises du genre. Les entreprises bibliques ultérieures de Plantin sont en grande partie des rééditions, par exemple de la Bible entière en une seule langue, du Nouveau Testament en une ou plusieurs langues. Deux cas cependant doivent retenir notre attention. Le 14 mars 1572 Plantin écrit à la Faculté de théologie de Louvain pour la remercier de son accord et de sa promesse de collaboration pour la publication d'un texte meilleur de la Vulgate latineGa naar voetnoot(2), Il lui envoya une soixantaine de Bibles manuscrites pour établir cette édition. Quatre savants, dont Augustin Huneus, doyen de la Faculté de théologie, et Jean Molanus, furent désignés, d'accord avec Plantin, pour surveiller l'impressionGa naar voetnoot(3). Arias Montanus et François Lucas, de Bruges, collaborèrent également à l'entreprise. La préface de l'ouvrage fut écrite par HuneusGa naar voetnoot(4) et datée du 9 mai 1574; le privilège est du 30 mai. Par l'intermédiaire du cardinal Caraffa, | ||||||||||||||||
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Plantin adressa le 9 octobre 1574 un exemplaire au pape Grégoire XIII y joignant une lettre dans laquelle il exprimait l'espoir que le volume puisse servir aux travaux de ceux qui à Rome préparaient l'édition officielle du Saint-Siège. Il en fut d'ailleurs ainsi mais cette édition ne paraîtra qu'après la mort de Plantin, tandis que celui-ci put encore réimprimer sa Bible latine en 1580Ga naar voetnoot(1), 1583Ga naar voetnoot(2), 1587Ga naar voetnoot(3). Revenons à la Bible française. Plantin réimprima son édition du Nouveau Testament de 1567, avec les mêmes approbations louvanistes, mais il omet dans le titre le nom de Benoist et indique ‘traduit par les théologiens de Louvain’. L'impression était achevée en 1570, l'ouvrage ne parut cependant qu'en 1573Ga naar voetnoot(4), avec un privilège du 30 juillet 1572 pour l'Ancien et pour le Nouveau Testament. Avec ce même privilège, muni de son renouvellement du 27 juin 1576, Plantin fit paraître une Bible française complète in-folio en 1578Ga naar voetnoot(5); l'approbation date du 12 février 1572 et est donnée par Jean MolanusGa naar voetnoot(6), une préface du 5 mars de la même année est écrite par Jacques du Bay, également professeur à LouvainGa naar voetnoot(7). Le titre ne mentionne plus cette université, le texte de base est toujours celui de Benoist. On arrive ainsi au schéma suivant:
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Pour comprendre ce schéma, il faut avoir deux dates à l'esprit: non contente d'une première condamnation, la Sorbonne renouvela le 3 septembre 1569 sa censure contre la traduction biblique que Benoist avait fait rééditer, d'autre part Grégoire XIII prononça une condamnation similaire le 3 octobre 1575. Au moment où Plantin apprenait chacune de ces condamnations, il avait chaque fois une édition biblique française d'après Benoist en chantier; il en retarda la parution pendant environ trois ans, s'assurant entretemps qu'il ne serait pas inquiétéGa naar voetnoot(1). | ||||||||||||||||
IILes éditions liturgiques de Plantin comprennent également une période centrale: 1568-1575, précédée et suivie d'activités liturgiques diverses. La révision du Bréviaire, trop long et trop compliqué, était déjà à l'ordre du jour avant le concile de Trente. Le pape Clément VII chargea le franciscain François Quignonez, cardinal du titre de la Sainte-Croix, de faire un Bréviaire abrégéGa naar voetnoot(2). Le bon religieux alla trop loin dans le sens demandé, cependant son ‘Bréviaire des gens occupés’, ainsi qu'il a été appelé plus tard, connut dès sa première édition en février 1535 un grand succès (au moins huit réimpressions en dix-sept mois dont une à Anvers) aussi bien que de violentes critiques; il fut déjà tenu compte de l'une ou l'autre de celles-ci lors d'une seconde édition en juillet 1536, qui connut environ cent réimpressions jusqu'à la parution du Bréviaire définitif de Pie V. Plantin notamment imprima le Bréviaire de Quignonez en 1563, format in-sextodecimoGa naar voetnoot(3). | ||||||||||||||||
