Bijdragen en Mededelingen betreffende de Geschiedenis der Nederlanden. Deel 105
(1990)– [tijdschrift] Bijdragen en Mededeelingen van het Historisch Genootschap– Auteursrechtelijk beschermd
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‘Cultuur en getal’
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ques et de laboratoire, et les séries statistiques touchant prix, salaires, productions et investissements qu'engrange une ‘cliométrie’ toujours plus sûre d'elle-même. Les documents sont d'ailleurs ici moins en cause que les méthodes, voire l'absence de dialogue entre des disciplinessoeurs. Bien documenté, ne sacrifiant point à un économisme simpliste, témoignant d'un sens critique très aiguisé mais peu sensible aux réalités matérielles, l'ouvrage de W. Brulez vient donc à son heure et s'inscrit bien dans cette perspective. Cinq parties le composent: 1 ‘Cultuur, economie en politiek’ (survol des principales thèses existantes); 2 ‘Cultuur centra, economische centra’; 3 ‘Culturele dichtheid en mobiliteit van cultuurdragers’; 4 ‘Onderwerpen in de schilderkunst’; 5 ‘Cultuurinvesteringen’. Touchant les centres culturels et leur importance, l'Auteur met en oeuvre quatre éléments ‘catalyseurs’ potentiels: présence d'un évêché, d'une université, d'un centre politique, importance économique mesurée par le chiffre de la population (deux catégories: > 20.000 hab., > 10.000 hab.). Dans la mesure où les chiffres de populations sont significatifs du poids économique d'une cité (ils le sont en tout cas de l'importance de son marché intérieur), il est incontestable que l'élément économique joua un rôle considérable. Parmi les 6 villes de plus de 20.000 hab. que comptent les anciens Pays-Bas méridionaux à la fin du moyen âge, trois, - Anvers, Bruges et Bruxelles, - figurent parmi les centres majeurs. Les trois autres, - Gand, Liège et Toumai, - parmi les centres importants. Parmi les 8 villes de plus de 10.000 hab., une seule, Ypres, n'eut guère d'activités artistiques notables, deux se hissèrent dans la catégorie des centres majeurs (Louvain et Malines), cinq sont des centres importants (Arras, Douai, Lille, Mons, Valenciennes). L'importance du facteur économique n'étonne pas: l'Auteur montre d'ailleurs que sur les 48 villes de plus de 20.000 hab. que comptait l'Europe aux environs de 1500,7 seulement n'avaient guère de signification culturelle. Deux éléments parmi d'autres l'expliquent: des marchés importants, souvent tournés vers l'extérieur; une main-d'oeuvre abondante et surtout organisée, permettant donc division et spécialisation du travail. L'impact des fonctions auliques, politiques et culturelles est tout aussi remarquable: l'art naît souvent du pouvoir. Ce n'est pas un hasard si Bruxelles, Louvain et Malines figurent parmi les centres majeurs. L'importance économique des cours princières est d'ailleurs parfaitement perçue et par les princes et par les Magistrats urbains. L'exemple de Bruxelles au XVe siècle est de ce point de vue très éclairant. Plus étonnant, en tout cas aux Pays-Bas et aux confins du moyen âge et des Temps modernes, l'influence, apparemment mineure, de la présence d'un siège épiscopal. Liège et Tournai ne s'imposent plus vraiment. Conclusions intéressantes. Attendues, il est vrai. Et que n'ignorait pas l'histoire de l'art... Plus originale, l'approche de la densité par pays et de la mobilité des ‘agents’ culturels: plasticiens, musiciens, scientifiques. Pour la période 1380-1780: 26.529 plasticiens (peintres, sculpteurs, architectes, dinandiers, orfèvres, graveurs, médailleurs), 1.839 musiciens, 437 scientifiques. En ce qui concerne la densité des ‘agents culturels’, la place des Pays-Bas, très urbanisés, est tout à fait remarquable: à la première place pour les arts plastiques et la musique, à la seconde pour les sciences. Ils sont suivis par l'Angleterre (première place pour la musique et les sciences, à la cinquième place pour les arts plastiques), l'Italie (à la première place pour la musique, à la troisième pour les arts, à la quatrième pour les sciences) et la Suisse (à la première place pour les sciences, à la seconde pour les arts plastiques, à la septième pour la musique). L'Allemagne | |
