Dietsche Warande. Jaargang 5
(1860)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin bimestriel de la ‘Dietsche warande’.
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Mais au lieu de nous étendre là-dessus, au lieu de retraduire (et cette fois en français) l'article de M. le docteur Bock sur la coupe du chasuble, que nous avons emprunté à l'‘Organ für christl. Kunst’ et auquel nous avons joint la petite gravure d'un monument de la fln du XVe siècle, représentant Messire Thierry de Wassenaer, prévôt du collége de St Jean à Utrecht et ancien-curé de la grande église de Harlem; au lieu de faire connaître à nos amis à l'étranger la description anthologique que nous avons commencé d'un manuscrit hagiographique de la première moitié du XVe siècle, - nous préférons fixer leur attention sur une réclamation insérée dans nos ‘Mélanges’, en leur communiquant ce qui va suivre:
LETTRE A M.W.-H. JAMES WEALE, Archéologue, à Bruges.
Monsieur et ami, Ce n'est pas avec le bonheur ordinaire que cette fois je prends la plume pour vous adresser quelques lignes. Je me propose aussi de dévier un peu de nos habitudes épistolaires, en vous demandant la permission de livrer à la presse les considérations que je vais soumettre à votre jugement. Vous aurez vu, monsieur et ami, le dessin intitulé ‘Immaculata Conceptio Beatae Mariae Virginis’ que votre estimable concitoyen, M. Louis Grossé, vient de publier sous les auspices de Mgr l'évêque de Bruges. Est-il nécessaire de vous dire combien j'ai été affligé, en voyant quelle était la manière dont on venait de répondre aux objections sérieuses que je métais permises, contre des prescriptions iconographiques émanant de la ville la plus chrétiennement artistique des Flandres?Ga naar voetnoot1 J'ai donné une publicité convenable à mon plaidoyer en faveur des mains ouvertes et rayonnantes; j'ai démontré que les théories du symbolisme et de l'esthétique s'accordaient parfaitement avec cette pose caractéristique, qui a pour elle l'autorité de plus d'une apparition miraculeuse suffisamment constatée, pose qu'on retrouve à différentes époques de l'art du moyen âge et dont le choix, corroboré par la reproduction des premiers peintres religieux de nos jours, a reçu l'approbation des prélats les plus haut placés ainsi que l'accueil enthousiaste de plusieurs millions de fidèles. Je n'entends rien ajouter, pour | |
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aujourd'hui, aux arguments que j'ai fait valoir tant dans ma critique proprement dite que dans le résumé en français que j'en ai publié. Je m'étais figuré la probabilité d'une discussion relativement à ce qui était pour moi une thèse indisputable; mais je n'avais pas prévu que, pour toute réponse, on emploierait un des meilleurs talents de l'école de gravure de Düsseldorf à l'exécution d'un dessin iconographique entâché de la plupart des erreurs qui déparaient l'intéressant écrit de Mgr Malou. C'est une action inqualifiable que de faire dépenser à un artiste comme le jeune graveur de la belle ‘Serenade’ de Mintrop, son temps et son talent, pour reproduire une composition, qui, comme dessin d'amateur, a pu mériter des éloges, mais qui ne peut aucunément soutenir l'analyse consciencieuse qu'on est en droit d'en faire. Pourtant je m'abstiens de traiter la partie purement esthétique. Je ne veux pas traduire et commenter le souris de Deger, de Carl Müller, de Flandrin, quand ils verront cette pieuse demoiselle, avec son manteau forcément fourré sous les deux bras, ce jet de draperies en culde-sac, tant dans le manteau que dans le bas de la robe; ce serpent à museau chevelu qui n'atteste que les richesses zoölogiques de la Belgique; cette lune équivoque sur cette terre montagneuse. Nous avons ici affaire à des intérêts d'une bien autre importance. Cependant c'est à vous, mon ami, que j'adresse mes réclamations: parce que, quelque funeste que soit l'influence que j'appréhende dans cette belle gravure, publiée à bas prix, quelque sacrée que soit à mes yeux la cause dont j'ose arborer la bannière, je veux empêcher, si c'est possible, que mon opposition ait un caractère d'hostilité contre qui que ce soit. J'estime M. Grossé; il