Het Brugsche Livre des Mestiers en zijn navolgingen
(1931)–Anoniem Bouc vanden ambachten, De– Auteursrecht onbekendVier aloude conversatieboekjes om Fransch te leeren
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Introduction IM Au Congrès jubilaire de la Fédération archéologique et historique de Belgique, tenu à Bruges en 1925, deux rapporteurs se sont occupés des anciens ‘manuels de conversation’. L'un d'eux, dans l'excellente étude qu'il leur a consacrée, dépeint l'importance de ces petits volumes en des pages du plus haut intérêt, que nous nous empressons de reproduire partiellementGa naar voetnoot1. Ayant expliqué par des nécessités sociales et économiques la genèse en Flandre de ces Manuels de conversationGa naar voetnoot2, l'auteur ajoute judicieusement: ‘Il n'y aurait guère de quoi s'y arrêter, si on n'y trouvait qu'une simple méthode d'enseignement... Mais les données grammaticales constituent le moindre mérite de ces manuels, car, mieux que les deux langues de Belgique, nous y apprenons la vie belge du bon vieux temps’. Le savant religieux dépeint ensuite ces petits ‘guides familiers’ dans un passage typique auquel nous empruntons les lignes suivantes, pour la satisfaction de nos lecteurs. ‘Ce sont des guides familiers, sans prétention, qui nous introduisent de plain-pied dans le ménage de nos ancêtres, où nous nous trouvons parfaitement chez nous. Dès la première page, nous nous sentons transportés sans effort dans le milieu belge du temps jadis, où nobles et roturiers, ouvriers et marchands, clercs et laïques se rencontrent et se | |
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causent, vendent et achètent, et traitent au mieux de leurs intérêts, tout en se plaignant déjà de la vie chère. Nous pénétrons dans leur intérieur, et nous nous asseyons à côté d'eux à une table bien servie, après avoir prié avec eux. Nous les suivons au travail, et les accompagnons au marché, à l'auberge, évidemment en voyage et en pèlerinage. Pour tout dire, ces humbles petits Manuels de conversation, sans rien ajouter ni à l'histoire-bataille ni à l'histoire diplomatique, contribuent excellemment à reconstituer le type belge d'autrefois, avec ses notes dominantes de joyeux labeur et de bon appétit, de sain réalisme et d'honnête franchise, d'attachement à la religion et au foyér’Ga naar voetnoot1.. Le premier en date de ces ‘manuels de conversation’ est celui que son auteur anonyme a appelé le Livre des MestiersGa naar voetnoot2., à cause de la place prépondérante qu'y occupent les différents métiers exercés en Flandre, plus particulièrement à Bruges. Toute la topographie du Manuel est essentiellement brugeoise: il suffit de parcourir le petit recueil pour s'en rendre compte. De plus, l'auteur déclare ouvertement et avec fierté que ‘la boine ville de Bruges, une des milleurs villes marchandes qui soit en crestienté’, est la seule qu'il connaisse et dont il puisse énumérer les nombreux ponts et portes, places et rues. Il le fait d'ailleurs avec une exactitude digne d'un toponymiste moderne: en effet, tous les noms qu'il cite étaient connus à Bruges ou le sont encore; pour s'en convaincre, on n'a qu'à consulter les travaux consacrés à la topographie et à la toponymie de la Venise du Nord, en particulier le vaste plan de Marc Gheeraerdts, dressé en 1562, dont il existe de fidèles reproductions modernes, et l'étude de VerscheldeGa naar voetnoot3., qui aurait eu grand profit à parcourir le Livre des Mestiers, écrit jadis à BrugesGa naar voetnoot4.. Il y aurait appris plus d'un détail | |
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topographique intéressant, utile à connaître, ne fût-ce que pour allonger son énumération des stoven ou étuves, dont l'une des plus anciennes était tenue jadis par dame Natalie, ‘derrière le mur des frères mineurs’ ou, comme on disait à Bruges, ‘bachten der frere muer’, appellation qu'on retrouve identiquement sur le plan de Marc Gheeraerdts, pour désigner les deux rues qui longeaient le couvent des Frères Mineurs. Après ce qui précède, on peut affirmer, sans hésitation aucune, que le Livre des Mestiers fut composé à Bruges, par un maître d'école de cette ville, où la connaissance du français était très répandueGa naar voetnoot1. et constituait même une nécessité administrativeGa naar voetnoot2.. De plus, si on le compare aux timides essais des glossateurs qui l'ont précédé, on peut soutenir que le modeste auteur du manuel brugeois, travaillant sans modèle connu, pour son coup d'essai a réalisé un coup de maître. Tel est le jugement autorisé de M. Riemens, auquel nous adhérons avec empressementGa naar voetnoot3.. Quant à établir si ce maître d'école fixé à Bruges était Flamand de naissance, ayant appris le français dans le Hainaut, puisque ‘c'est bien dans la partie centrale du Picard septentrional qu'il faut placer la langue de | |