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Sachant la publication du Bréviaire de Pie V imminente, Plantin renonça d'abord à réimprimer celui de QuignonezGa naar voetnoot(1), puis il changea d'avis et écrivit à Granvelle le 8 mars 1568: ‘Je me délibère de réimprimer les Journaux [c'est-à-dire le Diurnal ou Bréviaire ne contenant pas l'office de nuit] de Ste Croix incontinent que, Dieu aidant, je seray de retour de Francfort, et puis après le Bréviaire, puisque Votre Illustrissime Seigneurie me donne espoir que ledict usage devra estre encore permis à quelquesuns’Ga naar voetnoot(2). Mais par bulle du 9 juillet 1568 Pie V publia le nouveau Bréviaire romain et interdit l'usage de tous autres ne pouvant exciper de deux cents ans d'existence, donc aussi celui de Quignonez. Granvelle en avertit Plantin qui répondit, un peu dépité, le 14 août: ‘Ayant achevé l'impression du Diurnale de Saincte-Croix, j'avois desjà baillé la copie du Bréviaire aux compositeurs pour y besogner, quand j'ay receu les lettres de Vostre Illustrissime Seigneurie qui m'ont faict changer de labeur, entendant, par la teneur d'icelles, le dommage qui m'en eust peu ensuivir...’Ga naar voetnoot(3). Plantin imprima aussi des Bréviaires selon l'ancienne formuleGa naar voetnoot(4) ainsi que des Offices de la Vierge en françaisGa naar voetnoot(5) et en latinGa naar voetnoot(6): une de ces dernières éditions fut exécutée de façon fort soignée en 1568, en partie pour Jean de Molina, libraire à Lisbonne, auquel Plantin écrit le 7 juin 1567: ‘Quant à vos heures, je les ay commencées passé trois semaines, ainsi que j'espère qu'aurés | ||||||||||||||||
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veu par mes précédentes, et affin qu'ayés meilleure volonté de trafiquer avec moy, je me contenteray de trois florins et demi par chaicunne rame imprimée, autrement j'en ay 4 florins et demi de rouge et noir, ce qui m'eust aussi faillu prendre, n'eust esté que pour fournir vostre nombre demandé de 1250 ou de 1500, il m'a faillu faire double journée, à cause que nos imprimeurs ne veulent faire pour jour que 1000 de rouge et noir. Les autres 500 ay je imprimés en mon nom ... mais, si les voulés avoir, je les délivreray au mesme prix, et avant vostre response n'en vendray pas une en ceste vile ne par deça...’Ga naar voetnoot(1). Une révision du Martyrologe était également au programme, Plantin publia celui de BèdeGa naar voetnoot(2) en 1564, en format in-sextodecimo; le privilège date du 16 septembre, le colophon final du 9 novembreGa naar voetnoot(3). Ce qui est surtout remarquable, c'est que Plantin s'intéressa aux liturgies orientales: il imprima en 1560Ga naar voetnoot(4) une traduction latine des Messes byzantines et de textes grecs sur la Messe procurée par Claude de Sainctes, augustin, docteur en Sorbonne, futur évêque d'ÉvreuxGa naar voetnoot(5). Celui-ci publia la même année une édition grecque et latine à ParisGa naar voetnoot(6). Il y eut une réimpression de la traduction latine chez Steelsius à Anvers en 1562Ga naar voetnoot(7). | ||||||||||||||||
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La réforme du Bréviaire et du Missel officiels romains fut l'oeuvre de Pie V, les éditions authentiques, dites typiques, en parurent à Rome chez Paul Manitius en 1568 pour le Bréviaire et chez Barthélemy Faletti en 1570 pour le Missel. Appuyé par le cardinal Granvelle, Plantin dut négocier avec eux pour pouvoir publier ces ouvrages dans les Pays-Bas: le 22 novembre 1568 il obtint le bref pontifical nécessaire en ce qui concerne le BréviaireGa naar voetnoot(1), le 28 juillet 1570 en ce qui concerne le MisselGa naar voetnoot(2), ce dernier privilège s'étendant même à certaines parties de l'Allemagne et de la Hongrie. A la demande de Philippe II, le Saint-Siège accorda à l'Espagne et à ses colonies le maintien d'un grand nombre d'offices propres et de particularités liturgiques. Bréviaire et Missel devaient donc avoir des éditions spéciales pour ces paysGa naar voetnoot(3); Philippe II en accorda le monopole d'impression à PlantinGa naar voetnoot(4) et désigna un religieux pour contrôler les travaux de l'imprimeur anversois: ce fut en 1572-1575 François de VillalvaGa naar voetnoot(5) et en 1576-1577 Jean de TolèdeGa naar voetnoot(6). Ces éditions seront pour Plantin une entreprise fondamentale et une grande source de revenus. Dès 1569 Plantin publia trois éditions in-octavo du Bréviaire romain, une quatrième porte la date de 1570; il y eut ensuite d'autres éditions en différents formatsGa naar voetnoot(7). Plantin se réjouit beaucoup de ce que le concile de la province ecclésiastique de Malines, | ||||||||||||||||
