De Gulden Passer. Jaargang 31
(1953)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Fol. 6 ro: Les sept jours de la Création. Riche décoration marginale. Au bas, emblêmes de Konrad de Vechta. (1er atelier).
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Fol. 6 vo: Adam et Ève chassés du paradis terrestre. (1er atelier).
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Fol. 59 ro: Beselehel construit le Tabernacle. (1er atelier).
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Fol. 60 ro: Confection des rideaux pour le Tabernacle. (1er atelier).
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La bible de Wenceslas du musée Plantin-Moretus a Anvers
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La Bohême sous la dynastie de Luxembourg.A cette époque la dynastie de Luxembourg se trouve à un tournant décisif de son histoire. Après le règne glorieux et prospère de l'empereur Charles IVGa naar voetnoot(1), celui de son fils WenceslasGa naar voetnoot(2) est témoin des conflits qui opposent la noblesse à la bourgeoisie. Le jeune monarque ne prend pas position et en 1400, après plusieurs | |
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captivités, Wenceslas est déposé par les princes de l'EmpireGa naar voetnoot(1). Seule la Bohême lui reste fidèle. Elle sera bientôt le théâtre de la révolution hussiteGa naar voetnoot(2). D'un caractère à la fois, faible et violent, Wenceslas a été incapable de dominer la situation. Il meurt en 1419, lorsque la lutte des Hussites atteint son point culminant. Cependant, la Bohême aurait pu jouer un rôle prépondérant par le jeu des alliances. Elle est unie aux principales maisons régnantes par des liens de parenté. SigismondGa naar voetnoot(3), frère de Wenceslas, est roi de Hongrie, tandis qu'Anne, leur soeur, est l'épouse de Richard II, roi d'Angleterre. La France est une puissante alliée: Charles VGa naar voetnoot(4) et ses frères, les ducs de Berry et de Bourgogne, sont les cousins germains de la famille de Luxembourg. Celle-ci a des relations jusqu'en Italie avec la maison des ViscontiGa naar voetnoot(5). | |
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Si malgré sa situation privilégiée, la Bohême n'a pas conquis une réelle importance sur la scène politique internationale de la fin du xive siècle, dans le domaine artistique, elle est un centre où les courants les plus divers ont fusionnéGa naar voetnoot(1). | |
L'art international.Le passage du xive au xve siècle est un des rares moments dans l'histoire de l'Occident où un art européen semble s'épanouir. Pendant l'éclipse italienne qui sépare Giotto, Duccio, Simone Martini et les Lorenzetti d'une part et Masaccio d'autre part, la France, mettant largement à profit les trouvailles italiennes et plus particulièrement siennoises, crée un art aristocratique, né dans le dernier tiers du xive siècle et promis à une brillante floraison internationale. Ce courant du gothique tardif est appelé souvent franco-flamandGa naar voetnoot(2) et, en Allemagne, ‘style doux’. Les traditions d'élégance et de raffinement qui caractérisent cette époque, portent le sceau des Valois. Le cosmopolitisme des cours princières favorise le développement simultané de ce style dans les différentes contréesGa naar voetnoot(3). Paris et Dijon sont des centres de rayonnement tandis que la cour papale d'Avignon est un point de liaison entre l'esthétique gothique et italienne. La cour du roi | |
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de France attire des artistes des régions du NordGa naar voetnoot(1); les princes de sang, les ducs de BourgogneGa naar voetnoot(2) et de Berry, rivalisent en luxe et en éclat avec elle. Parmi les perles de l'enluminure exécutées pour ces mécènes-bibliophiles, le joyau le plus rare est le manuscrit des Très Riches Heures, de Jean de Berry, par Pol de Limbourg et ses frères (1416). En Italie, les centres artistiques émanent également des maisons régnantes telles que des Visconti en Lombardie, des Este à Ferrare, des Gonzague à Mantoue, etc. La cour de Jean Galeas Visconti en est sans conteste la plus éclatanteGa naar voetnoot(3). L'art international pénètre aussi en Angleterre où l'on peut déceler un apport bohémien, dû au mariage d'Anne de Luxembourg et de Richard IIGa naar voetnoot(4). En Bohême, Prague voit affluer les artistes étrangers. Charles IV est un bâtisseurGa naar voetnoot(5), son fils Wenceslas, un bibliophile passionné, grâce auquel l'enluminure bohémienne se classe au rang des meilleurs manuscrits contemporains. Si Paris est le berceau de l'art international, le rôle de l'Italie n'est pas négligeable: l'influence giottesque se poursuit jusqu'à | |
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l'épuisementGa naar voetnoot(1). Les points de ressemblance dans les formes (mêmes motifs, mêmes thèmes iconographiques) et dans l'esprit des multiples courants, se développant partout simultanément, semblent justifier ce groupement unique par-delà les frontièresGa naar voetnoot(2). Pendant un peu moins de cinquante ans, l'art international s'épanouira du Nord au Sud, de Prague jusqu'à Londres, en passant par Cologne. Cet art, né à l'ombre des châteaux, ne s'adresse qu'aux nobles; l'avènement de la bourgeoisie le condamneraGa naar voetnoot(3). En Bohême, la catastrophe hussite fauchera totalement l'art international à son apogée. Les idées nouvelles émigreront avec les artistes vers les contrées avoisinantes où dans maint manuscrit allemand ou autrichien on retrouvera les caractéristiques des manuscrits wenceslaciensGa naar voetnoot(4). | |
Wenceslas, son rôle de bibliophile.Il serait cependant erroné de croire que Wenceslas fut l'initiateur de l'école bohémienne: dès le début du xive siècle, de nombreux manuscrits enluminés sont inspirés de modèles français et avignonnaisGa naar voetnoot(5). | |
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Jean de Neumarkt, chancelier de Charles IV, est un bibliophile émérite. Humaniste et lettré, il est un admirateur enthousiaste de la culture italienne et un des promoteurs de son influence en BohêmeGa naar voetnoot(1). Son bréviaire de voyage, connu sous le nom de Liber Viaticus, est célèbre; par sa technique et son ornementation, il se rattache étroitement à l'enluminure toscane. Le maître du Liber Viaticus peut être considéré comme le créateur de l'école d'enluminure bohémienne. Quelques manuscritsGa naar voetnoot(2) de la même époque ont été exécutés par ses élèves. Le style et la technique des enlumineurs de Jean de Neumarkt forment le point de départ d'un nouvel essor. Ils ont donné à l'enluminure bohémienne une tonalité locale et une tradition nationale. Leur art s'est transmis chez les maîtres de l'enluminure du temps de Wenceslas. Wenceslas IV continue la voie individuelle tracée par Jean de Neumarkt et à sa protection éclairée on doit toute une série de manuscrits somptueux. La bibliothèque royale ne diffère pas essentiellement de celles des autres princes de son temps. A côté des oeuvres théologiques, souvent en traduction allemande (la Bible | |
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de Vienne est une des plus anciennes bibles allemandes), il y a des ouvrages juridiques, des romans, sans oublier les travaux traditionnels d'astronomie et d'astrologieGa naar voetnoot(1). De cette série de manuscrits, l'oeuvre la plus importante est la Bible allemande en six parties, dont deux des enlumineurs sont connus: Frànà et Kuthner. Cinq mains, au moins, auraient collaboré à l'illustration des trois premiers volumes, tandis que les autres sont restés inachevés. La Bible de Vienne (1380-1390) et le Wilhelm Von Oranse (1387) sont les plus anciens manuscrits wenceslaciens, tandis que la Bible du musée Plantin-Moretus est la dernière oeuvre datée (1402, v. st.). Celle-ci occupe donc une place particulière dans l'école d'enluminure bohémienne et dans la production artistique du début du xve siècle en généralGa naar voetnoot(2). | |
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Description de la Bible, dite de Wenceslas, du musée Plantin-Moretus.Les deux très beaux volumes qui constituent la Bible de Wenceslas du musée Plantin-Moretus à Anvers portent la cote M 15.1 et 15.2 (anciennement Salle III, nos 44-45, J. Denucé, Catalogue des manuscrits du Musée Plantin-Moretus, no 180).. Cette Bible latine devait comprendre un troisième volume pour être complète. Deux volumes de texte sont terminés, mais seul le premier volume est presque complètement enluminé. Certaines miniatures sont inachevéesGa naar voetnoot(1); pour d'autres, des espaces ont été laissés en blancGa naar voetnoot(2). Quant au volume II, il ne contient des miniatures qu'aux dix-sept premiers feuillets. Dans son ensemble pour le fond et la forme, la bible est restée un torse. Le Dr. K. Chytil en a fait le premier l'étude en 1885Ga naar voetnoot(3); quelques années plus tard, M.J. Von SchlosserGa naar voetnoot(4) a traité le sujet, sans cependant avoir vu la Bible d'Anvers, se référant aux données antérieures de K. Chytil. Récemment, M. Ant. MatejeckGa naar voetnoot(5) a écrit un petit article sur notre manuscrit et en a fait exécuter un microfilmGa naar voetnoot(6). | |
Destinataire.Selon Von SchlosserGa naar voetnoot(7), la Bible aurait été commandée par le maître de monnaie Konrad de Vechta pour le roi Wenceslas, dont elle porte sur le frontispice, l'oiseau symbolique, l'alcyon, dans un ruban. Il a supposé un cas analogue à celui de Martin Rotlöw qui avait offert la Bible allemande (en six volumes) au roi afin de lui prouver sa gratitudeGa naar voetnoot(8). Cette dernière est plus richement illustrée que la Bible de Konrad de Vechta: le thème | |
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Fol. 123 vo: Josué précède le peuple pour traverser le Jourdain. (2e atelier).
