Acta Neerlandica 14
(2017)– [tijdschrift] Acta Neerlandica– Auteursrechtelijk beschermd
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Krisztina Fehér
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Le château de Hunedoara (également dit Château des Corvin) de Jean de HunyadGa naar eind1 est ‘le plus précieux monument de notre architecture gothique’.Ga naar eind2 La résidence du gouverneur du Royaume de Hongrie, qui était en fonction entre 1446 et 1453, est un exemple éclatant de la représentation de pouvoir au XVe siècle, dont le modèle était la construction fastueuse du palais royal du château de Buda par Sigismond de LuxembourgGa naar eind3 dans les années 1420.Ga naar eind4 Ces deux édifices hongrois, quant à leur niveau et élaboration, s'accordent avec les tendances architecturales de leur époque pour l'Europe Occidentale, grâce non seulement au transfert des modèles artistiques mais aussi à la coopération des artisans étrangers avec les praticiens locaux. Pour ce qui est du palais de Sigismond, la présence de maîtres venus de différents pays est confirmée par des sources écrites,Ga naar eind5 contrairement au cas du château de Hunedoara, où de telles suppositions restent des hypothèses, qui se basent seulement sur des similitudes stylistiques et des données historiques indirectes.
fig. 1: Plan du château des Corvin indiquant les parties de la période de construction ‘Hunyadi II’: 1 chapelle, 2 corps de logis, 3 tour d'escalier, 4. salle Capistran. (dessiné par l'auteur d'après Möller, Les périodes de constructions du château à Vajda-hunyad, fig. V.)
Jean de Hunyad fit réédifier à deux reprises son château hérité de son père Wayk de Hunyad.Ga naar eind6 L'objectif de la première construction était le renforcement et la modernisation de la forteresse primitive du XIIIe siècle, mais les dispositions défavorables du terrain provoquèrent l'interruption des travaux.Ga naar eind7 Le cas de cette opération avortée est néanmoins intéressant, puisque Jean de Hunyad avait eu recours à certains de ses contacts | ||||||||||||||
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étrangers, notamment Paolo Santini, ingénieur militaire italien.Ga naar eind8 La deuxième fois, il commença la construction après son élection au titre du gouverneur du royaume de Hongrie en 1446, ce qui était inspiré par l'exigence de la représentation du pouvoir rendue nécessaire par son nouveau titre. Dans le château portant les traces des plusieurs périodes de constructions, la période dite ‘Hunyadi II’ (1446-1453) possède des éléments architecturaux visiblement différents des autres par leurs marques stylistiques.Ga naar eind9 Les parties de cette période de construction sont la chapelle, la salle Capistran et le corps de logis avec deux grandes salles à chaque niveau (au rez-de-chaussée dite ‘Salle des Chevalier’ et à l'étage dite ‘Salle du Royaume’), (fig. 1) Les plus éclatants éléments de cette période sont les deux types d'encadrements des portails, dont les moulures descendent sur des bases aux tambours polygonaux traversés par des plans obliques. Ensuite l'application des plates-bandes des baies dont les angles sont courbés (en arc déprimé) est assez rare dans l'architecture hongroise de l'époque. Les deux types de l'encadrement des portails et leur riche décoration témoignent du haut niveau artistique de la construction ‘Hunyadi II’. La porte du logis et celle qui donne dans la galerie de la chapelle ont des arcs en accolade plats. La porte de la chapelle et de la tour d'escalier servant le logis ont des plates-bandes avec des tympans en arc brisé, (fig. 2) La cheminée dans la salle Capistran devait satisfaire le confort résidentiel du nouveau gouverneur du royaume et elle y ajoutait un rôle esthétique: sa hotte saillante dont le linteau est orné de fausses-arcades ogivales est portée par deux colonnettes latérales avec des bases similaires à celles de l'encadrement des portes (fig. 3). À côté de l'importance des éléments décoratifs de la période ‘Hunyadi II’, les naissances des voûtes de la chapelle, la salle Capistran et le logis sont aussi particulièrement caractéristiques. Les arcs boutants et les nervures des croisées d'ogives ne descendent pas directement sur l'imposte des portants - soit des piliers centraux soit des corbeaux - traversant des prismes octogonaux juste au-dessus des chapiteaux. Les arcs des croisées d'ogives sont cependant outrepassés. (fig. 4) | ||||||||||||||