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réuni en 1570, rendit l'usage du nouveau Bréviaire obligatoireGa naar voetnoot(1); il écrit à ce sujet à Fabrice Galletti, héritier et successeur de Barthélemy Faletti: ‘Or ay je bon espoir qu'après la confirmation et publication du Synode provincial, les esglises de par deçà et gens ecclésiastiques prendront l'usage dudict Bréviaire, et qu'alors j'en pourray vendre davantage, et, par conséquent, j'en imprimeray tel nombre que besoing sera...’Ga naar voetnoot(2). La première édition du nouveau Missel romain parut en 1571, l'impression est sur deux colonnes, en rouge et en noir, avec musique notée; elle fut faite à sept cent cinquante exemplaires sur papier et dix sur vélinGa naar voetnoot(3), Plantin explique les motifs de ce petit tirage à de Goneville, audiencier du cardinal Granvelle à Rome, le 14 avril 1571: ‘... et ce pour deux raisons, dont la première et principale a esté qu'au commencement j'ay doubté et craint que plusieurs choses (ainsi que par cy-devant est advenu au Bréviaire et advient souvent ès livres nouveaux) fussent obmises ou deussent estre changées par après. L'autre a esté que, comme je n'avois eu le loisir de faire provision de papier propre avant l'hiver, ni le temps assés suffisant pour faire tailler le reste des figures que j'avois faict pourtraire de longue main et commencé à faire tailler à l'adventure, il m'a semblé et à quelques-ungs de mes bons Signeurs et amis, à qui je m'en suis conseillé, d'en imprimer petit nombre et ce pendant faire provision de papier et faire diligenter les tailleurs d'achever lesdictes figures, afin que la seconde impression puisse sortir, comme je l'espère faire, encores plus absolue que la première et que, des deniers de ceste-cy, je puisse aussi m'aider à faire l'autre plus ample’Ga naar voetnoot(4). La seconde édition in-folio parut en 1572; d'autres suivirent, de différents formatsGa naar voetnoot(5). | ||||||||||||||||
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Dans le grand format in-folio et à l'usage des offices du choeur parurent un Psautier en 1571 et un Antiphonaire en deux volumes en 1573Ga naar voetnoot(1): Gilbert d'Oignies, évêque de Tournai, envoya cent écus pour aider Plantin financièrement dans l'impression de ces deux ouvrages, l'imprimeur l'en remercia le 16 juillet 1570: ‘Je remercie très humblement Votre Révérendissime Seigneurie de tant de faveurs qu'il luy plaist me démonstrer journellement, et principalement des cent escuz qu'il luy a pleu, avec son honorable Chapistre, m'ordonner pour aider à l'impression de l'Antiphonaire et Psaultier, selon le nouveau Bréviaire, pour le Choeur, avec le chant...’Ga naar voetnoot(2). La notation musicale de ces ouvrages fut mise au point par Renaubert Bourrelier ou Malpas, chanoine-chantre de la cathédrale Saint-Rombaut à Malines. Plantin dédia le Psautier à GranvelleGa naar voetnoot(3) et l'Antiphonaire à d'Oignies. Pour l'impression d'un Graduel, Martin Rythovius, évêque d'Ypres, avança à Plantin en 1574 mille florinsGa naar voetnoot(4), l'ouvrage ne semble pas avoir été publié. La préparation d'un grand et coûteux antiphonaire pour l'Espagne fut une cause de ruine pour Plantin, l'édition ne parut jamais et l'imprimeur perdit ainsi par l'Espagne presque tout ce qu'il avait gagné par elle sur les Bréviaires et les Missels. Ce n'est que le 13 mars 1572 que Plantin obtint par l'intermédiaire de Granvelle un bref papal lui permettant d'imprimer pour tous pays l'Office de la Vierge et d'autres petits livres liturgiques, révisés selon le nouveau BréviaireGa naar voetnoot(5); il publia de jolies éditions des Heures mariales en 1573Ga naar voetnoot(6), 1574Ga naar voetnoot(7), 1575Ga naar voetnoot(8). Nous ne nous occupons pas des rééditions liturgiques après | ||||||||||||||||
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1575, mais uniquement des ‘nouveautés’ les plus importantes. En 1580 Grégoire XIII fit entrer la révision du martyrologe romain dans la voie des réalisations. Un premier tirage du nouveau texte fut fait à Rome en 1582Ga naar voetnoot(1) mais il fourmillait de fautes; néanmoins il fut réimprimé à Lyon par Guillaume Rouillé, avec un permis d'imprimer daté de Lyon le 4 mars 1583Ga naar voetnoot(2). A Rome une seconde édition parut en mai 1583, elle s'avéra encore fort imparfaite; seule la troisième, achevée au début de 1584, reçut l'approbation de Grégoire XIII et fut promulguée par bref pontifical du 14 janvier. Plantin ne put se procurer aucune édition romaine et dut se contenter de prendre comme modèle l'exemplaire lyonnais; il achevait d'imprimer l'ouvrage en mai 1586Ga naar voetnoot(3) lorsqu'il put obtenir le texte du bref du 14 janvier 1584. Il voulut l'insérer en dernière heure en tête de ses volumesGa naar voetnoot(4), accomplissant ainsi un faux involontaire en accréditant par un bref une première édition que le pape avait rejetée. En la même année 1586, le cardinal César Baronius publia à Rome, chez Dominique Basa, une édition du martyrologe munie d'érudites notes de sa plume, il fut déçu de l'exécution typographique et encore davantage d'un tirage plus fautif exécuté à son insu à Venise par Pierre Dusinelli en 1587. Le savant évêque de Ruremonde, Guillaume Lindanus, se | ||||||||||||||||