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Fol. 124 vo: La prostituée de Jéricho descend les espions pur sa fenêtre. (2e atelier).
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de l'alcyon y est fréquent de même que les initiales royales W.E. Elle est également inachevée, fait qui s'explique par la mort du commanditaireGa naar voetnoot(1). Pour la Bible du musée d'Anvers, le problème d'attribution est plus complexe: aucune indication, si ce n'est l'alcyonGa naar voetnoot(2) sur le frontispice, ne permet d'affirmer que cette bible fût destinée comme cadeau au roi Wenceslas. L'oiseau symbolique n'y figurant qu'une seule fois, l'oeuvre pourrait avoir été exécutée dans les ateliers d'enluminure de la cour, sans pour autant être nécessairement destinée au monarque. L'absence totale des emblêmes royaux dans le corps de l'ouvrage nous fait émettre cette hypothèse. Tandis que d'autres manuscrits, destinés à Wenceslas (la Bible de Vienne et la Bulle d'Or) abondent en dessin décoratifs fort appréciés du roi, aucun de ces thèmes favoris ne se retrouve dans la Bible de KonradGa naar voetnoot(3). Dès lors, on peut se demander pourquoi ce genre décoratif fait-il défaut dans la Bible d'Anvers? Voyons les notices utiles que fournit la Bible à ce sujet. Dans le vol. II, fol. 56 vo, on lit en lettres rouges: Explicit psalterium ingrossatum per Laurentium scriptorem. C'est-à-dire qu'un certain Laurentius aurait collaboré à la transcription du texte.
Au fol. 172 ro du même volume, en rouge: Explicit prephacio sancti Jeronimi. | |
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Le volume se termine au fol. 221 vo par la notice suivante: Explicit secundus Liber Esdre sacerdotis. In anno Domini millesimo quadringentesimo currente in kathedra sancti Petri Apostoli. Comparatus per domm Conradum, Mgrm. Monete. Dans ce Konrad, frappeur de monnaie, Chytil et Von Schlosser ont reconnu Konrad de Vechta, maître de la monnaie à KuttenbergGa naar voetnoot(1). Ses armoiries se retrouvent à deux reprises dans les encadrements de la Bible (vol. I, fol. 6 ro et 61 vo): une chèvre à la langue vermillon et aux sabots d'or, dans un écusson d'argent. | |
Date de l'achèvement du texte.Quand Konrad de Vechta fut-il frappeur de monnaie? Selon Von Schlosser, il le fut de 1401 à 1402, selon Palacky, de 1403 à 1405. Or, le texte du deuxième volume de la Bible a été achevé en 1402 le jour de la chaire Saint-Pierre, c'est-à-dire le 22 février 1403 (n. st.)Ga naar voetnoot(2). Il semble donc certain que l'on puisse situer l'activité du frappeur de monnaie Konrad de Vechta vers 1403. Nous ignorons toutefois la raison plausible pour laquelle la Bible est restée inachevée. En effet, ni la mort, ni la défaveur du commanditaire ne peuvent être alléguées ici. Voici cependant quelques points acquis: la Bible latine du musée Plantin-Moretus a été faite pour le maître de monnaie Konrad de Vechta; le texte des deux premiers volumes a été terminé au début de 1403; la Bible restée inachevée, sort des ateliers d'enluminure du roi Wenceslas. | |
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Nous ne savons pas quand ni comment la Bible de Konrad de Vechta est parvenue au musée Plantin-Moretus. Nous supposons qu'elle a été achetée par la famille Moretus afin d'enrichir sa splendide bibliothèque et pour servir sans doute de modèle aux bibles imprimées par la maison. Jusqu'à présent, il ne nous a pas encore été possible de trouver la date de cette importante acquisition, malgré nos investigations dans les catalogues, dans de nombreux livres de caisse et autrs documents concernant les manuscritsGa naar voetnoot(1). L'affirmation de M.H. SteinGa naar voetnoot(2) prétendant trouver la mention de notre Bible dans le deuxième recolement de la bibliothèque qui eut lieu en 1650, ne peut, à notre avis, être considérée, comme suffisamment valable pour servir de preuve tangible. En effet on peut lire, sur une feuille détachée, de la même époque que le catalogue des livres de 1650, feuille énumérant les manuscrits: Biblie: Sacra in parvo folio vetustissimo charactere - eadem in magno 4o nitidissimi charactere meretii f. 50. Cette indication est très vague. Dans le catalogue de 1805, on trouve parmi les additions aux manuscrits: Vetus testamentum. Codex membranaceus nitidissime exaratus anno 1402 in 2 vol. compactus, cujus littera initiales bellissime coloribus auroque obducta sunt. Faute de preuves suffisantes, nous devons en rester là pour le moment. | |
Matière. Cahiers. Feuillets.Les deux volumes de la Bible de Konrad de Vechta sont sur parchemin: le premier compte 215 feuillets, le second 221, d'environ 500 × 330 millimètres. La reliure, en maroquin rouge vif, | |
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aux fines rayures et aux encadrements d'or, paraît d'époque plus récente. Les feuilles de parchemin sont pliées en cahiers. Il y en a vingt-sept pour le premier volume, comprenant chacun huit feuillets, le côté chair ou poil étant posé indifféremment. Les premiers cahiers ne sont pas signés ou plutôt, leur signature a disparu: la première indication se trouve au fol. 48 vo, à la fin du cahier, un six (en chiffres romain) est inscrit au bas de la page. Dans le dernier cahier de ce volume, la dernière page a été coupée. Il semble qu'au cours des différentes reliures que les manuscrits ont dû subir, l'on ait coupé les feuilles; ce procédé est nettement visible aux titres et aux signatures qui apparaissent souvent amputés d'une partie (soit supérieure, soit inférieure). Le volume II compte vingt-huit cahiers: vingt-sept de huit feuillets et le dernier de quatre feuillets seulement. La dernière page manquante du volume précédent a été ajoutée sur talon au début du second (au fol. I vo le sommet du chiffre est encore visible). La signature continue et va de XXVII à LV (fol. 221 vo). Chaque volume commence par un feuillet de garde, en parchemin, posé sur talon, et se termine par une feuille de papier blanc. Aux bords de nombreuses feuilles on aperçoit encore clairement les piqûres destinées au tracé des lignes. Le texte est présenté en deux colonnes, ayant chacune la largeur approximative de neuf centimètres. Chaque page compte quarante-quatre lignes de texte. Outre la réglure des textes, des lignes sont également tracées au sommet des pages pour les titres courants. Texte et réglure semblent être de couleur bistre ou peut-être l'encre est-elle tournée au bistre. La Bible possède, à la fois, foliotation et pagination: la première, faite tout récemment, sur ordre de M. Voet, conservateur du musée Plantin-Moretus, la seconde ne doit pas être fort ancienne non plusGa naar voetnoot(1). | |