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fig. 2: Encadrement des portes du château du gouverneur (période ‘Hunyadi II’): 1 porte de la tour d'escalier, 2 porte du logis, 3 porte donnant sur la galerie de la chapelle. (Möller, Les périodes de constructions du château à Vajda-hunyad, fig. XXI; Wiener Bauhütte aVI s2, source: Département de l'Histoire d'Architecture et des Monuments de l'Université des Sciences Techniques et Économiques de Budapest, Collection des Plans et des Photos)
fig. 3: Photo et dessin ‘Wiener Bauhütte’ de la cheminée dans la salle Kapisztrán (Folio de Wiener Bauhütte aVI s2, sources: Département de l'Histoire d'Architecture et des Monuments, Collection des Plans et des Photos)
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Les historiens de l'artGa naar eind10 cherchent à juste titre les inspirations stylistiques de la période ‘Hunyadi II’ auprès de l'architecture aristocratique de l'Europe Occidentale de la fin du XIVe et le début du XVe siècle, spécialement dans les diverses cours princières de la France. Parmi ces modèles, on peut principalement mentionner le château royal de Vincennes, les bâtiments contemporains de Bourges dans le duché de Berry, ceux de Saumur dans le duché d'Orléans sans parler de Dijon, de Germolles ou de Beaune dans le duché de Bourgogne.Ga naar eind11 La conception de ces monuments peut sans doute se considérer comme analogue à celle de la résidence du gouverneur à Hunedoara, bien que l'exemple hongrois soit beaucoup plus modeste en échelle et en détails architecturaux. On doit certainement accepter le Nouveau Palais (aussi dit ‘Palais Frais’) de Sigismond de Luxembourg des années 1420 comme un modèle du château de Jean de Hunyad, surtout pour ce qui est des grandes salles des deux niveaux du logis. La construction de la résidence à Buda était inspirée par ses voyages politiques en Europe, pendant lesquels il fit l'expérience de l'élégance et de la modernité des bâtiments royaux de l'époque. Sigismond a souvent embauché des maîtres à l'occasion de ses séjours pour les employer aux chantiers qu'il avait commandés; les documents relatifs à ces recrutements prouvent son intention forte pour le transfert des idées architecturales étrangères.Ga naar eind12 Il commandait même souvent des représentations des plus beaux édifices.Ga naar eind13 Son attitude d'exprimer le pouvoir par la commande architecturale et artistique était sûrement un exemple à suivre pour Jean de Hunyad. La question, cependant, de savoir si le gouverneur suivait le roi précédent dans l'attitude d'emmener lui-même des artisans étrangers, reste toujours ouverte. Dans le château des Corvins, les éléments de la construction ‘Hunyadi II’ réprésentent un mélange des formes fréquentes en Transylvanie de l'époque et de celles qui sont assez inhabituelles dans les solutions locales.Ga naar eind14 Ces dernières sont les portails, la cheminée et les naissances des voûtes mentionnés ci-dessus. Ainsi, on peut évidemment supposer la présence, ou au moins l'influence des maîtres étrangers sur le chantier ‘Hunyadi II’. Selon l'hypothèse de Radu Lupescu, Jean de Hunyad aurait pu employer les membres de l'atelier des maîtres étrangers qui restaient sans travail dans le pays après la fin des travaux de Buda financés par Sigismond.Ga naar eind15 Pour expliquer l'intervention particulière des influences étrangères et transylvaniennes de ‘Hunyadi II’, Lupescu offre une présomption d'après laquelle l'équipe qui conçut et réalisa la réédification de la résidence du gouverneur aurait été composée des | ||||||||||||||
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maîtres locaux qui se seraient approprié puis auraient développé les solutions vues à Buda.Ga naar eind16
fig. 4: Naissances des voûtes de la salle des Chevalier du château des Corvin (Folio de Wiener Bauhütte aVI s2, sources: Département de l'Histoire d'Architecture et des Monuments, Collection des Plans et des Photos)