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se situe à la deuxième place pour la musique, à la troisième pour les arts plastiques, à la quatrième pour les sciences. La France figure au deuxième rang pour les sciences, au quatrième pour la musique, au cinquième pour les arts plastiques. Aussi intéressant soit-il, ce classement (qui devait être tenté) laisse rêveur. Si les chiffres ne peuvent être contestés, leur portée paraît discutable. Ils dépendent de l'état des recherches et des instruments de travail à disposition. Et surtout ils réduisent la réalité culturelle à sa seule dimension statistique, partant mélangent les torchons et les serviettes. En d'autres termes, le rayonnement culturel d'un pays se mesure-t-il au nombre ou à la qualité de ses artistes ou de ses scientifiques? J.-S. Bach contre quelques dizaines de gratteurs de mandolines napolitains? Titien contre quelques barbouilleurs de scènes de genre (de préférence de cabaret)? Galilée, Descartes et Pascal contre quelques ingénieurs plus ou moins ingénieux? Le piège des chiffres est ici évident. Touchant les migrations culturelles, il est démontré qu'elles sont dues avant tout à l'attraction exercée par les centres culturels et politiques et qu'en ce qui concerne la mobilité des ‘agents culturels’ on ne peut établir de lien évident entre économie et culture. Le constat est précieux. D'autant qu'il s'appuye sur une analyse statistique solide. Tout aussi précieuses, les conclusions de l'Auteur sur le poids, notamment économique, des investissements culturels (cinq éléments sont pris en compte: prix des oeuvres d'art, salaires des artistes, investissements dans le bâtiment, part des investissements culturels dans les dépenses des Etats et le produit national, part des investissements culturels dans les dépenses des particuliers). Compte tenu du nombre, somme toute réduit, des études disponibles, deux points paraissent acquis: l'essor économique n'est pas nécessaire a l'essor culturel (encore qu'à notre avis, il le précède), inversement la stagnation culturelle ne s'explique pas uniquement par une dépression économique; les investissements culturels ne peuvent guère fonder une relance économique pas plus qu'en période d'expansion, les investissements de type économique ne ralentissent nécessairement les dépenses culturelles. Sur ce point, l'analyse de W. Brulez est une contribution essentielle à la solution de ce qui pourrait bien être un vrai faux problème: on se souviendra ici de l'article célèbre de R.S. Lopez, Economie et architecture médiévale; cela aurait-il tué ceciGa naar voetnoot8? Au total donc, un ouvrage qui pose des jalons. Mais peut-être aurait-il été possible d'aller plus loin, notamment en ce qui concerne la production artistique et le bâtiment. En intégrant dans l'analyse deux personnages singulièrement absents de eet ouvrage: l'oeuvre d'art elle-même (ou le bâtiment lui-même), l'artiste et/ou l'artisan dans l'exercice de son métier. L'impact des structures économiques et sociales en serait devenu plus visible. Plus concret aussi. On l'a déjà écrit ailleurs: les analyses technologiques et de laboratoire des oeuvres d'art constituent de ‘nouveaux’ documents de la pratiqueGa naar voetnoot9 susceptibles d'être significatifs à d'autres niveaux que l'originalité, la datation et l'attribution d'une oeuvre. Intégrés dans une grille d'analyse socio-économique, ils devraient permettre, par exemple, de constater l'impact technologique d'une modification de la demande. Ou encore de mesurer la diffusion de certaines formes d'organisation économique: le Verlagssystem, par exemple, que laissent supposer des retables peints et sculptés, constitués d'éléments préfabriqués et géographiquement hétérogènes. Il ya là une foule de données concrètes, souvent publiées, qui ne demandent qu' à être exploitées... | |
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Touchant le poids et le rôle des investissements dans le bâtiment, fournir des pourcentages sans s'attacher à la nature et à l'origine des matériaux utilisés, à l'existence ou non d'une main-d'oeuvre spécialisée ‘indigène’, à nouveau c'est s'interdire d'être concret. A investissements égaux ne correspondent pas nécessairement des effets multiplicateurs comparables. Deux éléments devraient en effect être pris en compte: la part des dépenses de matières premières réinjectées sur place ou contribuant à l'expansion de la production et du revenu de régions plus ou très éloignées lorsque les ressources locales sont insuffisantes ou inexistantes; la part des salaires dépensées sur place ou ailleurs selon qu'il existe ou non un groupe d'entrepreneurs capables d'affronter la concurrence et une main-d'oeuvre suffisante. Ces données ne modifieront pas les pourcentages globaux mais en préciseront la signification économique. Quant à l'exploitation des documents normatifs réglant la vie des structures associatives, il est à peine besoin d'insister sur leur intérêt. Il apparaît en tout cas difficile des les évacuer dés lors qu'on traite des relations économie-société-culture. Même si leur exploitation n'a trop souvent donné lieu qu' à de désespérantes litanies du défendu et du permis. W. Brulez termine son ouvrage par cette phrase: ‘De vraag blijft dus of het causale verband tussen economie en cultuur (of omgekeerd) eigenlijk wel meer is dan een ‘faux problème’. Faux problème, non. Mais à la condition de ne pas se tromper d'optique. Les matériaux existent: les oeuvres elles-mêmes. |
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