De Gulden Passer. Jaargang 1
(1923)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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[Nummer 3]Thierry Coornhert et Christophe Plantin.Ga naar voetnoot(*)On sait que Plantin a été en relation avec un très grand nombre de littérateurs et de savants des plus illustres de son temps. Il est donc permis de se demander s'il y a eu des rapports entre le célèbre imprimeur anversois et Thierry Coornhert, ‘l'un des esprits les plus clairvoyants de son époque’Ga naar voetnoot1), ‘l'un des hommes les plus remarquables qui aient jamais vu le jour dans les Pays-Bas’Ga naar voetnoot2). | |
I.Les écrits de M. RoosesGa naar voetnoot3) et la Correspondance de PlantinGa naar voetnoot4) nous fournissent peu de renseignements sur la question qui nous intéresse; à en juger d'après les index alphabétiques, Coornhert n'y est mentionné que deux fois. Nous y apprenons seulement que Coornhert, ‘le grand censeur’ de la langue néerlandaise, a approuvé la traduction de De Constantia libri duo de Juste Lipse, faite en 1584 par le gendre de Plantin Jean MoretusGa naar voetnoot5), et que l'architypographe publia en 1585 la traduction par Coornhert du livre de Furmerus De rerum usu et abusuGa naar voetnoot6). Si nous consultons encore les Annales Plantiniennes, nous verrons que la même année Plantin imprima à Leyde la version néerlandaise de Boetius: De consolatione philosophiae, faite par Coornhert, et que l'année précédente | |
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il avait publié l'ouvrage de Coornhert et Spieghel: Tweespraeck vande nederduitsche letterkunstGa naar voetnoot1). Dans la littérature consacrée à Plantin et Coornhert nous n'avons pu trouver d'autres renseignements sur les rapports entre ces deux hommes. Cependant les éditeurs de la Bibliotheca Belgica avaient déjà signalé il y a 40 ans que la lettre N 76 du Brievenboeck de Coornhert est adressée à PlantinGa naar voetnoot2). J'ai eu la bonne fortune de découvrir dans les Archives de l'État à la Haye une lettre de Coornhert à Plantin, écrite de Haarlem le 26 février 1584Ga naar voetnoot3); je pus constater qu'elle a été écrite après ta lettre N 76 du Brievenboeck; en même temps j'acquis la certitude que la lettre N 77 était aussi adressée à Plantin. Enfin, je crois pouvoir identifier avec l'imprimeur le destinataire de la lettre N 78; à juger d'après sa teneur, c'est la première lettre que le notaire de Haarlem ait écrite à Plantin. Elle n'est pas datée; mais d'après les conjectures que j'exposerai plus loin, elle a été écrite pendant les mois d'été de 1579. Cette lettre nous prouve que jusqu'à cette date Coornhert n'avait encore jamais rencontré Plantin; il va sans dire que depuis longtemps il connaissait le nom et les éditions du célèbre imprimeur anversois. Mais ne pouvons-nous pas admettre qu'à Plantin aussi le nom de l'ancien secrétaire des États de Hollande était familier depuis longtemps? On peut alléguer en faveur de cette hypothèse bien des circonstances. Tout d'abord, Coornhert a été imprimeur pendant quelques années. En 1561 il fonda à Haarlem avec Jan van Zuren et d'autres compagnons un atelier typographique qui a existé au moins pendant deux ans et est bien connu de tous ceux qui se sont occupés de l'histoire des origines de l'imprimerie. Le premier livre qui sortit des presses de cette officine fut la traduction néerlandaise de De Officiis de Cicéron. C'est dans la célèbre dédicace de cette version au magistrat haarlemois que Coornhert déclare que l'art de l'imprimerie a été inventé à Haarlem et non pas à MayenceGa naar voetnoot4). Il est à supposer que Plantin qui comprenait si bien l'importance de l'imprimerieGa naar voetnoot5), | |
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a eu connaissance de cette dédicace. Quelques années plus tard nous rencontrons le nom de Coornhert dans une lettre qu'Adrien Junius écrivit à Plantin en 1565. Ayant l'intention de faire traduire en néerlandais ses Emblemata, l'illustre philologue et historien veut en parler à ‘Theodorico Volcardo’Ga naar voetnoot1). C'est évidemment notre Coornhert des capacités duquel Junius avait une très haute opinion: dans sa Batavia il dit que c'est un homme ‘divino ingenio’Ga naar voetnoot2). Quant à la traduction des Emblèmes publiée en 1575, elle a été faite par Marcus Antonius Gillis; la préface est datée du 1 septembre 1567. L'éditeur de la Correspondance de Plantin suppose que le traducteur proposé par Junius ne fut pas agréé par PlantinGa naar voetnoot3). Mais peut-être sera-t-on plus près de la vérité en admettant que Coornhert n'ait pas eu le temps de s'occuper de cette traduction: c'est précisément pendant les années 1565 à 1567 qu'il dut s'intéresser beaucoup à la politique et y jouer un rôle assez importantGa naar voetnoot4). Il fut emprisonné le 14 septembre 1567. Dans le même passage de la Batavia que nous venons de citer, Adrien Junius nous raconte que le graveur Philippe Galle a été le disciple de CoornhertGa naar voetnoot5) qui lui-même a manié le burin pendant les 15 premières années de son séjour à Haarlem et encore plus tard durant son exil à Xanten et Cléve. On sait que Philippe Galle qui depuis 1564 vivait à AnversGa naar voetnoot6), a travaillé pour Plantin et faisait partie du cercle d'amis de l'imprimeurGa naar voetnoot7); il est très probable qu'il lui ait parlé de son maître. Notons ici que L. Guicciardini a fait mention de Coornhert et Galle dans sa Descrittione di tutti i Paesi Bassi, dont la première édition parut chez Guillaume Silvius à | |
