Documentatieblad werkgroep Achttiende eeuw. Jaargang 1989
(1989)– [tijdschrift] Documentatieblad werkgroep Achttiende eeuw– Auteursrechtelijk beschermd
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Françoise Bléchet et Hans Bots
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décennie précédant l'arrivée de l'abbé Bignon. Ce dernier n'hésitait pas à dénoncer la négligence de son prédécesseur, mais une telle critique n'était pas tout à fait juste, parce que l'abbé de Louvois gérait encore la bibliothèque personnelle d'un grand roi, un cabinet de livres particulier. Ce n'est que sous l'administration de Bignon qu'elle va devenir une institution au service de la recherche et ouverte au public. Or, pour une telle entreprise il fallait définir une véritable politique d'acquisition. L'abbé Jean-Paul Bignon (1662-1743) reçut les provisions de sa charge de Bibliothécaire du Roi le 15 septembre 1719. Dès son arrivée, le 20 septembre, il obtint l'arrêt du Conseil ordonnant l'inventaire général de tout ce que renfermait la Bibliothèque, précaution que son prédécesseur Camille de Louvois n'avait pas jugée nécessaire. Un an plus tard, le 11 octobre 1720, le plaidoyer de Bignon pour inaugurer un statut d'une bibliothèqye moderne, aboutit à un arrêt du Conseil qui en fixait les règles pour la première fois; on peut considérer ce règlement comme une véritable charte fondatriceGa naar eind3.. Ce nouveau statut allait bientôt exiger des bâtiments plus grands et plus dignes. Une belle occasion se présenta lors de l'échec du système de John Law qui abandonna précipitamment l'ancien Palais Mazarin devenu en ces années Banque Royale. Les 14 et 21 septembre 1721 Bignon réussit à obtenir du Régent deux nouveaux arrêts du Conseil lui permettant de déménager les collections se trouvant alors rue Vivienne à l'endroit où elles sont encore de nos jours. Les opérations de déménagement pour considérables qu'elles fussent devaient s'accompagner de travaux importants pour rendre sa splendeur à ce bel hôtel délabré. En 1724 le Palais Mazarin fut affecté à perpétuité à la Bibliothèque du Roi et désormais les travaux nécessaires allaient commencer et se poursuivaient encore au moment où Bignon écrit sa lettre, en décembre 1728, aux frères Wetstein. A cette date les maçons avaient cédé la place aux menuisiers qui équipaient les immenses galeries d'innombrables ‘tablettes’, sur lesquelles on pouvait enfin ranger tous les livres, ceux qui venaient de la rue Vivienne et ceux qu'on allait acquérirGa naar eind4.. Pour ces acquisitions Bignon ne possédait pas seulement les qualités nécessaires, mais il avait en même temps une riche expérience. N'avait-il pas assuré de 1699 à 1714 la direction du Bureau de la Librairie? Cette fonction lui avait donné une connaissance parfaite du monde de l'édition: censure préventive, délivrance des privilèges, inauguration des permissions tacites, lutte contre la concurrence étrangère, surtout hollandaise, et répression des livres interdits. C'est donc grâce à cette fonction que Bignon était l'homme le mieux placé pour inaugurer un système d'acquisition digne de la nouvelle institution qu'il dirigeait et qui pouvait couvrir toute la République des Lettres. Dans la Bibliothèque nouveau style il fallait des acquisitions massives et sans aucune sélection, comme il l'exprime si bien dans la lettre IV | |||||||||||||||||||||||
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que nous publions ici: ‘je dois d'abord vous avertir qu'il n'en est pas de la Bibliotheque du Roy comme de celle de M. le Comte de Toulouse ou de M. de Valincour, qui sans doute seroient faschez d'acquerir d'autres livres que les bons. Pour nous il n'y a presque point de choix à faire. Souvent le plus mauvais livre ne nous laisse pas de nous estre necessaire.’ Bignon se rendait parfaitement compte qu'une bibliothèque moderne avait des exigences toutes différentes d'un cabinet de livres choisis; le point de vue d'un bibliothécaire professionnel ne peut être celui du bibliophile de l'époque. Sans doute Bignon a-t-il dû se souvenir que le commerce régulier aménagé entre Leers et Clément 25 ans plus tôt avait suscité un certain mécontentement dans les milieux des libraires français. Jérôme de Pontchartrain, secrétaire d'état à la maison du Roi, n'avait-il pas écrit à l'abbé de Louvois en décembre 1702 qu'un libraire français et non pas étranger devait être chargé de fournir à la bibliothèque les livres imprimés en dehors de la FranceGa naar eind5.? Il n'est pas sûr que cet avertissement ait été une des raisons de l'interruption autour de 1710 de cet échange avec la librairie hollandaise. Mais quoi qu'il en soit, Bignon n'hésita pas à reprendre le même principe et à l'élargir en se servant des diplomates français et des libraires étrangers. Une connaissance approfondie du marché était désormais indispensable et Bignon savait par trop bien qu'il ne pouvait plus se passer d'intermédiaires se trouvant dans les grands centres typographiques de l'Europe. Dans cette contribution, nous présenterons le cas particulier du commerce entre la Bibliothèque du Roi et la Hollande en publiant tout le dossier de lettres se rapportant à cet échange que Bignon ouvre en 1728 avec les frères Wetstein par l'intermédiaire de Jacques-Philippe Laugier de TassyGa naar eind6.. Ce commissaire du roi, chargé des affaires de la marine, remplit sa fonction à Amsterdam à partir de 1729, après avoir passé une partie de sa vie à MarseilleGa naar eind7.. C'est le comte de Maurepas, secrétaire d'état à la Maison du Roi qui avait procuré au Bibliothécaire ce correspondant à Amsterdam et qui lui rendit ce service dans tous les pays où Bignon comptait acheter des livres. Dans les Provinces-Unies son interlocuteur sera donc Laugier de Tassy. Bignon s'adresse à lui pour faire passer son courrier aux Wetsteins, mais Laugier croit rendre service au Bibliothécaire de Paris en retenant ce courrier; il offre (lettre III) à Bignon de remplir lui-même la commission que ce dernier avait demandée aux libraires néerlandais. Il se sent autorisé à agir ainsi, parce qu'il n'a pas seulement une certaine expérience au service de la remarquable bibliothèque du comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan, mais il connaissait aussi les libraires d'Amsterdam, ‘de rusez compagnons ... qui sçavent ...un peu trop leur compte’. Et les Wetsteins ne faisaient pas exception selon Tassy, ils ‘ne sont gueres moins avares que les autres, et sont moins accommodants, | |||||||||||||||||||||||
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parce qu'ils sont riches; l'on ne peut point marchander un livre avec eux, ils sont trop roides, et avec mon argent j'iray partout où bon me semblera’ (lettre VI). Lorsque Laugier de Tassy se laisse emporter par son enthousiasme en écrivant sa lettre du 20 décembre 1728, il ne réalise pas encore la complexité de ce que demande Bignon. Il ne s'agit pas d'acquérir des nouveautés au hasard, mais d'entreprendre le dépouillement systématique des catalogues des libraires hollandais à partir de l'année 1725. Le Bibliothécaire ne voulait pas seulement acquérir des imprimés, mais aussi des estampes, des cartes, des placards et ordonnances, ‘en un mot’, conclutil, ‘tout nous convient’ (lettre IV). Tâche bien difficile vu l'inexactitude des catalogues. Bignon et Laugier de Tassy étaient parfaitement d'accord là-dessus et on peut se demander si ce n'est pas cette imprécision des catalogues et le lourd travail qui en résultait pour le correspondant de Bignon en Hollande qui ont décidé le Bibliothécaire à ne plus insister sur d'autres documents que des livres et des périodiques (lettre VIII). La recherche des catalogues et leur envoi ne suffisent pas pour les acquisitions: Bignon demande plus, il lui faut un véritable bibliographe qui ait en outre le sens des affaires; et il avertit Laugier que les dépenses pour les travaux de transformation du Palais Mazarin étant immenses, le budget pour les livres ne pouvait être que restreint. Aussi s'interroge-til sur les capacités de Laugier de Tassy. Si cette dernière lettre contenant pour ainsi dire le manifeste auquel un bibliothécaire moderne doit se référer, est particulièrement intéressante, le reste du dossier que nous publions ne l'est pas moins: on y trouve d'une part quantité de détails sur l'économie du livre, les conditions du marché, les modes de payement et de transport, et d'autre part les difficultés spécifiques qui se présentèrent dans deux cas bien différents: l'acquisition des périodiques parus en Hollande et celle de la bibliothèque de Samuel van Hulst vendue aux enchères à La Haye en 1730. Cette correspondance nous confirme encore la réputation de cherté du livre hollandais qui, de même que l'avarice des marchands libraires, nous semble plutôt un topos littéraire qu'une réalité vécue. Que les Hollandais ont toujours essayé de vendre leurs livres au plus haut prix est hors de doute: c'est la nécessité de tout bon commerce. Même le fait qu'on ne peut pas se fier à eux, semble un reproche provenant d'un mécontentement plus général vis à vis de la librairie de son époque. Remarquons cependant tout de suite que Bignon et Laugier de Tassy de leur côté sont aussi entêtés que leurs interlocuteurs pour obtenir le prix le plus bas. Ne vont-ils pas jusqu'à utiliser une ruse? Laugier de Tassy propose dans la lettre IX du 7 février 1729 que Bignon lui écrive noir sur blanc que les libraires de Paris pourraient lui fournir la plupart des livres au même prix. Ainsi Laugier muni d'un tel document pourrait-il se | |||||||||||||||||||||||