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notre texte’, ou si le manuel est l'oeuvre ‘d'un Hennuyer établi à Bruges comme maître de français’Ga naar voetnoot1.; s'il a travaillé tout seul ou avec un collaborateur; si la rédaction conservée correspond exactement à la rédaction primitive: voilà certes des questions intéressantes, mais auxquelles je n'oserais pas répondre catégoriquement. On peut cependant admettre que la première rédaction du manuel bilingue a été faite en romanGa naar voetnoot2.; que l'unique manuscrit conservé est une copieGa naar voetnoot3., et non pas l'original, comme le croyait son premier éditeur. Nous n'essayerons pas de résumer ici le contenu si varié et toujours intéressant du Livre des Mestiers: nous ne pourrions que répéter ce qu'a dit d'excellente façon le R.P. Callaey dans l'analyse détaillée qu'il a donnée du manuel brugeois, et qui débute comme suit: ‘A première vue, | |
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il semblerait que le bon maître d'école n'ait pas suivi un plan rigoureux. Mais en y regardant de près, on découvre aisément qu'il a divisé son Manuel en trois parties de nature distincte, qu'il a entremêlées quelque peu, par souci d'adapter son enseignement à la vie réelle, où les occupations du ménage alternent avec le travail et avec les relations sociales, où le spirituel et le temporel se rencontrent sans cesse. C'est vous dire que la première partie regarde la vie domestique; une autre, la vie sociale; une troisième, la vie religieuse’Ga naar voetnoot1.. Pour la suite, je renvoie le lecteur à l'étude consciencieuse du Rév. P. Callaey, qui ne consacre pas moins de six pages à l'analyse du Livre des Mestiers, et au savant travail de M.K.-J. Riemens, ou bien, et mieux encore, au texte bilingue, naïf et savoureux, du vieux maître d'école de Bruges. Notre manuel brugeois, le premier en date et le prototype d'une série plus que séculaire, fut rédigé au XIVe siècle, notamment vers 1340, comme il ressort des détails qu'on y retrouve sur la situation politique de l'Europe. La preuve en ayant été fournie par l'éditeur français de l'unique exemplaire manuscrit qui nous soit resté, par le savant hollandais qui en a étudié le texte roman et, à leur suite, par l'historien mentionné ci-dessus, nous pouvons nous dispenser d'y revenir longuementGa naar voetnoot2.. Consacrons plutôt quelques lignes au manuscrit du Livre des Mestiers, à l'édition de 1875 et aux études dont il a été l'objet. L'unique transcription que nous ayons conservée du manuel brugeois se trouve à Paris, à la Bibliothèque Nationale, dans le fonds néerlandaisGa naar voetnoot3.. C'est un petit in-quarto sur vélin de vingt-quatre feuillets, d'une belle écriture gothique du XIVe siècle, qui se rencontre également au siècle suivant. Sur le premier feuillet, primitivement en blanc, se lit cette annotation moderne, écrite à la ronde: | |
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‘Volume de 24 feuillets. - 31 octobre 1900.’ Le feuillet suivant, par où commence la pagination, porte dans le coin à gauche: ‘Codex Colbert’, suivi du numéro 1593. Le manuscrit provient donc des riches collections réunies par le successeur de MazarinGa naar voetnoot1.. De fait, le catalogue manuscrit de la bibliothèque Colbert, dressé au XVIIe siècle par G. Milhet, ‘presbyter et Bibliothecae Colbertinae praefectus’, conservé actuellement à la Bibliothèque Mazarine avec la cote 4242, mentionne p. 227, sous le no 2497: ‘Le livre de la vie civile en anciens vers (sic) françois et flamans’. En 1875, le manuscrit Colbert 2497 fut publié, sous le titre adéquat de Le Livre des Mestiers, par H. Michelant, conservateur adjoint à la Bibliothèque NationaleGa naar voetnoot2.. Ce mince volume in-quarto, ou plutôt cette plaquette, imprimé luxueusement par Jean Enschedé à Haarlem, et tiré seulement à quatre-vingt-cinq exemplaires, est devenu une véritable rareté que bouquinistes, bibliothécaires et collectionneurs se disputent à l'envi. Et pourtant la publication ne fut pas accueillie favorablement par la critique. D'après A. Scheler, ‘la plaquette est destinée aux bibliophiles plutôt qu'aux savants’Ga naar voetnoot3.. De fait, ces derniers n'ont que faire d'une édition de manuscrit, ‘dont l'impression reproduit exactement la physionomie’, comme Michelant le déclare dans sa préface, avec quelque naïvetéGa naar voetnoot4., sans grand fondement d'ailleursGa naar voetnoot5.. | |