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trouvant à Rome, avait rédigé un avis aux lecteurs, daté du 1er septembre 1585, pour le Martyrologe de Baronius; en 1587 il recommanda à Baronius de faire exécuter une édition plus soignée à AnversGa naar voetnoot(1). Baronius ne réagit pas immédiatement. Sur l'instance de plusieurs dignitaires ecclésiastiques - dont l'abbé de Saint-Martin de Tournai - qui promettaient leur secours financier, Plantin écrivit le 5 février 1588 à Baronius pour lui demander l'autorisation de faire cette réédition et les modifications à apporter à cette occasionGa naar voetnoot(2), Baronius lui répondit favorablement le 8 marsGa naar voetnoot(3) et travailla plusieurs mois à mettre les modifications demandées au pointGa naar voetnoot(4). Ce n'est que le 14 juillet que Plantin écrit à l'abbé de Saint-Martin: ‘Monseigneur, j'envoye icy la copie des lectres que j'ay puis nagueres receues de Rome du Rev.d S. Caesar Baronius avec ses augmentations et corrections sur son livre de Martyrologio Romano que je seray prest d'imprimer ayant receu l'assistence de deniers necessaires pour faire la provision du papier, sans quoy je n'ay moyen de le faire, parquoy si V.R.S. ou par son moyen autres de sa qualité me veulent advancer argent pour l'achapt dudict papier, je m'employeray bien volontiers a l'impression dudict livre duquel je bailleray en payement tel nombre des exemplaires qu'il appartiendra ou d'autres livres que je pourray fournir par moy imprimés jusques a la satisfaction de la somme que chaicun m'aura delivré ou faict delivrer...’Ga naar voetnoot(5). Le même jour, Plantin sollicita l'intervention pécuniaire de l'archevêque de Malines Jean HauchinGa naar voetnoot(6), il insista à nouveau au début d'aoûtGa naar voetnoot(7). Il demanda au Conseil Privé le privilège d'imprimerGa naar voetnoot(8), qu'il | ||||||||||||||||
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obtint le 17 septembre. Il commença aussitôt l'impression en format in-folio et en envoya les épreuves à BaroniusGa naar voetnoot(1), le volume parut au cours de l'été de 1589Ga naar voetnoot(2), lorsque Plantin était déjà décédéGa naar voetnoot(3). Le dernier livre liturgique à l'usage des prêtres qui restait à réviser à Rome était celui concernant l'administration des sacrements, tâche beaucoup plus ingrate parce qu'on se trouvait en présence d'une grande variété de rites et d'usages qui, destinés aux fidèles et davantage connus d'eux, étaient plus difficiles à changer. L'évêque de Gand Corneille Jansenius publia en 1571 pour son diocèse un Rituel intitulé Liber Ecclesiae Gandavensis, aussi le second concile provincial de la province ecclésiastique de Malines, tenu à Louvain en 1574, chargea-t-il ce prélat de réviser et d'adapter son recueil de façon à ce qu'il puisse servir pour toute la provinceGa naar voetnoot(4). Mais Jansenius mourut l'année suivante sans avoir accompli ce travail, on se contenta à Gand de réimprimer en 1576 le Liber de 1571; le diocèse d'Ypres reçut également un Manuale Pastorum en 1576. Dix ans plus tard, à Anvers, Henri Ciberti, dit Dungeus, chanoine de la cathédrale et plusieurs autres ecclésiastiques engagèrent Plantin à imprimer quelque chose de ce genre; l'architypographe en écrivit à l'archevêque Hauchin, lui demandant quel modèle il fallait suivre et lui soumettant un Rituel, imprimé à Salamanque, que Jean Mofflin avait rapporté d'EspagneGa naar voetnoot(5). Hauchin sollicita l'avis des docteurs de Louvain; l'un | ||||||||||||||||
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Page de titre d'un rituel imprimé par Plantin en 1589, rendu obligatoire par l'archevêque de Malines, Jean Hauchin. pour son diocèse et également adopté plus tard par quelques autres diocèses des Pays-Bas. Format in-4o. La vignette, gravée par Pierre Van der Borcht, représente, à gauche, saint Pierre et, à droite, saint Paul.