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Écriture. Rubrication.L'écriture de la Bible de Konrad de Vechta est très belle: c'est la grande écriture gothique en lettre de forme, posée et régulière, réservée aux ouvrages de luxe. Il n'y a pas de réclames et le texte n'est jamais souligné. Les notes marginales se rapportent uniquement à l'enluminure et leur emploi n'est pas exagéré: elles font généralement face à la vignette, ou sont placées soit au haut, soit au bas de la page; leur longueur varie selon les indications à donner aux enlumineurs (une ou plusieurs lignes en écriture cursive, de couleur bistre). Il est difficile de distinguer si c'est de l'encre bistre ou de la mine de plomb. Ces notes sont de différentes mains: tantôt l'écriture est large et ronde, aux traits épais, tantôt fine et petite. Le temps a effacé un grand nombre de ces notes marginales; pour d'autres, quelques mots sont à peine déchiffrables. Ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, le texte biblique est inachevé: le premier volume comporte l'Ancien Testament jusqu'au troisième livre des Rois, le second va du quatrième Livre des Rois jusqu'au deuxième livre d'EsdraGa naar voetnoot(1), le troisième volume, nécessaire pour l'achèvement du texte, manque. Les titres de chaque livre se trouvent inscrits au sommet des pages, s'étendant sur une ou deux pages, de couleur variée, ils sont insérés dans l'intervalle de deux lignes tracées au préalable. Les couleurs des initiales alternent: bleu sur fond or, ou or sur fond bleu. Ce fond offre la variété d'un schéma que l'on pourrait nommer à crochets ou à virgules, prenant la forme de cercles ou d'ovales, s'alignant en bandes verticales ou s'enroulant en guir- | |
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landes. Lorsque l'initiale manque, la lettre d'attente est écrite visiblement mais très légèrement sur une ligne dans l'espace laissé pour la lettrine. Les prolongements filiformes, parfois très importants, s'étirent vers le haut et le bas et s'achèvent en petits traits ou en boules minuscules. L'or employé pour les lettrines est en feuilles; pour l'ornementation du fond, il est broyé. Initiales et titres courants semblent avoir été exécutés par des aides, indépendamment des miniatures et de l'ornementation marginaleGa naar voetnoot(1). Ils font complètement défaut, ainsi que les miniatures et l'ornementation marginale dans les cahiers XXIII et XXIV (f. 177 ro-192 vo). A partir du cahier XXV (f. 193 ro) l'enluminure reprend; l'espace pour les lettrines et les titres courants sont laissés en blanc. Le vol. II, à l'exception du cahier XXIX (f. 10 ro-17 vo) n'a ni initiales, ni titres courants. Ces différentes constatations portent à croire que dans les ateliers de la cour de Wenceslas, les rubricateurs travaillaient indépendamment des autres artistes. | |
Datation des miniatures. - Ateliers. - Mains.Deux questions délicates restent en suspens; nous les abordons avec beaucoup de réserve car elles nécessitent une grande circonspection et une connaissance plus approfondie de la technique miniaturiste. Tout d'abord la datation des miniatures. Selon le colophon, reproduit plus haut, le texte du vol. II aurait été achevé en 1403 (n.st.). Suivant les usages des ateliers d'enluminure de l'époque, | |
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les scribes transcrivaient le texte, puis celui-ci passait aux mains des miniaturistes. Nous ignorons quand le travail d'enluminure a été terminé, nous croyons cependant que deux ou trois années permettent de fixer approximativement le temps consacré à l'illustration. Reste le problème crucial à résoudre. Combien d'artistes-miniaturistes ont apporté leur collaboration à la Bible de Konrad de Vechta? K. ChytilGa naar voetnoot(1) a émis l'hypothèse que quatre ateliers auraient travaillé simultanément à la Bible, allégation reprise par A. Matejeck dans son articleGa naar voetnoot(2); H. LeporiniGa naar voetnoot(3) simplifie les difficultés en affirmant qu'un seul atelier travaillait à la cour de Wenceslas, thèse évidemment inacceptable. En ce qui concerne l'ensemble décoratif, les deux savants ont raison: quatre ateliers, ou quatre groupes d'artisans y ont apporté leur collaborationGa naar voetnoot(4). Quant aux miniatures, il est probable qu'il faille y reconnaître plus de quatre différentes ‘mains’; cet avis est partagé par M.M. Lyna et Delaissé. Nous présentons ici une large subdivision faite par ateliers, sans | |
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aborder la question des ‘mains’ ayant exécuté les miniaturesGa naar voetnoot(1). Les différents ateliers se distinguent par le sens de proportion des personnages et leur intégration dans la composition, par le rendu du costume, par la conception du fond - ornamental ou autre -, par l'importance accordée à l'ornementation marginale, enfin par le dessin, la couleur et le style. Le premier atelierGa naar voetnoot(2) est réaliste; la décoration marginale présente des coloris très doux; des personnages, de taille variable, s'intègrent dans le cadre ou semblent parfois jaillir par un effet de ronde bosse, ils apparaissent en costume biblique sur un fond stylisé. Le deuxième atelierGa naar voetnoot(3) proche du maître de la Bulle d'or, affectionne les coloris très vifs et unis; tandis que des ‘drôleries’ envahissent la décoration marginale, des personnages, à larges faces, se détachent sur le fond stylisé doré des vignettes. Le troisième atelierGa naar voetnoot(4) est sans conteste le plus élégant: il ne s'intéresse pas à la décoration marginale, son coloris est doux grâce à l'emploi des demi-teintes; la souplesse du modelé se retrouve dans les personnages aux proportions élégantes et mesurées. On discerne chez lui une conception plus avancée du paysage. Quant au quatrième atelierGa naar voetnoot(5), celui du maître de la Bulle d'or, plus que tous les autres, il offre une très abondante décoration marginale aux drôleries divertissantes; il aime les tons vifs (e.a. bleu d'outre-mer) et l'or, abondamment usité comme fond ornemental; ses personnages, aux têtes volumineuses, se meuvent dans des attitudes dansantes. | |
Ornementation marginale.La description matérielle achevée, abordons l'enluminure proprement dite. Notre étude est plus spécialement consacrée aux miniatures; la décoration marginale, d'une importance secondaire dans notre Bible sera vue plus rapidement. En effet, l'ornementation marginale est typique des manuscrits wenceslaciens et a déjà | |
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été traitée dans son ensemble par Julius Von SchlosserGa naar voetnoot(1). Dans la Bible de Konrad, elle varie essentiellement selon les différents ateliers. Exception faite des premières pages de présentation, le premier atelier adopte de préférence la décoration végétale, rehaussée par la présence de dragons et d'oiseaux fantastiques. Les feuilles d'acanthe forment le thème principal; les fleurs, aux tonalités claires, y sont stylisées ou naturelles. Le deuxième et le quatrième ateliers ont une prédilection pour des drôleries, qu'on ne trouve pas chez le premier: les thèmes burlesques d'hommes sauvages et d'animaux (ours et singes) abondent dans leurs rinceaux. Les fleurs sont stylisées, les tons vifs et soutenus. L'élaboration des miniatures étant le souci principal du troisième atelier, la décoration marginale y est presque négligée. La décoration végétale de la Bible de Konrad de VechtaGa naar voetnoot(2) est semblable à l'ensemble des autres manuscrits wenceslaciens. Tandis que dans la Bible de VienneGa naar voetnoot(3) l'ornementation s'étale dans toute sa somptuosité, il y a dans notre manuscrit un certain amincissement des lignes, les tiges et les rinceaux sont plus grêles, les parties nettement séparées les unes des autres. Sous l'influence de l'ItalieGa naar voetnoot(4), la feuille d'acanthe est devenue le thème favori en Bohême et elle s'épanouit avec richesse dans les manuscrits | |
