Poésies lyriques
(1848)–Theodoor Weustenraad– Auteursrechtvrij
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Aux pauvres.
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Trop souvent obligé de feindre
Un bonheur qu'il n'a point connu,
Il est quelquefois plus à plaindre
Qu un mendiant infirme et nu.
Qu'importe que sa table étale
Tous les vins des plus doux climats,
Tous les mets qu'une main royale
Prodigue au jour des grands repas!
Que les salons d'or de ses pères
Où tous les passants sont admis,
Regorgent, dans ses jours prospères,
De flatteurs masqués en amis!
Qu'un essaim de folles maîtresses
Trop habiles dans l'art d'aimer,
Se dispute avec ses largesses
Le vain pouvoir de le charmer!
Tout l'or qu'il se plaît à répandre
Pour inventer de faux plaisirs.
Retombe tôt ou tard en cendre
Sur son coeur mort et sans désirs.
N'en croyez donc pas ceux qui disent
Que le riche seul est heureux;
Un jour la haine qu'ils attisent,
Peut vous dévorer avec eux.
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Si vous saviez dans vos chaumières
Combien de tourments et de maux
Habitent sous les tours altières
Des palais même et des châteaux;
Si le hasard d'une nuit sombre
Vous menait jusqu'aux murs dorés,
Qui souvent cachent dans leur ombre
Tant d'amers chagrins ignorés;
Si la haute et splendide grille,
En s'ouvrant, livrait à vos pas
L'obscur foyer de la famille,
Triste encor de récents débats;
Si vous pouviez compter les larmes
Tombant sur l'or et le velours,
Sur la pourpre brodée aux armes
Des hommes puissants de nos jours;
Si l'écho gémissant des salles
Vous redisait chaque soupir
Que le marbre glacé des dalles
N'entendit pas sans tressaillir;
Ah! vous refuseriez peut-être
D'échanger votre pauvreté
Contre tous les trésors d'un maître
Trop vain de sa prospérité;
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Vous trouveriez votre chaumière
Plus belle que ses beaux palais,
Et votre oreiller de fougère
Plus doux que ses plus doux chevets;
Et vous détourneriez la face,
Pour vous écrier triomphants:
Mon Dieu! ramenez-nous de grâce
Sous l'humble toit de nos enfants.
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