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d'eux - Louis Carrion, à ce qu'il semble - donna l'éveil à l'imprimeur louvaniste Jean Maes, qui se mit sur les rangs pour imprimer le volume; Plantin sut se défendreGa naar voetnoot(1). Les professeurs de Louvain ne retinrent qu'assez peu de choses du Manuale Salmaticense, ils reprirent de nombreux éléments aux Rituels de Liège de 1553Ga naar voetnoot(2) et de Cambrai de 1562Ga naar voetnoot(3), au Liber de Gand et à d'autres ouvrages encoreGa naar voetnoot(4). Ce savant travail dura de longs mois et Plantin manifesta plus d'une fois son impatienceGa naar voetnoot(5). Jean Hauchin approuva le 23 septembre 1588 le manuscrit des docteurs de Louvain et le fit parvenir à PlantinGa naar voetnoot(6). Il était intitulé Pastorale Mechliniensis dioecesis, Plantin proposa de supprimer ces deux derniers mots de façon à vendre le volume même hors du diocèseGa naar voetnoot(7); il obtint gain de cause. Le 1er décembre Hauchin signa l'avis rendant le Pastorale obligatoire dès sa parution dans tout le diocèse de Malines. Plantin obtint le privilège d'imprimer en janvier 1589. L'ouvrage fut effectué en format in-quarto et en rouge et noir, la page de titre fit encore l'objet de modifications en févrierGa naar voetnoot(8). Jean Hauchin mourut le 1er décembre sans avoir eu le temps de faire accepter son ouvrage dans les autres diocèses de la province | ||||||||||||||||
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qui n'avaient pas encore de Rituel: Anvers, Bruges, Bois-le-Duc, Ruremonde. Le Manuale Pastorum de Tournai de 1591 et le Parochiale de Liège de 1592 font plusieurs emprunts au Pastorale de Hauchin. Le successeur de celui-ci, Mathias Hovius, en fit paraître deux éditions: l'une en 1598, l'autre en 1607; en cette dernière année un décret du troisième concile de la province ecclésiastique de Malines imposa l'usage du Pastorale aux quatre diocèses de la province déjà mentionnésGa naar voetnoot(1). C'est Plantin qui avait prévu et permis ce rayonnement en suggérant de supprimer le mot Mechliniensis du titreGa naar voetnoot(2). En 1614 parut à Rome le Rituel officiel du pape Paul V, mais à l'encontre des autres livres liturgiques révisés il ne devait pas remplacer les Rituels déjà légitimement en usage; ce n'est qu'en 1872 qu'il sera adopté dans le diocèse de Malines en place du Pastorale presque trois fois centenaire. Plantin continua également à s'intéresser aux liturgies orientales. Guillaume Lindanus avait été transféré en 1588 à Gand; il y mourut le 2 novembre, peu de temps auparavant il avait rencontré Plantin à Anvers et s'était entendu avec lui pour que celui-ci imprime l'édition princeps de la liturgie de S. Pierre avec des commentaires et des supplémentsGa naar voetnoot(3). Cette liturgie est une combinaison de la Messe byzantine et de l'Ordinaire de la Messe romaine (de la préface à la communion) traduit en grec; on en fit aussi des versions slave et géorgienne. Il est difficile de dire jusqu'à quel point elle fut un simple essai littéraire ou fut réellement employée pour la célébration; il semble bien que les Italo-Grecs c'est-à-dire les Byzantins du sud de l'Italie et ceux de la Sicile, en firent usage. Lindanus avait copié le texte grec dans un manuscrit de la collection du cardinal Sirlet, il y avait ajouté une traduction latine, des commentaires divers et un traité anonyme intitulé Sacrificii christiani actio atque ratio. Après sa mort, Jean | ||||||||||||||||
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Lievens revit le manuscrit et en surveilla la publicationGa naar voetnoot(1). Plantin était déjà malade, lorsque fut obtenu le privilège d'imprimer, le 2 août 1589. L'ouvrage fut dédié au cardinal CarrafaGa naar voetnoot(2); il fut réédité à Paris chez Morel en 1595Ga naar voetnoot(3) et en 1598Ga naar voetnoot(4). Retenons que dans la dernière année de son existence Plantin avait, en imprimant cet ouvrage, souligné le caractère humaniste de son activité typographique qui, dans le domaine liturgique comme dans les autres, ne se borna pas à fournir des livres immédiatement rentables. | ||||||||||||||||
