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L'hérésiarque
Et là, ce moine noir, que vêt un froc de deuil,
Construit, dans sa pensée, un monument d'orgueil.
Il le bâtit, tout seul, de ses mains taciturnes,
Durant la veille ardente et les fièvres nocturnes.
Il le dresse, d'un jet, sur les Crédos béants,
Comme un phare de pierre au bord des océans,
Il y scelle sa fougue et son ardeur mystique,
Et sa fausse science et son doute ascétique,
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Il y jette sa force et sa raison de fer,
Et le feu de son âme et le cri de sa chair,
Et l'oeuvre est là, debout, comme une tour vivante,
Dardant toujours plus haut sa tranquille épouvante,
Empruntant sa grandeur à son isolement,
Sous le défi serein et clair du firmament,
Cependant qu'au sommet des rigides spirales
Luisent sinistrement, comme des joyaux pâles,
Comme de froids regards, toisant Dieu dans les cieux,
Les blasphèmes du grand moine silencieux.
Aussi vit-il, tel qu'un suspect parmi ses frères,
Tombeau désert, vidé de vases cinéraires,
Damné d'ombre et de soir, que Satan ronge et mord,
Lépreux moral, chauffant contre sa peau la mort,
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Le coeur tortionné, durant des nuits entières,
La bouche morte aux chants sacrés, morte aux prières,
Le cerveau fatigué d'énormes tensions,
Les yeux brûlés au feu rouge des visions,
Le courage hésitant, malgré les clairvoyances,
A rompre effrayamment le plain-chant des croyances,
Qui par le monde entier s'en vont prenant l'essor
Et dont Rome, là-bas, est le colombier d'or,
Jusqu'au jour où, poussé par sa haine trop forte,
Il se possède enfin et clame sa foi morte
Et se carre massif, sous l'azur déployé,
Avec son large front vermeil de foudroyé.
Alors il sera grand de la grandeur humaine,
Son orgueil flamboiera sous la foudre romaine,
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Son nom sera crié dans la rage et l'amour,
Son ombre, projetée, obscurcira le jour,
Les prêches, les écrits, les diètes, les écoles,
Les sectes germeront autour de ses paroles,
Le monde entier, promis par les papes aux rois,
Sur le vieux sol chrétien verra trembler la croix,
Les disputes, les cris, les querelles, les haines,
Les passions et les fureurs, rompant leurs chaînes,
Ainsi qu'un troupeau roux de grands fauves lâchés,
Broieront, entre leurs dents, les dogmes desséchés,
Un vent venu des loins antiques de la terre
Éteindra les flambeaux autour du sanctuaire,
Et la nuit l'emplira morne, comme un cercueil,
Depuis l'autel désert jusqu'aux marches du seuil,
Tandis qu'à l'horizon luiront des incendies,
Des glaives furieux et des crosses brandies.
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