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Anvers en 1567, la seconde chez Plantin en 1581Ga naar voetnoot1). Un autre disciple de Coornhert, Henri Goltzius, fut aussi un des graveurs les plus illustres de son siècleGa naar voetnoot2); mais ses relations avec l'architypographe ne commencèrent problablement que pendant le séjour de Plantin à Leyde, lorsque Coornhert était déjà un ami de la maison de l'imprimeurGa naar voetnoot3). On sait que Plantin a été lié d'amitié avec Abraham Ortelius. En 1578 le célèbre géographe fit cadeau à Coornhert d'une gravure de Galle. Coornhert le remercia par une lettre rimée d'après laquelle on peut juger des relations amicales qui existaient entre euxGa naar voetnoot4). On peut tirer la même conclusion du résumé d'un entretien entre les deux amis qui eut lieu après l'édition du Theatrum Orbis Terrarum et qui est imprimé dans les oeuvres de CoornhertGa naar voetnoot5). Il y développe les mêmes idées que nous rencontrerons dans une de ses lettres à PlantinGa naar voetnoot6). Un des ‘meilleurs et familiers amis’, ‘l'ego alter’ de l'imprimeur, a été Juste Lipse, professeur à Leyde depuis 1578Ga naar voetnoot7). Dans la biographie de Coornhert, Lipse est surtout connu comme l'auteur de Politicorum libri VI. C'est dans le 4me livre de cet ouvrage qu'il donne au prince le conseil de ne tolérer qu'une religion dans le pays et de punir les hérétiques. On sait que Coornhert l'a attaqué violemment dans son Proces van 't Ketterdooden et que cette attaque a été une des causes du départ de Lipse de LeydeGa naar voetnoot8). Mais n'oublions pas que de 1578 jusqu'à 1589 Coornhert a été en relations amicales | |
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avec le professeur de LeydeGa naar voetnoot1). Mentionnons encore que le secrétaire de Leyde, le poète Jean van Hout, ami intime de Juste LipseGa naar voetnoot2), était en même temps l'ami de Coornhert et de Plantin; nous parlerons de lui encore plus loin. Nous notons enfin en passant que Thierry Kemp, qui était correcteur chez Plantin pendant l'impression de la Bible PolyglotteGa naar voetnoot3) est le même que le Dirck Adriaensen Kemp qui a traduit avec Coornhert les Dialogues de Sébastien CastellionGa naar voetnoot4). C'est ainsi que par différentes voies Plantin a pu entendre parler de Coornhert imprimeur, traducteur, graveur, humaniste. Mais il est aussi possible que les chefs des sectes auxquelles Plantin s'était affilié lui aient parlé du libre croyant haarlemois. On sait que Plantin a été un adepte de la ‘Famille de la Charité’ de Henri NiclaesGa naar voetnoot5); on sait aussi que Coornhert s'est opposé aux prétentions de Niclaes d'avoir une mission divineGa naar voetnoot6). Mais ce n'est ni la secte ni la critique de Coornhert qui nous intéressent ici; il s'agit d'élucider un peu les relations qui ont existé entre Coornhert et le hérésiarque. Dans la préface de son Petit Miroir qu'il écrivit en 1579, Coornhert raconte qu'il y a longtemps qu'il a fait la connaissance de Niclaes, que celui-ci s'arrêtait chez lui à Haarlem chaque fois que ses affaires l'obligeaient à se rendre en Hollande ou dans le Brabant, et qu'il essayait alors d' ‘imposer à Coornhert son joug’. Il lui donnait à lire les manuscrits de ses écrits, entre | |
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autres celui du Spegel der gerechticheit. Coornhert les lut, consulta la Bible et trouva que ‘dans quelques points’Ga naar voetnoot1), les idées de Niclaes ne s'accordaient pas avec l'Ecriture Sainte. Ils se séparèrent après des relations qui avaient duré à peu près 8 ans; plus tard ils se revirent encore une fois à AnversGa naar voetnoot2). Je crois que le nom de Coornhert a bien pu être mentionné pendant les entrevues de Niclaes avec Plantin qui, comme on le sait, a imprimé le Spegel der gerechticheit et autres écrits de Niclaes. Dans le Spieghelken il y a un passage qui nous prouve que Coornhert a connu personnellement aussi Henri Jansen Barrefelt, le fondateur de la secte de l'Identification avec Dieu, dont Plantin fut un partisan convaincu durant les 13 dernières années de sa vieGa naar voetnoot3). L'auteur y déclare: ‘J'ai entendu de la bouche de H. Jansz. de Naerden lui-même, que c'est à cause de la religion qu'il s'est séparé de Henri Niclaes; c'était en 1573, si je ne me trompe pas’Ga naar voetnoot4). Coornhert a lu les oeuvres de Barrefelt; il en parle dans ses lettres à Plantin en reconnaissant que ‘les écrits de H.J. témoignent pas peu de sa clairvoyance et de son savoir essentiel’Ga naar voetnoot5). Nous croyons avoir démontré suffisamment que la personne de Coornhert ne pouvait pas être tout à fait inconnue à Plantin, lorsqu'ils se rencontrèrent pour la première fois. Examinons maintenant quand et dans quelles circonstances a eu lieu cette rencontre. | |
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II.Si notre conjecture concernant la lettre No 78 du Brievenboeck est exacte, Plantin a du faire la connaissance de Coornhert en 1579. Avant tout il faut constater un détail de sa biographie qui n'a pas été remarqué jusqu'à présent: l'architypographe a été en Hollande, voire à Leyde et à Haarlem pendant l'été de l'année 1579. Dans la Correspondance il y a une lacune du 25 juin jusqu'au 22 août de cette année. Que Plantin ait été pendant ce temps en Hollande, nous le savons par l'inscription qu'il a faite dans l'Album amicorum de Jan van Hout le 27 juillet 1579. Labore et Constantia. Dix jours avant lui Coornhert avait inscrit dans le même album un sonnet, suivi de quelques lignes traitant de la vraie amitié basée sur la vertuGa naar voetnoot2). C'est justement pendant ces mois que les relations entre Coornhert et van Hout devaient être très suivies et intimes: le secrétaire de Leyde lui fournissait les matériaux pour la ‘Justification du magistrat de Leyde’Ga naar voetnoot3). Je suppose donc que van Hout parla à Plantin de son ami et l'engagea à lui écrire quelques mots. L'imprimeur profita de l'occasion de faire la connaissance de Coornhert et lui envoya une lettre | |