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rendre chez les libraires hollandais et marchander sans vergogne. Bignon dans la lettre XI du 20 février entre bien volontiers dans le jeu et écrit: ‘je remarque certains articles que nos libraires sont prets à nous fournir icy meilleur marché que je ne les trouve portés sur votre catalogue’. Mais Laugier de Tassy ne se contente pas d'alimenter cette rivalité entre les libraires français et hollandais, il n'hésite pas à les dresser les uns contre les autres pour obtenir un rabais de 10%. Voilà comment il compte s'y prendre: ‘Je les tateray tous et j'en tireray tout ce que je pourray. C'est assez l'ordinaire des libraires en ce Pais cy de faire tout au monde pour se nuire et pour s'enlever les bonnes pratiques. Au premier envoy que j'auray à faire et que j'auray le sac à la main, je les passeray par la coupelle’ (lettre XIV). Outre cette description des pratiques du monde des libraires, la correspondance présentée ici nous donne quelques indications de prix approximatifs et aussi le taux exact de change pratiqué pour cette transaction précise: un florin de Hollande vaut 2 livres 6 sols, monnaie de France (lettre XI)Ga naar eind8.. Ensuite nous apprenons que la Bibliothèque du Roi devait payer 13 florins pour une année complète des deux gazettes françaises, d'Amsterdam et d'Utrecht et moins de la moitié pour les gazettes flamandes d'Amsterdam, de Leyde, de Haarlem et de La Haye. Cette différence est frappante, notamment si on peut supposer que le débit des gazettes en langue française devait être beaucoup plus important que celui des gazettes en langue flamande. D'ailleurs Laugier lui-même s'était attendu à un prix plus élevé pour ces dernières gazettes. Une information intéressante sur les modalités de payement nous est fournie à la lettre IX. Laugier y explique avec une abondance de détails qui ne facilitent hélas guère la compréhension de son message qu'il tient absolument à une lettre de change qui ne soit pas diminuée par des frais de commission élévés. Cette lettre de change sera d'ailleurs acheminée par l'entremise d'Isaac Thelusson, banquier à Paris auquel Bignon s'adresse en mai 1729 (lettre XVIII). La lettre XI de la correspondance en question nous indique les deux voies possibles de transport entre la Hollande et la France, soit celle de terre par Bruxelles, soit celle par mer qui arrivait à Rouen. Alors que Laugier de Tassy propose d'envoyer les ballots par Bruxelles (lettre IX), Bignon au contraire riposte immédiatement (lettre XI) et avec vivacité que le budget de la Bibliothèque ne permet pas d'utiliser chaque fois cette voie qui, même si elle est plus rapide, est beaucoup plus chère. Pourtant il savait bien que le transport par bateau comportait plus de risques et c'est pourquoi sans doute il insiste dans la lettre XVII sur le fait que les livres doivent être très soigneusement emballés. Soulignons à ce propos que Laugier de Tassy a chargé sur le même bateau une petite caisse remplie de terre ‘et de differentes productions’ expédiée de St. Petersbourg par le consul de France Villardeau et destinée à l'Académie des | |||||||||||||||||||||||
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Sciences à Paris (lettre XV). Voilà comment ces diplomates ont été en même temps des serviteurs de la République des Lettres. L'acquisition de périodiques, articles déjà éphémères à l'époque, mais dont Bignon connaissait tout l'intérêt pour une bibliothèque, demandait beaucoup de soins. En effet il fallait recueillir des séries complètes, en évitant à la fois des oublis et des séries doubles. N'oublions pas que les gazettes contenaient en même temps de nombreuses annonces de livres nouveaux si précieuses pour un bibliothécaire soucieux d'enrichir ses collections. Mais outre cette utilité bibliographique, les gazettes de Hollande donnaient des nouvelles que l'on ne trouvait nulle part ailleurs. C'est pourquoi elles étaient lues régulièrement durant tout le XVIIe siècle à la cour de France; elles constituaient une source d'information sans équivalent, malgré les violentes critiques qu'elles pouvaient aussi contenirGa naar eind9.. Une autre acquisition importante se présente à l'occasion de la parution d'un catalogue que Bignon vient de recevoir en juin 1730 (lettre XX). Il s'agit de la bibliothèque de Samuel van Hulst d'environ 100.000 volumes et dont la vente doit avoir lieu à La Haye à partir du 4 septembre. Bignon s'informe sur les intentions du collectionneur néerlandais, parce qu'il semble très intéressé par l'achat même global de cette importante bibliothèque. En effet ce cabinet de livres avait quelque réputation en Europe et lorsque le bibliophile allemand Zacharias Conrad von Uffenbach se rend à La Haye en 1711 il tient absolument à visiter cette bibliothèque qu'il considère comme la plus importante de la ville; malheureusement il a trouvé porte close, sans doute, comme le suppose Von Uffenbach luimême, parce qu'il avait agacé Van Hulst pendant une vente aux enchères en enchérissant sur luiGa naar eind10.. Ainsi Bignon charge-t-il avec empressement Laugier de Tassy de se procurer toutes les informations qu'il peut trouver sur cette vente en lui recommandant la plus grande discrétion: ‘...il faudroit donc s'il vous plait que sans faire mention de ma priere vous agissiés sur cela comme si c'etoit pour une commission qui vous fût venuë plutôt d'Espagne ou d'Italie que de France’. La requête de Bignon se situe parfaitement bien dans ce contexte. La ‘fureur d'acheter des livres’ dont parle Laugier sévissait depuis le dernier quart du XVIIe siècle en Hollande et commençait à gagner Paris en ces années 1730. Cette passion est à la mode et on voit se multiplier des cabinets de livres rares et de curiosités: porcelaines, coquilles etcGa naar eind11.. Souvent de tels collectionneurs étaient poussés par une manie de rassembler et un souci de distinction sociale plutôt que par une curiosité intellectuelle. Ainsi Laugier de Tassy remarque-t-il non sans ironie à propos de la collection de Van Hulst: ‘l'on m'a dit que tous ces livres sont magnifiques, tant pour la beauté des éditions qu'il a recherchées que pour les relieures dont il s'est fort piqué, mais on doute qu'il ait lû’ (lettre XXI). Bignon en tant que bibliothécaire ne pouvait que recueillir des fruits de cet engouement général; mais la politique d'achat dans son cas est très | |||||||||||||||||||||||
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délicat. En effet il fallait éviter de se ‘surcharger’ d'un trop grand nombre de doubles et faire des choix précis. Ce choix, il l'exprime clairement dans la lettre XXIII du 8 juillet 1730: finalement il n'y a qu'une fraction - la 20e ou 25e du total - qui l'intéresse, à savoir les livres allemands, flamands, anglais et espagnols figurant dans le quatrième tome du catalogue. Bignon semble à première vue se faire guider par un motif économique qui le préoccupe sans cesse dans cette correspondance avec Laugier de Tassy, car il espère que ces livres-là seront vendus au plus bas prix. Mais contrairement à son attente, les livres qu'il convoitait sont justement les plus chers et les plus recherchés: les livres anglais à cause de l'anglomanie qui règne, les allemands et les flamands, parce que la vente a lieu dans les Provinces-Unies et enfin les espagnols se vendront facilement dans les milieux juifs sefardim d'Amsterdam (lettre XXIV). Malgré tous les bons offices de Laugier de Tassy, la bibliothèque de Samuel van Hulst fut vendue au cours de l'automne de 1730, sans que Bignon ait pu mettre la main sur la moindre partie de cette collection. La correspondance entre Bignon et Laugier de Tassy s'achève par la lettre XXVI du 29 juillet 1730. A la fin de cet échange, on peut constater que Laugier de Tassy n'a probablement assuré qu'un seul envoi, celui du 10 mars 1729 (lettre XIV). Et cet envoi se compose de deux gazettes en langue française et quatre gazettes en langue flamande. Ces dernières se retrouvent encore de nos jours bien groupées à la Bibliothèque Nationale et - ce qui est frappant - seules les années 1725 à 1728 s'y trouvent. Sans doute faisaient-elles partie du balot envoyé par Laugier de Tassy. Pour les deux gazettes françaises il faut remarquer que celle d'Amsterdam est conservée en une série complète qui couvre presque tout le XVIIIe siècle, mais que celle d'Utrecht est curieusement absente pour les numéros des années que Laugier de Tassy avait pourtant bien envoyés. Si l'échange de lettres avec Laugier de Tassy ne s'étend que sur une période très limitée (1 decembre 1728 - 29 juillet 1730), d'autres contacts entre la Bibliothèque du Roi et la librairie hollandaise avaient eu lieu au XVIIe siècle, comme nous l'avons signalé, et se sont poursuivis. Parmi ces relations hollandaises mentionnons notamment la correspondance entre Jean-Jacques Wetstein, cousin des libraires et professeur au séminaire remontrant d'Amsterdam et l'abbé Jourdain, secrétaire de la Bibliothèque du Roi de 1722 à 1743. D'autres lettres en cette même période émanent encore de Pierre de Hondt, Pierre Gosse et Jean Neaulme de La Haye et les Janssons van der Aa de LeydeGa naar eind12.. Jusqu'en 1734 seulement la Bibliothèque du Roi reçoit avec une grande régularité des livres de Hollande de même que de tous les autres pays grace aux diplomates qui sur les ordres de Maurepas se chargent de cette recherche là où ils se trouvent. A partir de cette date on a recours à d'autres méthodes d'approvisionnement. Jourdain donne les raisons de ce changement de politique dans la préface du premier volume du Catalogue | |||||||||||||||||||||||
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imprimé de la Bibliothèque du Roy, paru en 1739: ‘les correspondances dans les pays estrangers se sont insensiblement diminuées, les frais de port faisant revenir des livres à des prix excessifs; on s'est restreint aujourd'huy à en faire venir en droiture, seulement de Londres et d'Amsterdam et à l'égard de l'Italie et de l'Allemagne on en achète plus communément des libraires de Paris qui entretiennent quelque commerce dans ces pays-là’Ga naar eind13.. C'est ce que nous constatons nous-même entre le moment où l'on perd la trace de Laugier de Tassy et ce tournant de 1734. Le banquier Thelusson continue d'envoyer pendant quelques années des gazettes à la Bibliothèque du RoiGa naar eind14., mais par la suite il semble bien que la Bibliothèque se mette en rapport direct avec les libraires. Cette nouvelle méthode d'acquisition pose encore bien des questions et mériterait d'être approfondie.