IIIEn ce qui concerne les éditions de droit canonique, l'activité de Plantin fut triple. A Rome, Pie IV et ses successeurs chargèrent différents savants de procurer une édition corrigée du Corpus Iuris Canonici, c'est-à-dire du Décret de Gratien et des Décrétales des papes, celles-ci comportant les cinq livres composés sur ordre de Grégoire IX, le sixième promulgué par Boniface VIII, les Clémentines, les Extravagantes de Jean XXII et les Extravagantes communes. Mais en même temps des canonistes entreprirent à titre privé des rééditions et Plantin s'associa à leurs efforts. Déjà en 1547 François-Antoine de Mouchy (en latin Democharès) avait publié chez Charles Guillard et Guillaume Desbois à ParisGa naar voetnoot(5) une édition du Décret de Gratien dans laquelle il ajoute | ||||||||||||||||
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les précisions nécessaires aux références citées par Gratien, de même que des paratitla ou résumés marginaux en tête des principales subdivisions, un index des matières et un des canons; dans une deuxième édition, à Lyon chez Guillaume Rouillé en 1555Ga naar voetnoot(1), il donna en outre une biographie de Gratien, la liste des autorités citées dans le Décret, un résumé d'ensemble de celui-ci; en même temps parut chez Rouillé, dans le même format in-octavo, une édition des Décrétales de Grégoire IXGa naar voetnoot(2). D'autre part, en 1554, Charles du Moulin avait fait paraître à Paris une édition de Gratien dans laquelle il numérota les auctoritates à l'exception des Paleae, c'est-à-dire des insertions faites au Décret par Paucapalea, disciple de Gratien; il signale les auctoritates qui ne sont que des apocryphes mais en raison des appréciations déplaisantes des notes ou apostilles de son édition, celle-ci fut mise à l'Index. En 1558 Guillaume Merlin, Guillaume Desboys, Sébastien Nivelle firent paraître une édition in-octavo des DécrétalesGa naar voetnoot(3), l'année suivante Merlin procura un texte in-quarto du Sexte, des Clémentines, des ExtravagantesGa naar voetnoot(4). En 1561 les trois imprimeurs parisiens déjà nommés fournirent, en in-folio, une troisième édition, avec gloses, du Décret de Gratien par de MouchyGa naar voetnoot(5), mais sans numérotation | ||||||||||||||||
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des auctoritates, ainsi que des Décrétales de Grégoire IX par Martin GilbertGa naar voetnoot(1), du Sexte de Boniface VIII et des décrétales ultérieures par Gilles Perrin et Jacques FontaineGa naar voetnoot(2). Jacques du Puis, imprimeur à Paris, avait obtenu le 23 octobre 1556 du roi de France un privilège d'imprimer ou de faire imprimer un Corpus Iuris Canonici procuré par Antoine le Conte, professeur de droit à Bourges. Nous n'avons pas retrouvé d'éditions antérieures à celles que fera Plantin. Celui-ci avertit Jean de Molina le 22 juillet 1567: ‘J'espère de commencer, dedans peu de temps, le cours de droit canon, texte in-8o, avec les annotations, émendations et augmentations de tout ce qui est désiré audict cours ès lieux où il est escrit, le tout selon les vieux exemplaires par Mons. Contius jurisconsulte fort expert et lecteur du Roy....’Ga naar voetnoot(3). Il semble bien s'agir d'exemplaires imprimés du Corpus Iuris Canonici, complétés à la main. A Charles Pesnot, Plantin écrit le 10 août: ‘Je commence Corpus juris canonici, texte in-8o, cum annotationibus Contii, et le supplément des passages par cy-devant délaissés aux Décrétales, au lieu de quoy est toujours mis et infra en tous les livres par cy-devant imprimés’Ga naar voetnoot(4). Dans le recueil de Grégoire IX seules les parties dispositives des décrétales qui répondaient aux cadres tracés avaient été reprises, la suite étant désignée | ||||||||||||||||
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Page 403 Epistolae Decretales Summorum Pontificum, A Gregorio Nono Pontifice Maximo collectae, imprimées en 1570. Format in-8o. Cette page reproduit les chapitres XXVI (texte). XXVII (résumé, numéro, texte) et XXVIII (résumé, numéro) du titre XXVIII du Livre II. Aux lignes 1 et 33 on lit le [Et infra] indiquant qu'il y a une partie supprimée (pars decisa) dans le texte de la décrétale, les lignes 20 à 28 et 39 reproduisent cette partie supprimée.
