Poésies lyriques
(1848)–Theodoor Weustenraad– Auteursrechtvrij
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Aux barbares de la civilisation.
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De l'occident plein d'ombre à l'orient splendide,
Par des plaines de glace ou par des champs de feu,
Sur la frégate anglaise ou le coursier numide,
En avant, en avant, sous la garde de Dieu!
Peuples, Rois, en avant, le front haut, l'oeil limpide!
Il est mort, le Passé, dans un sanglant adieu,
Et sa lance inutile et sa crosse invalide
Roulèrent sous son char dont se brisa Pessieu!’
Mais où donc allons-nous? Quelle est donc la conquête
Que ta voix, ô tribun, que ta lyre, ô poëte,
Promettent à notre avenir?
Dites! que voulez-vous? Où sont les plans sublimes
Des rayonnantes Tyrs, des superbes Solymes
Que vous prétendez rebâtir?
Au milieu des éclairs d'une nuit de tempête,
Avez-vous de l'Horeb osé gravir la crête?
Avez-vous entrevu près du buisson ardent
L'ombre de Jéhovah ou l'ombre de Moïse?
Savez-vous le chemin de la terre promise?
Passeriez-vous à pied les mers de l'Orient?
Non! vous ne savez rien. Au milieu de nos luttes,
Tous vous avez perdu le souvenir du ciel,
Et, courbés sous le mal, vous vous êtes faits brutes
Pour pouvoir sans remords oublier l'Eternel.
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Ne me parlez donc plus un langage hypocrite,
N'invoquez plus de Dieu, car vous n'y croyez pas,
Car Dieu s'est retiré d'une race maudite
Destinée à périr en d'aveugles ébats.
Vous savez, il est vrai, démolir de vieux trônes,
Abattre d'un seul coup trente tyrans ligués,
Au fourneau d'un congrès refondre leurs couronnes
Pour en faire un carcan aux peuples subjugués;
Puis exhumer les os des races disparues,
Y répandre des pleurs, de lamentables chants,
Et maudire ou bénir les royautés perdues
Selon le cours des fonds et la mode du temps.
Habiles à flétrir la plus candide chose,
Vous savez, avec art, mêler l'absinthe au miel,
Ravir au fruit son suc, son parfum à la rose,
Troubler le lac limpide où se mire le ciel,
Éteindre d'un seul souffle une ardente auréole,
Écraser dans son oeuf l'aigle à peine formé,
Effeuiller un espoir, délustrer un symbole,
Et jeter un linceul sur tout objet aimé.
Puis, reprenant en grand vos oeuvres délétères,
Ouvrant un lit plus vaste à votre ardent courroux,
Vous armez, pour un mot, les fils contre les pères,
Vous arrachez l'épouse aux bras de son époux,
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Pour guérir tant de maux, expier tant de crimes,
Pour arrêter le cours de regrets légitimes,
Effacer le stygmate empreint sur votre nom,
Il faut, nouveaux Colomb, que d'une autre Amérique
Vous dotiez le berceau de votre république;
A ce prix seulement vous obtiendrez pardon.
Trouvez-moi donc d'abord un but saint et sublime,
Découvrez-moi du mont la merveilleuse cime
Où devra s'arrêter l'arche de l'avenir;
Faites venir le char, montrez-moi les cavales
Qui nous transporteront aux sources virginales
Où les peuples vieillis iront se rajeunir;
Et si, dans l'embryon de votre oeuvre féconde.
Point le germe vital d'un plus céleste monde
Que ce monde en débris,
Alors, n'en doutez point, alors ma voix d'apôtre
Retentira, tribuns, aussi haut que la vôtre,
Et redira ces cris:
‘En avant, en avant, sans relâche, sans trêve!
Dans son lit foudroyé que la mer se soulève,
Qu'il s'ouvre un noir volcan sous un ciel toujours bleu,
Que la terre engloutisse un empire en détresse,
Des profondeurs du ciel qu'un soleil disparaisse,
En avant, en avant, sous la garde de Dieu!
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De l'occident plein d'ombre à l'orient splendide,
Par des plaines de glace ou par des champs de feu,
Sur la frégate anglaise ou le coursier numide,
En avant, en avant, sous la garde de Dieu!
Peuples, Rois, en avant, le front haut, l'oeil limpide!
Il est mort, le Passé, dans un sanglant adieu,
Et sa lance inutile et sa crosse invalide
Roulèrent sous son char dont se brisa l'essieu!’
Oui, vous avez raison de franchir la barrière,
De ne plus reporter vos regards en arrière,
De repousser du pied un siècle corrompu;
Trop de honte a terni la splendeur de ses fastes,
Trop de jours ont pris rang parmi les jours néfastes
Chez les peuples trompés où vous avez paru.
