Het Boek. Serie 2. Jaargang 26
(1940-1942)– [tijdschrift] Boek, Het– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Deux placards Tongrois ineditsEn dépit de nombreuses vicissitudes, l'ancienne collégiale Notre-Dame à Tongres a réussi à conserver un remarquable ensemble d'objets précieux qui sont réunis dans la salle du trésor. Dans les vitrines, voisinent des vases sacrés, des châsses, des reliquaires, des ivoires et des ornements sacerdotauxGa naar voetnoot1). Dès avant 1267, les reliques que possédait l'église, et qui constituaient pour elle véritablement son trésor, étaient groupées dans une pièce spéciale. Nous savons, par un document du 3 juillet 1345, qu'au jour anniversaire de la dédicace de l'église (9 mai) ainsi qu'aux fêtes de l'Assomption (15 août) et de la Nativité de la Sainte Vierge (8 Septembre), les reliques étaient présentées dans l'église, à la vénération des fidèles auxquels on rappelait les indulgences spéciales accordées par les papes et leurs légats à ceux qui viendraient accomplir cette dévotionGa naar voetnoot2). La coutume remontait au moins au XIIIe siècle. A cette occasion, les visiteurs ne manquaient point de laisser des aumônes qui étaient attribuées à la fabrique de la collégiale, et servaient particulièrement à l'entretien des ornements. Les besoins de la fabrique étaient considérables car, à Tongres comme ailleurs, elle devait faire face à des travaux de construction et de remise en état qui duraient de longues années. D'autre part, elle prenait soin de faire exécuter de nouveaux reliquaires ou d'embellir ceux qu'elle possédait déjà. Les splendides objets que renferme le trésor, portent témoignage de son zèle. On conçoit que les chanoines aient cherché à multiplier des largesses qui trouvaient un si utile emploi. Ce fut sans doute ce qui les amena, antérieurement à 1413, à augmenter le nombre et | |
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la durée de ces expositions qui eurent lieu le jour de la dédicace de l'église ainsi qu'aux quatre grandes fêtes de la Sainte Vierge: la Purification (12 février), l'Annonciation (25 mai), l'Assomption (15 août) et la Nativité (8 septembre), ainsi que pendant l'octave de chacune de ces cinq solennitésGa naar voetnoot1). Bien antérieurement déjà, c'est à dire dès le XIVe siècle, avait été instituée la cérémonie de l'ostension solennelle des reliques. Celle-ci se faisait tous les sept ans et coïncidait avec l'ostension solennelle des reliques qui avait lieu à Maestricht et à Aix-la-Chapelle. Au début, cette cérémonie commençait, à Tongres, le mercredi après la fête de la Visitation de la Sainte Vierge, le 2 juillet, et se prolongeait durant seize jours. Plus tard, la date initiale fut fixée au 11 juillet, tandis que l'ostension débutait le 9 à Aix, et le 10 à Maestricht. Les fidèles pouvaient donc combiner leur pélerinage de manière à assister à la cérémonie dans les trois villes voisines ou tout au moins à être présents à l'ostension dans les jours qui suivaient. A Tongres, les reliques étaient montrées aux pélerins du haut de la galerie placée à la façade occidentale de la tour, et les annonces leur étaient faites en français et en flamand. Ces fêtes attiraient de grandes foules dans chacune des trois villes voisines appartenant au diocèse de LiègeGa naar voetnoot2). Parmi les souvenirs que ceux qui y prenaient part, rapportaient de leur pieux voyage, figure le recueil des planches consacrées à la vie de saint Servais et à l'ostension de ses reliques qui remonte au milieu du XVe siècle, et dont le seul exemplaire connu se trouve conservé à la Bibliothèque royale de BelgiqueGa naar voetnoot3). Dans ce recueil, les planches xylographiques coloriées sont commentées par un texte français manuscrit. Il est évident que ces légendes étaient, suivant le désir de chacun, rédigées en français ou en flamand, et vraisemblablement aussi en allemand ou en latin. J'ai dit que ce recueil constituait pour les pélerins un souvenir de leur voyage. En fait, des publications de ce genre devaient en outre inciter ceux à qui elles étaient montrées, à accomplir, à leur | |