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du roi WenceslasGa naar voetnoot(1). Dans notre Bible, fleurs et feuilles se ressemblent sans jamais être identiques, se déroulant en volutes au-dessus et au-dessous du texteGa naar voetnoot(2) et reliées entre elles par une ligne centrale. Tous les ateliers présentent une stylisation héraldique de motifs végétaux. Les rinceaux s'enroulent tantôt vers l'intérieur, tantôt vers l'extérieur en d'élégantes courbes donnant naissance à une fleur. Quelquefois les fleurs sont faites d'après nature; on reconnaît le lys blanc, le bec de grue, le chardon et même la grenade. Le plus souvent, cependant, elles se combinent dans le système abstrait de rosaces très stylisées où d'abondantes pastilles d'or resplendissent sur les pétales. Outre l'ornementation végétale, il faut citer les ‘drôleries’: petits personnages et animaux, sans le moindre rapport avec le texte, courant çà et là dans les marges, pour l'amusement du lecteur. La multitude et la diversité de dragons, d'oiseaux fantastiques, d'ours et de singes sont déconcertantes. Des dragons, de toutes tailles, ailés ou non, au corps rappelant celui du crocodile, s'enroulent autour des tiges; ils avalent des feuilles d'acanthe ou les font jaillir de leurs gueules béantes. Les oiseaux au plumage clair et aux ailes chatoyantes sont traités avec amour. L'alcyon, ainsi que nous l'avons dit, ne figure qu'une seule fois sur le frontispice, mais les échassiers reviennent fréquemment, très élégants sur leurs longues pattes, ils se font face de part et d'autre des marges latérales. Il y a également une grande variété de petits oiseaux; çà et là même surgissent des hiboux et des perroquets. L'oursGa naar voetnoot(3), animal pourtant si en faveur à cette époque, ne se trouve | |
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pas dans les ornements du premier atelier. Il fait son apparition - définitive alors - à partir du cahier XV. Petit, brun, portant une ceinture rouge incarnat à la taille ou une longue écharpe blanche autour du cou, l'ours est un habitant du feuillage. Il aime s'amuser: s'ébattre sur le gazon (fol. 113 ro, II fol. 17 ro) ou souffler dans un instrument, chalumeau, trompette ou buccine (fol. 113 ro, 116 ro, 201 ro); il arrive aussi qu'il s'exerce au tir à l'arc, portant une gibecière et un poignard à la taille (fol. 114 vo), ou que, plus sérieux, il lise un livre (fol. 142 ro). Il est amusant de voir deux petits ours s'embrassant gentîment (fol. 91 vo)Ga naar voetnoot(1). Autant l'ours est gentil, autant le singe est laid et traité gauchement. Parfois revêtu d'une petite culotte, il s'amuse seul ou en compagnie d'un ours (fol. 119 vo): il tire à l'arc, grimpe le long d'une tige, (fol. 114 vo-125 vo), souffle dans un instrument (fol. 201 ro) ou se regarde complaisamment dans un miroir (fol. 203 vo). A côté de ces animaux cocasses, mais de type traditionnel, on peut constater une recherche plus poussée vers la réalité dont l'exécution reste cependant encore loin de pouvoir égaler l'art animalier des Italiens; le rendu demeure assez sommaire et manque de souplesse, même dans les attitudes familières. Des cerfs se reposent sur le gazon (fol. 29 ro), une abeille et un papillon butinent des fleurettes (fol. 78 ro), tandis qu'un chat veut s'élancer sur un perroquet (vol. II, fol. 16 ro); des animaux domestiques, chiens, petits lapins, moutons, se rencontrent occasionnellement; il y a même des renards soufflant dans une trompette et un cervidé buvant dans un long verre. Quant à la figure humaine, elle n'est pas mieux réussie et n'apparaît d'ailleurs que sporadiquement. La figure féminine se trouve seulement dans le deuxième volume (II, 5 vo-16 ro): une jeune femme, élancée, aux cheveux bouclés, est drapée dans une longue pelisse, bordée d'hermine, aux manches très amples. Elle se tient de face, un minuscule chien blanc à ses pieds, tandis que de ses | |
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fines chaussures pointues, elle écrase la tête d'un lion. La figure masculine, soit l'hommeGa naar voetnoot(1), soit l'homme sauvageGa naar voetnoot(2) est rare dans notre manuscrit. Tous deux ont les mêmes attitudes que singes et ours: ils tirent à l'arcGa naar voetnoot(3), jouent un instrumentGa naar voetnoot(4), ou se contentent d'être dans un médaillonGa naar voetnoot(5). Disons pour terminer que les pages de présentation et de création offrent toutes deux un luxe d'ornementation, unique dans notre manuscrit: hormis les motifs stylisés et les entrelacs, il y a de nombreux médaillonsGa naar voetnoot(6) dans lesquels se meuvent de petits personnagesGa naar voetnoot(7). Au bas de la page de la création du monde, les emblêmes de Konrad de Vechta sont gardés par deux hommes sauvages, juchés sur des oiseaux de proie. Parmi les nombreux animaux fantastiques et autres ornant les marges, il y a des échassiers aux teintes claires. L'un d'eux a une élégante écharpe autour d'un cou effiléGa naar voetnoot(8). | |
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Étude des miniatures.Encadrement. - Les miniatures de la Bible de Konrad de Vechta n'ont pas encore été étudiées de façon approfondie, car les articles de MM. Chytil et Matejeck ne peuvent être considérés comme envisageant la question sous tous ses aspects. Remarquons d'abord que les miniatures se trouvent encadrées dans des vignettes et ont pris place dans les limites où le scribe avait laissé des blancs, conformément à son modèle ou à des instructions reçues. A trois exceptions prèsGa naar voetnoot(1), il n'y a pas de miniatures dans les lettrines. Les vignettes sont de dimensions variables. La largeur demeure celle de la colonne, environ 9 cm., tandis que la hauteur peut varier de 10 à 11,5 cm. et correspond toujours exactement à un nombre de lignes du texte (le plus souvent 14 à 15 lignes). L'encadrement des vignettes est une particularité des manuscrits bohémiensGa naar voetnoot(2). Il imite l'encadrement en bois des tableaux et se compose de plusieurs bandes. Le bord extérieur est toujours de la teinte du bord intérieur, mais dégradée: rouge et rose, bleu foncé et bleu pâle, vert cru et vert tendre; vermillon et jaune; pourpre et gris-bleu, etc. Un petit trait oblique tracé aux quatre coins donne l'impression d'un léger relief. Le bord le plus clair est parfois orné de motifs: petits cercles, dessins en forme de S, losanges, etc. Il arrive qu'une ligne étroite borde le cadre. La Bible contient 214 miniatures dont nous avons fait une description complète dans notre mémoire.
