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Il y a de bons et de mauvais films, il y a des sujets cinégraphiques, c'est-à-dire, propres à dégager l'émotion par le jeu des images seules, d'autres pour lesquelles l'image n'a d'autre valeur que celle d'une photographie qui relate séchement les phases d'une action. Ces derniers à mon sens films anticinégraphiques.
Le sujet vraiment cinégraphique est celui qui permet d'acquérir la perception sensible des sentiments ou des pensées par des suggestions visuelles, qu'il s'agisse d'expressions humaines, de mouvements purs, de jeux de lumières. En cinéma ce n'est pas le fait brutal qui impressionne mais l'emotion qui s'en dégage. Le thème ne peut donc être qu'une ligne hypothétique où les faits se coordonnent d'espace en espace, joints par le rythme, porteur d'harmonies visuelles aussi fluides et fugitives chacune que le son.
En musique les musiciens s'inspirent d'un thème qui ne prend forme que par les harmonies et le rhythme. Orchestration de notes enchassées dans la mesure. Le cinéma obéit a la même loi. Autrefois, au cours des premiers films, les faits seulement existaient, ils s'opposaient sans rythme, synthétiques dans chaque tableau. C'est la découverte des accords d'harmonies et du rythme envisagés comme facteurs dramatiques qui a marqué le grand progrès fait depuis quelques années par les oeuvres de l'écran.
Dans un film on subit comme en musique l'entrainement du rythme visuel. Un thème d'images ne doit éclater que préparé selon les lois de la plus stricte harmonie.
La littérature tient bien peu de place dans les cahiers des compositeurs visuels, cahiers qui servent à la réalisation d'un film. Au dessous de l'indication de l'action, des chiffres, le nombre des images durant lesquelle le plan doit frapper la vision, durée basée toujours sur cette mesure mathématique de l'appareil qui enregistre 16 images à la seconde et de 53 images par mètre de pellicule. Indication du foyer de l'objectif - 35-50-75-90 et 105, etc. etc. pour délimiter l'angle de prise de vue, le degré d'inclinaison, de l'appareil, le décompte des tours de l'enchainé, de la fermeture du diaphragme, de la pellicule à descendre ou à remonter pour les surimpressions. Des chiffres, peu de mots. Des notations de lumière. Telle est l'orchestration rythmique d'un film pour la mise en valeur d'harmonies, ou si vous préférez, de détails sensibles
JORIS IVENS WERKT AAN ZIJN FILM ‘BRANDING’
qui doivent ‘exprimer’ l'action, la faire entrer dans le domaine visuel.
Et pour en venir au sujet de cet article, puisque les dirigeants du Filmliga, m'ont demandé d'expliquer quelques points techniques de ‘La Coquille et le Clergyman’, je puis dire que tout mon effort a été de rechercher dans l'action du scénario d'Antonin Artaud, les points harmoniques, et, de les relier entre eux par des rythmes étudiés et composés. Tel par exemple le début du film ou chaque expression, chaque mouvement du clergyman sont mesurés selon le rythme des verres qui se brisent. Tel aussi la série des portes qui s'ouvrent et se referment, et aussi le nombre des images ordonnant le sens de ces portes qui se confondent en battements contrariés dans une mesure de 1 à 8.
Il existe deux sortes de rythme. Le rythme de l'image, et le rythme des images, c'est-à-dire qu'un geste doit avoir une longueur correspondant à la valeur harmonique de l'expression et dépendant du rythme qui précéde ou qui suit: rythme dans l'image. Puis, rythme des images: accord de plusieurs harmonies.
Je puis dire que pas une image du Clergyman n'a été livrée au hasard.
On me demande de révéler la technique de certains effets.
Les effets ont eu moins d'importance pour moi que la mesure, la cadence, l'orchestration visuelle, dont ils n'ont été qu'un élément. Cependant quelques uns ont été obtenus avec une longue patience. Par exemple la tête du prêtre coupée en deux. Un fil noir et fin partageait le visage de l'artiste. Un cache séparait la pellicule, l'objectif n'enregistrant à la première prise de vue qu'une moitié de tête, tandis que la plateforme descendant obliquement durant 8 tours donnait au plan son mouvement; la face du prêtre devant s'éloigner