De Gulden Passer. Jaargang 2
(1924)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Un ancêtre anversois des livres diplomatiques.Les gouvernements sont souvent amenés par les circonstances, à publier certains documents choisis parmi leur correspondance diplomatique. Les recueils ainsi mis au jour et que l'on a pris l'habitude d'appeler, d'après la couleur de leur couverture, ‘Livres jaunes’, ‘Livres bleus’, ‘Livres gris’, ‘Livres blancs’, etc., ont pour but de faire connaître le point de vue officiel sur une question, ou l'orientation donnée à des négociations importantes; ils doivent aussi servir à éclairer, dans des circonstances graves, l'opinion publique que des publications tendancieuses, ou de faux bruits, cherchent à égarer. On fait généralement remonter l'origine des publications de ce genre à la seconde moitié du siècle dernier: les premiers ‘Livres jaunes’ publés en France, par exemple, datent du second Empire. Nous voudrions montrer que les Livres diplomatiques peuvent revendiquer une origine beaucoup plus ancienne et que leur ancêtre vit le jour sur des presses anversoises, au commencement du 16e siècle, pendant la période la plus fiévreuse de la rivalité qui mit aux prises l'empereur Charles Quint et François Ier, roi de France. Après la Paix de Cambrai et quoiqu'il eût épousé Eléonore d'Autriche, soeur aînée de Charles Quint, François ne songe qu'à prendre sa revanche; dans ce but, il s'assure de puissantes alliances et intrigue auprès des princes protestants d'Allemagne. En 1536, un prétexte futile rallume la guerre, dont il essaie de rejeter les responsabilités sur l'empereur. Charles Quint, après sa visite dans ses royaumes de Sicile et de Naples, s'était rendu à RomeGa naar voetnoot1) pour solliciter la réunion d'un Concile général et se ménager l'appui du Pape Paul III. Sur le chemin du retour, il apprend que son fidèle conseiller et ambassadeur auprès de la Cour de France, Jean Hannaert, seigneur de Liedekerke, vicomte de Lombeek, vient d'être renvoyé par François Ier. L'empereur se décide alors à dévoiler l'attitude du roi de France et à révéler aussi bien ses intrigues que les fausses interprétations qu'il donne à sa visite à Paul III. | |||||||||||||||||||||||
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Pour ce faire, il aura recours à la presseGa naar voetnoot1); aussi donne-t-il à son trésorier, Pierre Damant, ‘expresse commission et ordonnance’ de publier les pièces d'archives diplomatiques destinées à éclairer l'opinion et à établir les responsabilités de la reprise des hostilités. Damant s'acquitte de sa tâche délicate avec une rapidité si remarquable que peu de jours après le renvoi de l'ambassadeur, les presses de la Veuve de Martin De Keysere, à Anvers, mettaient au jour l'ouvrage suivant:
Recueil daucunes lectres || r Escriptures, par lesquelles se comprend la veri || te des choses passees / Entre la Mageste de Lem = || pereur Charles / cinquiesme, Et Francois Roy de || France premier de ce nom. Et dont par icelles se peult tesmoigner Iustiffier r clerement cognoistre || que ledict Roy de Frāce est seul occasion de la guer || re presentement meue / au grand regret r desplaisir / de ladicte Mageste / nontant seullemēt pour le fait || particulier d'icelle, Mais encoires plus pour les || grans maulx r inconueniens apparans || a ceste cause / a la republicque || Chrestienne. Armoiries de Charles Quint avec la devise: Plus Ovltre, dans le haut. Avec grace r preuilege. || Au verso du titre: Imprime en la ville Dāvers le XXVIII || Iour de Juin. L'an M.D.CCCCC || XXXVI. Par la vefue de Martin Lem = || pereur / Imprimeur demourant en la || rue des Lombars pres lenseigne de S. Iheromme || Et ce par charge r ou nom de Pierre Damant. || Garde Ioyaulx de ladicte Imperialle M. com || me ayant quant ace expresse commission r ordonnā || ce... f 2 a, Prologue || Afin que la verite ne se puist desguiser / || de ce que Lempereur dit..... f 3 a, Sensuyvēt lesdictes lectres escriptes... f 72 a, l. 14,... Escript en la cité || de Aste le. XVIII de Juing Anno. XXXVI. || l. 19.... Le | |||||||||||||||||||||||
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Visconte de Lombeque. || Baron de Likerke. || Suivent 15 l. d'errata. f, 72 b. gr. s. bois: Armoiries de Charles Quint, avec la devise: Plvs Ovltre, sous l'écusson, dans un philactère dont les extrémités s'enroulent autour des colonnes placées à droite et à gauche des armoiries.
