Les ailes rouges de la guerre
(1916)–Emile Verhaeren– Auteursrecht onbekend
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Ma chambreMa chambre est close au vent du Nord,
Elle est close et solitaire,
Depuis la guerre;
Pourtant
Voici le vent
Qui vient et passe et qui s'arrête et passe encor
Avec le défilé des mourants et des morts
A travers les combats qui font trembler la terre.
Oh, la lutte innombrable et le destin géant!
Là-bas au loin, sur l'Océan
Face à face, les vaisseaux sautent:
Les Zeppelins armés traversent la mer haute;
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Kirkholm, Kreusberg, Mitau, Dwinsk, Jacobstat, Vilna,
Cités que la bataille énorme illumina
Et qui toutes, m'étiez, hier encor, inconnues!
O guerre dans le sol! O guerre dans les nues!
La fureur s'y condense et l'horreur s'y accroît
Et des plaines aux monts, et des fleuves aux bois
Tout est sombre et terrible et sanglant à la fois.
Depuis la guerre
Ma chambre est close et solitaire.
Dites, où sont-ils donc mes amis de naguère?
Voici le coin où l'autre mois,
Pensifs et clairs, nous parlâmes à lente voix
De nos belles idées
Une à une par la science élucidées;
Voici le coin de table où s'appuyait la main
De celui qui, sans jactance ni hyperbole,
Prêchait avec son âpre et vaillante parole
L'espoir humain;
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Voici le siège où s'asseyait
Celui qui tous les soirs venait à mon chevet
Me consoler, lorsque ma tête
Et mon sang et mes nerfs n'étaient qu'affre et tempête.
Hélas! hélas! où sont-ils donc?
En quel délaissement et en quel abandon
Sont-ils flottants au gré de l'immense misère?
Hélas! hélas! où sont-ils donc,
Mes amis de naguère?
Car moi, ce soir, je n'ai pour compagnon
Que mon foyer a qui je parle et dont la flamme,
Prompte à vivre ou à mourir,
Seule répond
Au sombre ou lumineux désir
Qui tour à tour s'allume ou s'éteint en mon âme.
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