Pour la présentation des lettres qu'on publie ici nous avons respecté l'orthographe originale; nous avons seulement harmonisé l'accentuation et la ponctuation. Quant aux alinéas, certains ont été supprimés pour pouvoir mieux respecter la logique interne de la lettre. Le dossier se compose de 26 lettres, dont 8 de Bignon à Laugier de Tassy, 14 de ce dernier à Bignon, une de Bignon aux frères Wetstein, une de Bignon à Thelusson, une de Laugier au comte de Maurepas, enfin une de ce dernier à l'abbé Bignon. | |||||||||||||||||||||||
Lettre I
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Lettre de l'abbé Bignon aux libraires Wetstein (lettre II)
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Lettre II
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de Maurepas de me l'avoir procurée; et à vous, Monsieur, de vouloir entrer en relation avec moy et m'employer à quelque chose. Puisque vous avez jugé à propos de me faire part de ce dont il s'agit en laissant la lettre pour ces libraires ouverte, permettez, Monsieur, la/ liberté que je prends de la garder jusqu'à votre reponse, et de vous proposer d'agréer que je me charge du soin de recueillir et de vous faire parvenir les livres que vous souhaiterez avoir pour la Biblioteque du Roy que je veux servir, si vous le trouvez bon, avec zele et desinteressement, demandant uniquement que vous ayiez, en ce cas, agreable de faire acquitter mes lettres de change par quelque Banquier que vous m'indiquerez à Paris. Depuis huit ans que je suis icy, je fournis à la Biblioteque de Mgr le Comte de ToulouzeGa naar eind17. et à celle de Mr De ValincourGa naar eind18. qui me fait l'honneur de s'en raporter à moy, pour l'examen des livres. Il est vray que mon Erudition est des plus bornées, mais j'ay recours dans l'occasion à des sçavants de ce païs dont le jugement n'est point équivoque. Je connois les Libraires de cette ville pour de rusez compagnons et qui sçavent, à mon gré, un peu trop leur compte, quand on se confie à eux, de quelque maniere qu'on s'y prenne. Ils tirent fort peu de livres de Paris, et en fait de troc,/on est ordinairement leur dupe. Je joins icy, Monsieur, les catalogues des livres Imprimez, ou qui se debitent dans les Provinces-Unies depuis janvier 1725. Je continueray chaque mois. Si vous trouvez que j'ay fait une sottise de retenir, jusqu'à nouvel ordre, la lettre pour les freres Wetstein, je vous en demanderay pardon et je suivray desormais vos ordres sans aucune interpretation. J'ay l'honneur d'etre avec un attachement tres respectueux, Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur Laugier de Tassy. A Amsterdam ie 20 decembre 1728 Paris, B.N., A.R. 73, ff. 71-72r, copie. Cette lettre porte la mention: ‘rep. le 28 décembre 1728’. | |||||||||||||||||||||||
Lettre IV
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j'avois jetté les yeux sur les freres Wetstein dont la reputation est moins equivoque que celle de la pluspart des autres. Mais malgré leur peu de fidelité et leur excessive avidité, j'ay peine à croire que vous puissiez vous passer d'en avoir quelqu'un pour une partie de vos commissions. Car je dois d'abord vous avertir qu'il n'en est pas de la Bibliotheque du Roy comme de celle de M. le Comte de Toulouse ou de M. de Valincour, qui sans doute seroient faschez d'acquerir d'autres livres que les bons. Pour nous, il n'y a presque point de choix à faire. Souvent le plus mauvais livre ne nous laisse pas de nous estre necessaire. Ainsi nostre grande attention se reduit à connoistre tout ce qui/ paroist de nouveau pour faire acquisition de presque tout, et nostre merite ne consiste ensuite qu'à l'avoir le plus promptement et le moins cherement qu'il est possible. Ainsi, Monsieur, apres vous avoir remercié des catalogues que vous avez eu la bonté de joindre à vostre lettre, je ne puis m'empescher de vous dire qu'il s'en faut beaucoup qu'ils nous conviennent. Premierement ils contiennent les livres venus en Hollande de pays etrangers et mesme de Paris. Or vous croyez bien que ceux de Paris ne nous manquent pas, mais je puis vous adjouster que ceux des autres pays nous manquent tout aussi peu. J'ay mes correspondances etablies par toute l'Europe; et tout ce qui s'imprime de nouveau dans tous les pays, m'en vient regulierement en droiture et par consequent à meilleur marché que si je les prenois de la seconde main en Hollande. Secondement, ces catalogues ne marquent ny l'année de l'impression, ny le nom des imprimeurs et des titres marquéz si superficiellement pourroient nous jetter dans l'inconvenient de faire venir des doubles que nous aurions deja. En troisieme lieu je crois pouvoir vous assurer que depuis 1725, il s'est imprimé beaucoup de livres en Hollande qui ne sont point compris dans ces catalogues et dont je ne laisse pas d'estre fort seur, puisque nous en avons mesme quelques uns. Ainsi, Monsieur, je ne crois pas que vous puissiez compter que pour remplir nos idées, vous puissiez vous/ en fier à ces seuls catalogues. Je comprends qu'en parlant ainsi, je vous laisse entrevoir qu'une pareille correspondance pourra vous causer plus d'embarras que peut estre vous n'aviez pensé d'abord. Vous trouverez mesme des cas et quelquefois en assez grand nombre où il s'agira de livres hébreux, arabes, grecs etc. et ce sont ceux dont nous devons estre les plus curieux. C'est ce dont je suis bien aise de vous avertir d'avance, parce que je serois au desespoir que faute de connoistre assez l'etendue de l'objet, vous commençassiez à vous charger d'une pareille commission sans en bien connoistre toutes les consequences. Attendez vous donc, s'il vous plaist, Monsieur, qu'il vous en coustera de nous envoyer d'abord des catalogues plus etendus, mieux dressez et plus detaillez. Je vous supplieray mesme d'adjouster dans ces catalogues le prix de chacun des livres, parce que le Roy faisant actuellement des | |||||||||||||||||||||||
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depenses immenses pour les bastiments, les tablettes et les autres decorations de sa Bibliotheque, je n'ay qu'une certaine somme limitée pour l'acquisition de nouveaux livres, et que devant donc proportionner nos acquisitions à nos fonds, je suis forcé de remettre quelquesfois l'achapt de certains ouvrages à des temps où nous serions plus en estat de les acquerir. C'est sur toutes ces reflexions que je me rapporte entierement à vous, Monsieur, de me renvoyer la lettre que j'avois pris la liberté de vous adresser pour les freres Wetstein, ou de la leur remettre, si vous croyez qu'ils pussent vous estre de quelque soulagement. Je vous offre mesme de la reformer si, croyant qu'ils vous pussent estre utiles, vous jugez à propos que je renferme les demandes que je leur faisois en/ de plus etroites bornes. A l'egard du remboursement de ce qu'il vous en coustera soit pour l'achapt des livres, soit pour les emballages, les voitures jusqu'à l'entrée de France, et mesme les ports de lettres, vous n'aurez qu'à me marquer tel correspondant banquier ou marchand qu'il vous plaira de choisir à Paris, les payements en seront faits avec toute l'exactitude possible. J'oubliois à vous dire qu'outre les livres, nous avons aussi besoin des estampes, des cartes de geographie, placards et des ordonnances imprimées; qu'en un mot, tout nous convient. Je commence mesme par vous demander en particulier les differentes gazettes et specialement celles ecrites en hollandois. Quelque longue que soit deja cette lettre, je ne puis la finir sans vous temoigner à quel point va ma reconnoissance de l'honnesteté avec laquelle vous avez bien voulu me repondre et sans vous marquer en mesme temps combien je suis honteux de vous exposer à tant de fatigues. C'est avec ces sentiments que vous devez juger à quel point je veux estre, Monsieur, etc. Paris, B.N., A.R.73, ff. 73-74, copie. | |||||||||||||||||||||||
Lettre V