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tour, le pélerinage, et servaient ainsi à accroître le nombre des visiteurs. Chacune des églises qui possédaient des trésors de reliques avait donc intérêt à lancer des recueils de ce genre. C'est ce que ne manqua point de faire le chapitre de Tongres. Il est très vraisemblable que la plupart de ces publications ont complètement disparu. Celles qui nous sont connues sont devenues très rares. L'une d'entre elles parut, en français et en flamand, en 1664. Indépendamment de ces opuscules, on conserve un placard in-folio tiré à Liège, en 1607, et un autre analogue, non daté, mais remontant au XVIIIe siècleGa naar voetnoot1). C'était évidemment au moment où l'on préparait l'ostension septennale que le chapitre prenait soin de renouveler le stock de ces publications. Nous savons d'une façon certaine que l'ostension eut lieu en 1425, 1432, 1446, 1474, 1481 et 1608. Or les livres que j'ai signalés plus haut datent de 1650 et 1664, années où eut lieu l'ostention, et si un placard fut imprimé en 1607, c'est que la cérémonie devait être célébrée cette année, alors que, pour une cause qui m'est inconnue, elle fut reportée à l'année suivante. C'est dans la série de ces publications de circonstance que rentre le très intéressant feuillet que Mademoiselle M.E. Kronenberg a eu la bonne fortune de découvrir à la Bibliothèque du British Museum et que, d'accord avec Monsieur W. Nijhoff, elle a eu l'amabilité de me réserver le plaisir de présenter aux lecteurs de cette revue. A tous deux s'adresse l'expression de ma vive gratitude. Le feuillet (Planche I) mesure om.387 de large et om.245 de haut. La partie imprimée est large de om.389 et haute de om.235. Des xylographies reproduisent les armes de la ville de Tongres ainsi que seize reliquaires accompagnés de trois reliques: le bâton pastoral de saint Materne, un voile et une ceinture ayant appartenu à sainte Elisabeth de Hongrie. A part ces deux dernières pièces qui disparurent dans l'incendie qui ravagea l'église du 28 au 29 août 1677, ainsi que le bâton pastoral de saint Materne qui fut fort endommagé au cours du même sinistre, et dont les débris furent, par après, enchâssés dans une crosse en argent, les divers reliquaires figurés sur le placard, existent encore. En comparant aux originaux les reproductions qui sont iden- | |
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tifiées par des légendes en latin, on constate que le graveur s'est borné à tracer l'allure générale des objets sans s'astreindre à les reproduire d'une manière scrupuleuse. La précision à laquelle nous sommes attachés, n'était point le fait des artistes de ce temps. Le nôtre avait à figurer, par exemple, une Vierge portant l'Enfant. Tel était l'essentiel. Peu lui importait, dès lors, que dans sa gravure, la Vierge tint l'Enfant Jesus sur le bras droit, alors que dans la statuette du trésor, l'enfant se trouvait sur le bras gauche de sa mère. D'ailleurs, en dépit de ces déformations, les reliquaires reproduits sont parfaitement reconnaissables. Des recherches que j'ai opérées à leur sujet, il résulte que tous faisaient partie du trésor avant 1500. La plupart d'entre eux figurent à l'inventaire qui en fut dressé en 1435. En m'efforçant, ainsi que je vais le faire, de dater le placard, il y aura lieu de tenir compte de cette constatation. En se basant sur ce qui a été dit plus haut, on peut aussi supposer, en toute vraisemblance, que ce placard aura été publié, ainsi que le furent les autres imprimés qui nous sont parvenus, à l'occasion d'une ostension septennale. Cette constatation restreint le champ des recherches. Un autre élément de la plus haute importance, pour la fixation de cette date, nous est fourni par le texte qui figure en tête du document, et dont voici la teneur: Iste reliquie ostenduntur in ecclesia Tungrensi de septennio in septennium undecima die julii et quindecim diebus sequentibus. Et quolibet die poterit quilibet legens deuote fl(e-) // xis genibus ter orationem dominicam et toties salulationem angelicam et etiam illi qui porrexerint manus adiutrices ad edificationem et reparationem ecclesie Tungrensis et o(r-) // namentorum eiusdem promereri quinque Millia tricenta. XXV. Millia annorum et duas quadragenas indulgentiarum: insuper remissionem tertie partis omnium peccatorum. P(re-) // terea. XXI. et XXV. die prescriti mensis remissionem omnium peccatorum ex concessione sanetissimi domini nostri Leonis Pape eius nominis decimi.//. Ce texte mentionne donc une concession d'indulgences en faveur de la collégiale de Tongres par le pape Léon X, dont le pontificat se place entre le 10 mars 1513 et le 1er décembre 1521. La bulle originale est conservée à la Bibliothèque nationale à ParisGa naar voetnoot1). Elle stipule que ces indulgences avaient été accordées à | |
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Placard tongrois. [British Museum).