De tout ce qui fut grand il ne reste que l'ombre;
Regardez à travers ce nuage si sombre
Que la destruction soulève autour de vous:
Partout est le néant, partout s'ouvre un abîme,
Partout gît, mutilé, le tronc d'une victime
Qui tomba sous vos coups.
Vous avez à la Foi coupé ses vastes ailes,
Restitué le glaive aux archanges maudits,
Des temples profanés expulsé les fidèles,
A l'âme du Chrétien fermé le paradis,
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Étouffé l'Esprit pur sous la Matière immonde,
D'un abject Égoïsme exaucé tous les voeux,
Placé l'Impiété sur le trône du monde,
Et mis le Désespoir au premier rang des Dieux.
Le Forum, grâce à vous, n'est qu'une impure arène,
Noir dépôt du torrent des révolutions,
Où vingt chefs opposés, égarés par la haine,
Se livrent, chaque jour, des combats furibonds,
Pour asseoir leur puissance et fonder leur empire
Sur les restes fumants de quelques libertés,
Qu'un peuple fatigué leur livre en son délire
En échange de pain et des jeux des cités.
L'Art lui-même est déchu de sa sainte nature.
Noir fantôme des nuits, à l'oeil sombre et hagard,
Un lambeau de linceul compose sa parure,
Et le sang, sur sa joue, a remplacé le fard,
Et de son gosier sourd, rongé par des ulcères,
Ne s'échappent au loin que d'horribles serments,
Toujours entrecoupés de baisers adultères,
Ou de funèbres hurlements.
Le Théâtre surtout, qui, dans les temps antiques,
D'un échafaud sublime empruntant la terreur,
Montrait à tous le vice, au nom des moeurs publiques,
Flagellé par le bras d'un poëte vengeur,
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N'offre plus de nos jours que le hideux spectacle
Du triompbe impuni de viles passions,
Qui, dans leur choc aveugle, écrasent sans obstacle
La morale expirante au coeur des nations.
Et quand, à flots boueux, de cet égout infâme,
Débordent, chaque soir, sur un peuple interdit,
Les monstruosités de quelqu'ignoble drame
Où le meurtre et l'inceste, au fond d'un même lit
S'accouplent sous nos yeux, nul père de famille
Dont un pareil cynisme épouvante le coeur,
Qui voit rougir de honte et sa femme et sa fille,
Ne déserte sa loge avec un cri d'horreur!
Si du moins pour combattre et repousser le vice
Vous nous eussiez laissé quelqu'arme protectrice!..
Mais vous avez brisé notre plus ferme appui.
De la religion de nos jeunes années,
Vous avez dépouillé nos âmes profanées,
Et nous voilà nus aujourd'hui.
Nous voilà tous flétris, tous jetés en pâture
Aux fléaux dévorants d'une aveugle nature
Où le droit du plus fort règne victorieux,
Et n'ayant plus à nous, pour reposer nos têtes,
Pour jeter les débris échappés aux tempêtes,
Que le fossé du champ creusé par nos aïeux.
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Pour guérir tant de maux, expier tant de crimes,
Pour arrêter le cours de regrets légitimes,
Effacer le stygmate empreint sur votre nom,
Il faut, nouveaux Colomb, que d'une autre Amérique
Vous dotiez le berceau de votre république;
A ce prix seulement vous obtiendrez pardon.
Trouvez-moi donc d'abord un but saint et sublime,
Découvrez-moi du mont la merveilleuse cime
Où devra s'arrêter l'arche de l'avenir;
Faites venir le char, montrez-moi les cavales
Qui nous transporteront aux sources virginales
Où les peuples vieillis iront se rajeunir;
Et si, dans l'embryon de votre oeuvre féconde,
Point le germe vital d'un plus céleste monde
Que ce monde en débris,
Alors, n'en doutez point, alors ma voix d'apôtre
Retentira, tribuns, aussi haut que la vôtre,
Et redira ces cris:
‘En avant, en avant, sans relâche, sans trêve!
Dans son lit foudroyé que la mer se soulève,
Qu'il s'ouvre un noir volcan sous un ciel toujours bleu,
Que la terre engloutisse un empire en détresse,
Des profondeurs du ciel qu'un soleil disparaisse,
En avant, en avant, sous la garde de Dieu!
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De l'occident plein d'ombre à l'orient splendide,
Par des plaines de glace ou par des champs de feu,
Sur la frégate anglaise ou le coursier numide,
En avant, en avant, sous la garde de Dieu!
Peuples, Rois, en avant, le front haut, l'oeil limpide!
Il est mort, le Passé, dans un sanglant adieu,
Et sa lance inutile et sa crosse invalide
Roulèrent sous son char dont se brisa l'essieu.’
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