Dessin - Coloris. - Ainsi que nous l'avons déjà dit, la Bible du Musée Plantin-Moretus est l'oeuvre de plusieurs ateliers qui travaillaient en collaboration avec des aides. | |
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L'artiste principal se réservait la composition de la scène et le dessin des figures humaines. Il laissait à ses aides le soin d'apposer les couleurs. De même, l'ornementation marginale était faite par des artistes secondaires, sous la direction du maître. Les miniatures du troisième atelier, demeurées à un stade divers d'achèvement, permettent des constatations intéressantes quant à la techniqueGa naar voetnoot(1). Les miniatures sont d'abord dessinées: les traits des visages sont accentués, les mouvements des draperies nettement indiqués. Après le dessin, suit la mise en couleur. On commence par exécuter le fond ornementalGa naar voetnoot(2); lorsque celui-ci est achevé, on passe à l'avant-plan, puis à la coloration des costumes des personnages. Comme ceux-ci sont de teintes différentes, l'artiste applique tous les rouges, puis tous les bleus, etc.Ga naar voetnoot(3); il arrive aussi qu'il emploie d'abord une teinte de fondGa naar voetnoot(4): ainsi un fond d'argent sert à rendre le bleu acier des armures. Les visages, parfois aussi les personnages de l'avant-plan, ne sont terminés qu'en tout dernier lieuGa naar voetnoot(5). Tout porte à croire que les autres ateliers ont travaillé suivant ce même mode, car c'était le procédé en vogue à l'époque. Lorsqu'on compare les différents ateliers de la Bible de Konrad de Vechta entre eux, il ressort que le troisième est de loin supérieur aux autres. Pour les divers ateliers, le coloris est d'une grande variété. Tous les tons en usage au Moyen-Age, sont employés avec profusion: vermillon, rouge, vert, bleu, jaune, noir et or. Des tons vifs, dont l'harmonie n'est pas toujours très heureuse, se cotoient sans cesse. La prédominance de certaines couleurs permet de discerner plus facilement les divers ateliers. | |
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Le premier atelier ne dépasse pas l'honnête moyenne: modelé légèrement en relief, lisse et souple; gestes des personnages adoucis; plis de vêtements, où les tons vifs contrastent avec les tonalités claires, assez conventionnels. Les couleurs claires sont fréquentes non seulement en ce qui concerne l'habillement des personnages mais aussi pour les fonds stylisés, la décoration architecturale et l'ornementation marginaleGa naar voetnoot(1). Le second atelier est, à notre avis, le plus gauche: dessin dur et sommaire, contours burinés. Les personnages ont une attitude raide et leurs mouvements manquent d'agilité; les draperies des costumes sont d'une exécution quasi archaïqueGa naar voetnoot(2). Quant aux coloris, l'harmonie de délicatesse est brisée par l'emploi de tons vifs et soutenus, tant dans les miniaturesGa naar voetnoot(3) que dans la décoration marginale: des couleurs telles que le rouge carmin, le jaune vif, le vermillon et le noir, sont encore rehaussées par un emploi plus qu'abondant de l'or (traits - rayons - pastilles). Le quatrième atelier, celui du maître de la Bulle d'or, présente ses personnages constamment en proie à des mouvements de danse. Les traits faciaux sont creusés profondément; l'arrête nasale très accentuée, les yeux globuleux, la masse touffue de la chevelure, tout contribue à l'enlaidissement des visages. Le dessin des mains est médiocre: elles paraissent toujours se crisper sous un effort invisible. Le coloris de cet atelier se rapproche de celui du second, il a néanmoins un ton bien particulier: le bleu vif, le précieux bleu d'outre-mer. L'abondance de l'or frise l'excès. Le troisième atelier, à mettre hors pair, surpasse les précédents par la souplesse et la virtuosité de sa technique. Les traits sont doux et dessinés avec un soin qui témoigne d'une maîtrise pleinement acquise. Les visages et les mains sont exécutés avec une noblesse et un raffinement, révélant toute l'élégance d'un art de cour. Sinueux et légers, les plis des vêtements tombent gracieusement et trahissent les mouvements. Cet atelier se distingue par une conception plus délicate dans l'emploi des tons. Il excelle | |
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dans les demi-teintes. Il y a encore des tons vifs, mais non plus des oppositions violentes. Les valeurs corrélatives confèrent à l'ensemble de la miniature une atmosphère pleine de douceur et de grâce mélancolique et les tons adoucis (gris perle, vert-pâle, violet clair, rose, jaune clair), se détachant sur un fond uni noir, obtiennent ainsi tout leur effet. En général, les chairs roses, éclaircies de blanc, contrastent avec le deuxième et le quatrième atelier, qui les préfèrent sensiblement plus sombres. Il est inutile sans doute de préciser que l'or est employé par tous les ateliers dans la décoration marginale et comme fond ornemental. Il apparaît plus rarement dans l'habillement des personnages, si ce n'est afin d'augmenter l'éclat de la parure royale.
Fond. - Le fond, qu'il soit ornemental, architectural ou autre, confère à l'image son milieu propre. Le fond ornemental est en couleursGa naar voetnoot(1) et orné de motifs géométriquesGa naar voetnoot(2), en or ou de tons opposés à celui du champ. Les rinceaux ont une faveur incontestée: d'élégantes arabesques et de souples spirales se déroulent par gerbesGa naar voetnoot(3). Ce système décoratif est commun aux quatre ateliers. L'or guilloché, employé par le deuxième et surtout par le quatrième atelier porte préjudice à la beauté de la miniature et lui enlève sa finesse. Il apparaît aussi comme cadre supplémentaire à l'intérieur de la vignette. Parfois d'étranges animaux ailés envahissent tout le champ de la miniatureGa naar voetnoot(4). Il se pourrait que le fond ornemental ait subi l'influence de la tapisserie et celle des étoffes somptueuses dont aimaient à se parer les grands de ce temps. Malheureusement il ne reste aucun vestige des tapisseries bohémiennes de cette époque; quant aux | |
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Fol. 129 ro: Josué ordonne au soleil de s'arrêter. (3e atelier).
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Fol. 130 vo: Défaite des rois de Chanaän. (3e atelier).