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Placard tongrois. (Trésor de la Basilique Notre-Dame à Tongres).
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la collégiale à la demande de Guillaume d'Enckevort, le jeune, l'un de ses chanoines, qualifié par le pape de ‘notarius et familiaris noster’Ga naar voetnoot1). Le document est daté du 20 novembre 1514. On sait l'importance que présentait pour un sanctuaire la concession d'indulgences au profit de ceux qui le visitaient ou qui contribuaient à augmenter ses ressources. Il est évident que les chanoines se seront empressés de faire connaître la faveur dont, grâce à leur confrère, ils venaient d'être l'objet. Le retour de l'ostension septennale allait leur en fournir l'occasion. Elle n'eut lieu qu'une seule fois pendant le règne de Léon X: en 1516, moins de deux ans, par conséquent, après l'obtention de la bulle. Ce fut donc cette année, ou tout au moins dans les quelques mois précédents, que le chapitre fit imprimer le texte qu'a découvert Mademoiselle Kronenberg. Un détail montre que ce fut bien sous le pontificat du pape concessionnaire qu'il fut publié: celui-ci est qualifié de la manière dont usent encore les catholiques en parlant du souverain pontife règnant: ‘Notre très saint Père le Pape.’ Si la mention du pape avait été tracée après son décès, le texte porterait: ‘bonae memoriae’, ‘venerandae memoriae’, ou encore: ‘quondam’, ou telle autre formule du même genre montrant que le pape avait disparu. Je n'hésite donc point à placer en 1515, ou au plus tard en 1516 la date d'exécution de notre placard.
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Le trésor de l'ancienne collégiale de Tongres contient un fragment d'un autre placard relatif à cette église, et qui ne nous est connu que par ce seul exemplaire malheureusement incomplet.Ga naar voetnoot2) Il mesure om.290 de large sur om.125 de haut (Planche II). La partie supérieure du placard est ornée de trois gravures sur bois. La première, rectangulaire, représente la Sainte Vierge portant l'Enfant Jésus, posée sur le croissant de la lune, et entourée de rayons. Des nuages l'environnent. Au milieu de la partie supérieure du placard, se trouvent les armoiries du pape Léon X qui étaient celles de famille des Medicis. | |
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Le troisième bois donne la blason de la ville de Tongres. Le texte latin est relatif aux indulgences que les fidèles pouvaient, à des jours déterminés, gagner dans la collégiale. Ce sont précisément les indulgences qui avaient été concédées par le pape, à la demande du chanoine Guillaume d'Enckevort le jeune, auquel le texte attribue les titres de protonotaire apostolique et de cubiculaire, c'est à dire camérier, du pape. On a vu plus haut que l'original de ce document, qui remonte au 20 novembre 1514, se trouve à la Bibliothèque nationale à Paris. Les termes dans lesquels la concession d'indulgence est mentionnée dans le placard, méritent d'être notés: ‘... sanctissimus in C(hristo) // pater et dominus noster dominus Leo divina providentia pap(a de) // cimus ad supplicationem Reverendi patris domini m(agist)ri // Vuilhelmi de Enkevort sancte sedis apostolice protonotarii ejus // dem sanctissimi domini nostri pape Cubicularii necnon ecclesie beate // Marie Tongrensis Leodiensis diocesis Canonici /... //’. Il me suffira de renvoyer le lecteur