Les exemples français énumérés comme les modèles stylistiques du château de Hunedoara furent édifiés dès la fin du XIVe au début du XVe siècle, et sont donc contemporains du palais de Sigismond. La résidence du gouverneur fut bâtie entre 1446 et 1453, bien que les travaux fussent probablement continués selon les mêmes plans aussi bien après la mort de Jean de Hunyad, financé par sa veuve Élisabeth Szilágyi ou son fils Mathias Corvin (Matthias Ier de Hongrie). (Les loggias donnant sur la Salle de Royaume ont été construites au cours d'une période ultérieure, mais il est probable qu'elles ont été commandées par Jean de Hunyad.)Ga naar eind17 Quant au style, l'ensemble des formes d'expression française étaient sans aucune doute en relation avec les éléments étrangers de ‘Hunyadi II’. Par contre, dans l'architecture dijonnaise du duché de Bourgogne du XVe siècle, on trouve non seulement des similitudes générales, mais aussi des analogies absolument identiques.Ga naar eind18 Au temps du règne de Sigismond de Luxembourg et Jean de Hunyad en Hongrie, le duché de Bourgogne était gouverné par les descendants de la dynastie des Valois. Philippe le Hardi (1363-1404), Jean Sans Peur (1404-1419), Philippe le Bon (1419-1467) et Charles le Téméraire (1467-1477) ont réalisé un effort significatif pour la représentaton du pouvoir | ||||||||||||||
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dans leur cour au niveau architectural et artistique. Grâce à leur politique dynastique et leurs mariages, ils ajoutèrent d'immenses domaines néerlandais au duché de Bourgogne.Ga naar eind19 L'influence de ces domaines nouveaux stimula l'expansion de l'art gothique tardif florissant des Pays-Bas dans les régions bourguignonnes. La dominance des maîtres néerlandais avait une forte emprise sur l'art courtois à Dijon et aux alentours, dont le service était apprécié et récompensé par les ducs.Ga naar eind20 Dans l'art de la région du Nord du duché, l'importance de l'activité de mécénat est bien démontrée par la représentation fréquente du portrait du donateur sur les oeuvres. Aux Pays-Bas, cette pratique était si répendue qu'elle servait de modèle même pour les artistes italiens.Ga naar eind21 On peut apercevoir cette influence dans la chartreuse de la Sainte-Trinité de Champmol près de Dijon, qui était originalement le lieu de funérailles des ducs Valois de Bourgogne. Sur le trumeau de la porte occidentale du monastère, à côté de la figure centrale de la Vierge et l'Enfant, le sculpteur hollandais Claus Sluter figura aussi les donateurs, Philippe le Hardi et son épouse Marguerite de Flandre. Parmi les artistes embauchés dans le cour ducale, on trouve des personnages prestigieux comme Jan van Eyck, Rogier van der Weyden, Melchior Broederlam ou le dessus nommé Sluter.
fig. 5: Plan du Palais des Ducs de Bourgogne à Dijon: 1 Tour Philippe le Bon et le corps de logis (photo), 2 Tour Neuve de Philippe le Hardi (aussi dit Tour de Bar) (photo et dessin de l'auteur)
Invitant des maîtres de haut niveau dans la cour, les ducs bourguignons honoraient non seulement les artistes mais encore les architectes néerlandais. Ainsi des caractéristiques nordiques se retrouvent dans la masse et les structures des parties du palais des ducs de Bourgogne à | ||||||||||||||
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Dijon commandées par Philippe le Bon (‘haute toiture, lambris, gardecorps régnant sur la façade’)Ga naar eind22 (fig. 5). L'ensemble du palais - tout comme le château des Corvin - a été transformé plusieurs fois dès l'époque gallo-romaine jusqu'à présent, ce qui résulte des périodes de constructions diverses. Par rapport à la période ‘Hunyadi II’ à Hunedoara, la Tour Philippe le Bon avec son corps de logis et les monuments bourguignons contemporains des alentours peuvent être considérés en tant qu'analogies non seulement du point de vue chronologique, mais aussi au niveau des formes et des structures. Des ressemblances de celles-ci: le type des encadrements des baies à arc en accolade plat de Hunedoara rencontre ses équivalents sur les étages de l'escalier à vis de la Tour Philippe le Bon. Les versions de ce type de baie apparaissent sur les diverses façades contemporaines de la tour, par exemple la variante doublée de ce linteau est au dessus des fenêtres de la grande salle ducale. Les plates-bandes des fenêtres sont aussi les mêmes sur l'Hospice de Beaune financé par Nicolas Rolin, chancelier de Philippe le Bon.Ga naar eind23 Les bases des moulures des encadrements des baies sont vraisemblablement similaires à celles du Château des Corvin. L'équivalent bourguignon de l'autre type des baies de Hunedoara, avec le tympan d'arc brisé, est la porte sud de l'élévation occidentale de l'église Saint-Hippolyte de Poligny en Franche-Comté, également soumise à l'autorité des ducs de Bourgogne.Ga naar eind24 Les angles courbés des linteaux montrent les mêmes caractéristiques tant dans les résidences ducales françaises, que dans celle du gouverneur hongrois. Ces encadrements des baies ne sont pas étranges pour l'architecture gothique néerlandais non plus, comme témoignent les hôtel de ville de Bruges (1376), de Bruxelles (1402-) et de Louvain (1448-1463), qui montrent par contre des divergences considérables avec les exemples hongrois et bourguignons, (fig. 6). | ||||||||||||||
