| |
| |
| |
| |
Bulletin périodique de la ‘Dietsche warande’.
No 6 (du 5me volume).
PAr un concours de circonstances, l'article de M. van Berckel sur les drapeaux et les bannières considérés au point de vue de l'histoire et du symbolisme, que nous avions mentionné comme faisant partie du 3me numéro du volume en cours de publication, n'a été prêt pour le tirage qu'au moment où nous allions imprimer la 4me livraison. Ce travail consciencieux, dont le sujet a été développé amplement et avec la grâce et la chaleur qui tour-à-tour vivifient le dessin et le coloris des petits tableaux de notre savant collaborateur, relève beaucoup les modestes pages de notre revue, dont le présent numéro en contient la 3me et dernière partie. Maintenant qu'il en a fini jusqu'à un certain point avec le drapeau lui-même, M. van Berckel a l'intention de s'occuper de l'enseigne, de celui qui a l'honneur que la garde du drapeau ou de la bannière lui soit commise. Nous espérons pouvoir présenter cette étude à nos lecteurs dans le courant de l'année prochaine.
A propos de cette année prochaine, nous avons quelques petites communications à faire qui depuis longtemps nous pèsent sur le coeur. Il s'en faut de beaucoup que la ‘Dietsche Warande’. dans les deux dernières années, ait paru à ces époques fixes, dont notre programme avait parlé. C'est que c'est une chose impossible. Nous pourrions paraître le premier des mois de Janvier, de Mars, de Mai, de Juillet, de Septembre, de Novembre, sous une des conditions suivantes:
Si nous voulions multiplier davantage les articles purement littéraires;
Si nous consentions à publier des théories qui ne seraient pas absolument homogènes avec les nôtres;
Si nous pouvions nous résoudre à ne pas faire relever chaque appréciation d'une oeuvre d'art, d'un livre, d'un événement, du système que nous avons le bonheur de représenter.
Mais pour faire un choix dans ces trois moyens de réussite - nous ne le pouvons. Nous aimons mieux faire le sacrifice de la stricte périodicité, et nous espérons que nos lecteurs nous en sauront bon
| |
| |
gré. (Pour ce qui regarde la question matérielle - si notre éditeur met dix-huit mois, au lieu de douze, à la publication de 620 pages, - les abonnés naturellement ne paient pendant ce laps de temps que le prix accordé pour une année de 12 mois. Nous n'irons jamais au delà du maximum, qui est de 6 livraisons par an.) D'abord en élargissant le terrain pour la partie littéraire, notre organe perdrait sa physionomie propre, au milieu des autres revues néerlandaises; pour la seconde condition, nous avons la réputation d'être exclusif - c'est-à-dire de n'admettre que ce qui est vrai à nos yeux et de n'admirer que ce que nous trouvons beau - cette réputation nous l'avons acquis au prix de trop de peines et de désagréments, pour ne pas être jaloux de la conserver intacte; troisièmement, trop de dégoûts, à la lecture des revues incolores, des organes bienveillants, font le tourment de notre vie, pour que nous voulions coöpérer à leur multiplication. La seule chose que nous tenons à voir accepter par nos lecteurs, c'est que, quelque lente que paraisse l'allure de notre revue - nous ne négligeons pas un seul moment ses intérèts; nous faisons le possible pour contribuer à la marche regulière de notre publication. Que nos amis aient quelque indulgence et que notre visite, quelque retardée, quelque imprévue qu'elle soit de temps en temps, ne leur soit pas à charge. Dans le courant de l'année 1861, qui, avec l'aide de Dieu, verra paraître la majeure partie du VIe volume, nous publierons différentes belles et grandes gravures de monuments néerlandais, et sans négliger la littérature proprement dite, nous avons l'intention de faire
beaucoup d'‘art et archeologie chrétienne’.