le sait mieux que personne: mais si dans ma ‘Revue’ on a fait connaître son nom en Hollande, où il avait été supplanté par un industriel peu délicat, c'était par amour des bons principes et de la cause artistique à laquelle la ‘Warande’ s'est consacrée. Cela renforce mon droit de parler sans réserve, mais cela doit être en même temps une garantie pour M. Grossé que je n'en veux qu'à la publication de sa malheureuse iconographie. C'est dans une lettre que je traite le sujet: lettre adressée à un homme dont il ne peut pas un seul moment mettre en doute la loyauté, le savoir, et les bonnes intentions envers lui. Continuons. Quoique M. Grossé prétende avoir suivi les indications (‘descriptio iconographica’) de Mgr Malou - il a pourtant chaussé la Ste Vierge, non pas à la manière antique, avec la déchaussure dite sandales, mais - convenablement. La couronne royale, que l'honorable évêque | |
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de Bruges n'avait pas admise, M. Grossé l'a adoptée. Malheureusement la partie la plus essentielle de la coiffure (après les cheveux), le voile, a été traité avec une néomanie effrayante. Un voile transparent, un voile de dentelle ou de tulle - un voile de jeune communiante, à la Sainte Mère de Dieu! C'est vraiment, pour quiconque a le sentiment un peu délicat, d'une désharmonie choquante. Demandez aux maîtres de l'art - à Overbeck, à Deger, à Fiesole, à Giotto. C'est aller très loin que d'introduire le tulle de la Renaissance française dans une image de la Vierge conçue sans péchés. Avant Domenico Ghirlandaio on ne trouvera pas de traces de l'usage de pareils tissus dans la peinture sacrée. Le tulle c'est la garniture par excellence de l'ajustement des petits abbés mécréants et des cardinaux Dubois, du règne des rois adultères de Trianon et du Parc aux cerfs. Mais ne nous étonnons de rien, quand M. Grossé trouve moyen de mettre à la Vierge une chemisette ou mouchoir de mousseline! Tout cela est d'une suprême inconvenance - dans un sujet comme celui qui nous occupe. Une société doit avoir bu à bien longs traits dans la coupe énivrante du paganisme sensualiste, pour qu'un homme de bien, un esprit droit et chérissant, à ce qu'il assure, les bons principes, puisse commettre de pareilles énormités. Je n'entre pas dans une démonstration fastidieuse; je me contente de mettre le doigt sur la plaie et d'en appeler aux grands maîtres. De la même.... légèreté, dois-je dire, relève l'inscription sur l'étole du Père éternel. Quiconque, après que je l'aurai dit, ne sentira pas qu'il y a là une très grave inconvenance - je désespère de jamais le lui faire comprendre. Il y a de ces choses qui sont comme la lumière; qui ne se discutent pas: on les voit, ou on est assez malheureux de ne pas les voir et de mourir aveugle. Quiconque s'est un peu familiarisé avec l'iconographie de nos cathédrales et qui a passé ses jours à feuilleter les parchemins dans les bibliothèques de nos couvents, comprendra que ce n'est pas ainsi qu'on fait serpenter en banderolle l'étole de Dieu le Père en deça des nuages célestes et que ce n'est pas une aiguille chrétienne qui oserait broder sur l'étole du Dieu-Pontife, les paroles des Saintes Écritures. M. Grossé a affronté la difficulté de réunir sous la Vierge le serpent, la lune et le monde. L'on ne sait pas comment les pieds peuvent se tenir en l'air contre cette lune; à moins qu'elle ne forme un cercle concave, derrière lequel la partie supérieure du corps du serpent puisse se cacher. Puisque la Vierge est posée dans cette conca- | |
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vité (une espèce d'hémisphère vue en devans), il s'en suit que ses pieds ne touchent pas la terre: nouvelle déviation des règles de l'évêque de Bruges, malgré l'intention du dessinateur de s'y conformer. Nous nous sommes permi de combattre ces règles, entr'autres parce que l'oeuvre d'art qui y répondrait serait inexécutable: M. Grossé n'a pas prouvé le contraire. Mais, comme je l'ai dit tout abord, la pose des mains est pour moi la chose principale. Or quel est le premier devoir de l'iconographie? - τὁ νϱάϕειν. L'iconographie est appelée d'écrire, c'est à dire, de parler, et