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fig. 6: Portails bourguignons et néerlandais: 1 fenêtre du logis Philippe le Bon, Dijon, 2 porte dans la Tour Philippe le Bon, 3 façade de l'Hôtel de Ville à Bruges 4. portail sud de la façade occidentale de l'église Saint-Hippolyte de Poligny (photos de l'auteur; Toman & Beyer & Borngässer, Style gothique, p. 186.)
Le motif de la hotte saillante portée par deux colonnettes latérales de la cheminée de la salle Capistran a aussi son analogie en Bourgogne. L'accord le plus complet peut être trouvé dans le château de Germolles, résidence de Philippe le Hardi (grand-père de Philippe le Bon). Les cheminées de sa Tour Neuve (aussi dite Tour de Bar) dans l'ensemble des bâtiments ducaux dijonnais sont, elles aussi, similaires. (fig. 7)
fig. 7: Photo et relevé de la cheminée de la Tour de Bar, Dijon (photo de l'auteur, relevé de Krisztina Fehér et Dániel Laczó)
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Finalement le type des tas de charges de Hunedoara a aussi des analogies dans la Tour Philippe le Bon et dans les salles de rez-de-chaussée de son corps de logis. L'emploi du tas de charge est non seulement une solution créative à considérer particulièrement, mais il est en même temps une réponse à une question de structure architecturale qui se pose dans la phase de planification du projet entier. On peut distinguer les voûtes médiévales - entre autres - selon l'espace qu'elles couvrent. Les proportions et directions de l'espace déterminent si la voûte devient cylindrique (s'ouvran sur la surface d'un cylindre) ou sphérique (s'ouvrant sur la surface d'une boule), mais quelquefois le schéma structurel suit une autre logique. Les aspects structurels du choix de la voûte se laissent ramener quelquefois à la largeur de l'espace à couvrir, au type de matière utilisée ou bien à l'expérience professionnelle de l'atelier. Mais le type peut également différer selon l'époque ou le territoire. Le caractère de la naissance de voûtement est une question de la phase de la planification de la structure complète du bâtiment, autrement dit, ce n'est pas seulement une question de forme artistique mais aussi une décision structurelle. Les solutions diverses utilisées au Moyen Âge sont résumées dans plusieurs textes théoriques de XIXe siècle, dont les auteurs ont considéré la recherche et l'analyse des formes médiévales comme la base de ces théories d'architecture. En étudiant un très grand nombre de vestiges romans et gothiques, ils ont publié leurs conclusions dans des manuels de références pour leur pratique architecturale et pédagogiques. Pour mentionner quelques-uns des personnages les plus prestigieux de cette tendance, il faut remarquer Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc en France, Georg Gottlob Ungewitter et Karl Mohrmann en Allemagne et les étudiants de Friedrich von Schmidt en Autriche-Hongrie comme Imre Steindl, Frigyes Schulek ou Ferenc Schulcz. La question des naissances des voûtes ou des tas de charges a été traitée le plus abondamment dans l'historiographie allemande et française.Ga naar eind25 Ces textes ont classifié les naissances des voûtes selon le système d'espace et selon le caractère de l'imposte. En adoptant mais en transformant significativement cette classification, dans l'étude présente j'introduis deux termes pour les naissances des voûtes, le type de la ‘naissance horizontale’ et la ‘naissance verticale’. Dans cas de la naissance horizontale, chaque nervure descend sur une surface plate horizontale qui est en même temps le sommet (ligne d'imposte) du chapiteau du portant (colonne ou pilier). Quant à la naissance verticale, les éléments structurelles de la voûte traversent des surfaces verticales ou | ||||||||||||||