En désignant entre guillemets cet objet favori de nos études, nous voulons protester en quelque sorte contre l'expression-même dont nous nous servons. Nous voudrions pouvoir bannir de la discussion le mot d'art chrétien. A notre avis c'est, premièrement, faire bien trop d'honneur à l'art qui n'est pas chrétien que de donner un nom sectaire a notre art à nous. Cet art à nous - c'est l'art, tout bonnement; l'autre, c'est tout ce que vous voulez: Ab-art, comme l'allemand dit avec énergie, dans un sens analogue; c'est l'art payen, l'art sensuel, l'art dévoyé, etc. Mais, en second lieu, distinguer, décorer du titre d'art chrétien seulement des productions de l'art dit religieux, de l'art ecclésiastique, - c'est commettre une grande injustice vis-à-vis de tous les artistes qui, pour ne pas peindre des sujets empruntés à la sphère ascétique, n'en sont pas moins de dignes serviteurs de la bonne et grande cause du Beau noble, pur, et sain. Il faudrait en user avec
| |
| |
les oeuvres d'art comme avec les hommes. A l'homme baptisé, qui porte en soi une âme saine, vous ne refuserez pas le nom de chrétien, quoique peut-être son âme n'ait pas encore droit à la qualification de sainte. Voilà les charmantes fleurs de feu M. Saint-Jean; peintre d'une piété exemplaire (ce que nous ne mentionnons que parce que cela établit une présomption en faveur de la noblesse et de la pureté de son oeuvre): eh bien, vous n'oserez pas mettre ces charmantes études sur la nature, sur cette création qui est toute parfumée de l'haleine de l'Esprit qui a rendu les eaux fécondes - vous n'oserez pas les mettre au nombre des oeuvres de l'art chrétien: c'est injuste et c'est maladroit. Dans votre catalogue de l'art chrétien vous enregistrerez les plus méchantes productions de tel ou tel faiseur de pastiches d'Overbeck, de Flandrin (en France surtout ces contrefacteurs fourmillent), ou de Joseph Ruskins, et vous voudrez nous faire accroire que Paul Delaroche, que Louis Gallait, que Landseer, que Louis Meyer (j'allais dire Gudin: mais il est peut-être un peu trop immodéré), que Madou, que Schelfhout et Waldorp ne font pas de l'art chrétien. C'est injuste: parce que c'est surtout dans le grand domaine de l'art - enceinte parfaitement aérée - qu'il convient d'appliquer le texte: ‘qui n'est pas contre nous, est pour nous’. C'est maladroit: parce que vous avez l'air d'avouer devant nos adversaires que notre art, notre beauté, c'est quelque chose d'anormal et de petit; un oiseau rare, très précieux sans doute, mais assex étique; un objet de curiosité; quelque chose qui ne va pas par la rue et par les champs, qui ne s'associe pas à la vie
du peuple, d'un chacun - mais qui est sous la garde d'un custode de musée ou de tel et tel sacristain rapace. Non, Dieu merci, Dieu merci! si c'est là vraiment votre pensée - si vous êtes si timide, si votre âme est exigue à tel point, je ne suis pas des vôtres. A vous entendre - la création du bon Dieu ne serait pas chrétienne.
Ce nom d'art chrétien a été jeté dans l'arène, lors de la grande réaction du sentiment religieux et des plus nobles instincts de la nature humaine contre le paganisme et contre l'académisme. Comme cri de guerre, comme signe de réunion il a fait son service: il disait rudement à quoi nos prédécesseurs, il y a trente ou quarante ans, en voulaient venir: mais maintenant il est très désirable qu'il tombe en désuétude. Si quelqu'un veut s'occuper spécialement de l'art ecclésiastique, ne fut-ce que dans une de ses branches nombreuses - c'est très-bien; nous ne disconvenons pas que, pour l'art religieux, il y ait
| |
| |
plus à faire et à refaire, surtout à redire, que pour l'art soi-disant profane: mais qu'on ne se serve plus de cette épithète mal-choisie de ‘chrétien’. Chrétien, n'est-ce-pas? ce n'est pas seulement ce qui appartient à l'Église, considérée dans sa nature spirituelle, ou ce qui est religieux tant pour la forme que pour le fond: mais l'histoire du christianisme, c'est tout bonnement l'histoire du monde; la pensée qui se réalise dans la création et dans le cours des choses, c'est une pensée éminemment chrétienne. Dans le monde payen nous trouvons un christianisme voilé; dans le monde israëlite la pensée chrétienne existe à l'état de germe, de prophétie. Le Seigneur Christ est la seconde personne de la Très-Sainte Trinité et l'ordre qu'Il a établi dans le monde était un ordre éternel et universel. Il s'en faut de beaucoup que le christianisme soit une secte, comme celle des adhérents de Brahma, de Bouddha ou des dieux de l'Olympe. Et maintenant on veut encore restreindre cet adjectif de ‘chrétien’, et on ne veut appeler ‘chrétien’ que ce qui relève de la vie ascétique, de l'histoire sainte, de l'hagiographie, ou de la liturgie. Aux temps plus chrétiens que les nôtres, on ne vous aurait pas compris, si vous aviez dit que vous n'aimiez que l'art chrétien. On appelait votre art chrétien et tout art digne de ce nom tout simplement l'art; l'architecture romane ou gothique l'architecture, et ainsi de la musique et de la poésie. Certes, on se serait réservé le droit de dire que tels et tels passages dans les chansons de la Table Ronde étaient peu chrétiens; Saint Bernard condamnait
certaines peintures comme impures, ou même seulement comme profanes: mais personne n'y songeait d'intervertir les rôles; de faire de l'exception la règle et de parler, comme vous, de l'art chrétien comme une manifestation très belle, mais très modeste, de l'art en général. Non, non: l'art, c'est l'art chrétien, comme l'Europe est l'Europe chrétienne, comme le monde est chrétien, en tant que le monde est normal, comme la création est divine, comme l'amour de Dieu est universel: et il est plus que temps, comme notre grand ennemi, le paganisme, est désarçonné, à ne plus se relever dans les premiers cent ans, - il est plus que temps, pour la légion relativement peu nombreuse qui, sous la bannière de l'art chrétien, a percé les rangs de l'ennemi et mis en déroute son armée, de rentrer dans les véritables proportions et de déclarer art viable tout art qui ne sera pas anti-chrétien, et d'établir nos discussions sur la plus large échelle possible, tout en faisant nos réserves, ou il y a lieu.