Pet, in-4o de 72 ffnc. Sign. A-I, k, L-S (4). Car. gothiques; 31 lignes; réclames; initiales ornées gr. s. bois. (Voir; Nijhoff, L'Art typographique dans les Pays-Bas, Ve. pl. consacrée à Martin De Keysere, fac-simile 19, une reproduction d'une partie (26 lignes, avec en-tête et initiale P) du f, 9 de cet ouvrage. Brunet, Manuel, IV, 1142-1143: Nijhoff, Nederlandsche Bibliographie van 1500 tot 1540, No 1781: Bibliotheca Belgica, R8; Knuttel, Catalogus van de Pamfletten-Verzameling..., No 71.
L'empressement que, probablement sur l'ordre de l'empereur, l'on avait mis à composer le Recueil et à en faire le tirage, n'avait pas permis de corriger comme il convenait, les feuillets au fur et à mesure de leur composition; aussi inséra-t-on, au f. 72a, 15 lignes d'errata. Mais, après un certain tirage, moins harcelée, sans doute, par l'impatience de Damant, la Veuve de Martin De KeysereGa naar voetnoot1) fit apporter dans le texte les corrections relevées dans la liste des errata. Il existe, en effet, des exemplaires correspondant exactement à la description ci-dessus, sauf que les corrections sont portées dans le texte, la liste des errata est supprimée et la dernière ligne du f. 72a est modifiée comme suit: ron de Likerke. || Les exemplaires de ce tirage, comme ceux du premier, portent la date du 28 Juin 1536. (Voir: Nijhoff, Nederlandsche Bibliographie van 1500 tot 1540, No 1782).
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Deux mois après la publication du Recueil, les mêmes presses anversoises mettaient au jour une édition flamande dont voici la description: ☙ Recueil oft verhael || van sommige brieuen en̄ geschriften by de welc = || ke wort beuondē en̄ verstaē de waerheyt / van || den sakē gebuert en̄ geschiet tusschē de Keyser = || like Maiesteyt Karolo de vijfste / en̄ Frāchois || de eerste van diē name / Coninc vā Vrancrijck. || En̄ bi de welcke men mach bethoonē, iustifice || ren / en̄ claerlijc wetē / dat die voersʒ Coninc vā || Vrancrijck is alleen oorsake vander oorloghe nv tegenwaer || delick opghestaen / ter grooter onghenuechten en̄ mishaghē der / seluer Keyserlijcke Maiesteyt / niet alleenlick om de particulie || re sake van sijnd' Maiesteyt. Maer daer en bouen vele meer || om tgroot quaet en̄ inconuenientē die geschapen sijn te || comene ter causen vanden voersʒ oerloghen / alle en̄ || der geheelder kerstenheyt. || Armoiries de Charles Quint, avec, au dessus, la devise: Plvs Ovltre, comme dans l'édition francaise; Met Preuilegie || f. 1 b. GHeprent inder stadt van Antwerpen / || den. XXVij. dach van Augusto. Int iaer || M.CCCCC. ende XXXVi. bij de Weduwe van || Merten de Keysere printere woonende opte || Lombaerde veste by teeken van sinte Ierony- || mus / en̄ dat wt laste en̄ inden name van Pee- || ter Damant bewaerdere vanden iuweelen der || Keyserlijcker Maiesteyt / als des expresse cō- || missie en̄ ordinancie hebbende... f 2 a, Prologhe. || TEn eynde dat... f 3 b, ⁌ Hier na volghen die voergenoemde brieuē || bi de voersʒ... f 100 a, dern. l. Lombeke || Baron vā Liekercke || f 100 b. gr. s. bois, Armoiries de Charles Quint, comme dans l'édition française).
Pet. in-4o de 100 fnc. Sign. A-Z, a-b (4). Caractères gothiques; 30 lignes; réclames; initales ornées gr. s. bois (Voir dans: Nijhoff, L'Art typographique dans les Pays Bas (1500-1540), IXe pl. consacrée à Martin de Keysere, Fac simile 47, la reproduction de 13 lignes, avec initiale A, de cet ouvrage. Bibliotheca Belgica. R 9; Knuttel, Catalogus van de Pamfletten-Verzameling... no 72. Nijhoff, Nederlandsche Bibliographie van 1500 tot 1540, no 1783.