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tissus, ils étaient importés d'ItalieGa naar voetnoot(1), où oiseaux et griffons constituaient des thèmes habituelsGa naar voetnoot(2). L'absence de fond ornemental est rare et plutôt nécessitée par la représentation du sujetGa naar voetnoot(3). Avec le troisième atelier apparaît le fond noir, qui serait d'origine bourguignonneGa naar voetnoot(4). Certes, il sert encore de support aux losanges et aux quadrillés d'or, mais il apparaît aussi comme fond réel. De légères traces d'un ciel bleuté ou quelques arbres élancés, aux couleurs tendres, viennent l'éclaircir. Le quatrième atelier remplace parfois le fond uni noir par le bleu d'outre-mer (e.a. fol. 207 ro-209 vo). Il y a une miniature (fol. 153 ro: Noémi et Ruth) à l'aspect très particulier: sur un fond stylisé d'animaux ailés, des céréales se détachent, épi par épi. Il semble que ce procédé, vraiment exceptionnel dans notre manuscrit, relève de ce courant réaliste, que l'on retrouve dans les TacuinaGa naar voetnoot(5). La conception du ‘sol’ dans la Bible de Konrad de Vechta | |
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paraît être en retard sur la production internationale. A l'exception de deux cas, jamais le sol n'est figuré par un dallage dans une scène d'intérieur; le stade le plus avancé est figuré par un pavement rouge foncéGa naar voetnoot(1). En général, le sol, d'un ton grisâtre à l'avant-plan, se fonce au contact du fond ornemental dont il n'est souvent séparé que par une ligne. Même dans les scènes d'intérieur, il ondule légèrementGa naar voetnoot(2) ou est jonché de petites herbes et fleurettes. Parfois de minuscules arbustes verts sont disposés çà et là dans le champ de la composition.
Décor architectural. - Par décor architectural nous entendons toutes les constructions, portes, édicules et décorations d'intérieur. Ce décor reste fidèle au système de formules stéréotypées, dont l'origine remonte à GiottoGa naar voetnoot(3). Un édicule représente une maison, ou l'entrée d'un édifice; une porte, l'entrée d'une ville; une enceinte d'où émergent quelques toits, toute une villeGa naar voetnoot(4). La simplification peut être encore poussée davantage: le trône figure la salle d'audience du palais royal, tandis qu'à la mode siennoise, l'on garde un fond de rochers. Tous les italianismes ne sont pas importés directement de l'Italie mais pris à des modèles de seconde main, qui se trouvaient sur place. Une imitation directe d'un modèle italien aurait permis d'éviter l'archaïsme et la gaucherie évidente de certaines compositions de notre manuscrit. | |
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Les petits édicules, aux couleurs claires et aux toitures vives sont situés dans les angles de la composition et leur style gothique ne manque pas de rappeler certains manuscrits lombardsGa naar voetnoot(1). Les proportions entre la hauteur de l'édifice et la taille des personnages ne sont pas toujours exactesGa naar voetnoot(2). Très souvent une simple corniche de forme polygonale indique que l'action se déroule dans un intérieur. Ce système, d'importation italienne, est fréquent dans la peinture bohémienneGa naar voetnoot(3). Les découpes peuvent être crenelées. Des ouvertures dessinent la fenêtre ogivale se prolongeant dans la profondeur en nefs étroites. Dans les scènes d'audience royale, la corniche est remplacée par une architecture de plafond constituant un baldaquin qui surplombe le trône. Ce procédé se trouve aussi chez maître BertramGa naar voetnoot(4). La recherche de la perspective est encore hésitante et pas toujours comprise (l'emploi du raccourci) par les différents ateliers: les personnages ne sont pas toujours bien intégrés dans l'espace, qui leur est dévoluGa naar voetnoot(5). Toutefois il faut mentionner une surprenante exception: la ‘confection des rideaux pour le tabernacle’ (fol. | |
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60 ro), est une vraie scène de genre dont un pendant se trouve dans le Tacuinum Sanitatis de VienneGa naar voetnoot(1), qui montre dans un atelier de coupeurs, les artisans à l'ouvrage; la même veine populaire se fait jour chez nos personnages taillant les rideaux. C'est au troisième atelier que revient la palme pour la perspective. Certains effets de profondeur sont obtenus par des fonds en dégradation aux tons plus chauds. Cependant, les architectures fantastiques et irréelles n'ont pas toujours d'heureux résultatsGa naar voetnoot(2). Le décor architectural, tel que l'ont présenté les enlumineurs de la Bible de Konrad de Vechta, est inspiré de modèles antérieurs italiens, mais il est surtout issu d'une architecture conçue ou plutôt imaginée dans un style italianisant, selon la mode de l'époque.
Paysage. - Le paysage est loin d'atteindre aux réalisations magistrales de l'ItalieGa naar voetnoot(3), à la même époque, ou d'annoncer les brillantes, réussites, que prépare l'art occidental dans les Heures de Turin ou dans les Très Riches Heures du duc de Berry. Il est traité à la manière giottesque et obéit à un système rigide de formules d'atelier. Son rôle est thématique comme dans les fresques du palais de SienneGa naar voetnoot(4). Le rocher est représenté en diagonale ou en pain de sucre, emprisonnant les figures dans les limites étroites de l'avant-plan. Le terrain s'élève en pente lisse, parsemé çà et là de petites | |
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pousses, de fleurettes ou d'arbustes; plus rarement, il est escarpé ou strié de profondes crevassesGa naar voetnoot(1). Parfois les figures apparaissent derrière un ‘système de coulisses obliques’: ‘le regard ne pouvant entamer le plan vertical de ces écrans, suit les bords déchiquetés des assises stratifiées, ce qui détermine l'illusion d'un mouvement ascensionnel’Ga naar voetnoot(2). Le plus beau paysage de notre Bible est dû au troisième atelier. Une miniature inachevée représente l'alliance entre Jonathan et David (fol. 171 vo); derrière ces principaux personnages, un chemin sinueux traverse une forêt touffue et mène aux portes d'un château, dressé sur la colline. Un ciel clair remplace le fond ornemental. Ce paysage, proche d'un Jacquemart de Hesdin, fait songer à l'art d'un Broederlam ou d'un maître de Wittingau. Il est regrettable que le maître du troisième atelier n'ait réalisé que cet unique essai dans notre BibleGa naar voetnoot(3). En effet, le paysage demeure conventionnel dans son ensemble. Il est conforme au style international et n'a pu se libérer de l'empreinte giottesque et siennoise.