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par l'intermédiaire de van Hout. La réponse qu'il reçut quelque temps après, est identique avec la lettre No. 78 du Brievenboeck de CoornhertGa naar voetnoot1). Les initiales J.V.H. que nous y rencontrons, signifieraient alors Jan van Hout. Plantin s'était adressé à Coornhert avec la question: ‘hoe 't hem gaat in den Heere?’ Celui-ci lui répondit en développant sa théorie favorite qu'il n'a pas encore atteint tout le bien qu'il cherche, mais qu'il est sûr de savoir ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas. Dans les écrits de Coornhert on retrouve souvent le même raisonnement. En 1590 - c'est l'année de sa mort - il déclare que celui qui est en état de faire cette distinction, possède la ‘suprême sagesse humaine’Ga naar voetnoot2). Il faut avouer que cette lettre est d'une importance secondaire pour la biographie de Plantin ainsi que pour celle de Coornhert; presque toutes les lettres du Brievenboeck traitent de sujets de morale, de théologie ou de polémique, et c'est bien rare que nous y trouvions quelques renseignements biographiques sur l'auteur ou son correspondant. On aura remarqué que nous avons dit plus haut que Plantin a été non seulement à Leyde, mais aussi à Haarlem. Cette assertion se base sur quelques mots de la lettre No 834 de la Correspondance de PlantinGa naar voetnoot3). Nous y lisons: ‘Je vous prie aussi me recommander au Sigr Stuivers et autres amis’. M.J. Denucé, l'éditeur de ce tome de la Correspondance, ne nous a rien communiqué sur ce Sigr Stuivers. Je ne doute pas qu'il s'agit de Gerrit Hendriksz. Stuver ou Stuiver, bourgmestre de Haarlem en 1572, le vaillant défenseur de la liberté religieuseGa naar voetnoot4). La lettre en question est sans nom de destinataire. M. Denucé incline à identifier celui-ci avec Henri Barrefelt. Mais déjà le fait qu'elle est écrite en français n'est pas favorable à cette supposition. Nous savons que Barrefelt ne connaissait que la langue néerlandaiseGa naar voetnoot5), et toute la correspondance entre lui, Plantin et Moretus, autant qu'elle nous est parvenue, est écrite en cette langue. Qu'il nous soit donc permis de douter de la justesse de cette conjecture, qu'il nous soit permis d'identifier le | |
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destinataire de cette lettre avec... Thierry Coornhert. Nous verrons que sa teneur s'accorde facilement avec cette supposition. Commençons par Stuver. C'était un des meilleurs amis de Coornhert. Il a été un des témoins du colloque sur le péché originel, tenu à Haarlem le 6 février 1579 entre Coornhert et deux pasteurs réformés; c'est l'ancien bourgmestre que Coornhert chargea de démontrer dans le second dialogue de Opperste goets nasporinghe que le repos, l'ataraxie n'est pas le bien suprême; c'est à lui qu'il a dédié cet ouvrage; enfin il est le destinataire des lettres Nos. 11 et 25 du Brievenboeck de CoornhertGa naar voetnoot1). Examinons maintenant le contenu de la lettre. Au commencement Plantin remercie son correspondant des soins dont il a été entouré pendant son séjour à Haarlem; il a été très content du logis qu'on lui a procuré. Coornhert qui habitait à Haarlem depuis 1541 et qui ayant été secrétaire de la ville pendant cinq ans avait des relations avec tout le monde, aussi avec les aubergistesGa naar voetnoot2), était bien en état de trouver pour l'imprimeur un bon logis. Plantin continue: ‘Je loue aussi Dieu grandement des grâces et bonne volonté qui'il luy a pieu vous donner a l'advancement de sa repub. Chrestienne et empeschement des entreprinses de ceux qui s'estiment estre les principaux voire seuls combien qu'ils ne scachent encores ou au moins n'ayent pas practicqué les loix ni fondements d'icelle’. Dans ces mots de Plantin nous voyons une allusion à la campagne vigoureuse que Coornhert mena contre les dogmes calvinistes. Nous pensons à la ‘dispute’ retentissante qu'il soutint à Leyde contre deux ministres réformés en avril 1578; au colloque sur le péché originel à Haarlem; à la discussion sut la même question avec les pasteurs de Delft qui commença au mois d'août 1579; enfin à la | |
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‘Justification du magistrat de Leyde’ dans laquelle Coornhert s'opposa énergiquement aux prétentions des ministres calvinistes d'étendre les droits des ecclésiastiques au détriment du pouvoir civilGa naar voetnoot1). ‘Ceux qui s'estiment estre les principaux’ dans la république chrétienne sont les pasteurs réformés ou les réformateurs eux-mêmes: si Plantin déclare qu'ils ne savent encore ou ne pratiquent pas les lois fondamentales de cette république, il fait probablement allusion à leur doctrine du péché originel et de l'impossibilité d'observer les commandements de Dieu. La critique de cette doctrine est la base de la polémique de Coornhert - ce n'est pas en vain que ses antagonistes lui donnaient le surnom de ‘perfectionnaire’ ou ‘perfectiste’Ga naar voetnoot2): sous ce rapport il y a à constater une concordance complète des idées religieuses de Plantin avec celles de l'infatigable adversaire du catéchisme néerlandais. Dans la lettre de Plantin il s'agit enfin de l'impression d'un livre que Coornhert avait oublié de remettre à l'architypographe à Haarlem et qu'il lui envoya à Anvers. Plantin refuse d'imprimer ce livre ‘suivant la regle politicque a laquelle j'ay proposé me tenir aussi long temps que je ne verray chose absolutement milleure et entierement necessaire pour la tranquillité temporelle et eternelleGa naar voetnoot3) et ne me veux aussi entremectre de le recommander a autres’. M. Denucé a supposé qu'il était question ici des livres de Barrefelt: Het Boeck der Ghetuygenissen vanden verborghen Ackerschat et les Sendt-brieven. Mais la Correspondance nous apprend que Barrefelt parla pour la première fois de l'impression de | |
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ces livres le 27 novembre 1580Ga naar voetnoot1); que Plantin publia Het Boek der Ghetuygenissen vers la fin de 1581 et qu'il attendait de cette publication le plus grand bien pour le salut des hommesGa naar voetnoot2). Ce n'était pas le cas avec le livre que lui avait envoyé Coornhert. Plantin ‘ne trouve pas que telle impression abaissast tant les cornes des obstinés ne qu'elle advanceast tant la paix, tranquilité et union des hommes’, comme le pense Coornhert. Des mots de Plantin que ‘la superbe obstination s'augmente tousjours par estre contrariee des hommes’ et que ‘la paix et tranquillité Chrestienne ne provient de disputes ou contradictions’ on peut conclure qu'il s'agissait d'un livre de polémique ou critique. L'imprimeur ‘trouve la doctrine y comprinse exceder grandement toutes celes que j'aye veues estre publiees soubs le nom d'aucun peculier personnage d'estude’. Il serait bien intéressant de savoir quel livre mérita une si haute appréciation de la part de Plantin. On pourrait tout d'abord supposer que Coornhert l'ait prié d'imprimer un de ses livres; mais il ressort d'un examen attentif des oeuvres de Coornhert, publiées