Les ailes rouges de la guerre
(1916)–Emile Verhaeren– Auteursrecht onbekend
[pagina 75]
| |
[pagina 77]
| |
La patrie aux soldats mortsVous ne reverrez plus les monts, les bois, la terre,
Beaux yeux de mes soldats qui n'aviez que vingt ans
Et qui êtes tombés, en ce dernier printemps,
Où plus que jamais douce apparut la lumière.
On n'osait plus songer au réveil des champs d'or
Que l'aube revêtait de sa gloire irisée;
La guerre occupait tout de sa sombre pensée
Quand au fond des hameaux on apprit votre mort.
| |
[pagina 78]
| |
Depuis votre départ, à l'angle de la glace,
Votre image attirait et les coeurs et les yeux,
Et nul ne s'asseyait sur l'escabeau boiteux
Où tous les soirs, près du foyer, vous preniez place.
Hélas! où sont vos corps jeunes, puissants et fous,
Où, vos bras et vos mains et les gestes superbes
Qu'avec la grande faux vous faisiez dans les herbes?
Hélas! la nuit immense est descendue en vous.
Vos mères ont pleuré dans leur chaumière close;
Vos amantes ont dit leur peine aux gens des bourgs;
On a parlé de vous tristement, tous les jours,
Et puis un soir d'automne on parla d'autre chose.
Mais je ne veux pas, Moi, qu'on voile vos noms clairs,
Vous qui dormez là-bas dans un sol de bataille
Où s'enfoncent encor les blocs de la mitraille
Quand de nouveaux combats opposent leurs éclairs.
| |
[pagina 79]
| |
Je recueille en mon coeur votre gloire meurtrie,
Je renverse sur vous les feux de mes flambeaux
Et je monte la garde autour de vos tombeaux,
Moi qui suis l'avenir, parce que la Patrie.
|
|