à ce que j'ai écrit plus haut, pour qu'il se rende compte de ce que ce placard, en raison de la façon dont le pape y est qualifié, a été publié sous le règne de Léon X, soit entre le 20 novembre 1514, date de l'octroi des indulgences, et le 1er décembre 1521, jour où décéda le pape. L'insistance avec laquelle est soulignée l'intervention de Guillaume d'Enckevort, laisse penser qu'il tirait de la faveur obtenue grâce à ses démarches, une légitime fierté. Sans doute n'est-il pas interdit de supposer que c'est à sa demande, si pas à ses frais, que l'octroi des indulgences aura été porté à la connaissance des fidèles. Il est inutile d'ajouter que cette publication aura été réalisée le plus rapidement possible, et c'est pourquoi je crois que ce second placard est un peu antérieur au précédent. Je le placerais volontiers au début de l'année 1515.
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Le lieu d'impression de ces deux documents n'est point aisé à déterminer. Avant de la rechercher, il est utile de noter qu'ils n'ont point été composés au moyen des mêmes caractères. D'un autre côté, si l'on écarte le bois représentant la Sainte Vierge, bois qui faisait vraisemblablement partie du matériel de l'atelier, on constate que les deux bois gravés pour l'illustration du placard | |
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conservé à Tongres, sont d'une facture nettement inférieure à ceux qui décorent le placard du British Museum. Pour en être convaincu, il suffit de comparer dans les deux pièces, la blason de la ville de Tongres. Pour des raisons que j'ai eu l'occasion d'exposer ailleursGa naar voetnoot1), le pays de Liège ne posséda pas d'atelier d'imprimeur avant le milieu du XVIe siècle. Des vingt cinq ouvrages de caractère ecclésiastique, réalisés à l'usage du diocèse de Liège, de 1500 à 1525, et répertoriés par Xavier de TheuxGa naar voetnoot2), treize ont paru à Paris, sept à Anvers, deux à Alost, un à Bois-le-Duc, un à Cologne, et le dernier à Spire. Si, dans ces impresions, celles qui vinrent à Liège de la capitale du royaume de France l'emportent par le nombre, il faut noter qu'un de ses imprimeurs peut, à lui seul, en revendiquer huit. A Wolfgang Hopyl sont dûs cinq des six missels et trois des quatre bréviaires, les autres ateliers parisiens n'ayant fourni pour le diocèse liégeois, qu'un missel et un bréviaire dont l'imprimeur n'est point mentionné, deux livres d'heures dûs à Philippe Pigouchet et à Tilman Kerver, et un recueil de statuts de Josse Bade. Parmi les douze ouvrages réalisés ailleurs, se rencontrent un missel imprimé à Spire, deux bréviaires à Anvers et un à Cologne, un hymnaire à Bois-le-Duc, deux recueils de statuts à Alost, et enfin deux autres ouvrages et trois calendriers à Anvers. Il existe donc certaines présomptions en faveur de l'attribution de la paternité de nos placards à Wolfgang Hopyl. Celui ci, originaire de La Haye ou des environs de cette ville, et qui était renommé à l'étranger pour la production des missels, n'a point, semble-t-il, imprimé de textes français, mais par contre, à côté d'oeuvres en latin, a fait sortir de ses presses des ouvrages en néerlandaisGa naar voetnoot3). Seule une comparaison minutieuse et d'ailleurs malaisée à réaliser, de nos placards avec ses éditions, permettrait de trancher la question. Joseph Brassinne. |
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