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Le jugement du baron N. de Pauw n'est pas moins sévère. Il réclame une édition scientifique de cet opuscule, d'un puissant intérêt philologique et folkloriqueGa naar voetnoot1.. Ce désir, exprimé il y a une trentaine d'années par le savant gantois, les maîtres-imprimeurs de Bruges m'ont aidé à le réaliser. Il convient d'ajouter que le jugement défavorable de Scheler et du baron de Pauw, basé sur un examen non comparatif, n'était que partiellement fondé. Plus d'une erreur qu'on relève dans l'édition de Michelant se retrouve dans le manuscrit, transcrit et corrigé avec soinGa naar voetnoot2., mais qui n'est lui-même qu'une copie, où se rencontrent fatalement des fautes de transcription. Or, parmi celles-ci, plusieurs ont été corrigées par Michelant, comme il ressort de la liste qui suit, où les initiales M, R et S indiquent respectivement les émendations de l'éditeur ainsi que celles proposées par M. Riemens et, avant lui, par Aug. SchelerGa naar voetnoot3.. Erreurs du Manuscrit. - Nous commençons cette liste par la partie romane. Nous n'y signalons que les erreurs manifestes et les corrections qui s'imposent, sans faire de la critique conjecturale. La faute la plus fréquente provient de la confusion de n avec u ou v. Ainsi: fo 1, l. 26: isuiaus, pour isn-; 2 vo, l. 4: et qui vent (corrigé: veut, M) vin maintenir. De même convertoirs (l. 12), anguiel, poinre (fo 4 vo, l. 17 et 26), fourdivier, ansne (fo 6, l. 15 et 19), Moustreul (fo 12 vo, l. 2), rouchin (fo 20 vo, l. 3), etc., corrigés en couvertoirs, angniel, poivre, fourdinier, ausne, Monstreul et ronchin. | |
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Fo 3, l. 29: en pluseur lieux, c'est-à-dire en plus seurs lieux (R). | |
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Fo 20, l. 1: en le plaetse Mauberd: forme flamande conservée dans le texte roman, peut-être intentionnellement (cfr la sixième note de cette Introduction). Pour la partie flamande, les erreurs du manuscrit sont tout aussi nombreuses, la plupart corrigées par Michelant, avec un soin que le baron de Pauw n'a pas soupçonné et dont il convient de rendre hommage à l'editeur. En voici un relevé succinct: Fo 1, l. 30: ‘joncfrouwen’, sans r, ajoutée par M, comme pour ‘waterkersse’ (fo 6, l. 38). | |
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Fo 21, l. 9: il ont dans le texte flamand, pour si hebben. Erreurs commises par Michelant. - Après ces éloges à l'adresse de notre prédécesseur, il nous est bien permis, dans l'intérêt de la vérité, de montrer, par quelques exemples, que son édition n'est pas toujours la reproduction fidèle du manuscrit. Nous commencerons par le texte roman: Fo 1: Au (ms. Ou) nom du père... - L. 6: car il ne peut (ms. puet). | |
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Fo 18 vo, l. 28: des estorcs d'Ardane (ms. estoirs). Le texte flamand de Michelant s'écarte en maint endroit de son modèle, comme on le verra par l'énumération suivante: Fo 1, l. 23: ende jonckfrouwen (ms. joncfrouwen). | |
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Les énumérations qui précèdent, aussi fastidieuses que nécessaires, présentent au moins cet avantage, qu'elles nous dispensent d'encombrer les textes qui suivent de tout un appareil critique, de nature à gêner le lecteur. Nous avons tenu avant tout à donner un texte correct et clair. Voilà pourquoi nous avons suivi résolument l'usage moderne pour les graphies i et j, u et vGa naar voetnoot1.. Il en est de même pour les majuscules, qui ne figurent plus au début de chaque ligne comme dans le manuscrit, ce qui fit croire jadis au bibliothécaire de la Colbertine que le manuel brugeois était rédigé ‘en anciens vers françois et flamans’. Les mots - ou éléments composants - ont été séparés ou réunis selon l'usage moderne, sauf quelques exceptions voulues, que le lecteur voudra bien nous pardonnerGa naar voetnoot2.. On a veillé soigneusement à la ponctuation, tout en évitant l'abus des signes diacritiquesGa naar voetnoot3. et des guillements, utilisés pour quelques formules citées littéralementGa naar voetnoot4. et non pour indiquer toutes les conversations, dont le début est suffisamment marqué par un prénom en apostrophe, et la fin par un interligne. Par contre, chaque changement d'interlocuteur est indiqué par un tiret. Les abréviations, peu nombreuses, ont été résolues sans qu'on ait songé à les indiquer par une différentiation typographiqueGa naar voetnoot5.. | |
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En un mot, nous avons suivi les précieuses Instructions de la Commission royale d'Histoire, citées et louées dans une note antérieure, ainsi que le Plan adopté par M. Bayot dans son excellente édition du Poème moralGa naar voetnoot1.. Au reste, nous le répétons, nous avons travaillé tout autant pour le folkloriste que pour le philologue, et nous avons cherché avant tout à leur offrir des textes lisibles. Puissent-ils tenir compte de nos efforts en découvrant les imperfections, inhérentes à tout travail imprimé. |
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