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d'un tambour, ainsi le chapiteau ne joue pas de rôle structurel et il est, au fond, inutile (fig. 8). Un cas spécial de la naissance verticale se réalise quand les nervures convergent en un seul point où ils se traversent (dans l'historiographie hongroise, on parle de ‘tas de charge à queue d'hirondelle’).Ga naar eind26 Ce type de naissance ne peut pas s'effectuer sur un portant central, on peut supposer seulement qu'elle porte des voûtes couvrants les espaces à nef unique, plus fréquemment avec les voûtes à liernes. Les types généraux de la naissance horizontale et verticale peuvent par contre s'appliquer tant dans un espace de basilique que dans un portique.Ga naar eind27 Le caractère des tas de charges correspond à des types des voûtes déterminés chacun de ces types peut influencer les proportions ou bien la réception subjective de l'espace. Comme ils sont les éléments inévitables de la naissance horizontale, l'ensemble des chapiteaux constitue un accent fortement horizontal qui divise visuellement l'espace en des zones hautes et des zones basses. La naissance verticale par contre - puisque les chapiteaux ne sont pas nécessaires - est capable de renforcer visuellement la dimension verticale de l'espace. Par conséquent, le rôle des chapiteaux est vivement signifiant qui influençait non seulement les décisions structurelles des maîtres des oeuvres médiévales mais aussi la conception prise pour les proportions des intérieurs. Le chapiteau à naissance horizontale, qui est un élément structurant nécessaire, peut trouver son analogie dans l'architecture antique, qui avait divisé visiblement les éléments de construction selon leur fonction (base de colonne, fût, chapiteau, abaque, architrave/archivolte). L'idée gothique tendait plutôt vers l'intégration totale des éléments en rupture avec la tradition antique. Suivant ce principe, la naissance verticale permet la suppression du chapiteau et efface la frontière entre les zones structurelles basses et hautes. Ce type de naissance tend à la solution raffinée du gothique tardif où les sections des piliers cantonnés se transforment aux nervures des voûtes sans rupture, dès la base des piliers jusqu'aux clefs de voûtes. L'historiographie du XIXe siècle avait considéré la naissance verticale comme une solution tardive du gothique rayonnant et flamboyant,Ga naar eind28 quoiqu'on trouve également des exemples antérieurs.Ga naar eind29 | ||||||||||||||
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fig. 8: Schéma de la naissance de voûte horizontale et verticale (dessin de l'auteur)
Les voûtes qui nous intéressent à Hunedoara et à Dijon ont été bâties au milieu de XVe siècle. Les grandes salles, l'un des types d'espace les plus importantes de l'architecture laïque médiévale, n'étaient pas seulement, comme celle du château de Jean de Hunyad,Ga naar eind30 l'espace du gouvernement, mais elles représentaient aussi le pouvoir grâce à leurs dimensions, leurs décorations, l'élégance de leurs proportions ou bien parfois à la virtuosité de leurs structures. Sur chaque niveau du logis du Jean de Hunyad, les piliers centraux divisent l'intérieur en deux nefs couvertess par des séries de croisées d'ogives. Les arcs doubleaux et les arcs ogives se joignent aux piliers octogonaux par des naissances verticales soutenues des chapiteaux. Les nervures traversent des prismes octogonaux au-dessus des chapiteau. On trouve une solution similaire sur les consoles. À première vue, ces prismes semblent sans fonction. Nous pouvons expliquer néanmoins la conception de cet aménagement inconséquent par les intentions de l'architecte ou par les exigences prévues par rapport à l'espace, tout en avouant que, par défaut de sources historique, notre proposition reste hypothétique. Les proportions de la coupe des salles du logis sont verticalement étendues, qui est plus intensive sur l'étage grâce au longueur des fût des piliers. L'élégance de l'élancement est sans doute le dispositif de la représentation de pouvoir. Les prismes octogonaux audessus des chapiteaux ont probablement pour but de renforcer cette effet visuel, puisqu'ils agrandissent directement les mesures verticales des structures. On peut donc constater que le type de la naissance de voûte | ||||||||||||||