La figure humaine. - Dans ce décor, emprunté directement ou indirectement à l'Italie, se meuvent des personnages dont la physionomie plus solide, en général, se sépare distinctement de | |
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la conception italienne, restée dans la représentation de la figure en rapport étroit avec l'Antiquité. Une des caractéristiques du style international a été un essai d'individualisation tant dans la figure humaine que dans le costume. Ce réalisme a été une contribution germanique à l'art internationalGa naar voetnoot(1), mais ne deviendra universel qu'après 1400. L'école parisienne idéalise les types; d'autres écoles, parmi lesquelles l'école bohémienne, manifestent plus de vigueur et de gravitéGa naar voetnoot(2). Il faut reconnaître que dans la Bible de Konrad de Vechta les artistes ne parviennent pas à différencier nettement les types mais les caractérisent plutôt par leurs attributs (procédé essentiel du troisième atelier). Cette manière n'est pas spécifique de notre manuscrit, car c'était l'usage d'employer un même procédé pour tous les sujets bibliques. Chaque atelier possède ainsi des prototypes pour sa productionGa naar voetnoot(3). Pose, mouvement, expression témoignent d'une conception formelle de la figure humaine; les corps sont schématiques, les mains et les pieds, d'une exécution sommaire. En ce qui concerne les vêtements, les deux premiers ateliers ont observé davantage l'impersonnalité sacrée de leurs sujets, tandis que les deux autres ateliers, principalement le troisième, suivent de plus près la mode de la fin du xive siècleGa naar voetnoot(4). Chez le premier atelier, la taille des personnages diminue souvent en sens inverse de leur importance. Parfois, il y a gradation: | |
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les personnages, placés sur une même ligne deviennent de plus en plus petitsGa naar voetnoot(1). S'ils sont en plans superposés, la taille croît en raison de leur éloignement. Le sens de la composition n'est pas très développé quoique dans les scènes d'action, les personnages soient à une échelle plus réduite. Deux types d'hommes sont courants: le type barbu, le plus fréquent, et l'imberbe. Le premier a une attitude noble. Le visage allongé, dont l'ossature est plus ou moins proéminente, est encadré de longs cheveux et d'une barbe, taillée ou non; la bouche assez petite, est charnue et boudeuse, le nez à l'arrête accentuée, les yeux sont en coin. Les jeunes gens et le menu peuple ont le visage glabre et rond; leurs cheveux sont courts, soit raides, soit finement bouclés. Le deuxième atelier présente les mêmes types, mais il se caractérise par une laideur accentuée. Les personnages sont plus lourds, leurs attitudes raidies. Le costume, chez les deux premiers ateliers, est surtout biblique, se composant d'une longue tunique recouverte d'un ample manteau. Les couleurs sont unies, mais les revers sont d'un ton opposé au vêtement. La tunique, à longues manches, est serrée à la tailleGa naar voetnoot(2), le manteau emboîte bien les hanchesGa naar voetnoot(3). Le drapé des courbes reste conventionnel; quelquefois les pans des vêtements balaient le sol. Lorsque la scène a pour but de montrer les Israélites au travail, ils sont vêtus du costume populaire du tempsGa naar voetnoot(4). Ils portent la cotte ou la souquenille à ceinture, sous lesquelles apparaissent la chemise et les braies. Les chausses sont larges et ne maintiennent pas la jambe serrée malgré le port de jarretelles. Le troisième atelier témoigne incontestablement d'une élégance plus raffinée. Ce maître peut, à juste titre, être considéré comme un des plus grands miniaturistes de l'époque de WenceslasGa naar voetnoot(5). | |
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Quoiqu'il ne se différencie pas essentiellement des autres artistes de la Bible, il les dépasse par sa virtuosité. Ses personnages aux corps souples et élégants sont proches de ceux des manuscrits français par leurs heureuses proportions et leur sveltesse. Les physionomies sont idéalisées; le dessin des têtes et des mains, aux contours légers, rappelle les meilleurs portraits du roi Wenceslas, qui demeura longtemps dans la miniature bohémienne le type de l'homme distinguéGa naar voetnoot(1). Alors que la barbe n'est plus portée en France, à la fin du xive siècleGa naar voetnoot(2), elle reste en honneur auprès de la dynastie des Luxembourgs; courte et taillée en pointe, elle est accompagnée de belles moustaches décrivant une courbe autour de la boucheGa naar voetnoot(3). Quant au quatrième atelier, dû au maître de la Bulle d'orGa naar voetnoot(4), il se caractérise par l'agitation frénétique qui semble habiter ses personnages. Les têtes volumineuses sont trop grandes pour les corps malingres. Dans les visages foncés, creusés de profondes rides, le nez busqué et proéminent occupe la plus grande surface. Les yeux sont globuleuxGa naar voetnoot(5); les cheveux sont longs ou massés en boucles abondantes sur la tête, dégageant bien la nuque, comme l'exigeait la mode. Alors que la conception biblique, un peu simpliste, du costume prédomine chez les deux premiers ateliers, un souci de réalisme plus prononcé se fait jour dans les miniatures des troisième et quatrième ateliers. | |
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Fol. 170 ro: Michiel sauve David des embûches de Saül. (3e atelier). Inachevé.
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Fol. 171 vo: Alliance entre Jonathan et David. (3e atelier). Inachevé.
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Fol. 209 vo: Le roi d'Egypte dérobe le trésor du temple. (4e atelier: maître de la Bulle d'Or).
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Fol. 210 ro: Siège de Thirsa. (4e atelier: maître de la Bulle d'Or).
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Les vêtements très étroits resserrent le corps dans un étau. Les chausses sont collantes, montant jusqu'au haut des cuissesGa naar voetnoot(1). Le pourpoint dessine une poitrine bombée. La cotardie, en riche brocart, possède des fentes latéralesGa naar voetnoot(2). Le port du jaque, s'arrêtant au-dessus du genou, est très fréquentGa naar voetnoot(3) mais la houppelande a moins de succès. Les encolures se boutonnent près du cou. Les manches sont ou très ajustées ou très amples, fendues et largement ouvertes (3e atelier). La large ceinture se porte bas sur les hanches; souvent une épée y est suspendue. Les poulaines sont atténuées. Pour les personnages importants, les manteaux, agraffés ou aboutonnés sur le côté droitGa naar voetnoot(4), sont en faveur, autant que le manteau royal à collet d'hermineGa naar voetnoot(5). La chape est maintenue par un fermail ou au moyen d'un colletGa naar voetnoot(6). La variété du couvre-chef est très grande chez tous les artistes de la Bible de Konrad de Vechta. A la fin du xive siècle, et au début du xve siècle, il était d'usage pour les Israélites de porter une marque distinctive qui les désignât aux yeux de leurs contemporains. Généralement ils portaient un chapeau spécial: sur le territoire de l'Empire, ce chapeau était rond, surmonté d'une petite boule, ou était remplacé par un bonnet pointu mou. Ces deux formes apparaissent fréquemment dans notre Bible: le bonnet porté par les Anciens et les Prophètes, le chapeau, par le peuple d'IsraëlGa naar voetnoot(7). La toque a les formes les plus diverses; elle est aplatieGa naar voetnoot(8), | |
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ou a les bords tailladésGa naar voetnoot(1), tantôt exécutée en tissu grossier, tantôt dans une fine étoffe, richement ornée de cabochonsGa naar voetnoot(2). Le bonnet, outre le bonnet typique pointu mou, peut revêtir la forme d'un cône, assez élevéGa naar voetnoot(3). Le chaperon, qu'on peut confondre avec le précédent, est maintenu à la chape ou au manteau, parfois attaché au collet. Les chapeaux, portés sur la chevelure, ont de larges bords rabattus, agrémentés d'un bouton et munis d'une cordelièreGa naar voetnoot(4). La coiffe est légèrement aplatie, parfois au contraire, surélevée. Les chapeaux peuvent s'orner de joyaux et de broderies, sans aucune exagération. Tous les artistes de la Bible de Konrad de Vechta traitent le personnage féminin avec une grâce impersonnelle. Les corps sont élancés, sans consistance réelle, et drapés dans d'amples manteaux ou moulés dans des robes collantes. Jamais les formes ne sont accentuées. Les têtes, toutes ovales, au petit menton pointu, au nez très court, sont typiques des manuscrits wenceslaciensGa naar voetnoot(5). La joliesse un peu mièvre de la femme est accentuée par le troisième atelierGa naar voetnoot(6); la douceur exquise de ces visages n'est pas sans évoquer l'école de Cologne. Le costume féminin n'a pas la même diversité que le costume masculin. Les robes moulent bien le corps dont elles font apparaître légèrement les rondeurs, car aussi bien qu'en France, la taille fine et les hanches larges sont de rigueur à cette époque. L'encolure | |