ou écrites vers ce temps, qu'il n'y en a aucune par la publication de laquelle l'auteur ait espéré persuader ses adversaires et faire avancer la paix et tranquillité dans le monde chrétien. Aussi faut-il remarquer que Coornhert avait prié Plantin de recommander l'impression à un autre imprimeur au cas où il ne l'entreprendrait lui-même; on ne saurait expliquer aisément pourquoi Coornhert n'aurait pu laisser imprimer un livre écrit par lui-même dans une typographie haarlemoise, comme il avait l'habitude de le faire pendant ces années. Enfin, n'oublions pas que Plantin parle de l'auteur comme d'un ‘personnage d'estude’. Une pareille qualification ne pouvait pas se rapporter au ‘savant philosophe’Ga naar voetnoot3) de Haarlem qui, quoique excellemment versé dans les questions théologiques, n'était qu'un autodidacte. J'ose émettre une hypothèse: le personnage d'étude, l'auteur d'une doctrine de beaucoup supérieure à toutes celles de ses doctes contemporains était probablement Sébastien Castellion, le célèbre professeur de Bâle, l'adversaire de Calvin, le défenseur convaincu de la liberté de conscience. Nous avons déjà mentionné plus haut | |
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que Coornhert et Thierry Kemp avaient traduit les Dialogues de Castellion; ceux-ci furent imprimés en 1581Ga naar voetnoot1). La préface de Coornhert pourrait faire croire que le traducteur venait de découvrir ces Dialogues et se hâtait de ‘partager sa fortune imprévue avec ses compatriotes’Ga naar voetnoot2). Mais d'une lettre imprimée à la fin du premier tome de ses OEuvres nous savons que quelques écrits de Castellion étaient déjà en 1578 en sa possession. Le 22 septembre de cette année il écrit à un de ses amis: ‘Ick heb al een stuck van Castulons (sic) Boecxkens vertaelt, denck dat te doen drucken ende d'ander oock door anderen (wilde ghy oock wat doen) besorgen overgeset te worden. Ick heb uwer al bedocht ende een voor u tot Franckfort doen koopen (ick meyn het Lateynsche) dat wil ick u senden als ick's hebben sal’Ga naar voetnoot3). Je ne ferai pas de conjectures à propos du livre de Castellion qui a pu être offert par Coornhert à Plantin; je me bornerai à remarquer que la première traduction néerlandaise d'un des traités théologiques de Castellion fut, en effet, imprimée non pas à Haarlem, mais hors des Pays Bas. Een nuttelycke... uitlegghinghe vande Predestinatie sortit des presses de Thierry Wylicks van Zanten à Rees vers 1580Ga naar voetnoot4). Quant à la doctrine de Castellion je renvoie le lecteur à la magistrale étude de Ferdinand Buisson et au beau livre d'Etienne GiranGa naar voetnoot5). En tous cas il n'y aurait rien d'étonnant que Plantin appréciât les oeuvres de CastellionGa naar voetnoot6). Entre les idées mystiques et spiritualistes d'un Jean Denck, Seb. Franck, Castellion, Coornhert et les écrits de David Joris, Henri Niclaes, Henri Jansen il y a une affinité beaucoup plus grande qu'on ne l'a fait ressortir jusqu'à présent. D'un certain point de vue Marnix de St-Aldegonde avait raisonGa naar voetnoot7). Nous avons cru devoir analyser cette lettre de Plantin si minutieu- | |
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sement, vu que c'est l'unique lettre de l'imprimeur à Coornhert. Abordons maintenant les trois lettres de Coornhert à l'imprimeur. | |
III.Plantin s'établit à Leyde vers la fin d'avril de l'année 1583Ga naar voetnoot1); depuis le premier mai il remplit la charge d'imprimeur ordinaire de l'UniversitéGa naar voetnoot2). Coornhert était encore toujours notaire à Haarlem. Les quatre dernières années une polémique acharnée avait eu lieu entre lui et les ministres réformés; nous mentionnons seulement la discussion sur le péché originel avec les pasteurs de Delft, la polémique avec L. Daneau, professeur à Leyde, et l'attaque du catéchisme néerlandais. Le 11 février 1583, les Etats de Hollande avaient chargé deux professeurs de théologie et le pasteur Reynier Donteclock d'examiner l'ouvrage de Coornhert Proeve vande Nederlandtsche cathechismusGa naar voetnoot3); le 16 septembre il fut adverti que le 22 septembre aurait lieu à la Haye un colloque officiel entre lui et le professeur Saravia; on y discuterait deux articles du catéchisme, à savoir qu'il est impossible d'observer parfaitement le commandement de l'amour de Dieu et du prochain et que de nature nous sommes enclins à haïr Dieu et notre prochainGa naar voetnoot4). Nous avons une lettreGa naar voetnoot5) de Coornhert écrite dans l'attente du colloque; à la fin de cette lettre il prie de transmettre ses salutations à Plantin et à sa femmeGa naar voetnoot6). Nous pouvons donc conclure que les relations entre les deux hommes se renouvelèrent immédiatement après l'arrivée de Plantin à Leyde et que Coornhert a fréquenté la maison de l'imprimeur dans la Breestraat. | |
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La même lettre nous apprend qu'il y avait à Leyde des amis de Coornhert qui n'approuvaient pas sa conduite estimant que les colloques religieux étaient inutiles. Coornhert réfute leur opinion; il nomme ces gens ‘stillezitters, hen self levers’ et les prie de l'apostropher amicalement et de l'instruire, afin que la conscience nette envers Dieu, sa patrie et son prochain, il puisse alors garder le silence et ne plus se préoccuper des grandes erreurs qu'il voit dans les différentes églises et sectes. Il deviendrait alors muet comme un poisson et leur donnerait en cadeau cent couronnes. ‘Dites-le à ces amis; ils n'ont pas le droit de me refuser ma prière, s'ils sont sûrs du bien-fondé de leur opinion’. Il n'y a pas de doute que Plantin ne fût du nombre de ces ‘stillezitters’ et ‘hen self levers’; sa lettre à Coornhert qu'il écrivit quelques mois plus tard en est la preuve.Ga naar voetnoot1). C'est probablement au commencement de l'année 1584 que Plantin a été à HaarlemGa naar voetnoot2). Il y eut une entrevue avec Coornhert. peutêtre alla-t-il le voir dans sa maison de la Sint-JansstraatGa naar voetnoot3), il lui parla du colloque de la Haye qui avait été interrompu le 1 décembre de l'année précédente et, revenu à Leyde il écrivit à Coornhert une lettre à propos du même colloque. La lettre No 76 du Brievenboeck est la réponse à cette lettre de PlantinGa naar voetnoot4). Celui-ci avait prétendu que personne n'a le droit d'admonester, d'enseigner un autre, si lui-même n'a pas encore le savoir parfait. Coornhert est du même avis, mais avec cette restriction importante que chacun qui a un savoir sûr et expérimenté de quelque chose le peut communiquer aux autres. Il doit même le faire, quoiqu'il ne sache beaucoup d'autres choses. Du reste Coornhert déclare au commencement de sa lettre qu'il n'a jamais prétendu être un maître, il n'est qu'un témoin de la vérité divineGa naar voetnoot5). Comme il avait traité amplement des | |