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J'ay l'honneur d'etre avec l'attachement le plus respectueux, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur Laugier de Tassy A Amsterdam, le premier janvier 1729 Paris, B.N., A.R.73, f.75, copie. | |||||||||||||||||||||||
Lettre VI
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On n'imprime point en Hollande des livres hebreux hors qu'ils soient de commande, mais en Allemagne, les arabes s'impriment à Londres ordinairement, mais on en imprime/ quelques fois de grecs à Leyde. Ayez la bonté, Monsieur, de m'expliquer si vous avez besoin des Estampes, des cartes de geographie, des Placards et des ordonnances imprimées depuis 1725, comme aussi si vous souhaitez les differentes gazettes françoises et flamandes depuis ce tems là, ou seulement depuis le commencement de cette année. J'ay eté assez sot de ne pas le comprendre. Je n'ay vû faire, depuis huit ans que je suis icy, que des Estampes pour des livres, n'y ayant eu aucun evenement particulier de Paix ou de Guerre. Je puis vous envoyer la note de touttes celles que le Sr PicardGa naar eind19. a faites, pour voir celles qui vous manqueront. C'est sans contredit le plus habile graveur de ce pais cy. Je tacheray de vous fournir aussi un memoire de touttes les cartes geographiques faites dans ces Provinces sur lequel vous vous reglerez. Et pour l'avenir je ne vous laisseray rien ignorer de tout ce qui verra la lumiere./ Vous voyez, Monsieur, que la peine, l'embarras et la fatigue que vous avez la bonté de craindre pour moy, ne me rebutent point. Si aprez que j'auray fait pour le service du Roy, mon incomparable Maïtre, et pour vous, Monsieur, tout ce dont je seray capable, je ne reussis point, vous serez à tems de suivre votre premier projet et je me renfermeray dans ma sphere pour avoir l'honneur de vous servir, et vous pouvez etre toujours assûré de ma personne, de mon coeur et de mon zele. Si j'ay osé vous parler, Monsieur, des conditions du remboursement que vous indiquez si gracieusement, c'est que je suis, Dieu mercy, hors d'estat de faire de grandes avances. Le sisteme de LawGa naar eind20. et la contagion à Marseille m'ont enlevé tout ce que j'avois et aprez 30 ans de service je n'ay que mes apointemens dans un Païs le plus rude pour vivre qui soit au monde. Encore ne dois je pas le sou et je me suis fait une petite Biblioteque, la mienne ayant eté brulée à MarseilleGa naar eind21./ avec mes meubles pendant la contagion qui emporta ma famille. Mais qu'ay je fait, Monsieur, je vous parle de mes affaires, quand il ne s'agit que celles du Roy. J'avoue que j'ay tort et cela ne m'arrivera plus. C'est d'ailleurs abuser de vos bontez et du respect que je vous dois. Vous me passerez, s'il vous plait, cette Escapade, la lettre estant trop longue pour la recopier par le froid qu'il fait et incommodé que je suis. Il me reste à vous dire que je m'appliqueray de mon mieux pour meriter votre estime et l'honneur de votre bienveillance et que je m'estimeray tres heureux tant que vous voudrez bien recevoir les assurances de l'inviolable et respectueux attachement avec lequel j'ay l'honneur d'etre, Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur Laugier de Tassy A Amsterdam, le 17 Janvier 1729 Paris, B.N., A.R. 73, ff. 76-78, copie. | |||||||||||||||||||||||
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Lettre VII
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Lettre VIII
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affaires. Je n'apprends pas sans douleur que vos services depuis tant d'années ne vous ayent pas encor procuré une fortune plus avantageuse: mais je suis bien aise que vous m'en ayés averti parce que non seulement rien n'est plus propre à me presser de vous rembourser promptement toutes vos avances, mais encor à m'engager à vous faire plus tôt remettre quelque somme d'avance. C'est donc à vous de voir, M., si vous seriés plus en etat de suivre notre commerce au cas que je vous fisse remettre 50 ou 60 pistoles d'avance, et dans ce cas là vous n'avés qu'à me marquer par quelle voye vous les souhaiteriés. En mon particulier je croirois que le plus simple seroit que je fasse remettre ces sommes entre les mains de celuy par qui vous avés coutûme de recevoir vos appointemens. Je viens presentement aux affaires. Vous avés grande raison de vous plaindre de peu d'exactitude des catalogues. Celuy des Wetsteins n'est pas meilleur que celuy que vous m'avés envoyé d'abord. L'un et l'autre manquent dans la partie la plus essentielle pour nous, qui est la date des années. Presque tout aussi important à l'egard de plusieurs ouvrages d'en avoir les differentes editions. Nous ne scaurions pas attendre des années. Verifiés si nous aurions besoin d'en prendre quelques uns de ces catalogues. Ainsy celuy que vous me promettés nous semble d'une autre importance et je ne scaurois donc trop vous presser de nous envoyer du moins quelque partie. N'attendés pas s'il vous plait que vous l'ayés rendu complet par raport à tout ce qui a paru de nouveau depuis le ler fevrier 1725. Je suis beaucoup plus pressé de ce qui sera venu en 1728. / Les estampes et les cartes geographiques ne sont pas si pressées non plus et j'ay l'honneur de vous en avertir, afin que vous vous donniés moins de peine et que vous y travailliés avec moins de precipitation. A l'egard des gazettes je suppose qu'il ne sera pas si difficile de rassembler toutes celles de ces quatre dernieres années. Encor pourriés vous les envoyer au plustot. C'est en les voyant que je jugerois mieux de celles que je pourray vous prier de nous faire venir à mesure qu'elles paroitront. Au reste je n'ay point trouvé dans votre pacquet ce que vous me marquiés pourtant y avoir joint et que j'avois pris la liberté de vous adresser pour Messieurs Wetsteins. Je suis toujours tès parfaitement, M. Paris, B.N., Ms. Fr. 22234, ff. 239r+v., copie. | |||||||||||||||||||||||
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d'obligeant au sujet des fonds necessaires pour l'achat des livres, et des avances que vous me proposez de me faire à ce sujet. Permettez moy, Monsieur, de ne point accepter cette offre obligeante. J'ay bon credit icy et il me suffit de le conserver en payant quand il y aura une certaine somme. A l'egard de la maniere de faire venir l'argent icy, l'expedient que vous avez la bonté de me proposer n'est pas exempt d'inconvenient. Je/ paye à mon correspondant 2% de ce qu'il retire pour moy du Tresorier pour le remettre à un Banquier qui m'envoye une lettre de change à 2 Mois d'écheance et retient 1/2% pour sa commission et 1/4 pour le courtage, de sorte qu'il y a 2 3/4% de frais. Il conviendra mieux, je pense, lorsque j'auray fait emplette pour une certaine somme, que j'aye l'honneur de vous ecrire et alors vous pourrez faire demander à un Banquier de Paris de ceux qui correspondent icy, une lettre de credit en ma faveur de la meme somme, si mieux vous n'aimez m'indiquer un Banquier à Paris ou toutte autre personne sur laquelle je pusse tirer lettre de change de ce que j'auray avancé, avec laquelle personne vous vous entendrez pour le remboursement. J'ay l'honneur de vous remettre un catalogue que j'ay fait concernant les trois dernieres années. J'espere de vous en envoyer bientot un autre avec les gazettes et qu'avec le tems rien ne m'echapera. A l'egard des prix marquez à côté de la pluspart des livres, c'est un libraire auquel j'ay promis ma pratique qui me les a donnez et ils m'ont paru assez justes, mais comme je connois un peu le train de la librairie et que je ne veux donner ma pratique ou plutôt la votre qu'au rabais et à ceux qui me feront le meilleur parti, je vous prie, Monsieur, de me marquer en reponse/, que bien que je vous escrive que ces prix sont moderez, les libraires de Paris vous fourniroient la plus part de ces livres au même prix, et qu'alors vous epargneriez les frais d'icy à Paris; et je vous assûre que je feray un bon usage de cet article, car je veux faire en sorte que vous gagniez ou plus tost de vous epargner au moins 10 à 15 pour cent sur le prix ordinaire des livres que j'acheteray. A propos des frais d'envoy, vous aurez la bonté de me donner un correspondant à Bruxelles pour luy adresser les Balots. Je ne comprends point comment la lettre destinée pour Mrs Wetstein a disparu de mon paquet. Je me souviens bien de l'y avoir enfermée, à telles enseignes que je disois en moy mesme que si les commis de la Poste tatoient un cachet, ils croiroient que j'adresse des lettres pour d'autres. J'ay l'honneur d'etre avec un respectueux attachement, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur Laugier de Tassy A Amsterdam, le 7 fevrier 1729
