Barthou over Rahir
Il avait une rare clairvoyance, une saine appréciation qui ne cédait pas aux caprices de la fantaisie, un jugement solide, une volonté tenace, de l'initiative et de la décision. On le disait péremptoire, et peut-être l'était-il, à la façon d'un homme sûr de ses raisons et de ses preuves, mais il ne manquait jamais, envers ses clients, aux devoirs de politesse, de bienveillance et d'aménité qu'il recommandait aux libraires débutants. Vif, ardent, remuant, il recherchait les discussions plus qu'il ne les fuyait. Il allait et il venait, d'un mouvement rapide, autour de la grande table sur laquelle ont passé, pendant plus d'un demi-siècle, des livres si beaux que leur sélection formerait un musée incomparable. Il était persuasif et habile, mais, s'il devenait pressant, et s'il paraissait vous forcer la main, c'était, le plus souvent, dans votre intérêt et pour ne pas vous laisser le regret tardif d'une occasion manquée. Avec des dehors dominateurs, il était serviable. Ses préférences, à l'égard des livres ou à l'égard des clients, n'excluaient pas son impartialité: il agissait toujours ‘honnêtement et loyalement’. Il n'exagérait pas le prix des livres, qu'il vendait à leur vraie valeur, indifférent aux exigences passagères de la mode. Il disait: ‘Un bon principe dans un commerce comme le nôtre, et dont j'ai toujours constaté la justesse, est celui qui consiste à vendre à un prix tel que le rachat du volume soit toujours possible’. Il est peu de ses client qui n'aient pas eu l'occasion de profiter de ces reprices.