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maîtres, de leur mission divine et de leurs fonctions dans son Toetzsteen der ware leerarenGa naar voetnoot1), il l'envoya à Plantin avec sa lettre. Le 26 février, Coornhert, ayant reçu la réponse de l'imprimeur. lui écrivit pour la seconde foisGa naar voetnoot2). La franchise de Plantin lui plaît beaucoup, mais il ne peut pas approuver la teneur de sa lettre. Il essaye encore une fois de persuader à son ami que chacun a le droit de critiquer les doctrines religieuses. Puis il proteste énergiquement contre l'opinion de Plantin que les livres traitant de religion doivent être soumis à la censure du pouvoir politique; c'est là un point de vue inquiétant, préjudiciable, même funeste. Barrefelt qui a fait imprimer ses livresGa naar voetnoot3) sans aucune autorisation ne peut pas être du même avis. Coornhert voudrait en parler avec Plantin ou BarrefeltGa naar voetnoot4). En attendant il envoie à Leyde la première partie de son Synodus, apologie éloquente de la liberté religieuse, ‘peut-être le plus hardi des ouvrages qui soient sortis de la plume de l'intrépide polémiste’Ga naar voetnoot5). Encore un autre de ses écrits était joint à la lettre: c'était le manuscrit de la traduction de Negentich plaetsen der H. Schriftueren... gheallegoriseert door A. AugustinumGa naar voetnoot6). Nous | |
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apprenons que Coornhert avait prié Plantin d'imprimer ces textes d'Augustin précédés d'une préface du traducteur; mais l'imprimeur refusa encore une fois: le livre parut chez Gasp. Tournay en 1585. Dans la troisième lettreGa naar voetnoot1) qu'il écrivit bientôt après, Coornhert mentionne les deux lettres précédentes; nous disposons donc de toutes les lettres envoyées par le notaire de Haarlem à l'architypographe à propos du colloque de la Haye. Plantin tout en reconnaissant que Coornhert abonde de richesses d'esprit, lui avait reproché de n'avoir pas compris son application spirituelle et d'avoir mal interprêté ses mots. Coornhert prie qu'on le persuade avec l'autorité de l'Écriture ou qu'on lui démontre sa cécité. Il exprime encore une fois le désir d'une rencontre avec Plantin ou Barrefelt; il connait les oeuvres de l'hérésiarque et en parle avec beaucoup d'estime. A la fin de la lettre il formule le fondement de sa prétendue erreur c.à.d. son désir de vouloir juger des doctrines religieuses: c'est le grand nombre d'églises et de sectes dont chacune déclare que les autres sont aveugles. Par laquelle de celles-ci faut-il qu'il se laisse guider?Ga naar voetnoot2). Le dernière lettre de Plantin ainsi que la réponse de Coornhert ont été écrites au mois de mars 1584. Au commencement du mois d'avril l'imprimeur partit pour AnversGa naar voetnoot3); un mois plus tard Coornhert transporta son domicile à la Haye espérant que le colloque avec Saravia y sera continuéGa naar voetnoot4). Dans les oeuvres de Coornhert nous n'avons pas trouvé des traces des relations entre lui et Plantin pendant les dernières cinq années de la vie de l'imprimeur. Celui-ci est mort avant la grande controverse qui s'engagea entre son ami Juste Lipse et Coornhert à propos de la question du supplice des hérétiques, mais à juger d'après ses idéés sur les droits des autorités politiques et sur | |
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l'inutilité des discussions religieusesGa naar voetnoot1) on peut supposer qu'il se serait rangé du côté de LipseGa naar voetnoot2). En 1586 parut la plus célèbre des oeuvres de Coornhert, Wellevenskunst. Nous ne doutons pas que Plantin l'ait lue et entièrement approuvée. Bene vivere et laetari optimum, écrivit-il le 1 avril de la même année à son ami Arias MontanusGa naar voetnoot3). C'était bien la quintessence de la Wellevenskunst que le moraliste haarlemois lui-même avait formulée ainsi: ‘Weldoen ende vrolyck wesen (is) het allerbeste goet alder menschen. Wie dit kan inder daad, nyet inder praat alleenlyc, die heeft ghewisselyck wel-levens kunst’Ga naar voetnoot4).
Prof B. BECKER. (Pétrograd) | |
Appendice.Lettres de Coornhert a Plantin.I.(Brieven-Boeck, inhoudende hondert Brieven van D.V. Coornhart. Eerste deel. T Amsteldam. By Iacob Aertsz. Calom. 1626 blz. 246 vlg. LXXVIII Brief = D.V. Coornherts Wercken III deel. By Jacob Aertsz. Colom. 1630 fol. 131 (lisez 129). Macht na wille int goede. Amen. Van aensicht. maer niet heel van ghemoede onbekende Vrundt in den Heere. Verscheyden wichtighe onleden hebbe ick ghehadt ende oorsake met gheleghentheyt hebbe ick ontbeerdt, sedert u L. laetste schrijven aen my gezonden by J.V.H.Ga naar voetnoot5) om u met een briefken aan te spreecken. | |
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Maer wat is daer anders by versuymt voor u, die met Gode (so ick mercke) self kondt sprekenGa naar voetnoot1), dan door 't swijghen van menschen Gode self te hooren? Dus en behoeft dat gheen onschuldt, noch veele minder of ick den voornoemden J.V.H. int minste niet vernoeght en mochte hebben in sijne begeerten, als hij minder gheest by my dan eenige onbescheyden prijsers hem mochten van my uyt blinde jonste aenghegheven hebben int samen spreken heeft moghen vinden, Ick en mag nu niet rijker zijn, dan ick nu en ben. Zo my d'een uyt jonste veel hoogher achtende is, soo poogt my d'ander uyt afgonst opt aldernederste te verwerpen. Maer dit en magh niemandt te veel doen na der waerheydt voor Gode, hoewel ick (danck zy den Heere) voor den menschen niet seer berispelijck en ben. Doch ghelijck onrechte prijs niemandt verbeteren, soo en magh onrechte lasteringhe niemanden verargheren, dan wel