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sert la verticalité (fig. 9). La présence des chapiteaux et leur mise en valeur par des décorations plastiques héraldiques et végétales renforcent par contre la dimension horizontale de l'intérieur des salles. La différence des couleurs des fût de piliers et des chapiteaux renforce cet effet. Ces caractéristiques horizontales distinguent alors les deux zones structurelles des salles: les piliers qui soustiennent le couvrement, et le voûtement qui couvre l'espace. On peut considérer les chapiteaux comme les connections de ces deux zones principales. Ils ne jouent donc pas un rôle structurel dans la système technologique de la construction, on s'incline plutôt à supposer qu'ils servent plutôt des intentions idéologiques ainsi qu'ils présentent des surfaces pour la décoration. Leur présence remplit sans doute l'objectif ornemental (motifs des feuilles) et informatif (sur l'un des chapiteaux de la Salle des Chevaliers, une bandelette écrite signe les dates de la construction). On peut chercher la raison d'utilisation des chapiteaux aussi bien dans la continuation des traditions architecturales et des archétypes. Il faut quand même noter qu'on rencontre ici des variations fortement réductrices des chapiteaux saillants avec des abaques, qui s'identifient davantage à des frises.Ga naar eind31 Il est possible qu'on ait diminué exprès leur plasticité à des reliefs peu saillants. On peut formuler l'hypothèse que les proportions d'espace verticalement étendus et la présence des chapiteaux furent exigées par le donneur d'ordre Jean de Hunyad ce qui amena à une contradiction architecturale et à cette solution mélangeant des deux types de naissances. L'esprit décidé de Jean de Hunyad comme donneur d'ordre a été déjà remarqué par László Gerő: ‘Jean de Hunyad se montre dans la construction de son château à Hunedoara [...] comme un homme créateur, pour qui construire est l'un de ses principes de vie.’Ga naar eind32 Les plus beaux exemples des naissances des voûtes sont dans le corps de logis et les culots dans la chambre de la Tour Capistran et la chapelle suivent une solution similaire. La structure peut être considérée unique d'après les caractéristiques expliqués ci-haut, ils constituent en même temps les particularités de la période ‘Hunyadi II’, en plus des portails et de la cheminée. | ||||||||||||||
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fig. 9: Intérieur et coupe longitudinale de la Salle des Chevalier à Hunedoara avant la restauration des années 1960 (Département de l'Histoire d'Architecture et des Monuments, Collection des Plans et des Photos; Arányi, Château de Vajda-Hunyad. 1452. 1681. 1866, table VI.)
On trouve des naissances verticales semblables dans plusieurs espaces du Palais des Ducs de Bourgogne à Dijon. Les naissances des voûtes couvrants l'escalier à vis de la Tour Philippe le Bon - étant achevée en 1453Ga naar eind33 donc contemporaine à la résidence de Jean de Hunyad - sont presque identiques à ceux de Hunedoara. Bien que la fonction de ces deux édifices soit différente, les éléments structurelles des constructions peuvent correspondre les uns avec autres. La couverture de l'escalier est aussi une série des croisées d'ogives portées par un pilier central à fût octogonal tourbillonnant. Le caractère du chapiteau (frise en feuilles non saillant) et les consoles sont aussi visiblement similaires aux exemples hongrois. L'emploi de la naissance verticale n'est pas absente non plus dans d'autres espaces du palais. Dans les salles du logis de Philippe le Bon (vers 1451)Ga naar eind34 les nervures des voûtes descendent sur les surfaces cylindriques des fûts des colonnes centrales et des corbeaux. Pour ce qui en est des naissances des croisées d'ogive du rez-de-chaussée de la Tour de Bar bâtie par Philippe le Hardi en 1365, les nervures descendent verticalement sur une prisme polygonal.Ga naar eind35 Ce dernier cas, quant à la forme, est plus proche des exemples de Hunedoara; ceux-ci sont environ cent ans plus jeunes. On peut donc voir que la naissance verticale s'était ancrée dans la tradition depuis des siècles dans le cour bourguignonne. (fig. 10) | ||||||||||||||
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fig. 10: Naissances des voûtes du Palais des Ducs de Bourgogne: 1 Tour de Bar, rez-de-chaussée, 2-3 relevée et photo du voûtement de l'escalier à vis, Tour Philippe le Bon (photos de l'auteur, relevé de Krisztina Fehér et Dániel Laczó)