Paris, B.N., A.R. 73, ff. 81-82r, copie. La lettre porte la mention: ‘rep. le 20 février 1729’. | |||||||||||||||||||||||
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Lettre X
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Lettre XI
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adresser vos balots pour nous les faire tenir icy. Vous ne m'en parlés plus en dernier lieu, et vous parlés comme si vous pouviés en adressant de vous même ces balots à Bruxelles nous les faire rendre surement à Paris par le carosse; j'ay sur cela quelques reflexions à vous faire, M. Est ce premièrement que vous auriés par vous même quelque correspondant, sans que je fusse obligé de vous en indiquer. Secondement permettés moy de vous dire que si cette voye est plus courte, elle est aussi infiniment plus chere et il ne faudra s'en servir que pour les ouvrages qu'il seroit bon d'avoir dans la nouveauté, pour les autres il y auroit bien plus d'epargne à les mettre sur quelques vaisseaux venant à Rouen, en les adressant seulement à M. de Maurepas pour la Bibliotheque du Roy. C'est comment nous faisons venir ce que nous souhaitons du Nord, de la Pologne, de la Basse Allemagne, du Portugal et même d'une portion d'Espagne: il n'en coûte presque rien de port, les bateaux nous les / apportant tous jusqu'icy. Que si cette reflexion vous paroit un peu trop mesquine par raport à ce qui regarde le Roy, pardonnés la, je vous prie, à l'envie que j'ay et que je suis obligé d'avoir de menager pour Sa Majesté autant et plus que je ferois pour moy même. Pour ce qui est du correspondant à Bruxelles pour les choses qui demandent plus de celerité, je ne puis vous proposer rien de mieux que M. de JonvilleGa naar eind25. chargé des affaires de Sa Majesté en cette cour là. Si vous jugés à propos de vous en servir, je vous prie seulement de nous avertir d'avance, afin que je puisse luy en faire une nouvelle politesse, outre celle dont j'ay pris soin de la faire déjà parvenir. Un autre article sur lequel j'ay encore chose agreable à vous dire, M., c'est que sur la difficulté que vous me proposiés par raport à la remise de vos avances, je suis convenu avec M. ThelussonGa naar eind26. qu'il se chargera de tout sans aucun frais. Il me dit encor hier que sur le change d'a present le florin de Hollande ne revient monnoye de France qu'à 2 livres 6 s. C'est un peu moins ce me semble que ce que je le trouve sur vôtre catalogue et ce me seroit donc une preuve qu'il m'a amusé juste en me disant que la correspondance dont je le chargerois seroit gratis. Mais à propos de tous ces menagemens, je vous prie de ne pas oublier dans les memoires que vous m'enverrés pour votre remboursement d'articuler les frais de ports de lettres. C'est bien assés que vous vous donniés tant de peine pour nous sans qu'il vous en coûte encor des sommes effectives. Je suis toujours plus que je ne puis vous le dire M. Paris, B.N., Ms. Fr. 22234, ff. 243r+v., copie. | |||||||||||||||||||||||
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Lettre XII
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P.S. | |
Gazettes françoises d'Amsterdam pour les années 1725, 1726, 1727 et 1728 à 13 florins | 52 florins |
gazettes françoises d'Utrecht | 52 florins |
gazettes flamandes d'Amsterdam pour les memes années à 5 fl. 10 | 22 florins |
gazettes flamandes de Haarlem idem | 22 florins |
gazettes flamandes de Leyde idem | 22 florins |
_____ | |
170 florins | |
Ports des differents endroits et transport à Bord | 2:8 fl. |
_____ | |
172:8 fl. |
Paris, B.N., A.R. 73, ff. 84-85, copie.
Lettre XIII
Laugier de Tassy au comte de Maurepas
07-03-1729
Monseigneur,
J'ay chargé aujourdhuy sur le smack la Justice de Salomon de Rouen Maitre Pierre Vassal un Balot contenant les gazettes françoises et hollandoises depuis Janvier 1725 sous l'addresse de vôtre Excellence et à la consignation de Maitre de Francy commis principal des classes, ainsi/ que Mr l'Abbé Bignon m'a marqué de le faire.
J'ay chargé en meme tems suivant l'avis de Mr D'AubentonGa naar eind29., un demi baril et une petite caisse, qui m'ont eté adressées, l'année derniere, par M. de VillardeauGa naar eind30. consul du Roy à St Petersbourg.
Je joins icy le receu du Maitre que votre Excellence aura la bonté de faire envoyer à M. de Francy pour lequel j'ay remis une lettre d'avis entre les mains dudit Maitre.
Je suis avec le plus profond respect, Monseigneur, de votre Excellence le tres humble et tres obeissant serviteur
Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 7 mars 1729
Paris, B.N., A.R., f. 86, copie.
Lettre XIV
Laugier de Tassy à Bignon
10-03-1729
Monsieur,
J'ay chargé hier les quatre années des gazettes hollandoises de La Haye sur le meme Batiment qui a le Ballot contenant touttes les autres. J'en ay eu le tems, ce batiment étant retenu par les glaces qui sont revenues assez subitement; vous aurez la bonté, Monsieur, d'ajouter pour ces gazettes 22 florins à la remise que vous ordonnerez de faire. Il n'y/ a que les gazettes françoises qu'on a pû avoir de ceux qui les font imprimer. Il a falu acheter les autres des particuliers et il y a eu assez de peine à les avoir. Quoy que le prix marquez à côté des livres du Catalogue que j'ay eu l'honneur de vous remettre, soit le prix ordinaire des Boutiques argent comptant, j'ay trouvé un Libraire qui me paroît disposé à me fournir à 10 pour cent de moins et j'espere meme d'en trouver quelqu'un qui me fournira encore à meilleur compte. Je les tateray tous et j'en tireray tout ce que je pourray. C'est assez l'ordinaire des libraires en ce Pais cy de faire tout au Monde pour se nuire et pour s'enlever les bonnes pratiques. Au premier envoy que j'auray à faire et que j'auray le sac à la main, je les passeray par la coupelle.
J'ay l'honneur d'etre avec l'attachement le plus respectueux, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur
Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 10 Mars 1729
Paris, B.N., A.R. 73, f. 88, copie.
que vous luy avez demandé et d'un demy Barril avec une petite Caisse remplis de Terre et de differentes productions que j'ay fait venir de Russie pour l'Academie des SciencesGa naar eind31., il en a esté remis un Extrait à Mr HardyonGa naar eind32.. Vous aurez, s'il vous plaist, agreable de les faire retirer. J'ay l'honneur d'estre tres parfaitement, Monsieur, vostre tres humble et tres obeissant serviteur, Maurepas
Paris, B.N., A.R. 73, f. 89r, copie.
Lettre XVI
Laugier de Tassy à Bignon
12-05-1729
Monsieur,
J'ay eu l'honneur de vous ecrire le 7 et 10 mars dernier que j'avois chargé pour Rouen toutes les gazettes françoises et flamandes de quatre années suivant vos ordres, dont le compte montoit à 194 florins, 8 sols, compris les frais. J'en envoyay le receu du Maitre du navire à Mgr. le Comte de Maurepas et son Excellence me fit l'honneur de me marquer qu'elle vous/ l'avoit fait remettre. Comme j'ay eté privé depuis ce tems là de l'honneur de vos lettres, je prends la liberté, Monsieur, de vous prier de vouloir bien ordonner que cette somme me soit remise et de m'honnorer, en meme tems de vos ordres que je suivray toujours avec exactitude.
J'ay l'honneur d'etre avec un tres respectueux attachement, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur,
Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 12 mai 1729
Paris, B.N., A.R. 73, f. 90, copie.