verbeteren, te weten den genen, die door onware uyterlijcke tot zyne ware innerlijcke ghebreken werdt aenghewesen. Wt dit voorschreven mag u. L. nu licht mercken (dat ghy van my te weten begeerde) hoe 't my gaet in den Heere: Want ick en hebbe noch alle 't goedt niet verworven dat ick begheere: Ende 't is door mijn versuym (niet door Godes onmildtheydt) dat ickx ontbere. Dit ben ick seker, dat ick wete, wat ick niet en wete ende wat ick wete. Dat ick wete (uyt ondervonden waerheyt) en magh ick niet in doolen, dat ick weet niet te weten en magh my niet bedrieghen. Ende dat ick twijfelijck vermoede en magh ick niet betrouwen. Vraegdy, waer by ick seecker wete, wat ick weet of niet en weet? Ick antwoorde, dat ick uyt ondervinden wete, dat ick al, wat ick weet quadt te zijn, hate ende verlate: Wat ick weet goedt te wesen, lieve ende verkrijghe. Maer wat quaet ick niet en hate, noch wat goedt ick niet lieve (met herten meyne ick uyt eenen inborstighen tocht ende drift des ghemoedts) dat weet ick dat my noch onbekent is, of ickx al schoon duysent-mael ghehoordt, ghelesen, ghedacht ende self anderen gheseyt hadde. So houde ick opt korste gheseydt, alle het weten, dat gheen ware | |
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hate of liefde en baerdt in mijn herte, voor een doode tuyghnisse ende geen levend makende gheest. Sonder dese gheest is onse Ziele doodt, alst Lijf is sonder de Ziele. Ende sonder Liefde Godes ende des naesten is alle Religie doodt, zy schijne dan soo heyligh als sy wil. Hier hebdy die hooft-som mijns hertens naeckt beschreven. Godt schrijve met zijnen vinger des H. Geests meer ende meer zijn wet der Liefden in u herten, in alder Godtvruchtighen herten ende in my. Amen. | |
II
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nemelijck, te weten: hoe de Leer-lingh, hoe die Leeraer ende wat het middel moet wesen ofte Instrument. Belanghende de Leerlingh weet men wel, dat niemandt recht gheeerdt en magh werden: dan die zijn zotheydt kennende bevindt, hoe noodigh hy wijsheydt behoeft, om Gode te ghehoorsaemen, om 't welck te doen hij begeerlijck den Vader des Lichts om wijsheydt kan bidden met vast betrouwen ende verkrijghen. Maer want gheen ander mensch en magh weten, wat in den mensche is, dan des menschen gheest selve, soo ghetuygt een Christen uyte alghemeyne wet der natuyren voor allen menschen in 't ghemeyn waerheyt, die niemand schaedelijck ende yemandt nut magh wesen, 't welck dan die voorschreven recht leergierighe begheerlijck als goedt aennemende alleen ghenieten, maer die zotten ende eyghenwijsen niet. Soo veele nu de ghetuyghen (by u Leeraers ghenoemt) aen-gaet, waer wel te wenschen, dat zy 't self al wisten ende midtsdien nerghens in moghten doolen. Maer want het gheen mensch hier al magh weten, dat is self Godt wesen (alsoo die al-wetenheydt een eyghenschappe Godes is), soo dunckt my, dat dit u segghen alle vermaen, ghetuyghen ende onderwijsen wegh soude moeten nemen, als niemandt sulcks soude moghen doen, ten waer hy self soo volleerdt waere, dat aen hem niet meer te leeren en is. Maer houde daer teghen, dat elck schuldigh ende verbonden is, zynen doolenden Naesten te betuyghen 't gundt hy derhalven seecker is. Exempli gratia, by ghelijckenis. Neemt dat ick in een schole zy, daer verscheyden classes zijn, te weten daer men leert A.B.C. spelden, lesen, Grammaticam, Rethoricam, Dialecticam, Poesie ende Griecks: ende ick noch eerst sitte inde leeringhe van de Grammatica, sonder hoogher ghekomen te zijn, dan dat ick nu wel kan lesen ende mijn Declinationes, Conjungationes kan. Soo bekenne ick gaerne, dat ick my soude vergrijpen, indien ick yemanden wilde onderrichten inde Sintaxin, swijghe in Rethorica of ander hoogher Konsten of Lessen. Maer of ick yemandt mijnre met Scholieren hoorde doolen inden A.B.C. of int spellen; Ick achte dat ick schuldigh soude sijn die twee doolende heur doolinghe te overtuyghen ende te onderwysen. Dit soude ick oock met ghewisse sekerheydt konnen doen (want ick nu al ghewis lesen konde) sonder sulck leerlingh of my self te bedrieghen. | |
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Daer siet u. E. nu 'tghebreck van onderscheyt in u schrijven aen my ende midtsdien die uwe sententie ghesteldt buyten waerheydt. Namentlijck: ‘Dat niemandt wat voordeels en magh doen met vermanen, straffen etc., die noch self niet vol-leerdt is’. Want al meyndy 't schoon in elck stuck, daer in yemandt een ander soude willen berichten, soo ist noch doolinghe. Ghemerckt ick in de Grammatica noch self niet volleert zijnde, eenen anderen wel magh onderwijsen in de Declinatien of Conjungatien (so ick die deelen wel kan ende hy niet), al en ben ick noch niet in de Sintaxi vol-leerdt. Alsoo wesen d'apostelen op Christum al eer sy self vol-leerdt waren, als die noch al nae Christi doodt sijne verrijsenisse niet en gheloofden. Immers Petrus was nae den Pincxterdagh noch gheensins volleerdt, als hem Paulus berispte. Liet hy daerom van Christo te ghetuyghen? Neen vryelijck. Is nu dese uwe meyninghe recht, soo dede Petrus int ghetuyghen onrecht, want hy en was noch self niet vol-leerdt: dit gheloove ick niet, maer gheloove veel eer, dat u. L. meyninghe hier in onrecht is. Nu comende op u derde stuck, namentlijck op het middel, bruyckt ghy deser ghelijcker woorden: die leeringhe comt uyte leere; die liefde uyte liefde etc. Welcke maniere van spreecken, sonderlinge dese oock: na den woorde des woorts ende na den beveele des bevels etc. vreemt luydet ende doch wel te verstaen is. Want wie verstaet niet, dat men sonder licht niet en magh verlichten, sonder hetten heet maken ende sonder oordeel oordeelen? Also met d'ander mede. Maer wie verstaet oock niet, dat sulcke wijse van spreecken meer arghernisse inbrengt, dan vrucht by den onwijsen, die sulcke maniere van spreken in de H. Schrift niet en vinden? Voorwaer so veel my aengaet, argere ick my daer so luttel aen, alst my luttel duyster is. Maer dat heeft my verwonderdt, dat ghy die woordekens ‘hem self leeren’ soo veele ghebruyckt, die de Schrift soo niet en ghebruyckt, ende ghy niet en ghebruyckt die woordekens: Dat Godt den Mensche leerdt, die zy door-gaens ghebruyckt. Want zy sullen alle van Godt gheleert zijn etc. seydt die Schrift meer dan eenmael. Dit luydt oock beter. Want Godt is self de wijsheydt ende magh daerom den onwijsen leeren; maer wat mensch is self die wijs- | |