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est bien fermée; parfois l'on voit un petit décolleté arrondi, très timide et n'ayant rien de quoi choquer le monde religieuxGa naar voetnoot(1). Les manches très étroites, sont serrées au poignet, s'allongeant rarement jusqu'au sol (3e atelier); les coudières sont peu figurées. Bien plus que la robe, le manteau est le vêtement le plus usité pour les personnages féminins de notre Bible. C'est une chape sans manches, enveloppant tout le corps. Selon la qualité de l'artiste, les plis sont raides ou au contraire drapés avec élégance. Comme les manteaux des hommes, ils traînent sur le sol en pans gracieuxGa naar voetnoot(2). Le manteau à très larges manches, de mode à l'époque, est rareGa naar voetnoot(3). La coiffure féminine est sans atours. La jeune fille a le front ceint d'un diadème, maintenant ses longs cheveux blonds - car la mode les voulait ainsi - sur le dos. Parfois un voile blanc tombe en plis gracieux sur les épaules tout en laissant le visage et le cou dégagés. La femme porte un voile, attaché par des épingles, qui lui enveloppe tout le couGa naar voetnoot(4); les veuves ont un voile spécial, cachant le menton et montant au-dessus des oreilles. Les guerriers constituent un monde séparé. Leur armure est de la fin du xive siècle et se compose surtout de plates. Le jaque, qui recouvre des tissus de mailles, protège le torse et varie selon la qualité du guerrier: de très simple, il peut devenir une élégante cotte d'armes, telle que la porte Josué (3e atelier). La brigandine aussi est très fréquente. Un simple colletin de mailles, lacé au bacinet protège le cou. Bras et jambes sont enfermés dans des | |
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pièces rigides: garde-bras, brassards (avant-bras, coudières, arrière-bras) et gantelets pour les membres supérieurs; cuissots, ambières, genouillères et sollerets pour les membres inférieurs. Ces plates sont en bleu acier. Les gantelets sont munis d'un canon, des spallières posées sur les corselets protègent les épaules. L'armure de tête offre un grand assortiment de tout genre. Le heaume est parfois en ‘tête de crapaud’, le bacinet est fréquent, sa coiffe est généralement conique, sa visière, s'il en a une, mobile. Il arrive que le bacinet soit surmonté d'un cimier, - tête de coq ou tête d'oie -, sans jamais prendre une réelle importance. Les heaumes des personnages royaux sont couronnés; la salade et le chapeau de fer restent réservés aux personages secondaires. L'armement est constitué surtout par la lance et l'épée, qui est suspendue à la ceinture. Pour parer les coups, les guerriers tiennent des boucliersGa naar voetnoot(1). On peut conclure que dans l'ensemble les types des personnages et leur costume varient suivant les mains qui ont collaboré à l'exécution de la Bible. L'art du portrait n'y est pas encore développé malgré un certain souci de réalisme; il n'atteint jamais la véracité d'un John SiferwasGa naar voetnoot(2), ni la cruauté d'un maître BertramGa naar voetnoot(3), cependant il a quelque chose de commun avec un Broederlam ou avec les frères de Limbourg (personnages des prophètes). De même que chez Broederlam, ‘l'accent naturel éclate dans le détail, n'émane nullement dans l'ensemble’Ga naar voetnoot(4). En général, les visages, plus ronds que dans les manuscrits français, ont d'heureuses proportions de | |
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mesure malgré l'ignorance évidente de la connaissance des formesGa naar voetnoot(1).
Style. - Le style de la Bible de Konrad de Vechta est celui de l'art wenceslacien. Celui-ci aurait pris ‘naissance’ lors de la visite officielle que firent à Paris Charles IV et Wenceslas, en 1378Ga naar voetnoot(2); c'est alors que le jeune prince aurait eu l'occasion de contempler les beaux manuscrits de son parent, le duc de Berry. Il ne faut toutefois pas exagérer l'influence des maîtres du duc de Berry, comme l'ont fait certainsGa naar voetnoot(3). Cette comparaison vaut plus pour l'esprit dans lequel l'oeuvre a été exécutée que pour les caractères stylistiques. Ceux-ci, à notre avis, ne dépassent pas le courant international, qui était sous tutelle française. Les armoiries du duc de Berry, le cygne et l'ours, les initiales V E et la devise: ‘Le tems venra’ ont leur correspondant dans les manuscrits enluminés de Wenceslas: l'alcyon dans le ruban (in der Schleife), l'allégorie de la jeune fille au bain (das Bademagd), les initiales W E et la devise de la Bible de Vienne: ‘Toho nzde Toho’. Wenceslas, comme le duc de Berry, aime a se faire représenter dans ses oeuvres enluminées. A l'image de son illustre parent Wenceslas s'est montré grand seigneur et mécène prodigue dans son pays. Il s'est entouré d'artistes enlumineurs ‘nationaux’ qui lui ont permis de tenir le même rôle que les princes bibliophiles français. Leur oeuvre appartient au patrimoine national bohémien. Non seulement l'ornementation marginale est toute différente des manuscrits français, mais les miniatures n'ont aucune ressemblance directe avec eux, si ce n'est l'esprit aristocratique et la grâce mondaine, accentués chez certains artistes. | |
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Les miniatures de notre Bible reflètent également un art de cour. Dans certaines d'entre elles, dues au troisième atelier, la finesse de touche et l'élégance des personnages se rapprochent des manuscrits français. Cet esprit cependant ne va jamais jusqu'à conquérir complètement l'interprétation de la scène. Le coloris aussi demeurera différent. Souvent une veine plus réaliste, étrangère à l'esprit français, tentera de se faire jour dans les manuscrits wenceslaciens et dans le nôtre en particulier. En effet, à la date de l'achèvement de notre Bible (1402 v. st.), la cour même de Wenceslas n'est plus en rapports aussi étroits avec ses sources françaises qu'au temps de Charles IV. L'art populaire commence à entamer petit à petit cet art aristocratique. On ne peut nier qu'il ait dans notre Bible une certaine rudesse des physionomies, une connaissance plus limitée des formes, une certaine maladresse dans les mouvements, qui sont étrangers à l'enluminure française. Ces éléments sont dus au provincialisme et non uniquement à la prédominance allemandeGa naar voetnoot(1). Il y a dans notre Bible des sujets traités de façon identique à ceux des fresques murales de l'EmaüsklosterGa naar voetnoot(2) à Prague, qui prouvent indubitablement une influence nationale. En outre, notre manuscrit a révélé de nombreuses formules d'ateliers originaires d'Italie qui témoignent du rôle des Giottesques et des Siennois. Ces éléments italiens se retrouvent précisément aussi chez Broederlam et chez l'artiste du ms. 11060 du duc de Berry, c'est-à-dire qu'ils font partie du ‘bagage’ international de l'époque. La peinture ornementale du livre et la peinture murale sont | |
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presque des arts jumeaux au xive et même au début du xve siècle. Cette similitude entre quelques sujets de notre Bible et du cloître d'Emaüs en donne un nouvel exemple. La Bible de Konrad de Vechta est une oeuvre présentant des caractères de cour, mais s'écartant déjà de cet art par un souci de réalisme, dû à l'influence germanique et nationale. Par ses caractéristiques générales, elle s'intègre dans la production internationale; l'influence des formules italiennes y est prépondérante, tandis que l'influence française n'apparaît que sous quelques aspects. Elle a été un des modèles pour les bibles postérieures, hussites et autrichiennes, qui s'en sont inspirées. Dernier manuscrit daté de la production wenceslacienne, elle en révèle un de ses aspects tardifs; ses artistes ont des attaches avec l'ancienne génération (Bible de Vienne) aussi bien qu'avec la nouvelle (Bulle d'or). Dans l'ensemble, la Bible de Konrad de Vechta n'enrichit d'aucune innovation le patrimoine international de l'époque mais illustre à souhait certaines de ses caractéristiques, telles que la conception conventionelle du paysage et du fond architectural et un souci général d'élégance aristocratique (révélé par le troisième atelier). Elle forme un chaînon important dans l'immense production artistique qui précède immédiatement l'avènement des Van Eyck. |
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