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Les deux recueils reproduisent dix lettres, dont voici la nomenclature, d'après l'édition française: | |||||||||||||||||||||||
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Les descriptions qui précèdent nous paraissent ne devoir laisser subsister aucun doute sur la similitude parfaite qui existe entre cet ‘ancêtre’ et ses lointains descendants. Mais, ce n'est pas tout. De nos jours, la publication d'un Livre diplomatique amène souvent un gouvernement dont le point de vue diffère, à publier à son tour un exposé de sa manière de voir. Il en fut déjà ainsi au 16e siècle: en effet, au mois de septembre 1537, le roi de France riposta par la publication d'une série de documents, réunis en un volume dont voici la description:
Exemplaria || literarum quibus & || christianissimus gallia- || rum Rex Frāciscus, ab aduersariorum male- || dictis defenditur: & controuersiarū causae, ex || quibus bella hodie inter ipsum & Carolum || quintū Imperatorem emerserunt, explicātur: || vnde ab vtro potius stet ius aequúmque, le- || ctor prudens perfacilè deprehendet. Quarum || catalogum, sequens pagella indicabit. || Marque typogr. de Robert Estienne (Silvestre, no 318). Parisiis. || ex officina Rob. Stephani. || M.D.XXXVII. || Cū priuilegio Regis. || Au verso du titre, table des lettres contenues dans le recueil. A la fin, p. 215, l. 4: Excvdebat Rob. Stephanvs || Parisiis, Ann. M.D.XXXVII. || Postridie Non. Avgvst. || Suivent les errata en 30 l.; P. 216, blanche. Vient ensuite, sur feuillet triple dépliant, un tableau généalogique intitulé: Ex hac tabula Lector diligēs iudicare potest, ad quos Burgūdiae, & Me- || diolani dvcatvs, et Amédei Sabavdiae dvcis haereditas pertineat. || A la fin: Siquid Rex Christianissimus aduersus Carolum auunculum suum ex haereditate Amedei Ducis proaui sui cepit, quod ad | |||||||||||||||||||||||
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Ludouicam matrem eius ex iure non pertineat, non || grauabitur restituere, modò quae iure tam haereditario quàm aliis nominibus ad se pertinent, vicissim à Carolo recipiat. ||
In-4o de 216 p. et 1 tableau sur triple feuillet dépliant. Sign, a-z; A-D (4). Caractères romains, sans réclames. Grandes initiales ornées sur fond criblé. Brunet, II, 1133.
Cette édition publiée Postridie Nonas Augusti, fut bientôt suivie d'une seconde qui sortit des mêmes presses, avec la date Calendas septembris de la même année 1537.
Ce recueil contient douze lettres, dont voici la nomenclature:
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Le tableau sur triple feuillet déplant contient la suite des héritiers des duchés de Bourgogne, de Milan et de Savoie.
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Des descriptions qui précèdent se dégagent quelques remarques intéressantes. C'est d'abord la rapidité vraiment extraordinaire avec laquelle se transmettaient, au début du 16e siècle, les courriers diplomatiques. En effet, si la date de la lettre écrite d'Asti, ou celle de publication du Recueil n'ont pas été altérées, on ne peut que s'émerveiller de voir qu'il fallut tout au plus dix jours pour que la copie de la lettre du 18 Juin parvînt à Anvers, séparé d'Asti par six degrés de latitude, et y fût composée et imprimée. Le fait n'est d'ailleurs pas isolé: par les pièces (4) et (5) du Recueil nous voyons encore qu'une lettre écrite au Pape par le roi de France, le 11 mai 1536, fut si rapidement connue de Charles Quint que celui-ci lui donnait déjà réplique huit jours après.
On ne manquera pas de remarquer aussi que, tandis que le roi de France emploie le latin comme langue diplomatique, l'empereur se sert de la langue française et fait donner à ses sujets des Pays-Bas une édition en leur langue.
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La Bibliothèque de l'Université de Louvain, incendiée par les Allemands en août 1914, possédait un exemplaire de la 2e édition (sans errata) du Recueil, ainsi que de sa traduction flamande. J'ai eu la bonne fortune de pouvoir placer dans les collections de la Bibliothèque restaurée, un superbe exemplaire de la 1re édition (avec errata). En examinant ce beau volume, l'analogie de son contenu avec celui des Livres diplomatiques modernes a retenu mon attention et mes investigations ultérieures m'ont fait apercevoir qu'il pouvait prétendre au titre d'‘ancêtre anversois des Livres diplomatiques’.
LOUIS STAINIER. | |||||||||||||||||||||||
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