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heydt? Of is eenigh mensch self die wijsheydt. soo is hy immers oock wijs: hoe magh die dan hem selve leeren? Magh oock yemandt leeren 't gunt hy al weet of kan? Voorwaer neen. Can of weet hy 't dan oock niet: hoe magh hy hem self leeren 't ghene hy niet en weet? Of magh de mensche hier sonder wijsheydt hem self onderwijsen ende sonder wetenschap hem self leeren weten? Ick achte wel neen. Ghy sult het oock (denckt ghy 't na) neen bevinden ende daer by oock, dat die hooge woorden uwes Briefs eenighsins waterloose wolcken geacht souden moghen worden ende dat zy bescheydenheydt ontberen, hem self verstricken. Doch acht ick u meeninghe (soo ick die ten besten verstae) te wesen ditte: Dat niemand een goedt Leeraer magh zijn, die niet eerst een goedt leerling is gheweest. Dat is, dat niemant verstandt magh hebben sonder ondervindtlijck versoecken ende dat sonder recht verstandt onmoghelijck is een ander recht te onderwijsen. Alle 't welck ick met u waerachtigh houde met dien onderscheydt alleenlijck, dat elck wel mach, ja moet een ander dolende onderwijsen in den dingen, daer af hy nu al heeft seeckere ende ondervindtlijcke kennisse, of hem schoon noch al in eenighen anderen dinghen kennisse ontbreeckt. Immers dat oock elck schuldigh is een anderen doolende het ghetuyghenisse zijnder meyninghe aen te gheven, of hy noch schoon dat selve niet uyt versochtheydt en weet, alst maer gheschiet sonder authoriteyt ende onder verbeteringhe ghelijck d'een Leerling d'ander in afwesen des Meesters in der Schoolen onderwijst. Ende hier mede ophoudende betrouwe ick u E. jonste toe, dat zij dit mijn jonstigh bericht op u schrijven tot uwen besten ende mijnder moeyten gheschiedende oock wel ten besten sal nemen van u E. dienstwillighe N.N. | |
III
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te zyn als te heten, ick hope ghyt wairlyck zyt), hebbe ick weder tegen myn meyninge spoedich. Wat node wast U.L. zelve tontyt tot hinder uwer zaken met zulck haesten te quellen? Uwen beginne des bryefs, namentlyck Très cher amy, mercke ick de daedt met het woordt verzelschapt te zyn: Wye zoude yemant, dyen hy nyet vrundt en ware, zyns herten meyninge zo naectelyck ontdecken? Ick hebbe u (zeydt de Here)Ga naar voetnoot1) vrunden genaemt, want ick u al geopent hebbe, dat ick van mynen hemelschen vader hebbe gehoerdt. Wat can oock anders zyn, dan dat deene vruntschap dander, deen onbeveynstheyt dander bare of teele? Gelyck my nu zulcke U.L. rechte openherticheyt boven alle dingen behaecht, so vinde ick wat in u L. brief, dat my nyet en mach behagen, om redenen by my hier gestelt, nyet om te disputeren, maer op dat u. L. my, of ick u nut mocht zyn. Lyeve, neemt dit doch (zo ghy wel zult connen) ten besten; want al zwychdy hier op, ick neemt ten alder besten. Eerst houde ick met u. L. voor waerheyt, dat zonder hemzelf met zyn eygen verstandt te verzaken nyemandt een oprecht leerling mach zyn vande waerheyt. Want nyemandt mach vlyte doen om te leren, tgene dat hy nu al waent te weten. Maer daer uyt en volcht geenssins, dat zulck weter van zyn nyet weten zonder te oordelen vande leere zoude moeten aennemen tgeen deerste hem zelve zegende te leren uyten name Godes hem voor wil houden. Dit waer een gevaerlycke handel & wechgenomen (als vergeefs) alle dye waerschouwingen Godes & Christi voor den valschen prophetenGa naar voetnoot2). Al ist oock dat de muntmeester (dits u. L. gelyckenisse) den gemeynen man nyet en roept overt oordeel van zyn alloy & toetsteen: zal daerom den gemeynen man verboden zyn int ontfangen van geldt den toetsteen te gebruyken, oock de balansse, om te zyen oft goede dan valsche alloye is? dits een. Voorts dat u. L. doverheyt polityck het oordeel toeschryft & dye autoriteyt vant toelaten int drucken van, nyet politycke, maer kerckelycke zaken, wondert my niet minder, dan of de muntmeester het oordeel van zyn alloye soude halen aent heromnes geen verstant hebbende van dyen, om te oordelen of men zulcx int alge- | |
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meen zal laten uyt gaenGa naar voetnoot*). Laet henluyden oock int particulier mogent oetsen & voor hen zyen dat zy nyet bedrogen werden, connen zy & ist hen ernst. Maer den oncundigen (zo nyet alle overheyt polityck goede theologienen zyn) dat oordeel te geven voor alle man, zo datmen ontberen zoude moeten boecken, dye zy schadelyck & nyet hebbenGa naar voetnoot1) dan dat zy goed oordelen inde theologie: achte ick boven allen dingen zorgelyck, schadelyck, ja verderflyck. Of zal doverheyt zo (?) boeten & dye straf lyden voor dye zyelen vant volck, dat dye verleydt zynde ongestraft zullen blyven? Ick zye oock nyet, dat de autorGa naar voetnoot2), vanden ackerschat & bryeven dese meyninge heeft gehadt, dye u. L. hierinne heeft; ten waer men wilde houden, dat hy tegen zyn oordeel zelf in dyen gedaen hadde: want dye boecken zyn nyet gedruct by toelatinge vande overheyt etc. Nu wat hier af zy zoude ick begeerlyck af voorder spreken met u. L. zoot dye nyet voor een onnut disputeren en wilde achten, of zo de zelve nyet te vele en ware geoccupeert met zynen huyssaken. In welcken gevalle ick van herten mochte lyden, dat ick met H.J.Ga naar voetnoot2). vruntlycker wyse daer af & van meer andere zaken mochte handelen: indien hy daer toe noch nyet en is gecomen, dat hy sy Ipse dixit, & geenen bescheyden onderzoeck & Christelyck wederspreken en wil lyden, twelck zoot is, laet ick hem & alle zodanige gaerne in haer ruste, als dye nyemant leedt, maer elcken lyef wil doen daer icx vermach. Dit myn schryven neemt als gants ongescreven, indien u. L. tselve voor een moeylyck disputeren zoude achten, dat onvruchtbar zoude zyn. Twelck zoot is, zal my u. L. nyet antwoorden lyever zyn, dan het antwoorden tegen u zinne tot u. L. tytrovinge. Ist anders, so zal u. L. my schryven, dat hy verstaet my nut te syn. In alle zulckx blyft vry & doet nyet dan u. L. best gelyeft. Voorts gaet hier by een boecxken van allegorien by my uyt | |