Lettre XVII
Bignon à Laugier de Tassy
23-05-1729
Je n'ay garde, M., de differer ma reponse à la derniere lettre que vous m'avés fait l'honneur de m'ecrire le 12e de ce mois. Si je n'ay pas repondu plutôt aux deux precedentes lettres des 7 et 10 mars dernier, c'est que j'attendois pour le faire l'arrivée du balot que vous me marqués avoir chargé pour Rouen à l'adresse de Maurepas. Je ne scay si c'est negligence de la part des commis des bureaux qui pourroient bien ne pas infiniment touchés de nos petites affaires litteraires ou si le navire a été si longtems en route, mais enfin le balot qui contenoit les gazettes dont vous m'aviés envoyé la note dans votre lettre du 4 mars et celles de La Haye que vous me marquiés y avoir ajoutées par votre lettre du 20 du même mois n'a été remis à la Bibliothèque que le 10 de ce mois pendant que j'etois allé faire un petit voyage à ma campagne. C'est pendant le sejour que
j'y ay fait que j'ay reçu votre derniere lettre et mon premier soin à mon retour est de vous temoigner toute la reconnoissance que j'ay des peines que vous voulés bien vous donner pour notre Bibliotheque. Tout ce que vous avés envoyé s'est trouvé bien conditionné, surtout les gazettes françaises et en meilleur état qu'on ne l'auroit peut-être dû attendre de la maniere dont ce balot étoit empaqueté, c'est ce qui m'oblige à vous suplier pour l'avenir de faire mettre ce que vous nous enverrés dans des caisses bien fermées, et de les mettre en droiture à mon adresse pour la Bibliotheque du Roy, afin d'eviter tout retardement s'il est possible.
A l'égard des 194 florins 8 s que vous avés avancés, vous n'en attendrés pas longtems le remboursement: je joins icy une lettre de change de pareille somme que m'a fournie M. Thelusson. Vous me fairés plaisir de me mander si elle vous aura été payée sans aucune diminution ou perte pour vous. Je serois bien faché qu'il vous en coutât rien du vôtre, et c'est le moins que je doive au zele et à l'attention que vous avés à me faire plaisir.
Je ne puis aujourd'huy que vous faire de grands remerciemens du catalogue exact des livres imprimés en Hollande depuis trois ans que vous m'avés envoyé, en y ajoutant les prix en marges comme je vous en avois / prié quoiqu'il y ait déja du tems, que je l'ay reçu. La confusion où sont les livres de la Bibliotheque depuis que les ouvriers travaillent dans les bâtimens de l'Hôtel où elle est logée et l'embarras que cela nous donne, m'a empêché de me déterminer sur les livres qu'il seroit à propos de m'envoyer et d'ailleurs ce catalogue ne laisse pas de meriter quelques reflexions par raport aux prix: mais ce sera sur quoy j'auray l'honneur de vous entretenir au long dans ma premiere lettre.
Je suis M.
Paris, B.N., Ms. Fr. 22234, ff. 258v-259, copie.
Lettre XVIII
Bignon à Thelusson
23-05-1729
M. Thelusson,
J'eus l'honneur M. de presenter hier à votre porte; c'etoit pour vous prier d'executer la promesse que vous avés eu la bonté de me faire et de vous demander ma lettre de change pour faire rendre à M. Laugier de Tassy à Amsterdam l'argent qu'il m'a donné pour un balot de livres qu'il m'envoye pour la Bibliotheque du Roy. M. GuymontGa naar eind33., notre tresorier, qui vous rendra ce billet, doit vous rendre en même tems l'argent de cette lettre de change.
Vous ne scauriés pourtant être trop persuadé de la reconnoissance avec laquelle...
Paris, B.N., Ms. Fr. 22234, f. 259, copie.
Lettre XIX
Laugier de Tassy à Bignon
06-06-1729
Monsieur,
J'ay receu la lettre dont vous m'avez honnoré le 23 du Mois dernier avec la lettre de change de 194 florins 8 sols qui y estoit attachée, dont le payement a eté fait sans aucune deduction. Je vous en remercie, Monsieur, de tout mon coeur.
J'observeray de faire exactement, à l'avenir,/ ce que vous avez agreable de me prescrire au sujet des Paquets, tant pour la maniere que pour l'addresse.
Je suis toujours prêt, Monsieur, à recevoir vos ordres, et lorsque vous aurez eu la bonté de m'envoyer la note de livres necessaires à la Biblioteque du Roy, je travailleray à tirer le meilleur parti qu'il se pourra des Libraires.
J'ay l'honneur d'etre avec un tres respectueux attachement, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur
Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 6 juin 1729
Paris, B.N., A.R. 73, f. 91, copie.
Lettre XX
Bignon à Laugier de Tassy
15-06-1730
Je ne scay, Monsieur, ce que vous aurés dit de ce que vous avés eté si longtems sans recevoir de mes nouvelles. Mais je scay fort bien quelque empressement que j'eusse eû de profiter des offres obligeantes que vous m'aviés faites pour enrichir la Bibliotheque du Roy des nouvelles impressions de Hollande, / je n'ay pas été fâché de ne vous pas donner trop de fatigues. Ce qui m'en a empeché, c'est que m'etant fait une loy de ne rien prendre à crédit, nous ne nous sommes pas trouvé de fonds pour faire de grosses acquisitions. La peu qui nous en est fourny chaque année etant plus que consommé par les ouvrages qui se font depuis deux ans pour les bâtimens, les tablettes et autres ornemens de l'Hotel de la Bibliotheque de Sa Majesté.
Cependant je ne puis aujourd'huy m'empecher de m'adresser à vous par raport à une nouvelle que j'ay apprise depuis peu. On m'a fait present du catalogue d'une bibliotheque immense, puisqu'elle me paroit contenir bien 100 mille volumes et qui se doit vendre à La Haye dans vos cantons au mois de septembre prochain. Je ferois mieux de scavoir ce que c'etoit que ce M. HulzGa naar eind34. qui l'a ramassée, comme aussi que sont ses héritiers et si au lieu de tous les embarras d'une vente juridique qui demande tant de tems et de frais, il ne seroit point d'humeur à s'accommoder avec
quelqu'un qui voudroit acheter le total. Quand je dis le total je n'entens seulement tout le contenu des cinq volumes, mais aussi le contenu de chaque matiere particulière: par exemple ce qui regarde la theologie, la jurisprudence etc, ou même ce qui se trouve dans le volume particulier du catalogue des livres allemans, anglois et espagnols. Je doute que le Roy voudra faire pareille acquisition, je crois, pour sa Bibliotheque, parce que dans ce cas nous nous trouverions surchargés d'un trop grand nombre de doubles: mais j'ay des amis particuliers, qui pourroient bien être tentés d'un pareil achat s'il ne montoit pas a une somme trop excessive.
J'ose donc vous suplier Monsieur de tâcher de me procurer sur cela quelque eclaircissement. Ce ne laissera pas d'être une negociation un peu delicate car je serois fâché qu'on sçut que si vous vous donnés ces soins ce seroit à ma priere et il faudroit donc s'il vous plait que sans faire mention de ma priere vous agissiés sur cela comme si c'etoit pour une commission qui vous fût venuë plutôt d'Espagne ou d'Italie que de France.
Vous voyés Monsieur que, si je vous ay menagé jusqu'icy, ce n'a pas été manque de confiance en votre amitié ou en votre habileté. Je vous avoue même que j'eusse été ravi d'etre en etat de la mieux mettre à l'epreuve; mais je me flatte que vous m'en saurés et que vous rendrés justice aux sentimens avec lesquels je suis, Monsieur
Paris, B.N., Ms. Fr. 22235, f. 25v-26r, copie.
Lettre XXI
Laugier de Tassy à Bignon
26-06-1730
Monsieur,
J'ay receu la lettre dont vous m'avez honnoré le 15 de ce mois, et j'ay eté charmé de pouvoir vous etre bon à quelque chose. Mr. van Hulz a qui appartient la Biblioteque sur laquelle vous avez des veües, Monsieur, est un ancien Bourguemestre de La Haye, Doctus in Libris qui a eu la fureur d'acheter des Livres, comme d'autres l'ont d'acquerir des Porcelaines pour des sommes immenses. L'on m'a dit que tous ces livres sont magnifiques, tant/ pour la beauté des editions qu'il a recherchées que pour les relieures dont il s'est fort piqué, mais on doute qu'il ait lû. J'ay eté informé indirectement qu'il preferera le parti de vendre cette Biblioteque en vente publique à celuy de s'en defaire tout à la fois, parce que lors que de pareilles ventes sont indiquées d'avance, non seulement il vient beaucoup de commissions de partout, mais meme bien de Personnes d'Angleterre et d'Allemagne et on a vû souvent que par la quantité d'encherisseurs, les livres se vendoient infiniment plus qu'ils ne valoient. D'ailleurs les deux libraires chargez de la direction de cette vente y
trouvant leur intéret et fourrant dans ces sortes d'occasion une infinité de Livres qu'ils vendent, s'ils y trouvent leur compte, ou qu'ils retiennent, persuaderont toujours M. van Hulz de vendre en public. J'ay cependant ecrit à La Haye à une personne de confiance, pour sçavoir d'où vient que M. van Hulz vend sa Biblioteque, si c'est par besoin d'argent, ou pour se faire un nom dans le monde, de qui il prend conseil,/ s'il parle françois, s'il est actuellement à La Haye, ou à la campagne etc. Lorsqu'on m'aura repondu, j'enverray une Personne à La Haye pour luy parler, je dis une personne tres entendue en Livres et dans les usages du Pais. Tout se fera avec menagement et sans qu'il soit fait mention de vous, Monsieur; et si je le trouve absolument necessaire, j'iray moi meme parler à M. van Hulz qui ne me connoit pas et sans me faire connoitre. Je vous avoueray, Monsieur, que je ne me flatte guere de reussir, ayant à combattre des Libraires qui se sont emparez de cet homme là qui en qualité de hollandois doit etre avare, qui a une grande et magnifique opinion de ses livres et auquel on fait esperer un grand profit.