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par les mots Et infra. En ce même mois d'août 1567 Plantin obtient le privilège d'imprimer pour les Pays-Bas. A un inconnu, il écrit en juillet 1568: ‘Le cours de droict canon ay je espoir d'achever en 4 mois, car j'y besongneray à trois presses...’Ga naar voetnoot(1). Le 7 septembre 1569, il fait savoir à Gaspar de Portonariis: ‘... j'ay achevé le cours Canon in-8o et commencé celuy in-fo’Ga naar voetnoot(2). Et dix jours plus tard il précise à Granvelle: ‘... j'avois de long temps faict marché avec un libraire de France d'imprimer le Cours Canon et luy en livrer 500 ung certain prix, auquel voyant que je perdray...’Ga naar voetnoot(3). Ce libraire est Jacques du Puis, les 500 exemplaires portent une page de titre spéciale à son nom. Dans le format prévu in-octavo, le Sexte de Boniface VIII et les décrétales ultérieures parurent avec la date de 1569Ga naar voetnoot(4), le Décret de GratienGa naar voetnoot(5) et les Décrétales de Grégoire IXGa naar voetnoot(6) avec celle de 1570, quoique ce dernier ouvrage ait un colophon daté du 17 septembre 1569. Pour le Sexte et les décrétales ultérieures, Le Conte a suivi l'édition parisienne de 1559; pour le décret il a employé l'oeuvre de Democharès, la préface au cardinal de Châtillon, les différentes richesses préliminaires de la seconde édition et presque mot à mot le titre de la troisième; il a numéroté non seulement les auctoritates mais aussi les Paleae, numérotation qui est celle encore en usage à l'heure actuelle; quant aux décrétales de Grégoire IX, leur richesse est donc dans l'insertion des partes decisae: sans doute Le Conte ne l'a fait qu'incomplètement et dans une présentation imparfaite, mais il a ouvert la voie à une étude vraiment scientifique des textes; à la fin du recueil se trouve une approbation de Sébastien Baer Delphius, chanoine de la cathédrale d'Anvers. | ||||||||||||||||
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Nous avons vu que dès septembre 1569 Plantin commençait déjà à imprimer un nouveau Corpus Iuris Canonici, en format in-folio: c'est une réimpression de l'édition parisienne de 1561, de même format, les pages de titre des Clémentines et des Extravagantes de Jean XXIIGa naar voetnoot(1) portent la date de 1572 et le nom de la firme Philippe Nutius; celles du Décret de GratienGa naar voetnoot(2), des décrétales de Grégoire IXGa naar voetnoot(3) et de Boniface VIIIGa naar voetnoot(4) portent la date de 1573 et le nom des firmes Plantin, Steelsius, Nutius. Il n'y avait ni numérotation des textes dans Gratien, ni insertion des partes decisae dans le recueil de Grégoire IX; aussi cette nouvelle édition anversoise marque-t-elle, malgré quelques richesses complémentaires, un recul sur la précédente. Plantin semble d'ailleurs ne pas en avoir été fort satisfait et avoir songé à une troisième édition. En octobre 1574, il s'informe dès lors auprès de ses correspondants romains pour savoir si la parution du texte officiel élaboré à Rome est prochaine, ce qui le ferait renoncer à son propre projetGa naar voetnoot(5). Cette parution n'aura lieu qu'en 1580, | ||||||||||||||||
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cependant Plantin ne réalisa aucune nouvelle édition du Corpus Iuris Canonici et sa mauvaise situation financière fit qu'il ne songea pas davantage à réimprimer à son tour le texte officiel de 1580. Une seconde catégorie d'éditions canoniques plantiniennes sont les Index. En 1564, en exécution des décrets du concile de Trente, Pie IV avait fait publier à Rome un Index des livres prohibésGa naar voetnoot(1); en 1566, Marguerite de Parme songea néanmoins à éditer une liste spéciale pour les Pays-Bas mais la Faculté de théologie de Louvain se récusa. Deux ans plus tard le duc d'Albe (se basant sur le fait que l'Index romain n'avait pas encore été publié dans les Pays-Bas) chargea Arias Montanus d'élaborer cette liste spéciale; elle parut en 1569 chez Plantin en format in-sextodecimoGa naar voetnoot(2). Elle comprend - comme l'Index romain lui-même - trois parties: auteurs dont tous les ouvrages sont prohibés, ouvrages nommément défendus, ouvrages anonymes interdits. Mais Arias ne considérait son travail que comme provisoire; à sa demande, le duc chargea les évêques et les universités de dresser une liste de tous les mauvais livres qu'ils pourraient découvrir; une commission révisa les listes puis Arias fut désigné pour les combiner en un seul catalogue. Celui-ci parut à la suite de l'Index lui-même chez Plantin en format in-octavo, en 1570Ga naar voetnoot(3); dans le catalogue les livres sont classés par langues. L'édit de Philippe II du 15 février qui le promulgue parut en édition séparée, en français, flamand et latinGa naar voetnoot(4). | ||||||||||||||||