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Augustino vertaeltGa naar voetnoot1), dat meyn ick u. L. nyet te zullen meshagen, maer den volcke in desen tydt nut achten. Doch heb ick om twyfelens willen in desen noch nyet gemaect het tafelken. Ick bekenne dat u. L. druck my boven allen behaecht, mocht daer om lyden, dat het u gelyefde te drukken. Maer gelyvet u. L. nyet, zo moechdyt my weder zenden met neen, indien anders met ja, om den index te maken & noch eens over te zyen, want het by my nyet en is herlesen, ja noyt gelesen, maer sulcx alst int oversetten gevallen is uyt de penne. Maer u. L. en behoeft zo nyet te haesten, als gedaen is met dat laatste myn schrift vander leeraren toetsteenGa naar voetnoot2), maer daer wat inne zyen te gelegender tydt, nu & dan alst past. Ick heb Augustyn alleen genomen, om dat de gereformeeden (allen allegoryen sin vyanden) zynde zo vele houden van Augustino, dat zy hem nyet en mogen met eeren verachten etc. Zyet welcken langen brief hier is geworden. Neemdy dit myn oepenhertich & eenvuldich schryven nu nyet min ten goeden, als Coornhert wel vruntlijck, blydelyck & int alderbesten neemt u. L. zo openhertich schryven, zo doet u. L. dat hertelyck werdt begeert & u. L. warachtelyck toe betoont van (dye in u als in sich selve, wenscht voortgang van deene claerheyt & waerheyt in dander) U.L. herte vruntlycke & inder Waerheyt meer dan ghy condt meynen, recht Liefhebbende D.V. Coornhert. | |
IV.(Brieven-Boeck blz. 243 vlg. LXXVII Brief = Wercken III. Deel fo. 128v) Waerde lieve Vrundt, my is behandet u Boecxken met u L. Brief, welcks inhout als oock van de voorgaende ick soo recht wel verstaen hebbe, dat ick wensche by u L. so wel verstaen te sijn gheweest, niet alleen mijn beyde brieven, maer oock mijn Boecxken vanden Toetsteen der ware LeeraerenGa naar voetnoot3). Maer dit beyde vinde ick neen. Die schulde mach sijn mijn al te loopende handt int schrijven, of u L. al te groote onlede in Huys-saecken of eenigh voor-oordeel | |
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van mijnen persoone: 't welck (so U.L. laetste metbrenght) my overvloedigh acht van rijckdommen des gheests. Dat in dit laatste waerheydt soude wesen gheseyt door u. L. armoede des gheestes, die ick in u verhope, houde ick wel moghelijck te wesen. Maer dit en mach ick sulcx niet ghelooven in u segghen, van dat ick sijne woorden gheweldelijck trecke teghen U.L. meyninghe: Want ick dat weet anders te wesen. Ick macht onverstandelijck doen, dat altydt ghebeurt buyten voornemen, maer gheensins gheweldelijck, 't welck nimmermeer gheschiedt sonder opset. Ben ick dan noch so gheheel letterlijck, dat ick u L. Gheestelijcke applicatie op een dierlijcke confundere, soo u L. my schryven, soo bidde ick die lieve Godt, dat hy myner ontferme ende door sijne ware arm-gheestighen my ghenadighe aenwijsinghe believe te doen van sulcke mijne valsche rijckdomme. Maer sal dit in my stichtelijck gheschieden door 't middel van eenigh mensche, die sal my met het tweesneedigh woordt, dat (niet Ipse, maer Godt selve dixit) oock Lijf en Ziel van een scheydet, in my selve te schande maken ende dit so krachtelijck als waerachtelijck met Godlijcker Authoriteyt; of hy sal met so lanckmoedigh als goedigh onderwys my van myne blindtheyden soo ontwijfelijcken overtuyghen, dat ick sodanighen sienden Leydts-man, daer voor hem nu kennende, niet min ootmoedelijck dan begeerlijck om van hem gheleedet te worden, de handt sal bieden met bidden. Maer sonder een van beyden en hope ick nimmermeer mijn ooghen te laten blindt-hocken om gheledet te worden van eenighe menschen. Voor de welcke Godt ons door zynen Gheest der waerheydt in de H. Schrift (die ick in al daer icx daedtlijck versocht hebbe, waerachtigh bevinde ende derhalven boven aller menschen leere betrouwe) so menighvuldelijck als sorgvuldelijck niet te vergheefs en waerschout. Ziet hoe naeckt ende onbeveynst ick die deure mijnre zielen hier opene voor u L., als dien ick houde aller goedtwilligen Vrundt te wesen. Daerom sal 't deselve wel int beste konnen nemen van my, die moghelijck niet minder en verstae mijn eenvuldighe (doch niet onschuldighe) onwetenheyt dan u L. sijn armgheestigheydt, die my oordeelt rijck van gheest te sijn. | |
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Volgens welck oordeel ick oock voorts meer luttel magh vermoeden, dat H.J.Ga naar voetnoot1) of oock u L. selve sich sullen bemoeyen met my als uyt my niet verwachtende eenighe effectuele vrucht. Niet jeghenstaende u L. nu wel hebben bemerckt, dat ick wel begheerlijck was om voorder te spreecken met u L. of met hem, die in sijne Schriften self niet luttel en tuyght van sijnen claeren ghesichte of wesentlijcke kennisse, op hopen, oft selve in my door de naeckte Biechte mijnder onbeveynsder tonghen noch mochte sien eenighe verderfelijcke duysternissen, die mijns onwetens noch souden moghen wesen in my: die geen dingh ter Wereldt seeckerlijck en wete, dan dat ickx nerghens nae al en wete, op dat die mijne duysternissen door 't middel van sijne Godt-gheleerde tonghe (soo hy die heeft) van Godt verlicht moghten werden, 't welck gheen Liefhebbers heurs Naesten den selven en konnen weygheren. Of hy H.J. of u L. schoon al niet ghesindt moghten zijn yemandts anders meyninghe toe te vallen. Neemt (noch voor 't laetste) de grondt-vest mijns doolinghs van te willen oordeelen van de Leere (soo het doolinghe is) in desen. Op dat u L. ende H.J. my of ten minsten anderen (twijfelt men aen my) te lichtelijcker sullen moghen helpen; Neemt dat ick nu verstondt gantsch blindt in Godtlijcken saecken te wesen, oock dat de Paus, Luther, Calvijn, Menno, David Jor., Hendrick Niclaesz, H.J., Swenckveldt voor my stonden, elck my aenbiedende de handt met beloften van my recht te leeden ende elck van d'ander segghende, dat zy elck self blindt zijn; mijn blindtheydt maeckt, dat ick niet en magh sien, welcker van allen ooghen open sijn ende sien. Wat suldy my hier raden? sal ic hier yemant opt onseker de handt bieden, om te laeten leyden? dat luydt avontuerlijck. Maer ghenomen jae. Wien van allen sal ick de handt bieden ende waerom desen meer, dan d'ander? De sake is wightigh, betreffende d'eeuwighe saligheydt of verdoemenisse. Vale. |
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