Je vous suplie, Monsieur, de m'accorder toujours quelque part dans votre bienveillance et d'agreer les assurances du tres respectueux attachement avec lequel j'ay l'honneur d'etre, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 26 juin 1730
Paris, B.N., A.R. 73, ff. 92-93r, copie.
Lettre XXII
Laugier de Tassy à Bignon
03-07-1730
Monsieur,
J'ay receu deux lettres de mon homme de confiance de La Haye, une avant hier et l'autre aujourdhuy, au sujet de la commission que vous m'avez fait l'honneur de me mander. Par la premiere, on me marque que Mr van Hulz vend ses livres sans besoin et qu'il n'en donne d'autre raison que celle qu'estant fort agé et ne voyant plus clair, c'est un meuble qui luy est devenu inutile. Qu'à l'egard des livres ils sont aussi bons et aussi bien conditionnez/ qu'ils peuvent etre, non que celui qui les a rassemblez fut fort au fait de ce qu'ils contenoient, mais il estoit curieux à cet egard, comme d'autres le sont en Porcelaines, en fleurs, en coquilles, etc, qu'à force d'en acheter et d'en vendre, il avoit acquis une grande connoissance des Editions, et a fait choix de touttes les meilleures, et qu'il n'y en a aucune d'estimée qu'on ne trouve dans son cabinet, c'est ce dont le catalogue peut faire foy. Qu'on luy a demandé s'il vouloit vendre sa Biblioteque en bloc, qu'il n'a point rejetté cette proposition, mais que quoy qu'il ne se soit point encore expliqué sur les conditions qu'il desireroit, il est à presumer qu'elles seront tres hautes et effrayantes.
Voicy ce qu'on me marque par la derniere lettre. J'ay fait parler à M. van Hulz par un homme non suspect. Il demande 13 mille pistolets de sa Biblioteque, ou environ 128 mille florins. J'imagine que c'est pour en avoir un peu plus de cent mille, et je croy qu'effectivement elle/ le vaut bien. On a demandé du tems pour donner reponse, ayez la bonté, Monsieur, de me donner vos ordres là dessus, soit que vous vous determiniez à acheter le tout ou à n'en prendre que partie; mais en ce dernier cas, il est à presumer qu'il faudra se pourvoir à la vente.
J'ay l'honneur d'etre avec un attachement tres respectueux,
Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur,
Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 3 juillet 1730
Paris, B.N., A.R. 73, ff. 94-95r, copie.
Cette lettre porte la mention: ‘rep. le 8 juillet 1730’.
Lettre XXIII
Bignon à Laugier de Tassy
8-07-1730
Je commence, Monsieur, par vous remercier des soins que vous avés eu la bonté de vous donner à ma priere par raport à la Bibliotheque de M. Huls. Je ne m'étonne pas qu'il en demande un si haut prix: mais je pense que la vente en detail ne remplira pas toute son attente.
Ce que je vous suplie d'observer, c'est que je serois bien fâché de penser à l'acquisition du total. Mon idée ne seroit que sur le quatrième tome du catalogue contenant les livres imprimés en quatre langues: l'allemand, le flamand, l'anglois et l'espagnol. Ce n'est pour le nombre des volumes presque que le 6e de la Bibliotheque entiere, mais par raport à l'empressement des acheteurs et par consequent au prix, je crois que c'est [sic] partie ne doit au plus être regardée que comme la 20e ou 25e du total. Je m'imagine même qu'il y en aura un très grand nombre ou qui ne seront point achetés ou qui seront vendus au plus bas prix. Je vous prie donc Monsieur de restreindre votre negociation à cette seule partie et j'auray l'honneur de vous expliquer plus au long ma pensée quand vous m'aurés fait la grâce de me marquer ce qui vous a été repondu.
Soyés egalement persuadé qu'on ne scauroit être plus que je le suis, Monsieur
Paris, B.N., Ms. Fr. 22235, f. 31v, copie.
doit etre vendue, et comme tous les frais sont faits, il n'y auroit maintenant qu'un gros prix qui pourroit le tenter de renoncer à une vente publique dont il espere beaucoup de profit, veu le nombre de commissions qu'il sçait bien etre venues de touttes parts. J'ajouteray que les 4 sortes de livres que vous avez designé, sont precisement les plus chers, les Anglois parce qu'il s'en trouve peu et qu'ordinairement une Edition est toutte vendue aux souscripteurs avant de paroistre, les allemands et flamands parce qu'ils sont icy à la portée de tout le monde. Les espagnols parce que les juifs qui sont fort nombreux, comme vous sçavez, les recherchent et sont en estat de les bien payer. Mon experience m'a appris ce que je vous marque etc.
Paris, B.N., A.R. 73, f. 97, copie.
Lettre XXV
Laugier de Tassy à Bignon
24-07-1730
Monsieur,
J'ay receu la lettre dont vous m'avez honnoré le 8 de ce mois. Vous verrez par la copie de la lettre que j'ay receue de La Haye au sujet du Tome du Catalogue contenant les livres Allemands, flamands, Anglois et François, qu'on ne peut rien faire avec M. van Hulz. Je suis meme persuadé du caractere dont il est que s'il y a de ses livres dont la vente ne repond pas à ses/ Esperances, il les fera retenir pour luy et les gardera dans l'esperance de trouver quelque occasion de les mieux vendre. Je suis bien mortifié, Monsieur, de n'avoir pû avoir le bonheur de vous servir suivant vos intentions et j'ay l'honneur d'etre avec un tres respectueux attachement, Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur, Laugier de Tassy
A Amsterdam, le 24 juillet 1730
Paris, B.N., A.R. 73, f. 96, copie.
Lettre XXVI
Bignon à Laugier de Tassy
29-07-1730
Je n'ay garde, M., de manquer à vous marquer ma vive reconnoissance des soins que vous avés eu la bonté de vous donner par raport aux vues que j'avois sur la Bibliotheque de M. Van Hulz. Quelqu'inutiles qu'ayent été vos demarches, je n'y dois pas être moins sensible.
Il m'est revenu que d'autres qui avoient eu la même idée que moy, et que M. Hulz s'etoit laissé entamer, mais qu'il avoit mis les livres du volume dont je vous avois écrit à un si haut prix qu'on en avoit été degouté. Je pense qu'il demandoit de ce seul article trente à 40 mille
florins de Hollande. C'est ce que je ne scaurois croire qu'il ne puisse jamais trouver, et selon les apparences il prendra le party que vous avés imaginé qui est de réunir les morceaux dont on n'offrira point assés à son gré, auquel cas il court risque de garder une grande partie de sa Bibliotheque. C'est ce que nous voyons arriver icy tous les jours dans les differentes ventes qui se font. Au bout du compte ce sont ses affaires.
< Permettés moy de vous proposer une manoeuvre bien plus aisée. C'est à l'occasion d'un pacquet que je reçus hier d'Amsterdam dans lequel je trouvay sans aucune lettre d'avis un volume in -12o intitulé: Bibliotheque raisonnée des ouvrages des scavans de l'EuropeGa naar eind35. pour les mois d'avril, may et juin 1730, tom. IVe 2e, paru à Amsterdam chez les Wetsteins en juillet 1730. Je vous serois fort obligé, si vous voulés bien les acheter pour notre Bibliotheque et nous envoyer depuis le 1o volume jusqu'en et compris ce quatrieme. Je les voudrois en feuilles pour les faire relier à un format à notre maniere. Vous pouriés me les adresser par le carosse de Bruxelles et les autres par la poste qu'il paroitroist, legerement pliés>Ga naar eind36.. Je suis toujours tres parfaitement, M.
Paris, B.N., Ms. Fr. 22235, f. 34v, copie.
- eind1.
- O. Lankhorst, Reinier Leers (1654-1714). Uitgever en boekverkoper te Rotterdam, Amsterdam/Maarssen 1983, pp. 106 et suiv.
- eind2.
- Ibidem, pp. 116 et 117; B.N., Ms. Archives AR 53, f. 135: la commande se monte à 737 florins et 12 sols.
- eind3.
- Cf. Françoise Bléchet, ‘Jean-Paul Bignon, despote éclairé de la République des Lettres’, dans: Histoire des bibliothèques françaises. Les bibliothèques sous l'Ancien Régime 1530-1789, Paris (Promodis) 1988, pp. 216-221.