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Un second édit du 19 mai réglementa la profession d'imprimeur et de libraire; il décida notamment que les patrons devaient être approuvés par les évêques en ce qui concerne la foi et les moeurs et par le prototypographe des Pays-Bas en ce qui concerne leur aptitude professionnelle. Plantin fut nommé à cette dernière dignité le 10 juinGa naar voetnoot(1), il examina 44 imprimeurs dans les derniers mois de 1570. La règle VIII concernant la censure des livres adoptée par le concile de Trente prévoyait l'expurgation des livres, bons dans l'ensemble, mais contenant des passages suspects; déjà la commission bruxelloise de 1569 avait prévu ce travail et l'édit du 15 février 1570 l'annonçait; le duc d'Albe fit prendre les mesures de vérification nécessaires pour les principaux livres publiés depuis le début du siècle, les passages proposés comme suspects furent vérifiés par une nouvelle commission siégeant à Anvers en novembre 1570 sous la présidence de l'évêque Sonnius et d'Arias, ils furent réunis en un Index expurgatorius qui parut chez Plantin en 1571, en format in-quartoGa naar voetnoot(2): les ouvrages étaient classés par matières, une section supplémentaire concernait les oeuvres d'Erasme d'après l'édition de 1540Ga naar voetnoot(3). Cet Index fut imprimé à 750 exemplaires aux frais du gouvernement et publié par un édit du 31 juillet. Une troisième catégorie d'éditions canoniques plantiniennes est constituée par la publication des décrets conciliaires ou synodaux tridentins et post-tridentins. A Anvers Plantin se laissa devancer par NutiusGa naar voetnoot(4), SteelsiusGa naar voetnoot(5) et SilviusGa naar voetnoot(6) qui en 1564 imprimèrent | ||||||||||||||||
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les décrets du concile de Trente; le 8 octobre 1565 Guillaume Silvius obtint même pour six ans le monopole de l'édition et de la vente aux Pays-Bas des décrets tridentins selon l'édition officielle romaine de 1564Ga naar voetnoot(1), il en procura aussi des traductions flamandeGa naar voetnoot(2) et françaiseGa naar voetnoot(3). Plantin prépara de son côté une édition latine de décrets tridentins mais enrichie de notes marginales indiquant les sources citées par les décrets et leur concordance; ces notes furent fournies par Jean Soteallus ou Soteaux, de Mons, professeur d'Écriture Sainte à l'abbaye de Cambron, et par Horace Lucius, jurisconsulte. Augustin Huneus, professeur à Louvain, signa le 8 mai 1570 une déclaration attestant que ces notes ne tombaient pas sous l'interdiction pontificale d'interpréter les textes conciliaires tridentinsGa naar voetnoot(4), Plantin reprit cette affirmation dans sa préface datée du 1er juinGa naar voetnoot(5), il obtint le privilège d'imprimer le 5 juin; | ||||||||||||||||
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l'ouvrage parut en format in-octavo en 1571Ga naar voetnoot(1); des réimpressions en furent faites en 1577Ga naar voetnoot(2), 1586Ga naar voetnoot(3), 1589Ga naar voetnoot(4). Plantin obtint le 7 novembre 1570 le privilège d'imprimer l'édition officielle des actes du concile provincial de Malines de 1570Ga naar voetnoot(5); elle parut en format in-octavoGa naar voetnoot(6) et in-quartoGa naar voetnoot(7). Lors du second concile de la même province, réuni à Louvain en 1574, le prototypographe Plantin fut envoyé auprès de l'assemblée par Requesens avec une lettre du gouverneur annonçant l'octroi d'un jubilé extraordinaire par Grégoire XIII; il était également chargé d'exhorter de vive-voix les membres du concile à éviter les sujets de friction dans la délimitation des pouvoirs de l'Église et de l'État. Plantin exposa tout cela en un bref discours latin, le président du concile lui répondit d'une façon polie en demandant cependant l'appui du gouverneur contre certaines ingérences des juges et fonctionnaires civilsGa naar voetnoot(8). Les décrets de ce second concile ne furent pas imprimés. Les synodes diocésains concrétisent les décisions des conciles provinciaux: après le concile de Malines de 1570, il y eut un synode diocésain à Anvers en 1571, le texte des douze courts décrets y promulgués par l'évêque Sonnius forme un imprimé de six pages in-octavo qui ne porte pas de nom d'imprimeur mais sortit sans doute des presses de PlantinGa naar voetnoot(9), le premier décret impose à chaque prêtre d'avoir le texte des décrets du concile de Trente et du concile provincial de Malines. Après le concile provincial de 1574, il y eut à Anvers un second synode diocésain en 1576: les statuts synodaux, cette fois beaucoup plus étendus, | ||||||||||||||||
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furent imprimés en un volume in-octavo par PlantinGa naar voetnoot(1). La vente des décrets de ces conciles provinciaux et synodes diocésains ne s'avéra nullement lucrativeGa naar voetnoot(2).
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La contre-réforme catholique n'a pas été une oeuvre spectaculaire mais une série d'entreprises concrètes, entre autres l'établissement et la diffusion de textes scripturaires, liturgiques et canoniques plus corrects. Plantin y a contribué par ses éditions: certaines ont préparé le texte romain de la Vulgate et du Corpus Iuris Canonici, d'autres ont diffusé les nouveaux livres liturgiques de rite latin. Mais son activité dans ce triple domaine porte en outre l'estampille de ses soucis d'humaniste, qui veut faire avancer la science proprement dite; c'est ainsi qu'il a fait progresser la connaissance des textes bibliques orientaux et des liturgies byzantines. |
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