En partant de ce principe on se sentira bien plus à l'aise et on
| |
| |
représentera avec plus de dignité la grande cause du Vrai et du Beau. Pas du vrai et du beau de M. Cousin - Dieu m'en garde: l'éclectisme non-chrétien c'est la mort: mais du Vrai et du Beau, tels qu'ils resplendissent dans les oeuvres de Dieu et de l'humanité baptisée ou destinée à l'être.
C'est un peu à ce point de vue... libéral, si vous voulez (quoique la terminologie plus précise ne porte ancune atteinte à notre doctrine, qui reste tout aussi.... exclusive que ci-devant, et dont l'intolérance systématique ne le cède en rien à l'intolérance de notre logique, laquelle, bravant les plus fiers progrès, ne sort pas de son pauvre 2 × 2 = 4), c'est en rapport avec les considérations que nous venons de développer, que nous avons écrit, pour la présente livraison de notre ‘Warande’. une critique des expositions d'oeuvres d'art qui récemment ont eu lieu à Amsterdam. La forme de notre article est un peu étrange - mais elle n'a pas laissé de nous fournir l'occasion de nous expliquer sur certaines questions plus clairement que n'aurait été le cas si nous avions procédé dans la voie ordinaire. C'est à notre ami, Egbertus Wilhelmus Negovagus tot Starkenborch, Nummeroldt en Duvenweert, que nous avons donné la parole, pour raconter à nos lecteurs un rêve qu'il venait de faire. Ce rêve c'était un petit drame qui s'exécutait à l'antique château de Muyde, sur les bords du Zuiderzée: habitation du grand comte Florent V en 1290, de Charles le Hardi, n'étant que comte de Charolois en 1462, de Pierre de Corneille Hooft, qui de 1609 a 1647 y rassemblait une société choisie de poëtes, de savants, et d'artistes. Dans la grande salle du château sont exposés les oeuvres d'art qui font la matière de la critique; et c'est dans cette salle que se rendent à point nommé les différents personnages qui du treizième au dix-huitième siècle ont fréquenté ou habité la ‘Maison de Muyde’. comme on l'appelait. Chaque
âge, chaque tendance doit y trouver un représentant, et l'on doit sentir que si l'impression définitive de l'entretien dramatique, qui s'établit dans cette société distinguée d'hommes et de femmes célèbres, résume l'opinion du critique, chaque avis personnel, chaque observation isolée n'a qu'une valeur relative, les personnages étant destinés à manifester leur caractère propre et la tendance de leur siècle. L'examen est couronné par une distribution de prix - tout comme à la véritable exposition; mais ces récompenses, comme tout le reste, releèvent directement de la personnalité des juges.
| |
| |
Notre numéro s'ouvre par une réclamation contre la politique belgico-batave du gouvernement du roi Léopold - plus spécialement de M.Ch. Rogier, qui, après avoir affecté une surdité compléte, pendant toutes les années que tant de voix hollandaises se sont unies aux plaintes des flamands, pour avoir réparation des griefs nationaux, s'est pris un beau matin à faire une chanson sur l'unité des peuples libres, c'est-à-dire les hollandais et les belges, s'est fait représenter au congrès de Bois-le-duc, et s'épuise en subsides et en discours, pour glorifier et statuariser les célébrités flamandes. Nos frères flamands doutent moins de notre sympathie rationelle et immuable pour leur noble cause, qu'ils n'ont sujet de le faire de l'engouement imprévu de M. Rogier, qui commence à apprécier la nationalité néerlandaise à mesure que la Napoléonophobie se rend maître de son coeur: c'est pour cela que nous avons pu nous abstenir de prendre part aux dernières manifestations flamando-hollandaises, sans que, comme nous croyons, le droit ni la convenance ne nous feront défaut, pour nous écrier à la première occasion favorable: ‘In Vlaanderen vlaamsch!’
Outre quelques coups de fusils inoffensifs tirés.... à peu près en l'air, sans autre tendance que l'amusement de ceux qui en sont les objets indirects comme de ceux qui en sont les lecteurs, notre numéro reproduit, à ses dernières pages, une lettre et circulaire de la commission pour la conservation des monuments, nouvellement élue dans le sein de notre Académie royale des sciences, ainsi que l'annonce de quelques nouvelles publications neérlandaises; parmi lesquelles nous citons avec plaisir les charmantes poésies françaises d'un compatriote établi à Lille, M. Alex. Deplanck.
|
|