- eind4.
- Cf. Françoise Bléchet, ‘Le déménagement de la Bibliothèque du Roi et son installation au Palais Mazarin’, dans: Revue de la Bibliothèque Nationale 5(1985), no 17, pp. 34-45.
- eind5.
- Cf. O. Lankhorst, o.c, p. 113.
- eind6.
- Voir aussi S. Balayé, La Bibliothèque Nationale des origines à 1800, Genève 1988, pp. 200-228.
- eind7.
- Pour Laugier de Tassy, voir O. Schutte, Repertorium der buitenlandse vertegenwoordigers, residerende in Nederland 1584-1810, 's-Gravenhage 1983, p. 50.
- eind8.
- Voir aussi par exemple lettre X: ‘240 florins ou environ et prez de 500 livres monnoye de France suivant le change d'à present’.
- eind9.
- Cf. J. Klaits, Printed propaganda under Louis XIV. Absolute Monarchy and Public Opinion, Princeton 1976, pp. 20-23 et H. Bots, ‘Les Provinces-Unies centre de l'information européenne au XVIIe siècle’, dans: J. Adhémar e.a., L'Informazione in Francia nel Seicento, Bari/Paris 1983, p. 292.
- eind10.
- Voir Z.C. von Uffenbach, Merkwürdige Reisen, III, Ulm 1754, p. 392.
- eind11.
- Cf. Jean Viardot, ‘Livres rares et pratiques bibliophiliques’, dans: H.-J. Martin et Roger Chartier(éds.), Histoire de l'Edition française, t. II: Le Livre triomphant, 1660-1830, Paris 1984, pp. 446-467.
- eind12.
- Les lettres de ces libraires se trouvent également dans le manuscrit Archives, A.R. 73 de la Bibliothèque Nationale; renvoyons aussi à Françoise Bléchet, ‘La Bibliothèque du Roi et la contrefaçon au XVIIIe siècle’, dans: F. Moureau (éd.), Les Presses Grises. La contrefaçon du livre (XVIe-XIX siècle), Paris 1988, pp. 65-85.
- eind13.
- Abbé Jourdain, préface publiée en tête du premier volume du Catalogue imprimé de la Bibliothèque du Roy, Paris
1739, p. LXXIX.
- eind14.
- Voir par exemple les lettres dans le même manuscrit Archives, AR 73 de la Bibliothèque Nationale, ff. 121 et 129 et Ms. Fr. 22235, ff. 119 et 120-120v et 206.
- eind15.
- Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas (1701-1781), secrétaire d'état à la maison du roi depuis 1718 et en 1725 il fut ministre de la marine. Cousin de Bignon.
- eind16.
- La maison Wetstein à Amsterdam fut dirigée par Rudolphe Wetstein (1679-1742) et son fils Jacob à partir de 1727. Ces deux Wetstein publièrent de nombreux ouvrages avec leur associé W. Smith, beau-fils de Rudolphe jusqu'en 1734. Gérard Wetstein (1680-1755), frère de Rudolphe, ne joua qu'un rôle secondaire en ces années. Cf. I.H. van Eeghen, De Amsterdamse Boekhandel 1680-1725, t. IV, Amsterdam 1967, pp. 168-182.
- eind17.
- Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse (1678-1737) grand amiral de France. Bibliophile et mélomane. Il a rassemblé une collection exceptionnelle d'oeuvres musicales. Cf. Cathérine Massip, ‘La collection musicale Toulouse-Philidor à la Bibliothèque Nationale’, dans: Fontes artis Musicae, 1930 (1983), pp. 184-191.
- eind18.
- Jean-Baptiste Du Trousset, sieur de Valincour (1653-1730), homme de lettres, serviteur de la maison du comte de Toulouse et secrétaire général de la marine. Travaillait toute sa vie à une grande bibliothèque de 6 à 7 mille volumes.
- eind19.
- Bernard Picart (1673-1733), sans doute le dessinateur et graveur le plus illustre de cette période dans les Provinces-Unies. Cf. I.H. van Eeghen, o.c., IV, pp. 41-45.
- eind20.
- John Law (1671-1729), financier écossais et contrôleur général des finances; son système de banque lancé sous la Régence avait abouti à une effroyable banqueroute en 1720. Sa fuite en décembre 1720 libéra l'hôtel de la Banque ou ancien Palais Mazarin qui fut alors occupé par la Bibliothèque du Roi.
- eind21.
- Il s'agit de la peste qui a sévi à Marseille en 1720.
- eind22.
- Il s'agit ici d'une gazette d'Amsterdam qui parut depuis 1703 avec les suppléments sous le titre Suite des Nouvelles d'Amsterdam; la Gazette d'Utrecht, publiée depuis 1710 et les Nouvelles extraordinaires de divers endroits qui virent le jour à Leyde depuis 1680. Pour les gazettes en langue néerlandaise Laugier de Tassy fait allusion à Haagse Courant, Amsterdamsche Courant et Leidse Courant.
- eind23.
- Nous connaissons La Quintessence des nouvelles qui parut depuis 1689 et Le Courrier publié à Amsterdam en 1723 et 1724. Si La Quintessence parut encore en ces années, ce qui n'est pas du tout exclu, nous devons constater que des exemplaires nous manquent à partir de 1727. Cf. E. Hatin, Les Gazettes de Hollande et la Presse clandestine au XVII et XVIIIe siècles, Paris 1865, pp. 181-188.
- eind24.
- Outre les gazettes en langue néerlandaise citées supra note 20 il faut penser à De Oprechte Haarlemsche Courant, gazette de la ville de Haarlem. Pour Dubreuil, il s'agit de César Tronchin Dubreuil (1683-1740), qui était seul propriétaire de la Gazette d'Amsterdam depuis la mort de son frère Charles en 1727. Cf. Jean Sgard (éd), Dictionnaire des Journalistes 1600-1789, Grenoble 1976, pp. 357-358.
- eind25.
- François Chaillou, sieur de Jonville, chargé d'affaires dans les Pays-Bas autrichiens de 1728 à 1738. Cf. Repertorium der Diplomatischen Vertreter aller Länder, hrsg. v. Fr. Hausmann, t. II, Zürich 1950, p. 117.
- eind26.
- Isaac Thellusson (1690-1755), diplomate et homme politique; ministre de Genève à la Cour de France de 1728 à 1744 et banquier à Paris. Après le débâcle du système Law, le Régent de France eut recours aux conseils de Thellusson.
- eind27.
- Pierre Vassal, sans doute capitaine du navire La Justice de Salomon.
- eind28.
- Remarquons que les années 1725, 1726, 1727 et 1728 de ces gazettes: Amsterdamse Courant, Leydse Courant, Oprechte Haarlemsche Courant de même que 's Gravenhaegse Maendaegse Courant (envoyé le 7 mars, voir lettre XIV) se trouvent encore actuellement à la Bibliothèque Nationale dans la série M et que ces volumes portent des cotes qui se suivent: M 1636/39; M 1640/43; M 1644/47; M 1648/51. C'est d'ailleurs grâce à cela que nous avons retrouvé la gazette de La Haye dont le titre ne figure pas dans le catalogue des périodiques de la B.N.
- eind29.
- Il s'agit probablement de François-Ambroise d'Aubenton de Villebois, membre d'une famille noble de Saintonge et d'Aunis, dont le fils a rempli plus tard plusieurs fonctions dans la marine. S'agit-il du marquis de d'Aubenton qui fournit à la Bibliothèque du Roi depuis Madrid les livres nouveaux espagnols comme Laugier l'a fait pour les Provinces-Unies?
- eind30.
- Villardeau, consul de France à St Petersbourg en ces années. Cf. Repertorium Dipl. Vertreter, t. II, p. 123.
- eind31.
- Rappelons que Bignon dirigeait l'Académie des Sciences de Paris depuis 1699.
- eind32.
- Jacques Hardion (1686-1766), historien français, élu en 1730 membre de l'Académie Française; garde de la Bibliothèque particulière du Roi à Versailles.
- eind33.
- Guymont, trésorier de la Bibliothèque du roi jusqu'en 1740.
- eind34.
- Samuel van Hulst, avocat et échevin à La Haye, avait constitué une belle bibliothèque, qui fut visitée en 1711 par Zacharias Conrad von Uffenbach. Cf. Z.C. von Uffenbach, Merkwürdige Reisen, III, Ulm 1754, p. 392.. De cette bibliothèque parut un catalogue sous le titre: Bibliotheca Hulsiana sive Catalogus librorum... quos colligit ... Samuel Hulsius... quorum auctio habebitur Hagae Comitum. In aula magna (vulgo) de Groote Zaal van 't Hof. Die 4. Sept. et sequentibus 1730. Per Joh. Swart et Petr. de Hondt..., Hagae Comitum (apud J. Swart et P. de Hondt) 1730, 4 vols. in 2o.