de parler distinctement: pas de peinture, pas d'écriture, point de langue, que dans la distinction caractéristique des signes. La confusion dans la langue, un jour, mit un terme à l'oeuvre la plus colossale dont les annales du monde rendent témoignage. Si vous ôtez la faculté de discerner, de distinguer, tout s'amalgame et s'évanouit. C'est par la variété qu'existe la musique, la rhétorique, la grammaire, tout le trivium et le quadrivium du système scientifique de nos ancêtres; et ce n'est pas à tort que le bon Dieu, pour nous signifier le retour de ses bonnes grâces, a fait apparaître son arc-enciel, type éminent de la variété, dont nos organes ont besoin pour que notre âme puisse se manifester et se reconnaître. Maintenant il s'agit d'arrêter le signe iconographique qui réponde au fait élevé de l'Immaculée Conception. Certes les attributs extérieurs peuvent concourir à exprimer, à définir ce dogme dans sa représentation esthétique: mais, comme Mgr Malou l'a parfaitement démontré, c'est la Ste Vierge en personne, qu'il est avant tout convenable d'introduire dans cette composition. L'expression de la tête est d'une grande valeur, mais ne saurait rendre ici, avec la précision désirable, l'idée qu'on veut peindre. Or c'est la main de l'homme qui est l'instrument et le symbole tout à la fois de son action, de sa volonté. Quand on dit qu'une main est pure, on peint la pureté intérieure. C'est la main qui rend témoignage de la foi; la main est le signe extérieur de tout engagement, le signe de la prière, du serment, de la bénédiction, comme de l'accusation et de l'anathême. Et quand alors, des mains pures et fidèles de la plus sainte créature que Dieu ait jamais formée, s'échappent des rayons surnaturels; quand la position et le rayonnement de ces mains à jamais bénies se caractérisent d'une manière qui n'a aucun rapport avec la manière dont on peint les autres saints personnages; quand des élus de différents siècles reconnaissent que la Vierge leur est apparue, les mains ouvertes et rayonnantes, que peut-on done | |
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opposer à la représentation iconographique qu'à la suite des papes, des patriarches et des archevêques qui patronisent et distribuent à pleines mains la médaille miraculeuse, à la suite des premiers peintres chrétiens de l'époque, je me permets de défendre et de recommander? Ce qu'on y oppose? - Ce sont les deux mains jointes, les doigts mis ensemble pour prier. Mais qu'est-ce qu'il y a de particulier dans cette action! Ce n'est pas parce que la Sainte Vierge a fait ce que fait tout le peuple des fidèles, ce qu'ont fait le roi David en pénitence, ce qu'a fait le larron à la croix, que nous lui vouons le culte le plus tendre qu'il soit permis de consacrer à la plus belle oeuvre de Dieu. Ce n'est pas par sa prière, quelque sublime qu'aient été toutes les paroles échappées des lèvres qui ont chanté le ‘Magnificat’, que Marie est notre plus ferme soutien, le refuge des affligés, la Reine de tous les Saints; c'est parce qu'elle est la tour de pur ivoire, la force même de David, le sanctuaire d'or, la Reine conçue sans péché, la Vierge immaculée, à la main rayonnante et remplie des plus insignes grâces, puisées dans les trésors de l'Éternel. Si Marie ne s'était pas manifestée à ses serviteurs, montrant ses mains de Mère et de Vierge, ses mains pures du contact de la pomme fatale; si, au Xe siècle, l'artiste, dont M. Didron le premier a fait connaître le tableauGa naar voetnoot1 ne nous avait pas fourni un bel exemple de la représentation qui a fixé mes respectueuses sympathies; si les visions et les autorités nous faisaient défaut; il faudrait que tout l'univers chrétien se prosternât au pied du Trône de la Divinité, pour que Dieu fît en sorte que sa Sainte Mère nous apparût et nous consolât de la vue de ces mains qui ont travaillé si efficacement à notre délivrance du joug infernal. Les mains de Marie - quel objet plus propre à nous remplir le coeur des plus douces pensées: ces mains, non-seulement pures de toute tache, mais toutes prêtes à secourir ces pauvres humains qui ont cueilli tant de fruits empoisonnés, qui ont mû tant de plumes impies, qui ont brandi tant d'épées dans le service du démon, qui ont ravagé tant de prairies où brillaient les fleurs de l'innocence et de l'honneur. Et maintenant que le type aux mains ouvertes, le type si sublime, si original, si plein de sens existe, jouit dans l'église d'un amour populaire qui n'en est que plus précieux qu'il se laisse moins commander - on fera de son mieux pour lui ôter son crédit! On propage, au moyen d'un excellent burin, une représentation à laquelle son | |