On peut ainsi réduire l'échelle des relations stylistiques françaises du château des Corvins - selon les analogies structurelles et formelles - à la région de l'ancien duché de Bourgogne. La similitude des détails et leur système de construction est si exacte qu'elle nous encourage à remettre en question des hypothèses selon lesquels le palais de Sigismond à Buda serait un maillon de transfert entre le langage des formes occidental du château de Hunedoara de Jean de Hunyad et la présence des maîtres étrangers.Ga naar eind36 Ernő Marosi a déjà formulé qu'‘au niveau stylistique, on ne peut pas considérer la construction du château à Hunedoara à l'époque de Hunyadi comme la descendance directe de l'art de Buda de l'époque de Sigismond, elle représentait davantage l'imitation d'un modèle général, la prise de contact artistique marquant le début du gothique tardif’.Ga naar eind37 On peut ainsi présumer que Jean de Hunyad avait lui-même des relations ou bien des expériences étrangères qui pouvaient assurer le niveau de sa nouvelle résidence. Cette hypothèse se voit confirmée par le fait que les relations bourguignonnes de Sigismond sont difficiles en raison de son conflit politique avec Jean sans Peur. Le désaccord entre le roi et le duc remonte à la bataille de Nicopolis: la défaite néfaste fut attribuée à l'erreur stratégique de Jean, fils et successeur de Philippe le Hardi.Ga naar eind38 En revanche la relation des membres de la génération suivante, Jean de Hunyad et Philippe le Bon s'avère positive.Ga naar eind39 Grâce aux campagnes militaires de Hunyad contre les invasions ottomanes menaçant l'Europe Chrétienne, s'agrandit considérablement l'honneur du ‘Cheva- | ||||||||||||||
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lier Blanc’Ga naar eind40 dans les chroniques de la cour royale de la France en même temps que dans celles du duc de Bourgogne. C'était justement le duc Philippe le Bon qui félicitait le plus son personnage tout en prêtant une attention particulière à son activité contre l'emprise ottomane. Philippe envoya même ses chroniqueurs (par exemple Bertrandon de la Broquière) en Outremer pour espionner et rendre compte des tendances des conditions politiques étrangères, puisqu'il voulait s'attribuer le rôle d'un roi européen combattant les forces menaçant les peuples chrétiens, justement pour réaliser ces propres ambitions politiques. Comme son père et grandpère il aspirait à transformer son duché en une grande puissance européenne, et pour réaliser son projet il ne cessait de combattre lui-même le roi de France pendant la guerre de Cent Ans et des autres conflits internes.Ga naar eind41 (C'était également la raison de l'annexe des domaines néerlandais et des territoires du sud.) En partie par propagande - à cause de la défaite de son père à Nicopolis - il s'intéressait fortement aux affaires de l'Europe Centrale, accompagné de l'ambition d'une grandiose croisade conduite par la Bourgogne.Ga naar eind42 Il la réalisa partiellement avec l'alliance à la coalition de Bas-Danube.Ga naar eind43 La figure de Jean de Hunyad jouait un rôle important dans les chroniques françaises, glorifiée par ses succès contre les Ottomanes, son activité était sûrement connue par le duc de Bourgogne, dont les préférences étaient suivies de près par les chroniqueurs bourguignons. Le gouverneur et le duc qui entretenaient des relations politiques étroites montrent les mêmes caractéristiques, non seulement au niveau des ambitions de pouvoir mais aussi dans le domaine de l'emploi de l'architecture en fonction de la représentation de pouvoir. Pour ce qui en est la similitude des portails et cheminées expliquées ci-dessus, ainsi que l'analogie des conceptions structurelles, notamment les naissances des voûtes, utilisées dans les bâtiments peuvent en servir d'exemple par les ressemblances formelles. L'arrière-plan pratique de ces relations architecturales reste encore une question ouverte puisque les chroniques bourguignonnes qui s'efforçaient d'accentuer les ressemblances entre Philippe le Bon et Jean de Hunyad, n'ont conservé aucune indice confirmant le mouvement des maîtres et artistes étrangers ou leur présence en Hongrie. | ||||||||||||||
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