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bas prix joint à l'illustre nom de l'évêque de Bruges, assurera l'entrée dans un grand nombre de cures de la Belgique et dans de nombreuses familles, et l'art traditionnel se dessaisira d'une de ses plus belles créations. Au lieu du caractère, on mettra la généralité, au lieu de l'original la copie, au lieu de la parole éloquente ‘macula non est in te’ - on mettra une Marie en prière - une vierge bien intentionnée, mais ne figurant pas plus l'Immaculée conception qu'elle ne figure la Vierge au moment de l'Annonciation. C'est une qualité de notre époque de tiédeur rationnaliste, de vouloir tout simplifier. On pense que, de soi, un vaut mieux que deux ou trois, et à force de vouloir tout simplifier et sublimiser, on anéantit les conditions les plus essentielles de la vie. Si Dieu avait préféré la simplicité quand-même à l'action et au caractère - il n'aurait jamais retiré le monde du néant. Il est vrai que le bon Dieu nous aurait épargné bien des motifs de douleur et d'indignation - mais les célestes jouissances de la vérité catholique manifestées dans l'art chrétien n'auraient pas existées non plus, et vous et moi nous voulons hardiment nous soumettre aux déboires, pourvu que les sources des joies du grand art chrétien ne se tarissent pas. Encore une fois - j'aurais vivement désiré que M. Grossé n'eût pas commis la faute griève dont il s'est rendu coupable devant le tribunal archéologique. C'est d'autant plus regrettable, parce que, dans sa spécialité, son nom se trouvait même associé à celui de notre cher défunt Welby PuginGa naar voetnoot1); tandis que, dans une sphère qui lui est à peu près étrangère, M. Grossé a pu consentir à commettre une action que Pugin aurait désavouée de toute la force de son saint enthousiasme pour l'art catholique, Croyez-moi, Monsieur et ami,
Tout à vous en N.S. Joseph A.A.Th. | |
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Nous pensons être agréables à nos lecteurs, eu insérant ici à l'oecasion du présent Carême un ancien ‘Stabat’: | |
Orison de nostre dame.LA mere dieu fut doloreufe
Au pies de la croix angoisseuse
Quant ihesus son fil y pendoit;
P. doleur et compassion,
Comme glave, la passion
Le cuer piney ly fendoit.
MouGa naar voetnoot(*) plainne d'affliction
La mere de dilection,
Qui pourtait le fruit de vie,
Forment ploroit et fe doloit,
Quant le peuple son fil veoit
Occire p. grant envie.
Qui naroit doloir amer,
Se la mere veoit pener
En telle tribulacion
De son pereGa naar voetnoot(†) p. le pechier,
Jhū veoit de clos fichier
Et sa char bien bastue;
Son fil veoit mou adoller
Et de ces mambres desolles
Quant lame ly fut rendue.
O mere de dilection
Met en mon cuer cont'cion
Et en mon corps peintance.
Embraise mon cuer saintem̄t
Pour amer dieu devotemēt
Et faire faire sai plaisance.
Marie fay moy cette chose
Que lamour dieu foit eclose
En mon cuer tref p. faitement;
Fay moy remission plaīne
Pour la doleur et la poīne
Qui portoit bien hūblemēt.
Fay moy plorer et non rire
Et en la passion lire
Jusques au definement
Pres de la croix pour ahourer
Avec toy vieulz demourer
En plour et en gemissemēt.
Doulce vierge glorieuse
Soies a moy amoreuse
A ma desolacion.
Fay, meire, que foie bien plaier
Et en la croix bien affichier
Et soies bien amoreusemēt;
Fay que ie soie a dieu rēdus
Et p. toy vierge deffendus
Au grant iour du iugemēt.
Vierge, plainteGa naar voetnoot(†) en mon corps le signe
De la croix et de lamour digne.
Per ta graice et p. ta memoire
[Quant ma mort fera tintee]
Fay que marmeGa naar voetnoot(§) soit portee
Joieusement laffus en glore!
Amen, ainsi soit il!
Pater noster. Ave maria.
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